Grenelle de l'Éducation [synthèse d'atelier] : Gouvernance

Consultez la synthèse des ateliers "Gouvernance" du Grenelle de l'Éducation.

La problématique de l’atelier a été préalablement définie : Quelles gouvernances des écoles et des établissements pour mobiliser, faire converger et développer les compétences individuelles et collectives au sein de la communauté éducative, assurer un climat scolaire serein, partager une vision commune et des éléments communs de réponse pour la réussite de chaque élève ? Avec qui et avec quels outils ? 

Les quatre séances se sont déroulées le 9 novembre, 20 novembre, 4 décembre et 17 décembre. La progression et la méthode ont été présentées au cours de la première séance et validées par le groupe. Après une phase d’appropriation collective de la problématique à partir d’un dossier transmis en amont, d’échanges et de débats, un premier état des lieux des forces et des faiblesses a été réalisé. Des premières hypothèses explicatives ont conduit à un diagnostic partagé et à des premières propositions. Durant les trois autres séances, ces hypothèses ont été confrontées à l’expertise de différents intervenants - Christine Musselin, Anne Barrère, Béatrice Gille - et croisées avec les expériences professionnelles variées des membres du groupe et de grands témoins, comme l’équipe de gouvernance d’une école du socle dans l’académie de Dijon. La méthode a permis une réflexion spiralaire qui a fait évoluer les propositions jusqu’à la dernière séance.

La série de propositions à laquelle l’atelier Gouvernance a abouti est fondée sur une hypothèse de départ : l’action collective, faisant droit à une autonomie individuelle et partagée par l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, est le fondement d’une gouvernance au service de la réussite des élèves. Ce consensus a ouvert, tout au long des discussions, des questions nombreuses sur la place, le périmètre de responsabilité, les compétences de chacun dans la dynamique commune reconnue comme souhaitable. Eclairé en particulier par les interventions successives de Christine Musselin et d’Anne Barrère, la recherche du bon équilibre entre un collectif enseignant partie prenante de la gouvernance d’une part et un pilotage assumé par le directeur ou le chef d’établissement d’autre part, a animé fortement les débats. 

Axe 1 : Gouvernance interne

L’ensemble des propositions concernant la vie des établissements porte ainsi l’ambition de favoriser les conditions du collectif et du dialogue mais aussi de clarifier les compétences respectives et le périmètre d’intervention de chacun. La collaboration harmonieuse autour du projet doit passer par la reconnaissance de la professionnalité individuelle. Les temps et la nature de la formation de tous personnels engagés devient dès lors un enjeu central qui s’exprime de façon unanime. L’ensemble des propositions faites par le groupe, pour une bonne identification du rôle de chacun, individuellement et collectivement, fait également émerger une exigence de connaissance, de reconnaissance et de valorisation des missions de gouvernance à la fois en termes matériels et en termes de parcours professionnels. Il a également été souligné que la construction d’un collectif efficace, véritablement délibératif, associant les enseignants à la gouvernance de l’établissement suppose une nécessaire reconnaissance de tous les engagements enseignants et non exclusivement ceux d’entre eux les plus en rapport avec le projet commun.

Les directrices et directeurs d’école sont des enseignants particuliers avec des responsabilités importantes et spécifiques. Elles peuvent s’exercer dans des contextes différents. Parmi eux, la taille des écoles influence l’exercice du métier, avec une différence significative entre les grosses écoles et les petites écoles.

Donner aux directrices et directeurs d’école un véritable statut leur conférant une autorité décisionnelle et fonctionnelle

Ce statut s’accompagnerait d’une précision de leurs responsabilités et d’une lettre de mission avec un rendre compte a posteriori. L’évaluation des collègues-adjoints dans les domaines didactiques et pédagogiques doit rester à l’inspecteur de circonscription.

La taille de l’école est un facteur unanimement reconnu comme important. Le groupe propose donc de commencer à attribuer ce statut spécifique à la directrice et au directeur pour les grosses écoles, par exemple, en expérimentant d’abord, sans donner des seuils de nombre de classes à partir desquels donner ce statut, pour privilégier l’étude. (5, 7 ou 10 classes). La création de ce nouveau statut doit s’accompagner d’une formation adaptée.

Les débats ont porté sur l’évaluation des professeurs de l’école dans leur participation à la vie de l’école, à la relation aux partenaires, à leur implication dans le fonctionnement.
Le groupe propose que le directeur d’école ait la possibilité de valoriser par une évaluation positive les compétences citées ci-dessus. Le double regard de l’IEN et du directeur d’école pourrait aussi être de nature à appuyer la directrice ou le directeur d’école dans les rares cas où il pourrait y avoir des problèmes. Ainsi, la directrice d’école ou le directeur d’école serait associé à l’évaluation dans le PPCR avec l’IEN sur les aspects administratifs, organisationnels et fonctionnels.
Il a semblé au groupe possible qu’un statut de directrice, directeur d’école soit donné sans statut juridique pour l’école. Une certaine autonomie de gestion sans statut d’établissement a été abordée. Il a été précisé au groupe que dans le cadre de la loi pour l’école de la confiance du 28 juillet 2019, des crédits pour l’école peuvent être gérés par convention avec un collège.

