La Lettre d’information juridique Hors-série : Bilan de la protection fonctionnelle – année 2021 – janvier 2023

Direction des affaires juridiques - Lettre d'information juridique (LIJ)

La Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Éditorial

La DAJ a décidé d’organiser de manière récurrente une enquête sur la protection fonctionnelle embrassant l’intégralité de son réseau. C’est la synthèse de cette première enquête qui est ainsi publiée en ce début d’année 2023.

La protection fonctionnelle que permet le statut de la fonction publique et dont peut bénéficier tout agent public, titulaire ou non titulaire, est prévue aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique et constitue une obligation pour l’administration. La protection fonctionnelle, qui connaît une actualité renouvelée depuis la publication de la circulaire interministérielle du 20 novembre 2020 et l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, est au cœur de la relation entre l’administration et ses agents.

Cette enquête rétrospective a été réalisée en 2022 et concerne l’année 2021. La synthèse de cette enquête permet ainsi de chiffrer les demandes de protection fonctionnelle dont ont été saisies les administrations en 2021 et d'analyser la manière dont elles y ont répondu.

Je vous souhaite une excellente découverte de ce nouveau hors-série de la LIJ sur la protection fonctionnelle.

Il est par ailleurs encore temps de vous souhaiter une excellente année 2023 !

Catherine Joly
Cheffe de service, adjointe du directeur des affaires juridiques

Chiffres-clés

3 558 Demandes
2 940 Demandes accordées
Principaux motifs des demandes : Atteintes volontaires à l’intégrité de l’agent (85,7%) dont Atteinte morale (66,8%) ; Atteinte physique (8,2%) ; Actes de harcèlement (7,6%)
Accord 82,6% / Refus 13,4% / Refus implicites 4,0%
Principale action mise en œuvre : Assistance juridique (57,5%)

Protection fonctionnelle

En application de l’article L 134-1 du code général de la fonction publique (C.G.F.P., ancien article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, 1er alinéa)  : "L'agent public ou, le cas échéant, l'ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire".

La collectivité publique est ainsi tenue de protéger l'agent public et de réparer, le cas échéant le préjudice qu’il subit (article L. 134-5 du C.G.F.P.), cette protection pouvant être accordée sur leur demande aux ayants droit (article. L. 134-7 du C.G.F.P.).

L’octroi de la protection fonctionnelle diffère en fonction des champs de compétence ministériels.

Aux termes de l’article 25 de l’arrêté du 17 février 2014 modifié fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche, la direction des affaires juridiques (DAJ) est compétente pour octroyer la protection fonctionnelle aux agents dont la gestion relève de l’administration centrale, quel que soit leur statut, ainsi qu’aux recteurs d’académie ou de région académique.

Pour ce qui concerne l’enseignement scolaire, la déconcentration de l’instruction des demandes de protection fonctionnelle au profit des recteurs d’académie et vice-recteurs a été opérée par l’arrêté du 21 octobre 2019 : ils sont ainsi compétents pour statuer sur les demandes de protection fonctionnelle des agents relevant de leur autorité, la DAJ restant compétente pour connaître des recours hiérarchiques contre les décisions des recteurs de région académique et des recteurs d’académie refusant l’octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle.

Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, les dirigeants des établissements publics sous tutelle du ministère sont compétents pour octroyer la protection fonctionnelle à leurs agents, sauf lorsque cette demande a trait à des faits les mettant en cause. Dans ce cas, depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2021-350 du 29 mars 2021 (codifié à l’article R. 222-24-7 du code de l’éducation), ce sont les recteurs de région académique qui statuent sur ces demandes. De la même manière, les recteurs de région académique connaissent des demandes de protection fonctionnelle formées par les présidents et les directeurs d’établissements publics d’enseignement supérieur de leur ressort.

Après une enquête expérimentale réalisée en 2021, dont les résultats n’ont pas été publiés, la DAJ a réalisé à nouveau en 2022 une enquête sur la mise en œuvre de la protection fonctionnelle au titre de l’année civile 2021 auprès des rectorats et vice-rectorats ainsi que de 188 établissements publics d’enseignement supérieur. Pour la première fois, du fait de la compétence du ministère en la matière depuis le 1er janvier 2021, l’enquête inclut les 23 établissements publics d’enseignement sous tutelle du ministère des sports.

Le taux de réponse est meilleur par rapport à l’enquête de 2021 : toujours 100 % pour les rectorats et vice-rectorats et 66 % contre 51 % pour les établissements publics d’enseignement supérieur. Pour cette première année, 87 % des établissements relevant du ministère des sports ont répondu.

