Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Collectifs Pédagogiques : séance 2 – Coopération

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier collectifs pédagogiques, séance 2, coopération, 20 novembre 2020.

Introduction

Sophie TARDY, secrétaire générale de l’atelier, remercie les membres pour les contributions envoyées qui ont nourri la construction de la séance, de même que les remontées du fil de discussion. Les ressources et contributions qui seront déposées sur la plateforme Tribu seront également mises à profit dans l’élaboration des prochaines séances.
La production d’un chef d’établissement membre de l’atelier va ainsi servir à dessiner les contours de ce que peut être un collectif pédagogique. Aussi les collectifs pédagogiques peuvent-ils s’organiser autour d’une discipline ou être pluridisciplinaires, à l’échelle d’un niveau, d’un établissement, d’un réseau, intercatégoriels. Ils sont vivants et peuvent être ponctuels ou pérennes, internes à une équipe ou inclure des partenaires. Ils se fondent sur un constat partagé par une équipe ou un défi à relever. Le pilotage se fait de façon autonome ou entre dans un cadre réglementaire. 

Cette séance a pour thème « la diversité des collectifs, l’adaptation aux contextes ». Comment les collectifs peuvent-ils concourir à la réussite de tous les élèves ? Que faire pour que les collectifs s’adaptent mieux aux différents contextes de travail et quels sont les collectifs les plus adaptés à tel ou tel contexte ? Un autre enjeu consiste à intégrer le collectif dans l’ordinaire du métier.

Pour explorer ces pistes, il faut questionner les rôles de chacun et les interactions entre les acteurs (professeurs, élèves, conseillers pédagogiques, encadrement, coordonnateurs, parents, corps médical, culture, monde du sport…). Une étude de la DEEP (Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective du ministère), extrêmement riche, livre des enseignements passionnants, notamment sur le rôle prédominant du relationnel dans le métier d’enseignant (comportement des élèves entre eux, relations entre pairs et entre enseignants et élèves, etc.). Enseigner n’est pas une activité banale : c’est un travail complexe qui se met en œuvre dans un environnement en pleine évolution. Les enjeux sont de taille : faire réussir tous les élèves et préparer l’ensemble d’une génération à l’insertion, en tenant compte des besoins propres à chacun, des rythmes d’apprentissage (qui peuvent grandement différer suivant les enfants) et des besoins particuliers que peuvent avoir certains élèves. Le collectif aide à trouver des réponses et des solutions. Il renforce aussi le sentiment d’efficacité pédagogique – lequel conditionne en grande partie la réussite des élèves, comme le montre l’étude de la DEEP.

Récits d’expériences, échanges et pistes de propositions

Le collectif dans le rugby

Raphaël IBANEZ, manager de l’équipe de France de rugby, salue Marcel Rufo.
En vue d’une performance, un objectif majeur consiste à faire en sorte que toutes les personnes concourant à un projet aient la possibilité de s’exprimer. Ce n’est pas seulement une question de bienveillance : il s’agit de faire en sorte que chacun ait du temps de jeu afin de pouvoir exploiter les qualités de chacun au service du collectif. Le rugby affirme l’acceptation de la différence et a pour principe de ne laisser personne sur le côté. Certains joueurs sont extravertis et ont besoin de s’exprimer sur le terrain. D’autres sont des leaders dans l’âme. Il y a des grands et des petits (plus véloces) et l’équipe a besoin de tous. Raphaël IBANEZ dit être venu au rugby assez tard, vers 17 ans, et a immédiatement aimé que ce sport lui offre la possibilité de s’exprimer sans tricher, car on ne peut tricher au rugby. Il s’agit d’un sport spectaculaire, qui donne lieu à des contacts impressionnants, mais une équipe de haut niveau se préoccupe aussi de son occupation de l’espace et cette façon de jouer dans les espaces peut être utilisée sur le plan pédagogique.

Interrogé par l’atelier quant à la façon de gérer les ego afin que ceux-ci ne prennent pas le dessus, Raphaël IBANEZ explique qu’il y a des moments clés qui permettent de recentrer les joueurs sur leur sentiment d’appartenance à un groupe extraordinaire. Les joueurs évoluent, 90 % de leur temps, en club mais quand ils jouent en équipe de France, c’est l’équipe nationale qu’ils représentent, ce qui dépasse le cadre de leur club. Raphaël IBANEZ entend miser sur cette unité dans son discours aux joueurs, au moment clé de la remise des maillots, juste avant le match, avec une nouveauté cette fois-ci : les joueurs se remettront les maillots les uns les autres afin qu’ils comprennent qu’ils servent une cause qui les dépasse.

