Orientation et programmation pour la recherche et le développement technologique de la France

[Frise interactive] L'histoire des grands textes de l'Éducation nationale

L'Assemblée nationale et le Sénat ont délibéré,

L'Assemblée nationale a adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Titre I - Programmation des moyens de la recherche publique et des actions de développement économique

Art. 1. - La recherche scientifique et le développement technologique sont des priorités nationales.

Art. 2. - Pour atteindre l'objectif retenu par le plan intérimaire tendant à porter à 2,5 p. 100 en 1985 la part du produit intérieur brut consacrée aux dépenses de recherche et de développement technologique, les crédits inscrits au budget civil de recherche et de développement technologique progresseront à un rythme moyen annuel de 17,8 p. 100 en volume d'ici 1985, et les effectifs employés dans la recherche publique croîtront au rythme moyen annuel de 4,5 p. 100.

Le plan de la Nation reprendra, dans ses objectifs et ses stratégies, les orientations définies par la présente loi.

Art. 3. - Le budget civil de recherche et de développement technologique permet la mise en œuvre des quatre catégories d'actions suivantes :

  • les recherches fondamentales dont le développement sera garanti ;
  • les recherches appliquées et les recherches finalisées entreprises ou soutenues par les ministères et les organismes publics de recherche en vue de répondre aux besoins culturels, sociaux et économiques ;
  • les programmes de développement technologique qui seront poursuivis ;
  • des programmes mobilisateurs pluriannuels qui font appel à ces différentes catégories d'action. Ces programmes mobilisent autour des grands objectifs d'intérêt national retenus par le Gouvernement tant des crédits budgétaires que d'autres moyens apportés par les organismes publics de recherche, les laboratoires universitaires, les entreprises nationales, les centres de recherche et les entreprises privées.

Les programmes mobilisateurs sont arrêtés par le Gouvernement, en concertation avec l'ensemble des parties intéressées, après consultation du conseil supérieur de la recherche et de la technologie.

Art. 4. - Les conditions de réalisation de l'effort national de recherche et de développement technologique sont réexaminées chaque année par le Parlement, compte tenu de la situation des grands équilibres économiques et de la priorité nationale conférée par la présente loi à la recherche.

Lors du dépôt du projet de loi de finances, le ministre chargé de la recherche et de la technologie présentera chaque année au Parlement, au nom du Gouvernement, un rapport sur les activités de recherche et de développement technologique, qui retracera l'état de réalisation des objectifs fixés par la présente loi tant par les établissements d'enseignement supérieur, les organismes et entreprises publics que par les centres de recherche et les entreprises privées ; ce rapport fera ressortir les mesures prises, les perspectives ainsi que les difficultés rencontrées et les modifications nécessaires.

Il fera apparaître, en particulier, la contribution respectivement apportée à l'effort national de recherche et de développement technologique par les entreprises, le budget civil de recherche et de développement technologique, et les autres financements publics, notamment dans les domaines militaire, universitaire et des télécommunications.

L'article 5 de la loi n° 67-7 du 3 janvier 1967 portant création d'organismes de recherche est abrogé.

Titre II - Orientation de la recherche et du développement technologique

Chapitre I
Dispositions générales

Section I - La politique nationale

Art. 5. - La politique de la recherche et du développement technologique vise à l'accroissement des connaissances, à la valorisation des résultats de la recherche, à la diffusion de l'information scientifique et technique et à la promotion du français comme langue scientifique.

Art. 6. - L'appréciation de la qualité de la recherche repose sur des procédures d'appréciation périodique portant à la fois sur les personnels, les équipes, les programmes et les résultats.

Ces procédures respecteront le principe de l'examen contradictoire et ouvriront la possibilité de recours devant l'autorité hiérarchique.

Art. 7. - L'éducation scolaire, l'enseignement supérieur, la formation continue à tous les niveaux et le service public de la radiodiffusion et de la télévision doivent favoriser l'esprit de recherche, d'innovation et de créativité et participer au développement et à la diffusion de la culture scientifique et technique.

Art. 8. - La politique de recherche à long terme repose sur le développement de la recherche fondamentale couvrant tout le champ des connaissances. En particulier, les sciences humaines et sociales seront dotées des moyens nécessaires pour leur permettre de jouer leur rôle dans la restauration du dialogue entre science et société.

