Grenelle de l'Education [Compte-rendu d'atelier] Formation séance 1 - Coopération

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte-rendu de l'atelier formation séance 1, coopération, du lundi 9 novembre 2020.

Incubateur du Grenelle - Atelier Formation, séance 1 - 9 novembre 2020

Présentation du Grenelle et de l’atelier

Franck Brillet, inspecteur général de l’Education et secrétaire général de l’atelier, souligne que lorsqu’il a été sollicité, avec Boris Cyrulnik, pour animer cet atelier, il ignorait que les récents événements mettraient autant en avant le rôle de l’école. Les attentes vis-à-vis de l’école sont nombreuses, mais au-delà des programmes, l’école tire sa force de l’engagement des personnels qu’il convient de recruter, fidéliser et former.

Cette première rencontre vise à se connaître les uns les autres, avoir une idée précise de ce qui se fait en matière de formation initiale et continue, avoir une connaissance des principaux systèmes de formation européens et dans un dernier temps, identifier les principaux axes et thèmes sur lesquels l’atelier travaillera lors de ses prochaines séances.

Le Grenelle de l’éducation s’inscrit dans un contexte inédit, de par les tristes événements, mais aussi du fait de l’important chantier de revalorisation des professeurs initié lors des débats sur la réforme des retraites, de la prise de conscience lors du confinement de la place de l’école et de la volonté d’accompagner et protéger les personnels dans l’exercice de leur mission.

Ce Grenelle repose sur trois niveaux de concertation :

  • un dialogue social avec les syndicats
  • des échanges avec les experts à travers les Étals généraux du numérique de Poitiers et le colloque international sur Le Professeur du XXIe siècle, organisé le 1er décembre au Collège de France
  • une concertation avec la société et le monde éducatif, via le Grenelle de l’éducation

Ce Grenelle est structuré en trois axes : la reconnaissance, la coopération et l’ouverture, eux-mêmes articulés en trois thématiques. Chacun des dix ateliers regroupe entre 15 et 20 personnes, avec un président issu de la société civile et un secrétaire général issu de l’inspection générale. La composition a respecté un principe d’une participation plurielle : les organisations syndicales, le collège des professeurs, l’encadrement, les familles et les élèves, le monde associatif et économique, voire des élus et collectivités.

Après un tour de table des différents participants, Franck Brillet rappelle que ces ateliers ont pour objectif de proposer, via un processus élargi de concertation, des actions visant à améliorer la qualité du service public de l’Education. Les ateliers doivent déboucher sur des propositions extrêmement concrètes.
En termes de calendrier, le Grenelle de l’Education a été lancé le 15 octobre par le ministre. Les ateliers démarrent et se clôtureront le 18 décembre pour une remise des propositions en janvier. Sur cette base, le ministre tiendra une conférence de clôture en février.

S’agissant de l’organisation, l’atelier se tiendra en distanciel, avec un espace de partage des documents. Chaque séance sera organisée de la même façon : des matinales ouvertes au public et des après-midis réservés aux membres uniquement. Quatre réunions (9 novembre, 16 novembre, 23 novembre et 7 décembre) et une visite en académie (30 novembre) – en l’occurrence dans l’Académie de Caen – étaient programmées. Compte tenu du contexte, cette visite sera très certainement organisée en distanciel.

La séance d’aujourd’hui vise à proposer des experts pour les matinales. Quelques experts ont déjà donné leur accord, mais les membres sont également invités à proposer d’autres intervenants pour nourrir les débats, à raison de trois à quatre personnes par réunion. Cette séance a également pour but de déterminer les thèmes de travail des quatre réunions de l’après-midi.

Introduction du président : Le plaisir de faire l’effort d’apprendre

Le Président de l’atelier, Boris Cyrulnik observe que par le passé, l’école posait le problème du plaisir et de l’effort. A l’époque, l’idée était répandue que le plaisir encourage à la paresse. Il fallait donc "cravacher" l’enfant pour qu’il comprenne. Ces méthodes pédagogiques ne sont plus acceptées aujourd’hui. Le plaisir et l’effort peuvent être associés. Plaisir et déplaisir parcourent d’ailleurs différentes zones cérébrales, mais les deux circuits sont liés.