Une représentante du collège syndical dit venir du pays du rugby (le sud-ouest) et se dit heureuse d’avoir l’occasion de rencontrer – à distance – Raphaël Ibanez. Elle aurait pu choisir le stade mais a finalement opté pour l’école. Elle dit avoir du mal à concevoir que les coachs intègrent les collectifs si ceux-ci se mettent en place. Des enseignants sont tout à fait capables de faire partager à leurs élèves les valeurs portées par des acteurs du monde du sport. Elle-même en constitue un exemple vivant. Les enseignants considèrent tous leurs élèves mais les hiérarchies oublient parfois certains de leurs enseignants. 

Il est essentiel de renforcer la communication pour être reconnu comme un manager efficace (et apprécié, car la dimension affective est importante), souligne Raphaël IBANEZ. Les managers ont une mission qui les dépasse et leur rôle est notamment de faire en sorte que chacun se sente investi par cette mission. Au sein de l’équipe de France, Fabien Galtier (sélectionneur) et Raphaël IBANEZ (manager de l’équipe) ont eu de longues conversations et ont bâti sur la durée une réflexion pour définir le modèle de management qu’ils souhaitent faire vivre. Le manager doit aussi voir grand pour embarquer dans le projet commun (gagner des matchs et remporter des titres, s'agissant de l’équipe de France de rugby) ceux qui sont autour de lui.

Revenant sur une question posée lors de la précédente séance sur la définition du périmètre des collectifs (qui peuvent être variés), Sophie TARDY précise que les collectifs peuvent être disciplinaires ou interdisciplinaires et se situer à l’échelle d’un niveau, d’un établissement ou d’un réseau. Ils peuvent être ponctuels ou pérennes, internes à une équipe comme ouverts à des partenaires extérieurs. Ils peuvent être issus d’un constat ou être créés dans la perspective d’un projet. Ils se fédèrent toujours autour de questions précises et partagées et font l’objet d’un pilotage autonome, avec un cadrage institutionnel plus ou moins serré.

L’expérience d’une pédopsychiatre à l’écoute des familles et des élèves

Marcel RUFO se dit très heureux que l’atelier puisse bénéficier de l’apport de Nicole Catheline à cet atelier, et lui laisse la parole.

Nicole CATHELINE, pédopsychiatre, assure avoir pu travailler sur l’école grâce à Marcel Rufo (qui fut le premier à la solliciter en ce sens). Les rapports entre l’école et la pédopsychiatre n’ont pas toujours été faciles. Cela avait mal commencé dans les années 30 : les pédopsychiatres avaient alors pour rôle de repérer les enfants qui seraient envoyés en Institution. La situation s’est améliorée dans l’après-guerre, notamment autour de la très belle expérience du centre de Bois-Joly. Puis, dans les années 90, le paysage a de nouveau été bouleversé par l’arrivée des neurosciences. La société a évolué, encourageant notamment la montée de l’individualisme et diminuant le pouvoir des institutions. Le rôle des pédopsychiatres a pu, au passage, être parfois discuté, et Nicole CATHELINE convient que si les aspects affectifs sont souvent présents dans les difficultés des enfants, ces difficultés ne sont pas toujours causales.

Médecin responsable d’un centre référent des troubles du langage et des difficultés d’apprentissage au cours des cinq dernières années, Nicole CATHELINE souligne qu’aux yeux des parents, l’Institution scolaire ne sait pas prendre en charge les enfants présentant ces troubles. Il existe ainsi un ressentiment important à l’égard de l’Institution, de même qu’à l’égard des MDPH – l’autre Institution devant favoriser l’inclusion de ces enfants. La relation avec les parents est en tout cas devenue centrale et Nicole CATHELINE considère qu’un axe de travail essentiel consiste à permettre aux enseignants de mieux travailler avec les familles.

