Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Autonomie et déconcentration : séance 3 - Ouverture

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Autonomie et déconcentration, séance 3, Ouverture, 9 décembre 2020.

Intervention de Béatrice Gille, Président du Conseil d’évaluation de l’école

Béatrice GILLE précise que le Conseil d’évaluation de l’école évalue l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire. L’évaluation des établissements constitue un engagement fort, quoique tardif. La place de l’établissement, comme entité juridique, a peiné à émerger. Une attention a été portée à l’évaluation des enseignants puis aux acquis des élèves, mais pas des établissements eux-mêmes. L’idée consistait à penser que l’effet-maître l’emportait massivement sur l’effet-établissement. 

Selon l’OCDE, l’indice d’autonomie est moindre en France, même s’il se développe depuis une dizaine d’années. La loi du 26 juillet 2019 créé le Conseil d’Evaluation de l’Ecole et lui confie la mission de définir le cadre méthodologique et les outils des auto-évaluations et des évaluations des établissements scolaires et d’en analyser les résultats. 

L’évaluation concerne pour le moment le second degré. Elle vise à accompagner les établissements pour améliorer le service public en leur sein, la qualité des apprentissages des élèves, ainsi que les conditions de réussite éducative et l’apprentissage collectif, avec une dynamique de formation qui permet d’élaborer le projet d’établissement et de formuler des demandes de formations et d’accompagnement. 

Les modalités arrêtées par le Conseil établissent un lien entre auto-évaluation et évaluation externe et prévoient un examen systémique de l’ensemble de l’établissement, une participation de tous (personnels, élèves, parents et partenaires), une démarche intégrative entre auto-évaluation et évaluation externe, la restitution et la diffusion de l’évaluation externe au sein de l’établissement et l’élaboration du projet d’établissement (orientations stratégiques, plan d’action et de formation). 

L’auto-évaluation concerne l’établissement dans sa globalité, avec une attention portée à l’analyse du contexte de l’établissement, et quatre domaines évalués :

  • l’apprentissage, le parcours des élèves et l’enseignement, 
  • la vie et le bien-être des élèves, le climat scolaire, 
  • les acteurs, le fonctionnement et la stratégie de l’établissement, 
  • l’établissement dans son environnement institutionnel et partenarial. 

Le référentiel correspond au cadre de la mission de service public (politique éducative nationale et projet de l’établissement). Des données sont fournies par les services académiques sur l’établissement pour connaître l’état de l’établissement. 

Les questions évaluatives sont soumises à l’établissement pour qu’il s’interroge sur l’organisation et le fonctionnement, sur les points de réussite, sur les questions qui se posent, sur les évolutions attendues, les effets leviers et les orientations stratégiques. 

Au-delà des quatre grands domaines cités, des questions transversales sont posées (valeurs de l’établissement, rôle des élèves, relation avec les parents, équité scolaire, niveau de coopération, gestion des crises…). 

Les outils proposés pour cette démarche sont les questions évaluatives, avec un guide de l’auto-évaluation transmis par le Conseil, les données et les indicateurs, les observations et le recueil du point de vue des acteurs. 

Pour évaluer les acquis des élèves, il convient ainsi d’interroger les priorités de l’établissement, les modalités d’évaluation, le travail collaboratif au sein des équipes pédagogiques, l’impact des évaluations sur les pratiques d’enseignement, sur l’orientation et le parcours des élèves, sur la perception de ces évaluations par les élèves et par les parents. La boîte à outils repose ensuite sur les données et indicateurs chiffrés, les observations et les points de vue des acteurs. 

Des questionnements et outils sont proposés pour chaque thématique. 

L’évaluation se poursuit avec une évaluation externe des établissements qui s’appuie sur l’auto-évaluation et vise également à accompagner l’établissement dans sa mission de service public. Elle prolonge le travail réalisé, pour mener l’établissement plus loin, grâce à un regard extérieur et à l’approfondissement des analyses. Dans le respect du contexte de l’établissement et de son autonomie, les forces, faiblesses et potentialités sont identifiées pour que l’établissement puisse explorer ses marges de progrès. 

L’évaluation externe diffère de l’audit, de l’inspection et du dialogue de gestion et vise à analyser les choix opérés dans l’établissement. Elle ne vise pas le contrôle de conformité ou la labellisation, pas plus que l’évaluation des personnes. 

Pour réussir, cette évaluation externe doit être utile à l’établissement. Elle doit aboutir à des analyses adaptées et des propositions sur-mesure et requiert une démarche participative pour une évaluation en toute confiance. Elle doit être basée sur des données fiables et partagées. Pour ce faire, l’équipe doit être mixte et pluriprofessionnelle, avec trois ou quatre évaluateurs externes désignés par le recteur qui préparent la mission, effectuent une visite de l’établissement et rédigent un rapport d’évaluation externe provisoire puis définitif. 