Renforcer le conseil d’école comme levier de l’expression du pilotage par l’équipe autour de la directrice, directeur d’école en donnant plus de pouvoir délibératif aux conseils d'écoles

La crise sanitaire a montré que le pouvoir décisionnel de toutes les directrices et de tous les directeurs quelle que soit la taille de l’école est nécessaire et doit être reconnu. En attribuant un réel pouvoir délibératif au conseil d’école, cela permet de renforcer le pouvoir décisionnel et organisationnel de la directrice et du directeur et de donner plus d’autonomie au collectif de ce conseil.
Sans être exhaustif, il s’agirait, par exemple, de supprimer l’accord préalable du DASEN et de l’IEN avant la délibération au conseil d’école, sur le projet d’école, sur des aspects organisationnels et décisionnels. 
Le contrôle pourrait alors s’exercer a posteriori dans le respect des décisions prises par le vote, sauf en cas de non-respect de la réglementation.
La gestion d’une enveloppe spécifique pourrait être confiée au conseil d’école, le directeur d’école se voyant ainsi chargé du respect des décisions prises par le conseil.

Donner l’autonomie totale des 108h (découpage horaire, contenus) à la directrice ou au directeur d’école, en fonction du projet d’école et des décisions du conseil d’école et sortir de la simple délégation de compétence pour l’organisation des 108h.

Ces trois propositions questionnent les missions des directrices et des directeurs vis-à-vis de l’IEN de circonscription et réciproquement. Le groupe propose donc une clarification des missions des uns et des autres.

Permettre aux enseignants d’avoir des décharges et/ou IMP (indemnité de mission particulière) incluses dans le service pour participation à la gouvernance dans le premier et dans le second degré.

Les missions seraient définies en fonction des besoins locaux par les chefs d’établissement ou directeurs et les équipes avec une lettre de mission et délibération en conseil d’administration ou conseil d’école. La lettre de mission donne lieu à évaluation et prise en compte de la carrière de l’enseignant. L’établissement reste maître de la répartition des moyens. Pour cela, un assouplissement du décret n° 2015-475 du 27 avril 2015 permettrait de supprimer la liste des IMP obligatoires répondant ainsi mieux au projet d’établissement.

Etendre la possibilité de recrutement de postes à profils en renforçant le pouvoir décisionnel des chefs d’établissement 

Comme c’est déjà le cas pour les postes spécifiques nationaux et académiques, la définition de profils spécifiques à l’établissement s’accompagnerait d’un recrutement par une commission donnant voix prépondérante au chef d’établissement. Pour le premier degré, il serait possible de concilier le mouvement infra départemental avec quelques postes à profil en adéquation avec des projets d’école particuliers et associer le directeur d’école au recrutement.

Mettre à disposition des temps de partage et de travail collectif inclus dans le temps de travail et ainsi que des espaces pour le travail collectif

L’intégration du travail collectif dans les services des enseignants n’est pas suffisante, elle doit l’être également dans l'organisation de l’établissement ou de l’école (hebdomadaire, mensuelle, annuelle). L’insuffisance d’espaces dédiés au travail collectif constitue une limite matérielle à la vitalité des collaborations.

Axe 2 : Gouvernance partagée

Elargies à l’environnement de l’établissement, la relation aux parents d’une part et celle avec les collectivités de rattachement d’autre part, posent la question de la place des acteurs parties prenantes de l’action éducative, que le groupe a également souhaité clarifier et délimiter. Sur ce point, le sentiment de l’insuffisante ouverture de l’école à son environnement fait miroir avec celui des cadres et des enseignants qui expriment le besoin d’une relation plus apaisée et plus confiante. Un consensus fort est apparu sur l’exigence commune de clarté des messages respectifs, de simplification des fonctionnements propres aux administrations parties prenantes, d’identification d’interlocuteurs opérationnels mais aussi de protection des établissements face à tout type de pression.
Le fonctionnement en réseau territorial des différents acteurs et organisations mobilisées au service de la réussite des élèves s’est incarné singulièrement dans la présentation d’un projet d’école du socle déployé dans l’académie de Dijon. L’exposé de cette expérimentation a permis au groupe de préciser à cette occasion les conditions d’une gouvernance partagée efficace. 