Art. 9. - Le Gouvernement définit une politique globale d'échanges et de coopération scientifiques et technologiques, notamment en Europe, avec le souci d'instaurer à l'égard des pays en voie de développement des liens mutuellement bénéfiques.

Art. 10. - Les choix en matière de programmation et d'orientation des actions de recherche sont arrêtés après une concertation étroite avec la communauté scientifique d'une part, et les partenaires sociaux et économiques d'autre part.

Il est institué, auprès du ministre chargé de la recherche et de la technologie, un conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche, le conseil supérieur sera consulté sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du Gouvernement, notamment sur la répartition du budget civil de recherche et de développement technologique et à l'occasion de la préparation du plan, ainsi que sur les rapports de prospective et d'analyse de la conjoncture scientifique et technique. Il pourra prendre l'initiative de propositions et constituer des commissions d'étude spécialisées.

Sa composition sera fixé par décret. Présidé par le ministre chargé de la recherche et de la technologie, il sera représentatif, d'une part, des communautés scientifiques et techniques et, d'autre part, des partenaires de la recherche : représentants du monde du travail, des secteurs productifs, sociaux et culturels et des régions.

Section II - Les politiques régionales

Art. 11. - Dans le cadre de la planification régionalisée et des plans de localisation des établissements, la région définit et développe des pôles technologiques régionaux. Elle détermine des programmes pluriannuels d'intérêt régional.

La région est associée à l'élaboration de la politique nationale de la recherche et de la technologie ; elle participe à sa mise en œuvre.

Elle veille en particulier à la diffusion et au développement des nouvelles technologies, de la formation et de l'information scientifiques et techniques, à l'amélioration des technologies existantes, au décloisonnement de la recherche et à son intégration dans le développement économique, social et culturel de la région.

Art. 12. - Pour l'exécution des programmes pluriannuels d'intérêt régional visés à l'article 11, la région peut passer des conventions pour des actions, de durée limitée, avec l'Etat, les organismes de recherche publics ou privés, les établissements d'enseignement supérieur, les établissements publics, les centres techniques, les entreprises. La région peut également engager un programme de recherche interrégional organisé par une convention la liant à une ou plusieurs autres régions.

Art. 13. - Chaque région se dote d'un comité consultatif régional de recherche et de développement technologique placé auprès du conseil régional.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les groupes socioprofessionnels et les institutions dont la représentation devra être assurée au sein des comités consultatifs régionaux de recherche et de développement technologique, ainsi que les conditions dans lesquelles ces groupes et institutions sont appelés à proposer leurs candidats.

Ce comité est consulté sur toutes les questions concernant la recherche et le développement technologique.

Tout programme pluriannuel d'intérêt régional lui est obligatoirement soumis pour avis ainsi que la répartition des crédits publics de recherche ; il est informé de leur emploi.

Chapitre II
Les moyens institutionnels

Section I - Dispositions relatives à la recherche publique

Art. 14. - La recherche publique a pour objectifs :

- le développement et le progrès de la recherche dans tous les domaines de la connaissance ;

- la valorisation des résultats de la recherche ;

- la diffusion des connaissances scientifiques ;

- la formation à la recherche et par la recherche.

Elle est organisée dans les services publics, notamment les universités et les établissements publics de recherche, et dans les entreprises publiques.

Les établissements publics de recherche ont soit un caractère industriel et commercial ou assimilé, soit un caractère administratif, soit un caractère scientifique et technologique.

Art. 15. - Les établissements publics à caractère scientifique et technologique sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière. Leur objet principal n'est ni industriel ni commercial.

La mission de ces établissements est de mettre en œuvre les objectifs définis à l'article 14.

Ils sont créés par décret après consultation du conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Ce décret définit le département ministériel exerçant la tutelle.

Art. 16. - Les établissements à caractère scientifique et technologique sont administrés par un conseil d'administration qui doit comprendre notamment des représentants élus du personnel et des personnalités représentant le monde du travail et de l'économie.

Ils comportent un conseil scientifique et des instances d'évaluation qui comprennent notamment des représentants élus du personnel.

Les fonctions de direction et de responsabilité sont dissociées du grade et ne sont attribuées que pour une durée déterminée.

Art. 17. - Le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique est régi par des statuts particuliers pris en application de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires.