Une charte de déontologie a été adoptée et les évaluateurs s’engagent sur des principes d’impartialité, de pluralité, de compétence et de professionnalisme, de respect des personnes et de l’établissement, de transparence sur l’organisation de l’évaluation et ses résultats, et de responsabilité. 

La démarche d’auto-évaluation et d’évaluation externe doit conduire à une augmentation de la capacité coopérative dans l’établissement, avec : 

  • la construction d’une représentation partagée de la mission de service public, du contexte et des choix opérés, 
  • la conception en commun des objectifs prioritaires, les actions et les outils à partager, 
  • faire apparaître et reconnaître les résultats attendus et obtenus, la valeur collective et valoriser les contributions individuelles, 
  • redéfinir les règles communes, déontologiques et les valeurs portées par l’établissement, 
  • élaborer un projet commun, 
  • augmenter le sentiment d’appartenance. 

La capacité autoévaluative et évaluative de l’établissement doit également croître, pour que l’évaluation soit un processus continu et non une action ponctuelle. Chaque acteur devrait ainsi pouvoir identifier ses marges de manœuvre et ses espaces de décisions et de responsabilité, définir et prendre des décisions pertinentes, se donner les moyens d’évaluation la réalisation et le résultat des décisions et suivre collectivement l’impact des décisions et nourrir de nouvelles boucles de décisions. 

Les attentes portent également sur la gouvernance et le management, une dynamique collective d’identification par chaque acteur de son rôle et de sa responsabilité dans la réussite collective, un accroissement du pouvoir d’agir, une construction collective du projet d’établissement, des capacités stratégiques renforcées, un plan de formation et de développement professionnel dont le centre de gravité se rapproche de l’établissement et un rééquilibrage de la part relative du pilotage par les tutelles et de l’action propre de l’établissement. 

Ces évaluations et auto-évaluations devraient aboutir à une meilleure identification des marges de manœuvre et un désir d’initiatives accru. 

François TADDEI estime que l’’auto-évaluation et l’évaluation externe sont complémentaires. En France, l’école doctorale est évaluée par des pairs, mais aussi par des étudiants, et l’évaluation externe pourrait donc associer les élèves et les parents. Le processus d’évaluation pourrait également être lui-même évalué et devenir apprenant au niveau local et global. Il conviendra enfin que les équipes s’approprient ce dispositif, peut-être par une formation avant d’entrer dans le processus. 

Béatrice GILLE indique que les équipes seront ouvertes à terme à des personnels des collectivités locales, voire à des parents et à des universitaires. Il est plus compliqué d’ouvrir l’évaluation externe à des élèves, puisqu’ils sont mineurs. 

Pour la première année, avec les délais et le contexte de crise sanitaire, cette ouverture n’a toutefois pas pu être mise en place. L’ouverture aux parents interroge sur la légitimité de la formation, mais elle présente un intérêt. 

Le processus d’évaluation sera bien évalué : le rapport d’évaluation doit comprendre un retour des participants sur la démarche. Un bilan académique des évaluations des établissements est demandé au recteur ainsi que des remontées des évaluations. Le CEE recherche par ailleurs un doctorant pour travailler sur la démarche d’évaluation des établissements. 

Un parcours magistère forme l’ensemble des équipes à l’auto-évaluation, mais les parents et les élèves pourraient effectivement être adjoints à la démarche. Ce parcours existe au plan national et académique, et des questionnaires ont été produits. Une formation existe également pour les évaluateurs. L’objectif est de développer la distinction nécessaire entre le projet d’établissement et l’examen des choix opérés par l’établissement et les choix opérés par les tutelles. Les autorités de tutelle pilotent, par le contrat d’objectifs ou le dialogue de gestion, et certains choix relèvent de leur responsabilité. Cette évaluation permettra à l’établissement de prendre conscience de son autonomie et des choix qu’il opère. L’autonomie de l’établissement croît depuis dix ans et la démarche d’évaluation et d’auto-évaluation peut aider à prendre conscience de ces choix. 

Le périmètre de l’évaluation concerne actuellement 11 000 établissements du second degré publics et privés sous contrat. 

Un groupe de travail du Conseil de l’évaluation de l’école travaille sur l’évaluation du premier degré qui compte 50 000 écoles, ce qui requiert un cadre plus détaillé. La loi prévoit bien l’évaluation de tous les établissements scolaires et il convient d’élaborer un cadre utile et efficace. 

