Grenelle de l'Éducation [synthèse d'atelier] : Revalorisation

Consultez la synthèse des ateliers "Revalorisation" du Grenelle de l'Éducation.

La thématique de l’atelier était la suivante : « comment contribuer à attirer et conserver les talents à travers une revalorisation financière durable des professeurs, tenant compte des spécificités de leur activité, et une meilleure reconnaissance de leur statut dans la société ».

 Cinq séances ont été organisées avec, à chaque fois, une question à traiter, dans l’ordre suivant :

  • Séance 1 : La revalorisation des rémunérations : quelles populations visées ? 
  • Séance 2 : La revalorisation des rémunérations : sur quels éléments ? (Le territoire d’exercice ? Les fonctions exercées ? L’investissement quantitatif ? Le mérite individuel ou collectif ? L’investissement dans la formation ? L’innovation ?) ; 
  • Séance 3 : Les conditions d’exercice du métier ;
  • Séance 4 : La place de l’enseignant dans la société ;
  • Séance 5 (en sus du programme initial) : Le temps de travail des enseignants. 

Sur le format, il y a eu, lors des deux premières séances, un déséquilibre dans les représentations effectives des collèges, avec une sous-représentation de la société civile (élus locaux et monde économique) relativement au collège des syndicats. Le retrait de la CGT et de la FSU des ateliers au profit du seul agenda social du Grenelle a eu pour effet collatéral de rééquilibrer la composition du groupe, avec l’arrivée d’un représentant de la PEEP, d’une conseillère départementale du Cantal, ancienne professeur agrégée, puis du maire de Vannes.
 
Par ailleurs avait été invitée à la troisième séance, la cheffe de bureau DGRH des prestations sociales qui a pu dresser un panorama de l’existant. Enfin, une 5ème séance, organisée en janvier, a été ajoutée au programme pour continuer les échanges de manière très ouverte et dépassionnée sur la thématique sensible du temps de travail des enseignants, thématique sensible car une grande partie de ce temps demeure invisible pour les non-initiés.

Même s’il y a eu parfois des difficultés à prendre du champ sur les aspects techniques des rémunérations ou à sortir de certaines postures de principe, la technique d’animation choisie après la première séance, à savoir interroger les participants collège après collège, a permis des échanges équilibrés, nuancés, distanciés et novateurs.

Sur le fond il s’est dégagé, sinon des consensus, du moins des lignes de force qui peuvent servir de base à des négociations plus poussées, plus techniques et plus opérationnelles dans le cadre de l’agenda social, selon trois grands axes. 

Axe 1 : L’attractivité par la revalorisation des rémunérations.  

En termes de rémunérations proprement dites il faut distinguer la part fixe et les parts variables. 

S’agissant de la part fixe, les participants sont largement favorables à une revalorisation salariale durable de tous les personnels enseignants sans condition préalable (seul un participant a évoqué les questions de montant de masse salariale à respecter). Toutefois dans le second degré, a été discutée dans la séance 5 la possibilité d’une « veille pédagogique » assurée par les enseignants en fonction de leur disponibilité, par exemple pour prendre en charge les élèves en cas d’absence courte d’un collègue, à partir d’une programmation fixée à l’avance sous forme d’un crédit d’heures, et en appliquant les règles fixées en matière d’astreinte.  

La revalorisation salariale doit assurer un niveau minimum de rémunération d’entrée dans le métier équivalent à X fois le SMIC, le X restant à déterminer, mais devant tenir compte d’un recrutement à bac plus cinq et qui doit se poursuivre dans le déroulé de carrière. A ce titre la première mesure « d’attractivité » prise dans le cadre du PLF 2021 est de fait bien accueillie (même si les représentants du personnel auraient préféré de « l’indiciaire ») et la seconde moins bien, la « prime informatique », en raison même du fait qu’elle ne profite pas à tous. 

Cette revalorisation doit être durable et s’exprime dans la demande d’une forme de « garantie de pouvoir d’achat », de « maintien du niveau de vie ». A ce titre un observatoire des rémunérations complétée par un axe bien-être pourrait être un bon instrument de mesure et d’analyse des évolutions en la matière.

Cette revalorisation générale n’exclut pas qu’il y ait des enseignants prioritaires. Les participants s’accordent à dire que l’exercice du métier est aussi difficile dans le premier degré que dans le second degré et que les « primes » (exemple ISAE/ISOE) ou les « rémunérations complémentaires », les avancements de grade, etc… doivent être alignés (entre professeurs des écoles et certifiés) ou être comparables. Il s’agit, au fond, de tirer toutes les conséquences du nouveau statut de 1990 des professeurs d’écoles , à l’heure où le premier degré est une priorité affichée. Cette mesure contribuerait à combler l’écart de salaire femme-homme, compte tenu de la féminisation du corps des professeurs des écoles. Ils sont également partisans d’une meilleure prise en compte de l’expérience professionnelle passée pour les « troisième concours » et pour regarder finement la situation des contractuels (dont les 30000 de l’enseignement privé sous contrat). 