Art. 18. - Le régime administratif, budgétaire, financier, comptable des établissements publics à caractère administratif est applicable aux établissements publics à caractère scientifique et technologique, sous réserve des adaptations fixées par les décrets prévus à l'article 20.

Les établissements peuvent comporter des unités de recherche administrant les dotations globales de fonctionnement et d'équipement qui leur sont allouées par les organes directeurs de l'établissement.

Les modalités du contrôle financier sont fixées, pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, par décret en Conseil d'État.

Art. 19. - Les établissements publics à caractère scientifique et technologique sont autorisés, par arrêté du ministre chargé de la tutelle, en tant que de besoin, à prendre des participations, à constituer des filiales, à participer à des groupements et à recourir à l'arbitrage en cas de litiges nés de l'exécution de contrats de recherche passés avec des organismes étrangers.

Les conseils d'administration des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont saisis, chaque année, de comptes consolidés incluant les filiales des établissements concernés, ainsi que des comptes de chacune des filiales.

Art. 20. - Les modalités d'organisation et les règles de fonctionnement des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont précisées par décret.

Section II - Les groupements d'intérêt public

Art. 21. - Des groupements d'intérêt public dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière peuvent être constitués entre des établissements publics ayant une activité de recherche et de développement technologique, entre l'un ou plusieurs d'entre eux et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé pour exercer ensemble, pendant une durée déterminée, des activités de recherche ou de développement technologique, ou gérer des équipements d'intérêt commun nécessaires à ces activités.

Le groupement d'intérêt public ne donne pas lieu à la réalisation ni au partage de bénéfices. Il peut être constitué sans capital. Les droits de ses membres ne peuvent être représentés par des titres négociables. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Les personnes morales de droit public, les entreprises nationales et les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public doivent disposer ensemble de la majorité des voix dans l'assemblée du groupement et dans le conseil d'administration qu'elles désignent.

Le directeur du groupement, nommé par le conseil d'administration, assure, sous l'autorité du conseil et de son président, le fonctionnement du groupement. Dans les rapports avec les tiers, le directeur engage le groupement pour tout acte entrant dans l'objet de celui-ci.

Un commissaire du Gouvernement est nommé auprès du groupement.

La convention par laquelle est constitué le groupement doit être approuvée par l'autorité administrative, qui en assure la publicité. Elle détermine les modalités de participation des membres et les conditions dans lesquelles ils sont tenus des dettes du groupement. Elle indique notamment les conditions dans lesquelles ceux-ci mettent à la disposition du groupement des personnels rémunérés par eux.

Le groupement d'intérêt public est soumis au contrôle de la Cour des comptes dans les conditions prévues par l'article 6 bis de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967.

La transformation de toute autre personne morale en groupement d'intérêt public n'entraîne ni dissolution ni création d'une personne morale nouvelle.

Chapitre III
Les personnels de la recherche

Section I - Formation à la recherche et formation par la recherche

Art. 22. - Dans le cadre des responsabilités conférées par la loi au ministre chargé de l'éducation nationale, cette formation à la recherche et par la recherche intéresse, outre les travailleurs scientifiques, la société tout entière. Elle ouvre à ceux qui en bénéficient la possibilité d'exercer une activité dans la recherche comme dans l'enseignement, les administrations et les entreprises.

Cette formation s'effectue dans les universités, les écoles d'ingénieurs, les instituts universitaires de technologie, les grands établissements, les services et organismes de recherche et les laboratoires d'entreprise. Les diplômes et grades universitaires qui peuvent la sanctionner sont décernés dans des conditions définies par le ministre chargé de l'éducation nationale.

Art. 23. - Afin de lever l'un des obstacles qui s'opposent à un développement rapide de l'effort national de recherche, et afin de démocratiser et de faciliter l'accès à la formation par la recherche, des allocations individuelles spécifiques sont attribuées, sur des critères de qualité scientifique ou technique, par l'Etat ou les organismes de recherche.

Les bénéficiaires de ces allocations ont droit à la protection sociale de droit commun. Nonobstant toutes dispositions contraires, ils sont titulaires de contrats à durée déterminée couvrant la période de formation.