Il apparaît que les cultures qui ont privilégié les plaisirs faciles (sieste, laisser-aller, etc.) connaissent un pic de suicides alors que dans celles qui ont plébiscité l’effort, les individus se sentent souvent beaucoup mieux.
Les pays d’Europe du Nord ont déjà engagé une réforme en ce sens. L’entrée en maternelle a été retardée et les enfants affichent d’excellents résultats à l’enquête PISA. Depuis que l’apprentissage a ralenti, l’illettrisme a presque disparu, la psychopathie a beaucoup régressé et les suicides d’adolescents ont diminué de 40 %. La lenteur des pays du Nord apprend aux enfants le plaisir d’apprendre.

Au Japon, au contraire, les enfants sont sur-stimulés avec une école publique la journée et une école privée le soir. Quelques-uns tiennent le coup et affichent des performances scolaires stupéfiantes, mais la plupart craquent. Des enfants décrochent, s’isolent et se coupent totalement de toute relation amicale, sexuelle, etc., et ce phénomène tend à apparaître au Canada, aux États-Unis et même en France.

Les parents ont une importance plus grande qu’on l’imagine dans les résultats scolaires, de par la communication de leurs émotions. Lorsque les parents sont stressés ou malheureux, ils transmettent ce stress à l’enfant, provoquant un effet inhibiteur. Les familles participent par les processus de bien-être. Une famille décontractée, parce que sécurisée, devient sécurisante pour les enfants et cette décontraction donne aux enfants le plaisir d’apprendre. Le sentiment de sécurité et de confiance de la famille sécurise l’enfant et lui donne le plaisir de faire l’effort d’apprendre. Il faut donc coopérer avec les familles et expliquer cette nouvelle relation.

Dans les années 50, les instituteurs étaient vénérés. Leur parole était d’or et cette estime leur donnait un grand pouvoir sur les enfants. Or depuis quelques années, les professeurs des écoles sont agressés, critiqués et plus du tout vénérés. Il y a donc une nouvelle école à inventer.

Après-guerre, il suffisait d’apprendre à lire et compter. Après le certificat d’études, les jeunes partaient travailler. Aujourd’hui, les jeunes entrent dans l’aventure sociale entre 24 et 27 ans. Un ralentissement des premières années d’apprentissage n’aurait donc pas d’importance majeure, puisqu’une fille sur deux qui arrive au monde aujourd’hui sera centenaire.

Aujourd’hui, l’école fait la nouvelle hiérarchie sociale et entretient la répétition des classes. L’ancienne école a organisé un clivage entre un top d’enfants éblouissants et une base de plus en plus larguée, en proie à des gourous, et l’on voit réapparaître la haine des élites. C’est dans les familles que s’acquièrent les facteurs de protection ou de vulnérabilité. Or il apparaît que les enfants des quartiers imprégnés de culture entrent à l’école à trois ans avec un stock de 1 000 mots quand les enfants des quartiers moins favorisés n’y entrent qu’avec un stock de 300 mots.

L’apprentissage est lié aux émotions. Or les émotions se contrôlent par la relation individuelle, l’ambiance dans les classes et la communication avec les familles.

Pour réformer l’école, les pays du Nord formulent les propositions suivantes :

  • sécuriser les enseignants ;
  • responsabiliser les enfants ;
  • inviter les parents ;
  • énoncer les règlements ;
  • afficher les projets ;
  • commenter les attitudes morales ;
  • éviter les étiquettes.