Enfin cette revalorisation financière n’exclut pas un choix entre le temps et l’argent ; ainsi les formations hors temps scolaire, des heures de travail supplémentaires pourraient donner lieu à ouverture de « compte épargne temps » cumulable, à utiliser en cours ou en fin de carrière. 

A partir de ces préalables, il n’y a pas d’opposition de principe à conforter des éléments de différenciation dans les rémunérations complémentaires. 

Pour ce qui est des part variables le degré d’acceptation ou de compréhension de cette variabilité dépend des thématiques.

Les participants sont d’accord sur le fait que les primes peuvent varier en fonction des conditions d’exercice dans certains établissements ou dans certains lieux. Pour les établissements ils estiment que ce qui est donné aux collègues exerçant en éducation prioritaire (REP et REP +) est déjà suffisamment discriminant, mais qu’il faut plus de souplesse et d’adaptabilité dans la carte des établissements bénéficiaires ; c’est pourquoi il apparaît, à ce stade, qu’un relatif bon accueil sera donné à la démarche des contrats locaux d’accompagnement (CLA) car ils peuvent permettre la prise en compte du rural isolé, des écoles dites orphelines ou de certains lycées professionnels.

Au-delà, ils sont favorables à une révision ou à un redéploiement de l’indemnité de résidence, qui devrait être différenciée avec une granularité beaucoup plus fine qu’aujourd’hui (région parisienne, centres urbains, zones frontalières, rural isolé, etc…). Pour cette indemnité, qui est proportionnelle au salaire et représente une compensation du coût de la vie, l’idée peut être également avancée de son plafonnement pour les plus hauts salaires avec une redistribution sur les rémunérations les plus faibles (l’indemnité de résidence est actuellement de 0 à 3% du salaire selon les zones). 

Ils s’accordent également sur le fait que certaines fonctions « objectivées », qui demandent un investissement particulier, soient prises en considération sur le modèle des indemnités pour mission particulières (IMP), qui devraient être plus élevées, plus larges dans le champ des possibles, et généralisées dans le premier degré. Certains estiment que les décharges de service devraient être plus faciles à obtenir (du temps plutôt que de l’argent à nouveau) mais on est là à la limite du champ d’investigation de l’atelier revalorisation, car on touche ici aux emplois. 

De la même manière, les projets innovants (avec droit à l’erreur), certaines expérimentations (en lien avec la recherche) devraient pouvoir être aidés ou récompensés.

Le point le plus délicat est le lien entre rémunération complémentaire et mérite, car il n’y a pas consensus sur ce point, les positions pouvant même être très tranchées. Certains estiment que le mérite n’est pas objectivable et qu’il ne peut être lié aux progrès des élèves, ce progrès dépendant en partie de facteurs extérieurs à l’enseignant. D’autres estiment que la question doit être posée, qu’il faut trouver des critères objectifs d’appréciation permettant une différenciation (exemple avoir rempli certains objectifs comme cela existe pour les personnels administratifs) et qu’il faut ouvrir la possibilité de récompenser des réussites collectives. Un peu à l’instar de ce qui existe pour les personnels administratifs (et à l’inspection générale) des primes de fonction d’un côté, des primes de résultats (on devrait dire de réussite) individuelle ou collective de l’autre. 

Axe 2 : L’attractivité par la revalorisation des prestations sociales et culturelles

On entend par ces derniers termes toute une série de prestations qui feraient de l’éducation nationale une grande maison se préoccupant du bien-être collectif de ses personnels au 21ème siècle, tout comme les enseignants avaient su inventer au 20ème des mécanismes de solidarité en créant une mutuelle, une assurance et même une banque. 

Plusieurs problématiques ont été abordées qui font, et c’est important, l’objet d’un large consensus. Elles peuvent être classées en deux groupes à savoir, les mesures à prendre ou à développer, et la ou les structures qui doivent leur servir de point d’appui. 