Au collectif des enfants (qu’ils ne choisissent pas) doit répondre celui des adultes, qui n’est pas suffisamment travaillé, car ce n’est pas prévu dans la formation des enseignants ni dans l’exercice de leur métier. Il est important que les enseignants aient des lieux où ils puissent s’ouvrir de leurs difficultés. C’est l’une des conditions d’émergence de la « confiance épistémique », la confiance dans ce que l’on transmet. Le travail avec les parents ne peut se déployer que de façon collective – ce qui correspond bien au cadre d’exercice de la pédopsychiatrie. L’école tend aussi à séparer les enseignants des autres acteurs qui gravitent autour des enfants (médecins scolaires, infirmières, psychologues de l’Education nationale, CPE…), déplore Nicole CATHELINE. Peut-être les psychologues de l’Education nationale pourraient-ils, en particulier, contribuer à animer des groupes de réflexion sur le fonctionnement de l’école. L’école a trop compté, durant une certaine période, sur la psychiatrie, externalisant ainsi ses difficultés. Il faut aussi que des ressources soient mises en place au sein de l’école pour ces enfants. Les pédopsychiatres pourraient intervenir en deuxième ligne et apporter des ressources aux intervenants de l’Education nationale.

Nicole CATHELINE souligne enfin que l’écrit perd du terrain dans la société, laquelle privilégie de plus en plus l’oralité. L’expression devant les autres et l’exposition de ses idées font trop rarement l’objet d’un travail, alors même que le langage construit la pensée et aide à structurer celle-ci.

Marcel RUFO considère également que le rôle des pédopsychiatres n’est pas d’imposer leur point de vue aux enseignants : il s’agit plutôt de conforter les enseignants dans leur travail en leur soumettant des axes de réflexion nouveaux, qu’ils peuvent s’approprier ou non.

Une enseignante note que lorsqu’un professionnel de santé contacte un enseignant, il s’agit presque toujours, pour le professionnel, d’obtenir l’avis de l’enseignant pour conforter son diagnostic. Beaucoup plus rarement sont élaborées des pistes pour aider l’enseignant.

Nicole CATHELINE confirme qu’il doit s’agir d’une relation de soutien et de partage et non une relation à sens unique (qui donnerait le sentiment que l’un en sait plus que l’autre, ce qui ne peut constituer la base de construction d’une relation saine).

Un représentant du collège syndical se dit heureux d’entendre cette position de la part de Nicole Catheline. L’Institution n’apprend pas suffisamment aux élèves ni aux adultes de s’exprimer entre pairs, ce qui explique en partie les difficultés d’un collectif à fonctionner, tant du côté des chefs d’établissements que de celui des enseignants, tant il devient difficile d’oser une parole.

Un représentant de l’encadrement souhaite savoir de quelle façon Nicole Catheline envisage l’évolution de la place des familles au sein de l’école au cours des années à venir.

Nicole CATHELINE note que les pédopsychiatres ont été confrontés avant les enseignants à cette question. A ses débuts, dans les années 80, des erreurs ont pu être commises, sur la base de références théoriques conduisant les professionnels à voir et écouter les enfants de façon séparée des parents – lesquels se sentaient pointés du doigt. Une première chose serait de former les enseignants à une démarche telle que la communication non violente (CNV), à l’image de ce qui a été fait pour les personnels de divers établissements accueillant du public, afin de désamorcer des situations de tensions, voire d’agression. L’école tend aussi à être considérée de plus en plus comme un service et les enseignants sont confrontés à des parents qui se conçoivent comme des usagers. Il demeure néanmoins crucial de maintenir bien délimités les champs de chacun (la vie familiale pour les parents, la pédagogie pour les enseignants).

Marcel RUFO juge déterminante aussi la participation des parents aux activités de l’école afin qu’ils apportent à l’école leur savoir, quel que soit celui-ci.

Une représentante des familles note que les enseignants manquent de temps et ne peuvent matériellement accorder à chaque famille le temps qui serait nécessaire pour faire vivre ce dialogue, alors que les parents ont besoin d’informations précises sur ce qui est fait en classe. Les outils numériques pourraient faciliter cette communication mais les enseignants ne s’en emparent pas toujours. Fournir aux parents davantage d’informations éviterait certainement une partie des phénomènes d’ingérence que peuvent déplorer les enseignants. La participation des parents aux activités lui semble par ailleurs très compliquée à mettre en œuvre. Des interventions ou le partage d’expériences peuvent être mis en place dans les petites classes mais l’apport des parents est plus délicat à insérer par la suite car le risque est d’empiéter sur l’enseignement du professeur.