L’enseignant doit apprendre à se présenter en tant que base de sécurité. Pour cela, il doit être lui-même sécurisé. Le sport a également un impact beaucoup plus important qu’on le croit. L’effort physique est en effet un excellent stimulant cérébral, comme la musique ou l’activité artistique. La musique permet aussi de sociabiliser les enfants, de créer un sentiment d’appartenance à un groupe, ce qui est très stimulant pour les résultats scolaires. Dans le cadre du conflit qui s’installe sur la laïcité, donner la parole à toutes les religions permet aussi d’en faire une activité culturelle.

Enfin, la lenteur est un facteur d’apprentissage dans une culture où les femmes et les hommes ont une espérance de vie de plus en plus longue. Elle représente un facteur de protection, un renforçateur de l’estime de soi. Sécuriser les enseignants permet de les transformer en base de sécurité.

Franck Brillet souhaite savoir si le plaisir d’apprendre est lié au métier.

Boris CYRULNIK répond que le plaisir de faire l’effort d’apprendre vient du sentiment de familiarité, d’appartenance et de sens. La solitude démotive. Il faut des rencontres, des éclats de rire, des disputes. Comme le souligne Francis Eustache, il n’existe pas d’apprentissage sans émotion. Le sens est tout aussi important. Le sens que l’on donne aux faits modifie la façon dont on ressent ces derniers. Si une souffrance a un sens, l’individu a tendance à l’accepter.

Interrogé sur la formation initiale et continue actuelle des enseignants, Boris CYRULNIK rappelle que la formation dure toute une vie. Génétiquement, l’homme peut espérer vivre 120 ans et va continuer d’apprendre toute sa vie. Certes, les personnes âgées ont une mémoire moins vive que les plus jeunes, mais leurs résultats sont tout aussi brillants.

La principale critique à l’égard du système réside dans la fragmentation du savoir. Cette fragmentation permet certes d’obtenir de meilleurs résultats scolaires, mais elle empêche la compréhension. Par cette fragmentation, on altère encore les enfants qui n’ont pas confiance en eux.

Les récits culturels doivent mettre en lumière les « Monsieur Germain », car cela permet d’avoir une vision plus globale. L’enseignant sécurisé par sa formation, son groupe, ses conditions de travail deviendra sécurisant pour l’enfant. Dès lors, il est possible de responsabiliser l’enfant, comme le font les pays du Nord. Contrairement au slogan célèbre de mai 68, l’interdit est une structure qui socialise.

Un représentant du collège des syndicats se demande si la sécurisation de l’enseignant, vue comme un facteur de progrès de l’élève, passe aussi par un niveau de connaissance plus important de l’enseignant.
Boris CYRULNIK remarque que les enfants ne s’attachent pas forcément à celui ou celle qui a les plus hauts diplômés, mais à celui ou celle qui sait établir une relation sécurisante. Dans l’ensemble, les enseignants ont un bon niveau universitaire, mais ils ne se sont pas entraînés à l’aptitude relationnelle, ne savent pas parler aux enfants.

Sur le terrain, certains professeurs galvanisent les enfants. Une expérimentation de terrain a montré qu’un professeur de philosophie changeait de posture pour trouver une autre porte d’entrée dans le monde de l’enfant, suscitant des vocations pour la philosophie parmi ses élèves, alors que le professeur de mathématiques reprenait la même explication lorsque l’enfant disait qu’il n’avait pas compris, alimentant la peur pour cette matière.

Une représentante de l’opérateur observe que la fragmentation des savoirs est néfaste pour les plus fragiles. Pourtant, les enseignants sont recrutés sur une excellence universitaire. Elle s’interroge sur cette contradiction. Toutes les tentatives d’élargissement des formations autour de la relation se heurtent au fait que les recrutements s’appuient uniquement sur l’excellence. In fine, le système scolaire n’aurait-il pas bien fait sa mue entre instruction et éducation ?

La connaissance de terrain n’est pas forcément la connaissance de laboratoire. Les pays d’Europe du Nord ont bâti des programmes beaucoup plus transversaux. En France, certains professeurs des écoles ont un master 2, mais n’ont jamais tenu un enfant dans leurs bras. Une réforme apparaît donc nécessaire. Les cités éducatives, par exemple, proposent des méthodes éducatives beaucoup moins fragmentées.
Une représentante du collège des professeurs observe que les enseignants des lycées professionnels sont amenés à enseigner plusieurs disciplines. Il en ressort un plus fort attachement des élèves et donc plus de réussite.