Un représentant du collège encadrement souhaite savoir si une restitution aux équipes est prévue, une fois l’évaluation externe réalisée et le rapport rédigé, et si des équipes accompagneront ensuite les équipes à se saisir de leur autonomie, pendant les cinq ans entre les deux évaluations. 

Béatrice GILLE répond que l’évaluation externe doit aider l’établissement dans son évaluation et être participative : le cahier des charges de l’évaluation externe prévoit bien une restitution du rapport à l’établissement. Le chef d’établissement décide alors du périmètre de la restitution. Cette restitution est réalisée avant le rapport définitif et l’établissement peut formuler des remarques. 

L’établissement doit être accompagné : ce travail sur le collectif doit aboutir à des évolutions internes, mais aussi à des évolutions sur le système éducatif avec un suivi et accompagnement de chaque établissement qui devrait donner lieu à une refonte des plans de formation. 

Un représentant du collège des professeurs demande si les deux évaluations pourraient aboutir sur un recensement des besoins de l’établissement. 

Béatrice GILLE répond par l’affirmative, même si l’évaluation intervient dans un cadre contextuel, en fonction des décisions prises par l’établissement en fonction de sa situation à un instant T. Si l’établissement a des besoins, notamment de formation, il peut effectivement les exprimer. 

Un représentant du collège des syndicats demande si une évaluation de l’équipe de direction est prévue. 

Béatrice GILLE répond par la négative : l’évaluation ne vise absolument pas à évaluer les personnes. 

Une représentante du collège encadrement considère que les équipes doivent être préparées à l’évaluation. La place de l’enseignant dans l’évaluation de l’établissement devrait peut-être être incluse dans l’évaluation par l’inspecteur à terme. La question de la place des collectivités territoriales, des réseaux et de l’interdegré doit également être envisagée. 

Béatrice GILLE observe que les compétences sont évaluées dans leur globalité et considère que les personnels des collectivités territoriales sont évidemment concernés par l’évaluation qui est participative. Les rapports seront transmis aux deux autorités : recteur et collectivités territoriales de rattachement. Ces dernières sont présentes au conseil d’administration de l’établissement. L’évaluation est globale et concerne l’établissement, dans son contexte. La question des réseaux n’a pas encore été abordée, mais elle peut présenter un intérêt pour l’éducation prioritaire, mais l’environnement institutionnel et partenarial est bien abordé, ce qui peut intégrer l’interdegré. 

François TADDEI se demande ce que le Grenelle pourrait prévoir pour faciliter le dispositif. 

Un représentant du collège des syndicats souhaite savoir s’il existe un diagnostic financier, il se demande s’il n’existe pas un risque de millefeuille de l’évaluation avec le projet d’établissement et le contrat d’objectifs, au détriment de la visibilité et de la motivation des acteurs, et si une formation des équipes de direction est prévue. 

Béatrice GILLE répond que des questions portent sur le lien entre le budget de l’établissement et son projet, pour déterminer si les décisions budgétaires sont cohérentes avec le projet et la stratégie, sans contrôle financier. Regarder les décisions prises par l’établissement et les responsabilités exercées, en les distinguant des responsabilités et du pilotage des tutelles, donnera au contraire bien plus de visibilité. Les équipes de direction ont accès à tout le parcours magistère disponible sur le site de l’IHEES. 

Le lien entre autonomie et évaluation doit être percutant pour le système, bien plus habitué au contrôlé qu’à l’évaluation. Cette dernière permet de libérer la capacité d’initiative et d’autonomie, mais aussi de gagner en maturité sur l’évaluation et la responsabilité. Les résistances sur l’évaluation proviennent du fait que le système s’est concentré sur l’évaluation des personnels. Il conviendrait au moins que la séquence d’évaluation de cinq ans puisse être maintenue, quitte à être réalisée en partie à distance, puisqu’elle sera très utile aux établissements et permettra de mieux observer les actions, mais aussi les élèves et de mieux percevoir les points de vue des usagers (élèves, parents et personnels). Avec plus d’autonomie, l’effet-établissement sera plus important. 

Marc FOUCAULT s’enquiert de l’articulation possible entre le temps long de l’évaluation et l’ADN de turn-over et de mobilités des personnels dans un établissement. 

Béatrice GILLE considère qu’il est nécessaire d’avoir un minimum de personnels stables et que l’établissement doit analyser ses ressources et leur rotation. La question de l’augmentation des postes à profil ou des capacités de recrutement par les établissements se pose depuis un certain temps. L’évaluation permettra d’engranger dans l’établissement la mémoire des observations, au-delà des départs des personnes, alors que cette documentation n’existe pas actuellement. 