Pour Nicole CATHELINE, c’est le collectif de l’école qui doit recevoir les parents, et pas nécessairement l’enseignant de façon individuelle. Certes, un problème de cadre peut se faire jour du point de vue de l’intégration dans l’école de l’apport des parents. Peut-être néanmoins faudrait-il se lancer dans cette aventure pour en voir les bénéfices et les difficultés. L’Education nationale pourrait aussi se montrer plus souple pour autoriser des expérimentations.

Sophie TARDY assure qu’il n’y a aucune opposition à la participation des parents dans l’enseignement secondaire. Cette participation existe déjà et de nombreuses ressources venant des familles sont partagées avec les élèves.

Un représentant syndical se demande comment expliquer l’explosion des troubles du langage qui peut être observée. Il dit aussi avoir souvent assisté à des rencontres parents-professeurs qui donnaient une image caricaturale, les parents s’installant à la place des élèves tandis que les professeurs se trouvaient à la tribune et contrôlaient la distribution de la parole.

Nicole CATHELINE constate que les enfants sont de plus en plus confrontés à des situations de passivité, du fait de la grande place occupée par les écrans (les téléphones et tablettes s’étant substitués en grande partie à la télévision au fil des dernières décennies). Or le langage se construit dans l’échange avec l’autre. Les troubles du langage oral sont aussi beaucoup plus fréquents dans les familles socialement défavorisées, qui sont bien plus nombreuses que par le passé. Quant à la place donnée aux parents au sein de l’école, elle suggère de créer dans chaque école un lieu où recevoir les parents, plutôt à l’image d’un petit salon qu’en faisant asseoir les parents dans la classe à la place des élèves. 

Sophie TARDY retient ce principe de création d’espaces pour recevoir les parents dans les écoles et établissements.

L’expérience du collectif de l’Aisne

Tout a commencé, dans cette expérience, en octobre 2018 par un voyage d’étude au Québec, qui a donné envie aux directeurs d’école participant au voyage de mettre en œuvre un pilotage pédagogique participatif inspiré des communautés d’apprentissage professionnel (CAP) théorisées par Michael Fullan et mises en œuvre en Ontario et au Québec. Christophe CALZADO, inspecteur de l’Education nationale à Soissons (Aisne), s’est alors formé à ces approches par la lecture d’ouvrages, ce qui l’a familiarisé avec ces enjeux et a confirmé chez lui l’intérêt du pilotage de proximité. Les directeurs d’établissement ont été invités à présenter leur projet devant leurs pairs afin de réfléchir à la façon dont les principes de fonctionnement des communautés d’apprentissage professionnel pouvaient être transposés dans le système français.

Les directeurs de toutes les écoles de la circonscription (écoles urbaines, rurales ou en réseau d’éducation prioritaire) ont été formés et deux tiers des écoles de la circonscription mettent aujourd'hui en œuvre les principes des communautés d’apprentissage professionnel. Une véritable dynamique s’est enclenchée et les directeurs d’école disent avoir retrouvé le plaisir de collaborer autour d’un projet pédagogique. Si la crise sanitaire a mis un frein au projet, le déploiement de celui-ci doit se poursuivre lorsque le contexte le permettra de nouveau. Il faudra ensuite s’attacher à mesurer les effets de cette démarche sur les apprentissages des élèves.

Paola ZAKREWSKI et Philippe CULEM, directeurs d’école ayant participé au voyage d’étude, forment aujourd'hui leurs pairs au sein de la circonscription.

Directeur d’une école REP+, Philippe CULEM souligne que la démarche invite d'abord l’équipe de l’école à réfléchir collectivement au projet pédagogique dont celle-ci souhaite se doter. Cette étape constitue une condition de construction de la confiance professionnelle qui doit exister pour que la démarche fonctionne.

Directrice d’une école d’application, Paola ZAKREWSKI indique qu’après une analyse des données probantes (par exemple des évaluations internes à l’école), la démarche propose d'abord de célébrer les réussites. Il s’agit ensuite d’identifier les défis à relever et d’analyser les besoins, puis de créer une séquence d’apprentissage construite collectivement et évaluée. A ces différentes étapes, les professeurs sont placés en situation d’échange et de valorisation de leurs pratiques.

