L'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif - vol. 4 [Éducation & formations n° 99]

Ce numéro est le quatrième et dernier volume permettant la valorisation d’études et de recherches qui nous ont été soumises dans le cadre de l’appel à contributions lancé par la DEPP fin 2016 sur l’égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif.

Nous avons publié 28 articles traitant des inégalités selon le sexe, des stéréotypes de genre, depuis le sexisme véhiculé dans la littérature jeunesse en usage en maternelle, aux problématiques d’orientation et d’insertion professionnelle dans l’enseignement supérieur, sans occulter les inégalités salariales entre enseignantes et enseignants, ou les inégalités de qualité de vie au travail.
Spécifiquement, les articles du numéro 99 nous permettent de prendre conscience des actions menées dans certains territoires pour lutter contre ces inégalités ou stéréotypes de genre, comme celles déployées dans l’académie de Créteil. Ils questionnent également la perception par l’institution des comportements liés aux interactions entre filles et garçons en milieu scolaire, le parcours universitaire et l’insertion professionnelle différents entre étudiantes et étudiants, et enfin sur la qualité de vie au travail selon le contexte d’enseignement.

Rédactrice en chef : Caroline Simonis-Sueur

 

1. Penser l’égalité dans les représentations du métier de professeur d’EPS. Enjeux méthodologiques et critiques

Loïc Szerdahelyi, Cécile Ottogalli-Mazzacavallo

Dans un contexte où les femmes sont de moins en moins nombreuses à enseigner l’éducation physique et sportive, cet article, attentif aux représentations du métier de professeur d’EPS par les lycéennes et lycéens, propose une réflexion épistémologique en méthodologie de la recherche. Prenant acte de la complexité de l’usage des catégories de sexe au regard du renversement conceptuel du genre, le débat porte sur les choix méthodologiques effectués dans le cadre d’une enquête par questionnaires. Comment appréhender les similitudes ou les écarts entre les élèves selon leur sexe, sans essentialiser les catégories de sexe ? Comment utiliser les catégories de sexe tout en se réclamant des études de genre, dont les derniers développements conceptuels remettent précisément en cause l’intangibilité et la binarité des catégories de sexe ? Comment construire des outils méthodologiques pertinents au regard des outils théoriques adoptés, en tenant compte de leurs implications scientifiques et éthiques ? Autant de questions soulevées dans ce retour d’enquête réflexif sur le caractère socialement construit des catégories d’analyse. Méfiant vis-à-vis de la reproduction des assignations de sexe, l’article revient sur les étapes de développement du concept de genre, avant d’en envisager des applications méthodologiques, puis d’ouvrir sur de possibles prolongements à l’intersection des dominations.

 

 2. Collaborer pour développer l’égalité filles-garçons. À la recherche d’une dynamique à déployer dans l’académie de Créteil

Sigolène Couchot-Schiex

Des actions, des recherches, des enseignements concernant l’égalité des sexes sont réalisés dans les établissements scolaires, dans les lieux de la formation des enseignantes et des enseignants au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPÉ), dans les missions égalité des rectorats. Cet article a pour objet de décrire et analyser l’expérience d’acteurs et actrices de différents statuts qui œuvrent pour l’égalité sur le territoire de l’académie de Créteil en s’inscrivant dans une dynamique collective. Des regards croisés, des échanges de réflexion et de pratiques, des invitations mutuelles tissent année après année des rapprochements qui apparaissent déjà fructueux et pourraient constituer des leviers pour le développement d’actions futures dans les espaces scolaires et de formation de l’académie. L’analyse tirée des témoignages montre que les avancées concrètes relèvent de « petits pas » sur le terrain qui pourraient se renforcer par la conjonction de conditions favorables. Ces avancées tireraient bénéfice, d’une part de la construction collective de compétences professionnelles pour l’égalité pour tous les personnels. D’autre part, elles sont sensibles au soutien mutuel entre les différents partenaires, condition d’une réelle confiance entre acteurs et actrices et garantie essentielle de la mobilisation collective à l’échelon d’un territoire académique pour la transformation active des pratiques professionnelles.

 

3. Au collège et au lycée, des élèves, des adultes et des jeux

Annie Léchenet, Patricia Mercader

Cet article rend compte des principaux résultats d’une recherche qualitative visant à comprendre les conduites des élèves entre eux – entre filles, entre garçons, entre filles et garçons – dans les établissements d’enseignement secondaire : s’agit-il, comme le disent le plus souvent les élèves, de jeux bénins, ou bien ces comportements sont-ils aussi constitutifs de violences ? À l’aide d’observations de type ethnographique, on met en évidence chez les élèves des fonctionnements sociolinguistiques appelant des interprétations difficiles et des conduites de contrôle réciproques asymétriques, par lesquelles les élèves se socialisent aux normes de l’hétérosexisme. Cet ensemble constitue bien, même à l’intérieur de jeux, un système de violence de genre. Les adultes de l’institution semblent ne percevoir ni certaines violences manifestes, ni le sens violent de conduites anodines – sans doute la conformité de ces conduites aux normes du genre et de l’hétérosexisme explique-t-elle cette cécité. Néanmoins un certain nombre d’enseignants dépassent le rapport de force inhérent à ces systèmes. L’article se termine par l’exploration de quelques possibilités de formation, initiale et continue, des personnels des établissements : connaissance des systèmes de genre et d’hétérosexisme, groupes de parole, formation aux pédagogies de l’équité.