Une représentante du collège monde associatif et économique signale qu’elle avait quitté l’enseignement après avoir constaté qu’elle préparait les élèves à un monde qu’elle ne connaissait pas. Trente ans plus tard, elle a été touchée par le malaise des professeurs. Intervenant dans des lycées professionnels, elle a constaté que les jeunes, contrairement à ce que véhiculent les médias, ne demandent qu’une chose : être aidés et cette attente est encore plus forte aujourd’hui que voilà trente ans.

Boris CYRULNIK partage ce constat et remarque qu’il en est de même pour la médecine. Ses études ont constitué l’un des plus beaux moments de sa vie, même s’il était épuisé par les gardes incessantes, car les étudiants étaient unis et solidaires. Dans la période récente, il a été saisi par l’amertume, l’acrimonie des relations quotidiennes. Pour lui, ce changement est dû à la fragmentation, la compétition.

Un enfant peut être nul à un moment de son développement, parce qu’il a été malade, parce que ses parents sont en conflit et dès l’instant où il est sécurisé par une rencontre, un tuteur de résilience, il peut rattraper son retard en quelques mois. C’est avant tout la sécurisation qui donne le plaisir de faire un effort.
Un représentant du collège encadrement demande si ce qui donne le plaisir de l’effort chez les adultes repose sur les mêmes ressorts que chez les enfants.

Boris CYRULNIK indique qu’au Canada ou en Suède, on observe que le ralentissement de l’apprentissage renforce les résultats. Il faut respecter des rythmes d’apprentissage, comme pour les entraînements sportifs.
Un représentant du collège des familles évoque la réaction d’une mère à l’issue d’une réunion avec les professeurs. Un seul professeur avait vu que son fils, ancien bon élève qui avait de mauvais résultats scolaires, souffrait d’une dépression. Par sa formation au scoutisme, ce professeur avait compris qu’il fallait regarder l’enfant dans sa globalité. Il s’interroge sur la possibilité de créer une culture commune entre les enseignants et les éducateurs. Lorsqu’ils arrivent en France, les élèves étrangers éprouvent aussi de grandes difficultés avec le lycée, où le système est très contrôlé.

Une représentante du collège syndical estime que la sécurisation vient aussi du fait que l’on accepte le droit à l’erreur. Un enfant a le droit de se tromper. Empêcher le droit à l’erreur, c’est empêcher aussi la progression.

Présentation des politiques d’apprentissage en formation initiale et continue

Intervention de la Direction générale des ressources humaines et de la Direction générale de l’enseignement scolaire

La stratégie nationale de formation refondée repose sur trois piliers :

  • la loi pour l’école de la confiance en juillet 2019 avec la création des INSPE pour rendre la formation plus homogène sur l’ensemble du territoire, en s’appuyant sur la recherche et les universités ;
  • la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 avec l’idée d’une gestion des ressources humaines qui favorise des parcours professionnels diversifiés et accompagnés ;
  • le schéma directeur de la formation continue des personnels du ministère de l’Education nationale, porté à la connaissance de l’ensemble des acteurs à travers un texte de cadrage en septembre 2019, en vue de transposer les grands enjeux de la fonction publique et d’un schéma de formation pour l’ensemble des personnels.

Ce cadre vise à créer un continuum de formation tout au long de la vie avec trois moments clés :

  • la formation initiale du baccalauréat aux concours pour tous les personnels, un cursus en INSPE et une professionnalisée en période de stage tutorée pour certains ;
  • la formation continuée correspondant aux trois premières années après la titularisation ;
  • la formation continue, à l’initiative de l’agent dans une large mesure, dont une partie peut dépendre du compte personnel de formation.