Chacun peut proposer ses solutions et celles-ci peuvent être testées dans des classes différentes, souligne Philippe CULEM, ce qui permet de mesurer la progression de chaque élève à la faveur de ce processus et de tenir compte de façon pragmatique des résultats obtenus pour infléchir la pédagogie. La démarche se situe toujours du point de vue de l’élève et des apprentissages.

La séquence d’apprentissage a une durée de vie de sept semaines. Elle s’articule autour de questions immuables d’une séquence à une autre : que voulons-nous que les enfants apprennent ? Comment le saurons-nous ? Qu’allons-nous faire pour les élèves qui ont appris ? Qu’allons-nous faire pour les élèves qui n’ont pas appris ? Le groupe peut alors identifier les stratégies qui ont eu le plus d’impact sur les progrès des élèves.

Un lien très fort se dessine au fil de la démarche entre la réussite des élèves, celle des enseignants et l’amélioration du climat scolaire, constate Paola ZAKREWSKI.

Il faut voir grand dans les objectifs poursuivis, car la solution se trouve au sein de l’équipe et au sein de l’école, assure Philippe CULEM, qui insiste également sur le soutien indispensable de la hiérarchie pour la conduite de cette démarche.

Une représentante des élus demande si la démarche présentée pourrait être élargie à des indicateurs sur la façon dont les parents perçoivent les enseignants, et vice-versa, de même qu’entre les élus et l’école, afin d’améliorer tous les aspects du fonctionnement de l’école et non seulement les apprentissages des enfants.

Paola ZAKREWSKI souligne que la démarche débute par une phase de définition des valeurs au sein de l’équipe pédagogique, ce qui fournit l’occasion d’une réflexion de fond extrêmement intéressante, presque philosophique, sur leur projet. Ces valeurs ont été présentées en conseil d’école. Les enseignants les exposent aussi aux parents afin de leur expliquer quelles valeurs guident leur projet.

Un représentant du collège des professeurs juge l’initiative extrêmement intéressante et souhaite savoir si toute l’équipe pédagogique de l’école est nécessairement impliquée, au risque peut-être de créer une « collégialité forcée » si certains enseignants n’adhèrent pas à la démarche.

Précisant qu’il n’est pas question d’appliquer en France le modèle tel qu’il existe au Québec, Philippe CULEM précise que l’ensemble de l’équipe pédagogique est convié à la phase de définition des valeurs qui vont guider le projet. Il existe des méthodes permettant d’aboutir à l’identification de trois ou quatre valeurs sur lesquelles l’accord d’une trentaine de personnes peut se former. Le travail va ensuite s’organiser en équipes plus petites (cinq à sept enseignants au maximum). Le directeur d’école joue un rôle clé d’animateur. Il distribue la parole et met en confiance l’ensemble de l’équipe en essayant de faire en sorte que chacun s’exprime, sans jamais forcer quiconque à le faire.

Un enseignant, représentant du collège syndical, se dit très intéressé par la démarche et rappelle qu’il existe en France des dispositifs, reposant sur des équipes volontaires – ce qui pose la question de leur généralisation. Il cite notamment les formations territoriales de proximité, qui partent souvent d’un besoin exprimé par le terrain. Nous souffrons néanmoins du manque d’ingénieurs de formation ou de faisabilité, qui n’existeraient pas seulement au sein des rectorats mais aussi dans les établissements.

Marcel RUFO juge essentiel de rendre plus fréquents les voyages d’études afin de s’inspirer des expériences européennes (ou d’autres pays francophones) pour les transposer en France en les adaptant, comme cela a été fait dans le cas des CAP.

Un représentant de l’encadrement demande si la démarche de CAP semble aussi, à la lumière des expériences déjà conduites, contribuer à la stabilité des équipes pédagogiques.

Philippe CULEM indique avoir encore peu de recul pour le moment dans la mesure où l’expérience conduite dans l’Aisne est récente. Il n’a connaissance d’aucun départ d’enseignant qui aurait pour origine l’impulsion de cette démarche sur le modèle des CAP.

Paola ZAKREWSKI dit avoir reçu des échos très positifs des enseignants (qui n’ont pas l'habitude de mâcher leurs mots) ayant participé à la démarche dans son établissement : elle leur simplifie la tâche et leur fait gagner du temps du point de vue de leur travail personnel.