Il a été constaté une augmentation entre 2020 et 2021 de la protection fonctionnelle, tant au niveau des demandes et des décisions d’octroi que des montants payés, sans qu’il soit toutefois possible d’en tirer des conclusions. Il s’agit en effet de la deuxième enquête annuelle consécutive, le nombre d’établissements publics d’enseignement supérieur ayant répondu est plus important et le périmètre des agents concernés s’est élargi à la jeunesse et aux sports.

Entre 2020 et 2021, le nombre total des demandes d’agents souhaitant bénéficier de la protection fonctionnelle passe de 2 377 à 3 558, tous périmètres confondus, qui se répartissent ainsi :

  • Académies, de 2 218 à 3 211 concernant :
    • 1 168 personnels enseignants du premier degré, dont les directeurs d’école (945 en 2020) ;
    • 1 150 personnels enseignants du second degré (695 en 2020) ;
    • 463 personnels de direction du second degré ;
    • 201 personnels d’éducation et d’orientation du second degré (119 en 2020).
  • Établissements publics d’enseignement supérieur et sports, de 150 à 311 :
    • 236 enseignants-chercheurs, chercheurs, enseignants, agents non titulaires ;
    • 73 personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé (BIATSS).
  • Administration centrale, de 9 à 36 : ce chiffre englobe les agents relevant pour leur gestion de l’administration centrale, les personnels pour lesquels la mise en œuvre de la protection fonctionnelle relève directement de la compétence de la DAJ (cf. supra), des recours hiérarchiques et des demandes mal dirigées.

Agents ayant déposé une demande de protection fonctionnelle – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Enseignants du 1er degré 1 168 (32,8%) / Enseignants du 2d degré 1 150 (32,3%) / Personnels d'éducation ou d'orientation du 2d degré 201 (5,6%) / Personnels de direction du 2d degré 463 (13,0%) / Personnels ATOSS et médical 201 (5,6%) / Personnels d'inspection 30 (0,8%) / BIATSS 73 (2,1%) / Enseignants-chercheurs et autres 236 (6,6%) / Demandes reçues par l’administration centrale 36 (1,0%)

Les motifs des demandes (3 577 contre 2 380 en 2020, sachant qu’une demande peut avoir plusieurs motifs), concernent principalement les atteintes volontaires à l’intégrité de l’agent (art. L. 134-4 du C.G.F.P.) pour 85,7 % d’entre elles, se répartissant entre l’atteinte morale (66,8 % : diffamation, menaces, injures publiques, outrages), l’atteinte physique (8,2 %) et les actes de harcèlement (7,6 %).

Viennent ensuite :

  • les poursuites pénales contre l’agent (art. L. 134-4) : 6,7 % ;
  • l’atteinte aux biens, dont les véhicules (art. L. 134-5) : 7,5 % ;
  • la protection des ayants droit (art. L. 134-7) : 0,1 %.

Motifs des demandes de protection fonctionnelle – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Poursuites pénales contre l’agent 6,7% / Atteinte aux biens 7,5% / Protection des ayants droit 0,1% / Atteintes volontaires à l'intégrité de l'agent 85,7% dont : Atteinte physique 8,2% ; Atteinte morale 66,8% ; Actes de harcèlement 7,6% ; Autres atteintes volontaires à l'intégrité de l'agent 3,1%

Le pourcentage global des refus est stable (plus de 17 % en 2021 ; pour 415 refus en 2020, sur 2 377 demandes).

Sur les 3 558 demandes de protection fonctionnelle, 477 ont fait l’objet d’un refus exprès, soit 13,4 %, dont 126 pour des faits non établis, 182 pour des faits ne relevant pas du champ des articles L. 134-1 et suivants du C.G.F.P., 55 pour absence de lien avec le service, 36 pour faute personnelle de l’agent, 39 pour incompétence de l’autorité administrative saisie, 8 pour motif d’intérêt général et 31 pour divers autres motifs de refus.

141 demandes (4 %) ont fait l’objet d’une décision implicite de rejet.

Accord / Refus de l’administration – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Accord 82,6% / Refus 13,4% / Refus implicites 4,0%

Détail des refus exprès de l’administration – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Faits hors articles L. 134-1 et suivants CGFP 40,8% / Faits non établis 28,3% / Absence de lien avec le service 12,3% / Faute personnelle de l'agent 8,1% / Incompétence de l'autorité administrative saisie 8,7% / Motif d'intérêt général 1,8%

Le pourcentage des octrois est également stable (un peu plus de 82 %). La protection fonctionnelle a ainsi été accordée à 2 890 agents (pour mémoire, en 2020, elle avait été accordée à 1 962 agents) ainsi répartis : 2 658 dans les académies, 265 dans les établissements publics (enseignement supérieur et sports), 17 relevant de la compétence de l’administration centrale.