Le nouveau schéma directeur repose sur un certain nombre de principes structurants. Il s’agit d’abord de former tous les personnels. Jusqu’à présent, la formation était ciblée sur les enseignants. Or ce schéma directeur a vocation à embarquer l’ensemble des personnels qui participent à la formation des élèves. Il s’agit aussi de constituer un continuum de formation à la fois dans le temps et l’espace, en allant au plus près des personnels, quels qu’ils soient pour leur proposer de la formation au plus près des environnements de travail. Le constat a également été fait qu’il fallait diversifier les apports des formateurs et renouveler les formations en fonction des besoins exprimés par les personnels.

Il importe par ailleurs de renforcer l’évaluation des formations pour les améliorer, de valoriser les compétences des formateurs comme des bénéficiaires de la formation, y compris l’accompagnement du parcours depuis l’entrée en formation jusqu’à la fin de carrière. Le schéma directeur-enfant doit également assurer la progressivité des parcours. Enfin, les modalités de formation doivent articuler de plus en plus présentiel et distanciel. Aujourd’hui, aucun parcours n’est conçu exclusivement en distanciel. C’est l’hybridation qui fait la richesse des parcours.

Ce schéma directeur vise à proposer de la formation qui réponde davantage aux besoins de tous les personnels, en passant d’une logique d’offre de formation à une logique axée sur la réponse aux besoins. Pour ce faire, il importe d’identifier et recueillir ces besoins, les cartographier et rendre accessible l’offre de formation.
Enfin, il faut diversifier le vivier des formateurs pour répondre à la diversité des demandes de formation.

La diversification des modalités de la formation constitue un sujet de préoccupation. Les états généraux du numérique, qui se sont tenus la semaine précédente, ont permis de réinterroger les modalités de la formation et de constater qu’il n’est pas de bonne formation sans qui ne repose sur plusieurs modalités.

La valorisation de la formation dans les parcours professionnels vise à reconnaître les compétences acquises tant dans des formations ponctuelles que des parcours. Il s’agit aussi d’assurer la visibilité de ces compétences acquises.
Dans cette démarche, le ministère a essayé d’embarquer les acteurs à trois niveaux : national, académique et local. Au niveau national, les directions générales, l’opérateur du réseau de formation et l’opérateur Canopé ont été mobilisés pour construire une offre de formation plus proche des besoins. Au niveau académique, les politiques de formation sont pilotées par les recteurs avec leurs services, les corps d’inspection. Les INSPE jouent également un rôle important à ce niveau, tout comme les directions territoriales du réseau Canopé. Ces acteurs participent tous à un document unique qui concerne la formation continuée et continue, le plan académique de formation. Au niveau local, enfin, différents acteurs ont un rôle de coordination et de construction d’une offre au plus près des besoins des personnels : les chefs d’établissement, les corps d’inspection, les conseillers pédagogiques et formations, les ateliers du réseau Canopé.

Les INSPE ont été créés par la loi de juillet 2019 en vue de développer une formation initiale plus homogène sur l’ensemble du territoire et de renforcer l’apprentissage, avec un déplacement du concours à la fin du master plutôt qu’à l’issue de la première année. Dans le cadre de cette réforme, le tiers de la formation est désormais réalisé par des professeurs du premier et du second degré exerçant en parallèle.

La réforme visait aussi à permettre une internationalisation des parcours et des formations. Cette internationalisation se matérialise par des stages à l’étranger pour un plus grand nombre d’enseignants. Elle est permise par la limitation à six ans de la durée d’exercice à l’étranger et par la création d’un certificat d’aptitude à l’enseignement français à l’étranger pour valoriser des compétences déjà acquises lors de mobilités antérieures ou en cours.

Autre grand axe du nouveau schéma directeur, des formations de culture commune sont ouvertes à tous les personnels tant dans le plan national que dans les plans académiques. Ces formations couvrent plusieurs thématiques : les valeurs de la République, l’école inclusive, les compétences numériques, le climat scolaire, etc.