Marc FOUCAULT a retenu des échanges préparatoires avec Béatrice Gille l’idée d’une CVThèque répertoriant les compétences de chacun, dans les établissements. 

Intervention du proviseur du lycée Blaise Pascal de Marseille et de la conseillère innovation de l’académie de Nice 

Mme CAUCHI-BIANCHI indique que dans le cadre de l’article 34 de la loi de 2005, une expérimentation a été menée entre 2011 et 2014 à Toulon entre les écoles et les collèges du territoire. Sur ce territoire, le travail des enseignants était réel, mais la réussite n’était pas à la hauteur de l’engagement. Des problèmes de continuité se posaient entre l’école et le collège. Il a été décidé de partager le regard de l’IEN et de l’lAPR avec les enseignants, avec un pilotage concerté mis en place. Les principaux des collèges, les directeurs des écoles ont été entraînés dans cette dynamique, pendant trois ans, d’un diagnostic à l’évaluation des effets des décisions mises en place, dans le respect des prérogatives de chacun. Les équipes ont été associées. 

Sur ce territoire, les conditions d’un travail en réseau et en proximité ont été créées. Tous les membres du conseil de réseau ont eu comme priorité de créer les conditions favorables au développement professionnel des équipes, entre pairs et avec des experts. Une nouvelle forme de pilotage de leadership a été mise en place. Le conseil du réseau a été accompagné par des « amis critiques ». 

Michel DESAULT indique que cette expérimentation d’école du socle a permis de s’interroger sur l’autonomie et lui a permis de formaliser une pratique qu’il avait en tant que chef d’établissement et de construire son pilotage autour de ce point de manière cohérente, en donnant de la lisibilité aux équipes sur les actions menées. 

Le chef d’établissement doit accompagner ses équipes, notamment lors des réformes ou quand les profils des élèves évoluent. L’autonomie lui permet de décliner les décisions nationales en fonction du contexte local et des profils des élèves. Les équipes doivent être accompagnées par le chef d’établissement pour se saisir de l’autonomie et se développer professionnellement. Pour cela, il convient de créer un climat de confiance, entre les équipes, les élèves, le chef d’établissement et les familles. Cette sérénité donne la liberté de penser et de créer. L’objectif était de créer un territoire apprenant et entraîner toutes les équipes à réfléchir en permanence. La dotation en heures et en indemnités de mission particulière constitue un premier facteur d’autonomie et Michel DESAULT a voulu associer ses équipes à la répartition de cette dotation.  

Simone CHRISTIN, Inspectrice générale, constate que l’expérimentation menée à Toulon était très atypique, avec des interrogations autour de l’autonomie. Mme Cauchi-Bianchi a été un facteur de la réussite de l’expérimentation, en tant que facilitateur de l’ombre, au-delà de la chaîne hiérarchique. Les conseillers du recteur jouent un rôle important de ce point de vue. Un autre réseau a réalisé un travail exceptionnel sur les inspections croisées entre premier et second degré, avec une charte élaborée. Il manque une manière d’expliciter tous les rouages informels entre les acteurs qui permettent à un projet d’avoir un effet positif : il existe, au-delà de l’effet-établissement, un effet chef d’établissement. 

François TADDEI considère que tous les acteurs doivent être chercheurs et facilitateurs pour accompagner le développement professionnel des autres, en étant bienveillant. Les acteurs, y compris les plus récalcitrants, ont fini par se prendre au jeu, grâce à la confiance et à la dynamique instaurée, dans ce collège. La question de la pérennité et du passage à l’échelle de tel dispositif est au cœur de la réflexion. 

Simone CHRISTIN constate que la durée est souvent calquée sur le temps de présence du chef d’établissement. L’évaluation des établissements est maintenant prévue pour cinq ans. Avec l’accréditation des projets pour Erasmus pour sept ans, la durée ne correspondra pas au temps de présence du chef d’établissement. Il est dommage que le projet porté au collège la Marquisanne n’ait pu s’imposer au successeur, d’autant que les équipes portaient le projet. Un verrou existe. 

François TADDEI se demande s’il ne faudrait pas définir le profil de postes des professeurs et du chef d’établissement capable d’assurer la continuité du projet. 

Mme CAUCHI-BIANCHI est restée en poste les années suivantes : le développement professionnel des personnels s’est poursuivi et l’expérimentation a donné lieu à de nombreuses traces écrites. La traçabilité ne garantit donc pas la pérennité de l’action. Etre évalué dans la capacité à entretenir ce qui est considéré comme positif présenterait donc un intérêt. 