Protection fonctionnelle accordée – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Par les académies 2 658 (90,4%) / Par les établissements d’enseignement supérieur et sports 265 (9,0%) / Par l’administration centrale 17 (0,6%)

La mise en œuvre concrète de la protection fonctionnelle peut prendre de nombreuses formes et recouvre trois grands types d'obligations :

  • des actions de soutien et de prévention (assurer la sécurité de son agent et mettre fin aux agissements perpétrés à son encontre en prenant toute mesure conservatoire : lettre de soutien, proposition d’une prise en charge médicale, diligenter une enquête, etc.) ;
  • la fourniture d’une assistance juridique et judiciaire à l’agent (assistance par le biais de ses services ou par le choix d’un avocat, paiement des frais d’honoraires) ;
  • a réparation des préjudices (économiques, personnels, matériels, corporels, moraux) subis par l’agent auquel la protection a été octroyée, l’administration étant alors subrogée dans les droits de l’agent contre le tiers responsable (article L. 134-8 du C.G.F.P.).

Parmi les 2 090 actions mises en œuvre, l’assistance juridique prédomine (1 202), avec le cas échéant la prise en charge des frais de procédure ou d’assistance médicale, suivie de l’entretien avec l’agent (506), la sanction de l’élève ou de l’étudiant auteur (219), la suspension ou la sanction de l’agent auteur (28, dont 22 en rectorat et 6 en établissements d’enseignement supérieur), ainsi que des actions de protection (135 : changements de numéro de téléphone, d’adresse courriel, etc.).

Actions mises en œuvre – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Assistance juridique 57,5% / Entretien avec l’agent 24,2% / Sanction de l’élève ou de l’étudiant auteur 10,5% / Suspension ou sanction de l’agent auteur 1,3% / Actions de protection 6,5%

Les refus de protection fonctionnelle ont fait l’objet, sur l’année civile 2021, de 79 recours contentieux devant les juridictions administratives (43 en 2020), ainsi répartis : 58 recours contre des décisions prises en académie, 11 recours contre des décisions prises par des établissements publics d’enseignement supérieur et 10 recours contre des décisions par l’administration centrale.

Au titre de la protection fonctionnelle, pour l’année civile 2021, ont été versés 1 112 983 euros (744 003 euros pour les académies, 357 804 euros pour les établissements publics d’enseignement supérieur, 11 176 euros pour l’administration centrale et 22 427 euros pour les autres indemnisations).

Par comparaison, 587 524 euros avaient été versés en 2020, dont 406 883 euros pour les académies, 162 256 euros pour les établissements publics d’enseignement supérieur et 18 385 euros pour l’administration centrale.

Montants versés en 2020 – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Académies 406 883 euros / Établissements d'enseignement supérieur 162 256 euros / Administration centrale 18 385 euros

Montants versés en 2021 – Académies –Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Académies 744 003 euros / Établissements d'enseignement supérieur 357 804 euros / Administration centrale 11 176 euros

Les sommes versées, à hauteur de 1 112 983 euros, ont servi principalement au remboursement de frais d’avocats (922 569 euros, incluant des frais de déplacement et des frais de justice) et de condamnations civiles (119 277 euros, dont le remboursement de 107 007 euros au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions [F.G.T.I.]) et au remboursement de débours dus du fait d’atteintes aux biens (48 710 euros, dont 41 134 euros pour les frais de véhicules).

Détail des montants versés en 2021 – Académies – Établissements publics (enseignement supérieur et sports) – Administration centrale

Remboursement de frais d’avocats 922 569 euros / Condamnations civiles 119 277 euros / Remboursements de débours dus du fait d’atteintes aux biens 48 710 euros / Autres indemnisations 22 427 euros

 

Les articles de ce numéro ne peuvent être reproduits, même partiellement, sans autorisation préalable.
En cas de reproduction autorisée, ladite reproduction devra comporter mention de la source et de l'auteur.
Les chroniques publiées dans la revue n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Rédaction de la LIJ : Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse - Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques – Secrétariat général – Direction des affaires juridiques
99, rue de Grenelle – 75357 PARIS 07 S.P. – Mél. : daj.cidj@education.gouv.fr

Directeur de la publication : Guillaume Odinet
Rédacteurs en chef et adjoints : Catherine Joly, Victor Lespinard, Samira Tahiri, Lisa Dano, Gaëlle Papin
Responsable de la coordination éditoriale : Frédérique Vergnes
Maquette : Gwénaëlle Le Moal
Secrétariat de rédaction et mise en page : Anne Vanaret
Ont participé à ce numéro : Michel Baehr, Gabriel Ballif, Simon Barthélemy, Cédric Benoit, Philippe Dhennin, Audrey Ghazi-Fakhr, Mathilde Janicot, Anne Labous, Jean Laloux, Anne-Marie Nantois, Clémence Paillet-Augey, Marie-Véronique Patte-Samama, Amandine Renault, Marlène Spinhirny, Juliette Uzabiaga, Dana Zeitoun

N° ISSN : 1265-6739