Ce schéma directeur doit permettre aux personnels de se situer dans leur environnement professionnel, d’améliorer leur pratique et de continuer de s’interroger sur celle-ci et afin d’être accompagnés dans les transitions professionnelles via les dispositifs de formation à l’initiative des personnels, incarnés notamment par le compte personnel de formation.

La formation initiale et continue des enseignants – Éléments de comparaison internationale

Intervention de la Délégation européenne et internationale à la coopération

En Europe, la plupart des pays ont adopté le modèle simultané pour la formation initiale.

En Allemagne, la formation se divise en deux étapes : un cycle d’enseignement supérieur, puis une formation pédagogique en deux ans, dans les instituts de formation des enseignants. A l’issue, les enseignants doivent passer un examen professionnel. En Espagne, les enseignants doivent passer un examen d’entrée à l’université pour une formation de 4 ans (primaire et élémentaire) ou 5 ans (supérieur). Ceux qui se destinent à l’enseignement dans le secteur public doivent réussir un concours de spécialité de matière. Les lauréats doivent ensuite effectuer une année probatoire. En Finlande, le concours d’entrée à l’université est très sélectif. Le concours consiste en deux épreuves écrites et un entretien oral valorisant l’expérience professionnelle. La recherche tient une place importante.

Certains pays font face à des problèmes de recrutement. Pour y remédier, un tiers des systèmes éducatifs proposent des parcours alternatifs permettant d’obtenir une qualification d’enseignants. Il existe aussi des programmes d’accompagnement à l’entrée dans le métier pour les enseignants qui commencent leur carrière.
Quel que soit le système en place, les travaux de recherche concluent à la plus-value d’efficacité des enseignants dès lors que s’élève le niveau dans une démarche simultanée cumulant cours et pratique. Au cours des dernières années, le contenu de la formation a changé pour inclure des sujets comme les technologies de l’information et de la communication. La mobilité internationale est très variable selon les pays : 10 % en Lettonie, un tiers au Danemark ou aux Pays-Bas.
La formation continue ne cesse de gagner en importance. Elle constitue une obligation dans 21 des pays de l’Union européenne élargie. 6 pays européens fixent le nombre minimal d’heures à suivre. En Espagne, la formation continue est à la fois un droit et une obligation inscrits dans la loi. En suède, aucune obligation n’est prévue par la législation, mais les enseignants peuvent bénéficier de 104 heures de formation par an sur leur temps de travail.

Les acteurs et opérateurs sont extrêmement variés (établissements scolaires, structures dédiées, etc.). En Espagne, l’institut de formation des enseignants propose par exemple des formations en ligne et des didacticiels en ligne renouvelés chaque année. Le financement est lui aussi très variable. En Belgique francophone, les enseignants bénéficient du remboursement du déplacement et défraiement des repas. En Finlande, l’Etat reste le principal financeur de la formation. En Italie, les enseignants des écoles publiques reçoivent une carte électronique dotée de 500 euros chaque année.

La formation continue participe aussi d’une démarche qualité. En Allemagne, par exemple, les enseignants sont évalués sur leur participation à la formation continue et celle-ci représente un critère majeur pour obtenir une promotion. Les réformes mises en œuvre en matière de formation sont souvent aiguillonnées par un débat sur la qualité de l’éducation, notamment aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède.

La Commission européenne prévoit de lancer des académies européennes des enseignants dans le cadre du programme ERASMUS dans le but d’aboutir à 25 académies d’ici 2025 afin de mettre en réseau et favoriser la mobilité des enseignants.

A l’issue de ces présentations, un travail en petits ateliers est lancé.

Dans l’atelier 3, les participants soulignent qu’il importe de travailler sur la qualité des formations, des intervenants et des contenus par rapport aux besoins professionnels.

Ils s’étonnent que l’atelier ne compte aucun représentant du personnel de direction alors que le niveau local constitue pourtant un levier essentiel pour ne pas subir des formations totalement inadaptées aux enseignants et à leur établissement.