Une enseignante fait part d’une expérience à laquelle elle a participé il y a deux ans dans son lycée professionnel, après le constat de grandes difficultés face à une classe de terminale. Une enseignante qui s’intéressait fortement aux neurosciences a proposé à l’équipe pédagogique de se lancer dans un projet autour de « la classe du futur ». Une expérimentation a ainsi été lancée, en agençant différemment la classe (nouveau mobilier, nouvelles fonctionnalités offrant davantage de liberté aux élèves) et en l’équipant de nouveaux matériels numériques. Le projet fait désormais l’objet de présentations à l’ensemble des professeurs de l’établissement et une deuxième classe du futur a été créée. L’enseignante qui en est à l’origine est aussi devenue « référente innovation » de l’établissement.

Sophie TARDY note que les pratiques collectives sont encore peu répandues en France. Pour preuve, selon des données de l’OCDE, la France se classe parmi les derniers pays de l’OCDE du point de vue de la proportion des chefs d’établissement qui disent observer fréquemment les cours des enseignants. Une étude de la Direction générale du Trésor indique que les élèves coopèrent peu également. Pourtant, l’expérience montre que l’existence de collectifs pédagogiques encourage les élèves à coopérer.
La  question de l’intégration des pratiques collectives est abordée à travers les observations mutuelles entre pairs. Le témoignage enregistré d’une jeune professeure racontant comment elle a été amenée à faire cours porte ouverte sert de déclencheur au débat.

Une enseignante signale qu’il est difficile de pouvoir observer un collègue dans le premier degré, sauf à regrouper ponctuellement des classes pour permettre cette observation, dont elle ne conteste pas l’intérêt.

Un représentant de l’encadrement fait partie d’un établissement où des co-interventions d’enseignants sont mises en place depuis plusieurs années, ce qui englobe une part d’observations entre enseignants. L’Etablissement incite les enseignants à s’observer les uns les autres et à observer la réception, par les élèves, de l’enseignement dispensé. Il en découle des échanges très fructueux entre les professeurs, par exemple lorsque l’observateur s’aperçoit qu’un élève a décroché, ce que détecte plus difficilement l’enseignant face à sa classe. La co-intervention a également montré à un enseignant qu’un de ses collègues expliquait une notion très différemment de la façon dont il l’exposait, ce qui lui a permis de comprendre les difficultés qu’éprouvaient des élèves dans sa classe au niveau suivant, devant des explications qui étaient très nouvelles pour eux.

Marcel RUFO souligne que cette expérience fait écho à une expérience beaucoup plus ancienne de co-observation en néonatologie : lorsqu’une puéricultrice s’occupait de l’enfant pendant qu’une de ses collègues l’observait, les prématurés grossissaient et progressaient davantage en couveuse.

Un participant plaide pour conforter l'attractivité de ce métier. Aujourd'hui les postes ouverts au concours ne sont pas couverts par les recrutements du fait de la raréfaction de la ressource.

Marcel RUFO propose, pour renforcer l’attractivité de ce métier, de créer au sein des universités un poste de professeur d’université « médecin scolaire » qui serait chargé de conduire la recherche, la formation et l’articulation entre l’école et la santé.
Les pistes de propositions qui ont pu émaner des débats et échanges et des communications des experts invités sont repris en conclusion de séance.
Le président et la secrétaire générale remercient les membres de l’atelier pour la richesse des échanges et la qualité des interventions.

Prolongements

La prochaine séance (séance 3), le vendredi 4 décembre de 10 heures à 17 heures, sera dédiée à l’accompagnement des collectifs (corps d’inspection, chefs d’établissement, etc.) et aux conditions favorisant leur épanouissement.

Le 1er décembre aura lieu (dans le cadre du Grenelle de l'éducation) un colloque scientifique au Collège de France sur le thème « Quel(s) professeur(s) au 21ème siècle ».
Les participants sont invités à partager des récits d’expériences sur Tribu. Ces récits seront très utiles pour la construction de la séance du 4 décembre.

Mise à jour : décembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

Mobilisation d'experts, retours d'expériences, concertations, ateliers, agenda social : d'octobre 2020 à février 2021, suivez le Grenelle de l'éducation.

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