Michel DESAULT observe que cette expérimentation a abouti au projet collège du XXIe siècle et s’inscrit dans le processus d’un territoire apprenant et le questionnement sur l’auto-évaluation perpétuelle de ce territoire. Les enseignants voulaient conserver le laboratoire pédagogique et il aurait effectivement été possible de définir un profil pour le chef d’établissement, grâce à ce livrable définissant les attentes des équipes. Le départ du chef d’établissement pourrait être anticipé, puisque la hiérarchie en est informée, et le candidat correspondant au profil de l’établissement pourrait alors être recherché. 

Marc FOUCAULT relève que les grandes entreprises anticipent les remplacements, pour rassurer les équipes sur la continuité des projets. Il semble intéressant de déterminer ce qui doit absolument passer par l’article 34 et ce qui est totalement indépendant de l’article 34. 

Mme CAUCHI-BIANCHI précise que l’article 34 permet au groupe des chefs d’établissement de gérer les moyens, ce qui a permis d’organiser des journées de formation commune entre tous les professeurs d’une discipline, par exemple, ou d’organiser des visites croisées. L’article 34 permet également d’expérimenter des organisations différentes, avec des professeurs qui allaient d’un établissement à l’autre, sans aller jusqu’aux échanges de service. L’article 34 donne l’autorisation de se passer des autorisations systématiques et par exemple de se réunir une journée par mois pour un principal, un directeur, un IEN et des inspecteurs. En outre, le recours à l’article 34 rassure les personnels quant à leur liberté d’expérimenter. 

Simone CHRISTIN constate que l’article 34 donne au principal toute la confiance de sa hiérarchie, sur le fondement de la subsidiarité qui s’applique et permet de prendre les décisions au bon niveau. Le risque est alors assumé par la chaîne hiérarchique. Les gestionnaires et agents comptables sont également impliqués dans le projet. 

Michel DESAULT relève que l’article 34 permet d’obtenir une dérogation à la règle ou de demander un suivi : il permet également de mettre en valeur le travail réalisé par les équipes. 

Un représentant du collège encadrement considère que la place de la recherche n’a pas suffisamment été évoquée alors qu’elle est primordiale pour développer des communautés apprenantes. Il se demande comment les écoles et EPLE peuvent être mis en relation avec des chercheurs et si des recommandations peuvent être formulées. 

Mme CAUCHI-BIANCHI indique que les chercheurs ont été présents, à la Marquisanne, avec une intervention rémunérée. 

Michel DESAULT le confirme : les équipes devaient être accompagnées, pour mettre en place un territoire apprenant. Pendant six ans, les équipes ont été accompagnées par Daniel Favre et Dominique Bucheton sur l’interdegré, mais aussi par le docteur Delage. En choisissant cette option, une ligne budgétaire a dû être créée sur l’innovation pour rémunérer les frais de déplacement. 

Mme CAUCHI-BIANCHI ajoute que le réseau du socle comprend des établissements qui se sont associés pour payer l’intervention de chercheurs, ce qui requiert une souplesse. Nourrir les équipes intellectuellement peut aussi se faire avec des interventions au sein de l’académie. 

Marc FOUCAULT évoque les postes à profil et demande si la politique de ressources humaines constitue un frein dans le projet porté. 

Michel DESAULT indique que le ministre veut maintenant repérer les hauts potentiels, ce qui rejoint les postes à profil. 

Un représentant du collège des syndicats revient sur l’importance de l’autonomie financière pour mener à bien de tels projets. Sans autonomie financière, l’autonomie est fortement réduite. 

Revue des propositions formulées par le groupe 

François TADDEI remercie les participants d’avoir été si nombreux à voter pour les propositions et de s’être montrés très créatifs. Les propositions devront être sélectionnées pour être transmises au ministre. François TADDEI invite les participants à s’interroger sur l’intérêt des propositions dans leurs pratiques. Une synthèse devra être réalisée, en distinguant les propositions qui valent au niveau ministériel et celles qui pourraient s’appliquer au niveau local. L’expérience de la Marquisanne montre qu’il est déjà possible de mettre en œuvre certaines propositions. 
 
Marc FOUCAULT rappelle que des propositions précises, concrètes et opérationnelles devront être définies à l’issue de la quatrième séance de l’atelier. Certaines propositions établissent un constat, d’autres formulent un vœu pieux. Les idées qui n’auront pas été retenues en tant que propositions pourront toutefois être adressées. 

Un cadre est défini pour la présentation des propositions. Il faudra ainsi préciser à quel besoin répond la proposition, présenter la proposition, puis indiquer en quoi elle est en adéquation avec les attentes des personnels, préciser son impact, l’acceptabilité et l’enjeu politique, la simplicité et le délai de mise en œuvre et le coût éventuel. Le ministre en prendra connaissance et les propositions seront étudiées jusque mi-janvier. L’exercice présenté ce jour – qui pourra se prolonger lors de la dernière séance – consiste à ce que les participants défendent une proposition, qu’ils l’aient formulée ou non. 