Une représentante du collège associatif observe que l’enseignant est seul face à ses élèves dont il faut assurer la réussite de la scolarité. Certains subissent un stress énorme pour finir le programme. Les jeunes enseignants découvrent aussi un relationnel, avec un élève un peu perturbateur qui peut occuper tout le temps du cours, et le problème est encore accru pour les vacataires qui n’ont pas toujours la formation adéquate.

En maternelle, les enseignants n’ont aucune formation sur le développement psychologique de l’enfant. Il manque des journées pédagogiques, comme le font les crèches.

Même quand il n’est pas face à ses élèves, l’enseignant reste un enseignant. S’investir toute la semaine, à quelque moment que ce soit, n’est pas évident, surtout dans le secondaire où l’enseignant ne se trouve pas en permanence avec la même classe comme dans l’élémentaire.

Un représentant du collège des professeurs estime que le temps disciplinaire prend souvent le pas sur la concertation. En Norvège, la gestion du temps est totalement différente, la concertation est plus importante que le temps de présence face aux élèves. Il faudrait tout remettre à plat.

Une représentante du collège des professeurs souligne la nécessité d’une mutualisation des démarches entreprises dans les différents établissements.

Pour une représentante du collège associatif, les directives arrivent de façon fréquente, souvent avec de bonnes intentions, mais elles se percutent avec le quotidien. Le chef d’établissement et l’enseignant se retrouvent relativement isolés et dans un environnement avec de multiples contraintes.

Une représentante du collège des syndicats confirme que les réformes se succèdent à grande vitesse, et les missions des enseignants sont de plus en plus nombreuses. Il manque aussi des personnels en nombre suffisant dans les établissements et les enseignants se retrouvent à jouer aussi le rôle d’assistante sociale ou d’infirmière.

Une représentante du collège associatif observe que les enseignants ne sont pas non plus incités à se former.

Thèmes des prochaines plénières – Restitution des sous-ateliers

Sous-atelier 3

Le sous-atelier a d’abord évoqué la formation initiale, soulignant la nécessité d’introduire la dimension psychologique. L’enseignant doit acquérir des compétences humaines qui lui manquent cruellement sur le terrain.

Les enseignants doivent par ailleurs assumer un certain nombre de missions supplémentaires, mais les formations dédiées à celles-ci sont rares.

L’offre de formation paraît parfois un peu « hors sol » par rapport aux besoins des personnels sur le terrain et le recueil des besoins, effectué par le chef d’établissement est un élément clé pour que ces formations correspondent aux attentes.

Le sous-atelier a également insisté sur la nécessité de s’intéresser aux enseignants contractuels ou vacataires, parfois peu ou pas formés.

Il a abordé enfin la souffrance des enseignants.

Une représentante du collège des professeurs ajoute qu’il manque un temps de réflexion commune pour mutualiser les expériences au lieu d’être uniquement en réaction.

Sous-atelier 1

Le sous-atelier a évoqué les futurs enseignants, pour noter que la visibilité de l’offre est devenue insuffisante. La formation doit aussi contribuer à la sécurisation des enseignants dans leur pratique. Le représentant du collège encadrement a évoqué une enquête menée sur les pratiques et besoins en matière de formation qui a fait apparaître cette année la prédominance de la formation entre pairs.

La problématique des temps de formation a également été évoquée, de même que celle du financement. L’atelier s’est ensuite interrogé sur l’insuffisance des systèmes d’information liés à la formation. Aujourd’hui, il est très difficile de capitaliser sur les parcours de formation des personnels avec l’outil GAIA.

Un représentant du collège syndical estime que la formation doit aussi réinterroger la rémunération. Un site est en cours de constitution sur la mobilité et il semblerait intéressant de constituer un site aussi pour la formation, une cartographie de l’offre, retraçant toutes les propositions.