Simplifier et réorganiser le fonctionnement des instances pour une approche plus systémique, plus englobante favorable à la régularité de leur tenue

Cette proposition ne concerne ni le conseil d’école, ni le conseil d’administration. Le groupe propose de remplacer différents conseils de l’établissement, comme le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, le conseil pédagogique, la commission d’hygiène et de sécurité par un unique conseil, doté d’une structure pérenne comportant des membres permanents et des membres invités en fonction du sujet traité. La dénomination de conseil éducatif a fait consensus.

Désigner un référent unique au sein de chaque collectivité pour chacun des pilotes de l’éducation nationale (directrice, directeur d’école, chef d‘établissement)

Les interlocuteurs au quotidien des collectivités dans les établissements sont bien identifiés et en nombre limité : directeur, IEN, principal, proviseur, gestionnaire, etc. En face de ces interlocuteurs, on trouve dans certaines collectivités plusieurs services, qui varient en fonction des structures. Se rapprocher des différentes collectivités afin que chacune identifie un référent unique pour le pilote de l’école ou de l’établissement faciliterait la gouvernance partagée.

Axe 3 : Gouvernance au sein du système éducatif

L’articulation entre l’autonomie des professionnels, des établissements et le cadrage national à la fois prescriptif et contrôlant a constamment sous-tendu les débats du groupe comme une tension permanente entre l’exigence d’autonomie et de confiance pour agir efficacement et la réalité d’un système top down. La présentation de la stratégie d’évaluation des établissements par Béatrice Gille durant la dernière séance a permis d’ouvrir une piste de relâchement de cette tension grâce à une démarche partagée d’évaluation de l’action globale de l’établissement. Elle a conforté la place d’un plan de formation plus systémique.

Renouveler la formation des enseignants et des pilotes

Pour que celle-ci soit plus adaptée, professionnalisante, sur le temps de travail, elle doit être construite à partir des besoins individuels et collectifs exprimés en lien avec la gouvernance, avec les projets d’établissement, les projets d’école et les besoins des élèves. Les contenus et modalités de formation sont à définir en équipe avec l’école ou l’établissement. La formation par les pairs est aussi une piste, lorsqu’un membre de l’équipe est une personne ressource.

Former des professeurs et des pilotes aux métiers de la gouvernance

L’évolution de la gouvernance sera facilitée par la formation, des incontournables ont été identifiés, notamment la formation des professeurs ayant des missions de gouvernance. La formation à la connaissance et reconnaissance mutuelle avec les collectivités pourrait se concrétiser par l’organisation des stages d’immersion des pilotes de l’éducation nationale dans les collectivités et réciproquement par des stages d’immersion des cadres des collectivités dans les écoles et EPLE.
La formation pour la présidence du conseil d’école permettra aux directrices et directeurs d’école d’incarner leur école mais aussi la « vie globale de leur école ». 
La formation des directrices et directeurs d’école au pilotage des 108h dans le cadre de l’autonomie attribuée pourra s’appuyer sur des rencontres entre pairs. L’expression des réussites et des défis à relever permettront la construction des parcours de formation.

Dès lors que les enseignants seront impliqués dans des missions de gouvernance, la reconnaissance de leurs compétences doit être institutionnalisée pour l’individu et pour le système.

Plusieurs stratégies sont possibles : validation des acquis de l’expérience, certifications spécifiques, par exemple en gestion de projet, accès aux listes d'aptitude, facilité d'accès aux études universitaires. Cela peut également constituer une préparation progressive aux métiers de l'encadrement : bonus ou prise en compte dans les concours d’encadrement et/ou valorisation de l'expérience pour les enseignants. 

Réviser le PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations)

Le PPCR s'est en partie transformé par rapport à l'objectif initial. Il ne valorise pas l’ensemble de toute la carrière, par son caractère rare et ponctuel. L’évaluation des professeurs se faisant sur la base de quotas, les avis des chefs d’établissement et des inspecteurs ne sont donc pas toujours suivis et l’ancienneté continue à peser sur les promotions. Certains enseignants ont été évalués par des inspecteurs qui ne les connaissaient pas.
Il est nécessaire de ne pas pérenniser l’avis donné dans la perspective d’une transformation continue et d’un développement professionnel des acteurs.
Le PPCR a aussi pour conséquence moins d’organisation de réunions d’équipe, préjudiciable au travail collectif. Une réflexion sur la place des IA-IPR et IEN dans le PPCR est nécessaire pour concilier l’évaluation dans le PPCR et l’accompagnement, car le PPCR est actuellement centré sur la promotion.

Conclusion

Le respect mutuel, la qualité de l’écoute, la capacité à exprimer différents points de vue parfois éloignés les uns des autres ont permis l’émergence de propositions collectives nuancées, certaines avec un développement progressif dans le temps et avec des expérimentations. Trois des propositions évoquées au cours des séances, analysées au regard de leurs conséquences n’ont finalement pas été retenues.

Mise à jour : janvier 2021

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

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