 

4. Le poids du genre dans l’expérience étudiante et l’accès à l’emploi. L’exemple des sortants de l’université de Strasbourg

Vanessa Boléguin, Stéphane Guillon, Jérémy Picot

Étudier le parcours d’études à l’université permet d’aborder l’expérience étudiante comme une forme de socialisation pouvant participer de la production d’écarts interindividuels en termes d’intégration, de réussite académique et plus tard de qualité dans la relation formation-emploi. Cette expérience inclut l’inscription de l’étudiant dans le groupe des pairs, mais également dans la matrice disciplinaire en tant qu’elle est un contexte à l’intérieur duquel se construisent les apprentissages et le projet étudiant d’orientation et de professionnalisation. Déjà identifiée comme caractéristique intervenant dans la construction des parcours scolaires et les modalités d’accès, de stabilisation et d’évolution sur le marché du travail, l’appartenance genrée a été moins souvent interrogée en tant qu’elle produit des formes spécifiques d’intégration étudiante par les pairs, à l’intérieur des contextes d’apprentissage et dans la relation pédagogique. Nous proposons ici d’illustrer cette différenciation à partir de données tirées d’une enquête rétrospective portant sur l’expérience étudiante et l’accès à l’emploi auprès d’un échantillon d’anciens étudiants inscrits à l’université de Strasbourg en 2005-2006, analysant longitudinalement la période d’études et la séquence de primo-insertion. Le genre apparaît comme un facteur impactant, en défaveur des étudiantes, d’abord dans l’intégration dans l’enseignement supérieur du fait d’un parcours moins long dans l’espace universitaire, d’une socialisation plus faible dans le groupe des pairs et dans le contexte institutionnel, et d'un niveau de diplomation moins élevé, ensuite dans les modalités d’insertion professionnelle plus souvent marquées par le chômage, le déclassement et l’instabilité professionnelle.

 

5. Burn-out et engagement chez les enseignants du secondaire. Une comparaison femmes/hommes selon le contexte d’enseignement

Emma Guillet-Descas, Vanessa Lentillon-Kaestner

Le phénomène d’épuisement professionnel, ou de burn-out, concerne un nombre important de professions et notamment celle d’enseignant. De nombreuses recherches confirment la pénibilité du métier d’enseignant, augmentant ainsi les risques de burn-out. Au regard des études antérieures, il apparaît que la variable « sexe » est à prendre en considération dans le phénomène d’épuisement, d’engagement et, plus globalement, de la qualité de vie professionnelle. Des différences entre les femmes et les hommes ont déjà été mises en évidence sur les trois symptômes du burn-out, cependant les études antérieures sont peu nombreuses et les résultats contradictoires. L’objectif de cette étude a été d’étudier les différences existantes sur le vécu de l’épuisement, de l’engagement et de la motivation des enseignants et enseignantes du secondaire en modérant ces différences avec la prise en compte de la discipline enseignée (EPS et les autres disciplines) et du contexte d’enseignement (France-Suisse). Les résultats ont mis en évidence une vulnérabilité plus grande chez les femmes françaises en comparaison des enseignants suisses et des enseignants hommes français. De plus, le risque d’épuisement semble moins important chez les enseignants hommes d’EPS comparé aux autres enseignants des autres disciplines, et notamment chez les femmes. Les risques d’épuisement professionnel semblent se différencier selon des facteurs individuels tels que le sexe et la motivation, risques qui semblent accentuer ou diminuer selon les contextes d’enseignement.

 

6. Le ressenti du corps professoral des universités québécoises à l’égard de leur qualité de vie au travail. Quelles différences entre les hommes et les femmes ?

Catherine Le Capitaine, Mélanie Gagnon

Cet article porte sur le ressenti des professeurs d’université au Québec à l’égard de leur qualité de vie au travail (QVT) dans une perspective de genre. Cette réflexion visant à comparer le vécu des hommes et des femmes en termes de conditions d’emploi et de satisfaction au travail et à saisir les biais discriminatoires ressentis par le corps professoral féminin arrive à point nommé compte tenu des transformations actuelles du monde universitaire. Les résultats reposent sur la réalisation d’une enquête électronique menée au Québec en 2015 auprès de 756 professeurs provenant de 14 universités. Bien que les hommes et les femmes partagent certaines similitudes quant aux valeurs liées à la profession universitaire, notamment sur l’importance accordée à la liberté universitaire, il ressort de l’analyse un fort constat d’inégalités de genre. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ressentir de la pression pour publier et pour effectuer des demandes de subventions, à se sentir dépassées par la charge de travail, à déplorer l’iniquité de la répartition des tâches administratives et plus globalement celle de la charge de travail entre les collègues. Davantage victimes de violence ou de harcèlement dans leur milieu de travail, plus de femmes que d’hommes se sentent stressées, épuisées par leur travail et manquent de temps pour leur vie personnelle. Autant de données qui témoignent d’une détérioration de la QVT des professeurs d’université et de la persistance des inégalités professionnelles de genre dans le monde universitaire québécois.