Sous-atelier 2

Le sous-atelier a observé que le cadre de travail s’inscrit dans le schéma directeur de la formation. Le temps politique n’est pas forcément le temps de l’éducation. Ce dernier est plus lent. Les transformations sont en cours et il faut leur laisser le temps de se déployer. Les formations à la psychologie, par exemple, sont déjà prévues dans les textes, mais elles ne sont pas encore mises en œuvre.
Le représentant du collège des familles et élèves observe que les enseignants devraient développer une capacité à travailler en équipe. Or cette démarche est déjà prévue. De la même manière, il faudrait que les enseignants fassent de plus en plus preuve de bienveillance. Les parents ont du mal à comprendre que le temps de l’éducation soit plus lent.

La représentante du collège associatif note qu’il est prévu un espace européen de l’éducation en 2025. Les enseignants français doivent s’intégrer dans cet espace. Dans la réforme des INSPE, il est possible d’effectuer des stages à l’étranger, mais il existe peu d’éléments en matière de formation continue. Sur la formation en langues, par exemple, la France est très en retard par rapport à ses homologues. L’enseignant de demain doit être aussi mobile que les enseignants des autres pays européens.

Un représentant du collège syndical précise qu’il convient de ne pas oublier les formateurs qui sont les personnes clés d’un dispositif de formation. Dans le premier degré, il est très difficile de fidéliser les formateurs. Le groupe se doit donc de définir un axe dédié.

Boris CYRULNIK note que le terme de sécurisation a été évoqué dans tous les ateliers. Pour sécuriser, il faut assurer la stabilité du travail et de la formation continue. Créer un sentiment d’appartenance représente un excellent tranquillisant et le projet un excellent dynamiseur. Il faut aussi lutter contre les facteurs de vulnérabilité, en particulier la solitude de l’enseignant, le monde de contraintes qu’il subit sans avoir son mot à dire et les réformes incessantes qui participent à son insécurité. Un élément n’a pas été repris dans les ateliers : réfléchir aux attitudes morales.

La tragédie de Samuel Paty est un symptôme de nos cultures. Pour éviter que l’enseignant se mette en cause personnellement, il est possible d’utiliser le cinéma, les romans, les fables. Discuter d’un héros permet à l’enseignant de se mettre à distance.

Capitalisation des ateliers

Franck BRILLET voit se dessiner trois grandes thématiques :

  • l’offre de formation, incluant l’expression et le recueil des besoins, la dimension internationale, la valorisation, la reconnaissance matérielle ou autre, le retour sur investissement, l’organisation autour d’objectifs (accompagnement, sécurisation, etc.) ;
  • les acteurs de formation, que ce soit les formateurs ou les cibles de la formation (vacataires, contractuels, etc.), avec la formation pour tous, la formation entre pairs, le mélange des cultures professionnelles, les lieux de formation, l’écosystème ;
  • les temps et moments de formation, avec des parcours adaptés, la réaction ou l’anticipation, les moyens, les systèmes d’information

Une représentante du monde associatif et économique estime que les formés représentent un acteur important de la formation et souligne que cette population n’est pas du tout monolithique. Par ailleurs, elle note que l’enseignant nouveau est un apprenti comme les autres. Or dans la voie professionnelle, la formation par l’apprentissage offre une plus grande sécurisation, car sa montée en compétence de l’apprenti est accompagnée par un tuteur sur son poste de travail. Pour l’enseignant, en revanche, le tuteur n’est pas présent en classe.

Franck BRILLET reconnaît qu’une aide dans l’apprentissage des gestes professionnels est effectivement importante.

Un représentant du collège syndical considère qu’il faudrait s’intéresser au redimensionnement de la préprofessionnalisation. Certains pays engagent les futurs enseignants dans cette formation dès le début de leur parcours. Il conviendrait aussi d’évoquer les préalables (ateliers pédagogiques, colonies de vacances, etc.)
Une représentante du collège syndical souligne qu’il faut laisser aux étudiants le temps de murir leur projet et de faire des découvertes. Il ne faut pas créer trop vite des silos qui bloqueraient leur cheminement futur.

 

Mise à jour : novembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

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