Un représentant du collège des professeurs regrette que la séance ne soit pas suffisamment axée sur l’élémentaire, et que de nombreuses problématiques n’aient pas encore été abordées. Par exemple, dans le premier degré, il est nécessaire de trouver un temps supplémentaire puisque les temps de concertation sont comptés et que les 108 heures ne suffisent pas. Un planning peut être défini à l’année, mais le temps accordé ne suffit pas. Lorsque la participation repose sur le volontariat, il n’est pas toujours évident de susciter l’adhésion. Le principal écueil réside dans l’impossibilité de se libérer du temps de présence devant les élèves. 

Un représentant du collège des professeurs explique que le temps de travail des enseignants, en premier degré, se répartit entre le temps de présence face aux élèves, l’aide pédagogique complémentaire, les temps de concertation et les temps de formation. Il est impossible de trouver des temps supplémentaires. Les directeurs d’école doivent également trouver des temps supplémentaires pour organiser la réflexion dans l’école et pour organiser la liaison avec les collèges. L’auto-évaluation pourrait permettre d’élaborer le projet d’école. 
Pour susciter l’adhésion des enseignants, ces derniers devront avoir conscience des avantages que ce dispositif peut leur apporter. 
Enfin, les leviers à utiliser face aux équipes doivent être précisés. Les directeurs n’ont aucune information sur l’attractivité de leur établissement et ce rayonnement des initiatives des établissements devrait être mieux organisé. 

Enfin, la question de la relation avec les collectivités territoriales doit être traitée, pour le premier degré. Une commission pourrait mieux associer les directeurs d’école, les IEN et les adjoints aux maires. 

François TADDEI propose de combiner les temps de formation et les temps de concertation, en se formant par exemple à rédiger un projet d’établissement. 

Un représentant du collège des professeurs souhaite également développer l’autonomie dans le choix des formations, puisque les enseignants connaissent leurs besoins en formation. 

François TADDEI relève qu’une proposition vise à diviser la formation en quarts (un quart pour l’Etat, un quart pour l’académie, un quart pour l’établissement et un quart pour le professeur). 

Une représentante du collège encadrement trouve cette proposition très pertinente, pour proposer les fondamentaux, mais aussi autre chose, en partant du besoin des établissements et équipes. Les enseignants définissent eux-mêmes la problématique sur laquelle ils veulent travailler, pour créer des groupes apprenants qui partent des besoins des équipes. 

François TADDEI considère que des temps de concertation pourraient être organisés avec les élèves, par exemple pour travailler sur le projet d’établissement. 

François TADDEI relève une volonté d’autonomie sur la formation : les enseignants pourraient partager leurs pratiques et les autres pourraient y accéder à distance et en asynchrone. 

Une représentante du collège encadrement considère qu’il faudrait également accompagner les formateurs pour ce changement de pratique, ainsi que les inspecteurs. 
 
Une représentante du collège des syndicats revient sur l’annualisation du temps de travail des enseignants. Cette possibilité existe dans l’enseignement agricole privé sous contrat. Dans les entreprises privées, l’annualisation est intervenue par accords très complets, alors qu’elle n’est pas cadrée dans l’enseignement agricole. Localement, des chefs d’établissement demandent à des enseignants de récupérer des jours fériés ou des temps de formations. Cette annualisation permet toutefois de réaliser le suivi de stage en entreprise et d’organiser des temps de concertation, tout en gardant du temps pour d’autres activités. 

Un représentant du collège des syndicats observe qu’un problème se pose, pour les enseignants qui sont à 25 heures devant élèves, contre 18 heures dans le second degré : la diminution de ce temps permettrait de construire les projets et d’avoir des dynamiques collectives. La possibilité de suivre des formations sur le temps de travail est quasiment inexistante dans le premier degré, faute de possibilité de remplacements. 

Marc FOUCAULT s’enquiert de la position de ce représentant vis-à-vis de la proposition de cours de 45 minutes pour épargner du temps collectif. 

Un représentant du collège des syndicats relève que les enseignants du premier degré sont transdisciplinaires et ne découpent pas forcément les cours par heure : il serait plus pertinent de réduire la durée totale du temps de travail devant élèves à 5 heures par jour au lieu de 6 heures par jour. Libérer du temps permettrait de libérer les énergies. 

En termes de proposition, un représentant du collège associatif et économique propose d’écrire une charte de l’éducation adossée à la Constitution, comme la charte de l’environnement, incluant la dimension d’autonomie donnée aux acteurs de terrain pour mettre en œuvre les fondamentaux éducatifs. 