S’agissant des mesures, la première a trait au logement. Aujourd’hui il y a un accord avec les bailleurs sociaux pour réserver des logements (300) dans quatre académies (Lille, Amiens, Créteil et Versailles). L’idée est de non seulement multiplier ces accords pour d’autres académies mais aussi, département par département, d’engager des discussions avec les élus locaux pour que cette question devienne un enjeu collectif (on pense notamment aux zones urbaines très chères et aux zones rurales isolées). Même si la question n’a pas été directement abordée pourquoi, pour ne pas se focaliser sur l’indemnité de résidence (interministériel), ne pas rétablir une indemnité représentative de logement (IRL), qui existait avant pour les instituteurs non logés par les communes. 

La deuxième a trait aux transports collectifs, dont la gratuité pourrait être accordée aux agents chargés de la suppléance des collègues absents.

La troisième est la création d’une carte professionnelle sur laquelle sont chargées des prestations culturelles et sportives, avec gratuité ou réductions de tarifs, pour les enseignants (extension ensuite à tous les personnels ?) par conventionnement avec le ministère de la culture, les opérateurs culturels et ceux du sport, pour obtenir des prestations à coûts réduits. Il faut considérer ce point non pas simplement comme une dépense mais également comme un investissement.

La quatrième est la relance d’une véritable politique de prévention en matière de santé, adaptée à l’exercice du métier de professeur (orthophonie, relaxation ; soutien psychologique, visite médicale tous les cinq ans) probablement par conventionnement avec notre prestataire historique la MGEN, mais peut-être ouvert à d’autres.

La dernière est l’augmentation sensible des crédits d’action sociale qui s’élèvent aujourd’hui à 40 millions d’euros pour plus d’un million d’agents, ce qui pousse au malthusianisme, crédits très inférieurs à d’autres ministères. L’idée serait, par exemple, de les augmenter du même montant pendant cinq ans.

Pour asseoir ces mesures et d’autres prestations sociales (chèque vacances, aides et secours, voyages…) il y a probablement besoin de créer une ou des structures d’appui, la notion de « comité d’entreprise » s’étant faite jour (au ministère des armées un établissement public industriel et commercial gère tout cela : l’IGESA). Reste à voir sous quelle forme et pourquoi pas dans chaque établissement avec versement d’une enveloppe dédiée, gérée par l’établissement avec un référent en lien avec la DSDEN et le rectorat.

Axe 3 L’attractivité par la considération due à l’enseignant par la société toute entière

Les participants ont eu un peu de mal à faire émerger spontanément des idées en rapport direct avec la thématique abordée, bien des interventions liant encore la reconnaissance de la fonction d’enseignant dans la société à l’amélioration des rémunérations et des prestations. Reste que, lors des deux dernières séances, et notamment à l’occasion du débat sur le temps de travail, s’est affirmée l’ambivalence de la perception de l’enseignant, simple salarié et/ou cadre ? 

Plusieurs idées forces ont tout de même été exprimées qui peuvent devenir autant de propositions.

La première est la création systématique d’espaces pour les enseignants pour toute construction nouvelle d’écoles ou d’EPLE ainsi que l’équipement de salles permettant un enseignement hybride, à négocier avec les collectivités territoriales (en cas de crise sanitaire mais aussi pour faciliter le remplacement de courte durée).

La deuxième est de mieux faire connaître au grand public les métiers de l’enseignement sous tous leurs aspects, et pas seulement le travail en classe devant les élèves, grâce à des spots publicitaires (pas uniquement en vue d’un recrutement), des émissions (TV, radio, net,) voire une série (TV, net), dont les enseignants seraient les personnages principaux (comme « l’instit » il y a quelques années). La société doit clairement percevoir le temps de travail visible (le service devant élèves) et le temps de travail moins visible (tout le reste…) des professeurs. 

La troisième est de mieux présenter aux parents d’élèves les écoles, les établissements du second degré, la manière dont les enseignants y travaillent et faire signer aux usagers une charte de bon comportement, incluant le droit à déconnection des professeurs, notamment les fins de semaine. 

La dernière serait de solenniser l’entrée dans le métier, au moment de la titularisation, par une cérémonie en présence de la hiérarchie, d’élus et de parents, qui pourrait donner lieu à prestation de serment devant la Nation par les professeurs, les modalités précises restant à discuter. 

Pour conclure les deux questions qui restent les  plus problématiques sont bien jusqu’où peut-on aller dans des formes de rémunération au mérite dans une profession encore largement attachée à une égalité formelle de traitement et que peut-on demander à un enseignant comme présence et activités au sein de l’école ou l’établissement, dans un métier encore largement perçu comme « nomade » avec une certaine liberté alors qu’il se « sédentarise », sans que l’on se soit donné encore les moyens d’y répondre ?

Mise à jour : janvier 2021

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

Mobilisation d'experts, retours d'expériences, concertations, ateliers, agenda social : d'octobre 2020 à février 2021, suivez le Grenelle de l'éducation.

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