Section II - Missions et statuts des personnels de recherche

Art. 24. - Les métiers de la recherche concourent à une mission d'intérêt national. Cette mission comprend :

  • le développement des connaissances ;
  • leur transfert et leur application dans les entreprises, et dans tous les domaines contribuant au progrès de la société ;
  • la diffusion de l'information et de la culture scientifique et technique dans toute la population, et notamment parmi les jeunes ;
  • la participation à la formation initiale et à la formation continue ;
  • l'administration de la recherche.

Art. 25. - Pour l'accomplissement des missions de la recherche publique, les statuts des personnels de recherche ou les règles régissant leur emploi doivent garantir l'autonomie de leur démarche scientifique, leur participation à l'évaluation des travaux qui leur incombent, le droit à la formation permanente.

Ces statuts doivent favoriser la libre circulation des idées et, sans préjudice pour leur carrière, la mobilité des personnels entre les divers métiers de la recherche au sein du même organisme, entre les services publics de toute nature, les différents établissements publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur, et entre ces services et établissements et les entreprises.

Ces statuts doivent permettre aux chercheurs, tout en poursuivant leurs travaux au sein desdits établissements publics de recherche, de collaborer, pour une période déterminée, renouvelable, avec des laboratoires publics ou privés, afin d'y développer des applications spécifiques.

Art. 26. - Pour certaines catégories de personnels de recherche visés à l'article 17, les statuts pourront en particulier permettre :

  • des dérogations au principe du recrutement par concours qui pourra s'effectuer sur titres et travaux ;
  • des dérogations aux procédures de notation et d'avancement prévues par le statut général des fonctionnaires, afin de permettre l'évaluation des aptitudes par des instances scientifiques ou techniques ;
  • le recrutement de personnes n'ayant pas la nationalité française, susceptibles d'apporter un concours qualifié à l'effort de recherche et de développement technologique ;
  • des dérogations au principe de recrutement initial au premier échelon du grade pour des personnes dont la qualification le justifie ;
  • des adaptations au régime des positions prévues par le statut général des fonctionnaires et des dérogations aux règles relatives aux mutations afin de faciliter la libre circulation des hommes et des équipes entre les métiers de la recherche et les institutions qui y concourent.

Art. 27. - Les orientations définies aux articles 24 à 26 serviront de référence aux dispositions des conventions collectives fixant les conditions d'emploi des travailleurs scientifiques des entreprises, afin de :

  • assurer aux intéressés des conditions d'emploi et de déroulement de carrière comparables à celles des autres travailleurs de l'entreprise ;
  • reconnaître les qualifications professionnelles acquises grâce à la formation par la recherche et à la pratique de ses métiers ;
  • garantir aux intéressés de larges possibilités de mobilité à l'intérieur de l'entreprise ou hors de l'entreprise, notamment dans les laboratoires publics.

Art. 28. - L'article L. 432-1 du code du travail est complété par l'alinéa suivant :

« Le comité d'entreprise est consulté chaque année sur la politique de recherche de l'entreprise. »

Art. 29. - Les services accomplis à temps complet comme chercheurs et ingénieurs, dans les établissements publics à caractère industriel ou commercial et les organismes privés, par les fonctionnaires qui appartiennent aux corps de chercheurs sont pris en compte, pour l'appréciation des conditions d'ouverture des droits à pension au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite, à concurrence de cinq ans.

Art. 30. - L'effort national de recherche et de développement technologique se conformera à la programmation et à l'orientation déterminées par le rapport annexé à la présente loi.

 

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 15 juillet 1982.

FRANÇOIS MITTERRAND

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

PIERRE MAUROY

Le ministre d'État,

ministre de l'intérieur et de la décentralisation,

GASTON DEFFERRE

Le ministre d'Etat, ministre du Plan

et de l'aménagement du territoire,

MICHEL ROCARD

Le ministre d'État,

ministre de la recherche et de l'industrie,

JEAN-PIERRE CHEVENEMENT

Le ministre délégué auprès du Premier ministre,

chargé de la fonction publique et des réformes

administratives,

ANlCET LE PORS

Le ministre de l'économie et des finances,

JACQUES DELORS

Le ministre délégué auprès du ministre de l'économie

et des finances, chargé du budget,

LAURENT FABIUS

Le ministre de l'éducation nationale,

ALAIN SAVARY

Le ministre délégué aux affaires sociales,

chargé du travail,

JEAN AUROUX

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Mise à jour : juin 2020