François TADDEI observe que la charte de l’environnement est adossée à la Constitution pour s’imposer à l’ensemble des acteurs. Il se demande en quoi il conviendrait d’adosser une charte de l’éducation à la Constitution plutôt que de l’insérer dans le Code de l’éducation. 

Un représentant du collège associatif et économique répond que la portée serait supérieure à celle du Code de l’éducation. La Constitution de 1958 ne mentionne pas l’éducation, alors que l’éducation est transverse. 

Un représentant du collège des syndicats revient sur la proposition visant à avoir un statut fonctionnel pour les directeurs : cette proposition peut se traduire par le fait d’être autorisés à ne pas toujours demander des autorisations de l’inspection académique, pour solliciter un intervenant extérieur ou mettre en place des APC qui requièrent systématiquement des signatures, ce qui peut prendre du temps. Le directeur serait alors un facilitateur des demandes des collègues. 

François TADDEI considère que ceci revient à la mise en œuvre de l’application du principe de subsidiarité. 

Un représentant du collège des syndicats observe que la crise sanitaire a permis d’appliquer le principe de subsidiarité, dans les mesures sanitaires appliquées. D’importants freins demeurent sinon. 

Un représentant du collège associatif et économique propose d’intégrer dans les obligations de service des enseignants du second degré et dans leur rémunération le temps de concertation et de travail collectif. 

Marc FOUCAULT souhaite initier un débat sur le projet d’établissement. Les projets d’établissement vivants et concrets, répondant à un travail collectif, constituent des exceptions. 

Un représentant du collège encadrement considère que les projets d’établissement ont progressivement été remplacés, du point de vue de l’investissement des équipes, par les contrats d’objectifs. Le lien avec l’auto-évaluation est central et l’auto-évaluation permettra peut-être de remettre le projet d’établissement au centre du jeu, probablement en faisant disparaître le contrat d’objectifs. 

François TADDEI se demande s’il faudrait penser l’articulation entre projet d’établissement et contrat d’objectifs dans le temps, autour de l’auto-évaluation. La proposition qui a recueilli le plus de votes concerne le projet d’établissement ; « consacrer une partie de la prérentrée au projet d’établissement ». 

Un représentant du collège encadrement juge difficile de se passer du projet commun qu’est le projet d’établissement. Le projet d’établissement est issu de la loi de 1989, et doit recenser les axes principaux et les choix politiques de l’établissement tandis que le contrat d’objectif définit trois leviers avec des objectifs et des moyens. Le contrat d’objectifs est défini pour quatre ans. 

Un représentant du collège des syndicats considère que les couches administratives se superposent, réforme après réforme, sans faire ressortir les priorités. Les enseignants ne connaissent souvent ni le projet académique, ni le projet d’établissement. L’auto-évaluation devrait permettre d’élaborer un projet d’établissement et les autres exercices devraient être supprimés. 

Un représentant du collège des professeurs juge l’autonomie nécessaire sur la temporalité du projet d’école, qui doit être défini tous les trois ans. Les écoles primaires sont aussi soumises aux politiques de la commune. Le bilan de projet d’école doit en outre se dérouler en même temps que l’auto-évaluation. Enfin, les deux tiers du projet d’école sont imposés par l’académie. 

Un représentant du collège familles et élèves observe que les projets d’établissement datent de 1871 et sont liés à la communauté éducative. Ils assurent la cohésion de l’ensemble de la communauté éducative et sont donc essentiels. Ils doivent être revus régulièrement avec l’ensemble des personnels pour vérifier qu’ils correspondent aux besoins du personnel et des élèves. Ces projets devraient être définis pour cinq ans. 

Un représentant du collège encadrement considère que le contrat d’objectifs devra être supprimé avec la mise en place de l’auto-évaluation. La lettre de mission du directeur d’établissement peut toutefois être maintenue puisqu’elle aborde d’autres sujets. 

Un représentant du collège des syndicats ajoute que l’évaluation externe remplace le contrat d’objectifs. Le DASEN devrait bien connaître le projet d’établissement et s’en inspirer pour la lettre de mission, ce qui n’est toutefois pas toujours le cas.

Marc FOUCAULT se demande si le nom du projet d’établissement ne devrait pas être modifié. 

Un représentant du collège familles et élèves relève que pour être vivant, un projet d’établissement doit être connu de tous. 

Un représentant du collège des professeurs explique que le projet est présenté aux parents élus au premier conseil d’école. 

François TADDEI propose de consacrer un temps de rentrée au projet d’établissement, au sein de l’équipe pédagogique puis avec le reste de la communauté éducative. Le sens et les valeurs pourraient être inscrits dans ce projet d’établissement. 

Marc FOUCAULT se demande si le projet d’établissement ne devrait pas comprendre un axe stratégique, sur cinq ans, et un aspect annuel s’il est discuté à chaque prérentrée.  

Un représentant du collège encadrement relève qu’il existe un aspect annuel, puisque le bilan est effectué en fin d’année. Il n’est toutefois pas présenté en début d’année, lors de la prérentrée, alors qu’un projet commun est nécessaire. Un lien pourrait être établi de manière systématique avec le conseil de la vie lycéenne, ce qui dépend du bon vouloir de chaque proviseur. 

Marc FOUCAULT relève que les entreprises définissent des axes stratégiques pour cinq ans et des plans d’action annuels, avec un bilan réalisé chaque année. 

Un représentant du collège des syndicats signale que les équipes manquent déjà de temps pour la concertation et ne souhaitent pas qu’une couche administrative soit ajoutée. Si le projet découle de l’auto-évaluation, il associera les personnels. 

François TADDEI constate que plusieurs propositions abordent ce sujet et souhaiterait les articuler au sein de l’établissement. 

Un représentant du collège associatif et économique souligne le risque de retirer le terme d’établissement alors que plus d’autonomie est visée. 

François TADDEI observe qu’il faut s’interroger sur les équipes qui définissent et mettent en œuvre cette stratégie et sur l’articulation entre le recrutement et le projet. 

Un représentant du collège des professeurs constate que le principal écueil rencontré dans la rédaction du projet d’école réside dans son sentiment d’inutilité pour les enseignants. Pour démontrer son intérêt, le directeur doit disposer de leviers pour faciliter les pratiques des enseignants ou mettre en œuvre une pratique pédagogique innovante. La réflexion initiée autour du projet d’établissement ne débouche souvent pas sur des aspects pratiques. 

François TADDEI observe que, si le projet définit une stratégie et s’accompagne de moyens mis en œuvre, il pourra retrouver du sens. 

Un représentant du collège des professeurs juge essentiel de redonner du sens. Le PEDT présente un intérêt de ce point de vue, s’il s’accompagne d’une réelle concertation avec les établissements et s’articule avec le projet d’établissement. 

Marc FOUCAULT considère que l’articulation entre les établissements et le local constitue une véritable question. 

Un représentant du collège des syndicats remarque une volonté de recentralisation des collectivités vis-à-vis des EPLE. Les collectivités doivent verser une subvention de fonctionnement et externalisent souvent les prestations, ce qui nuit à l’autonomie des établissements. 

Marc FOUCAULT évoque la mobilité des chefs d’établissements (directeurs d’école inclus) et s’enquiert des outils disponibles pour renforcer la sédentarité. 

Un représentant du collège des professeurs observe que le delta entre un directeur et un enseignant n’est que de 3 % et qu’un problème se pose quant à la décharge de direction. Les directeurs courent après le temps pour assumer leurs fonctions d’enseignants et de directeurs qui s’alourdissent. Au-delà de la revalorisation financière, une décharge supplémentaire semble indispensable. 

Un représentant du collège encadrement constate que la motivation du projet mobilise le personnel de direction. Le facteur temps est un facteur central. La multiplication des réformes et la crise sanitaire nuisent au sens pour les enseignants qui s’intéressent à la réussite de leurs élèves et privilégient la stabilité. 

Un représentant du collège des syndicats remarque que le problème de la mobilité est lié à la catégorie de l’établissement. 

Un représentant du collège encadrement relève que le point est également lié à la proximité, à la vie familiale et au leadership : si le projet est motivant, il pourra attirer du personnel. 

François TADDEI souligne que, dans certains pays, les chefs d’établissement les plus expérimentés s’occupent des établissements les plus difficiles. 

Un représentant du collège des syndicats signale que la clause de sauvegarde existe pour les chefs d’établissement en fin de carrière : ils peuvent alors rejoindre un établissement de catégorie inférieure sans perdre en rémunération. 

Un représentant du collège des professeurs évoque l’autonomie par rapport au programme scolaire : dans le primaire, les enseignants attendent une certaine stabilité puisque les réformes sont fréquentes. En conseil des maîtres, il arrive d’adapter les programmes de manière officieuse : il convient de pouvoir officialiser ces positions, en les adaptant aux attentes du collège de secteur.

François TADDEI note que les programmes de certains pays sont bien plus généraux et ne définissent que des grandes lignes qui sont ensuite déclinées localement.

Conclusion

Marc FOUCAULT propose de discuter, lors de la dernière séance, des propositions, après un travail d’analyse pour identifier des grandes thématiques. 

Mise à jour : décembre 2020

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