bo Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Enseignements primaire et secondaire

Baccalauréat général

Programme limitatif de l'enseignement de spécialité de cinéma-audiovisuel en classe terminale pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023

NOR : MENE2117450N

Note de service du 7-6-2021

MENJS - DGESCO - C1-3

Texte adressé aux recteurs et rectrices d'académie ; au directeur du Siec d'Île-de-France ; aux inspecteurs et inspectrices d'académie-inspecteurs et inspectrices pédagogiques régionaux ; aux cheffes et chefs d'établissement ; aux professeures et professeurs de cinéma-audiovisuel
Références : arrêté du 19-7-2019 publié au BO spécial n° 8 du 25-7-2019

Le programme d'enseignement de spécialité de cinéma-audiovisuel en classe terminale institue un programme limitatif de trois œuvres cinématographiques et audiovisuelles, publié tous les ans au Bulletin officiel de l'éducation nationale. Il est renouvelé annuellement par tiers. Au cours de l'année de terminale, chaque œuvre est abordée et analysée dans la perspective d'un ou plusieurs questionnement(s) précisé(s) par le Bulletin officiel de l'éducation nationale. Chaque œuvre permet donc d'actualiser concrètement l'étude d'un ou plusieurs questionnement(s) au programme de l'enseignement de spécialité cinéma-audiovisuel de terminale.

 

Pour l'année scolaire 2021-2022, les œuvres cinématographiques retenues sont les suivantes :

Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda, fiction, 1962

Premier long-métrage d'Agnès Varda, financé par Georges de Beauregard et Carlo Ponti (Rome Paris Films) avec la stratégie inaugurée en 1959 pour les films dits de la « Nouvelle Vague » (tourner/monter vite et davantage de films moins chers), Cléo de 5 à 7 s'inscrit dans ce mouvement et ce compagnonnage autant qu'il affirme la spécificité radicale de sa réalisatrice. Celle-ci présente le film comme « un portrait de femme inscrit dans un documentaire sur Paris, mais c'est aussi un documentaire sur une femme et l'esquisse d'un portrait de Paris. »

Cléo de 5 à 7 effectue en effet autant une traversée de son temps et du Paris des années soixante que des représentations, en accompagnant la mue d'une icône en femme. Prisonnière des vitrines, des reflets et des regards, souvent masculins, son héroïne s'arrache peu à peu à la chrysalide des images qui la tiennent captive pour appréhender l'altérité et s'ouvrir à la vie, à ses oscillations, à ses dangers et beautés : sans rien abdiquer de sa fantaisie, mais gagnant en gravité, elle gagne son humanité en acceptant sa mort. Filmant Cléo en respectant son mouvement, Varda met au point le cœur de son éblouissant programme artistique, qu'elle déclinera et enrichira tranquillement au fil de jalons inoubliables : se confronter aux idées reçues pour sortir l'image du piège de la fossilisation, retrouver la pulsation de la vie en dépit de ce qui la fige, « dégeler les clichés », comme le dira plus tard la cinéaste.

On étudiera plus particulièrement Cléo de 5 à 7 dans la perspective des questionnements suivants :

  • Périodes et courants

De par sa production, l'histoire de son tournage ancré dans un geste documentaire, ses choix esthétiques (décors naturels, essai de son synchrone, montage innovant sans règle figée, etc.), mais aussi le regard porté sur l'époque et la photographie située de son temps, Cléo de 5 à 7 s'inscrit dans les méthodes et les ambitions des auteurs de la « Nouvelle Vague » avec lesquels il dialogue très consciemment.

Œuvre manifeste très personnelle autant qu'incubatrice, elle n'en effectue pas moins la mise au point du Regard-Varda qui s'affranchira très vite de toute assignation à un genre ou un courant.

  • Réceptions et publics

Qu'il s'agisse de ses succès dans les ciné-clubs, de ses nombreuses novellisations (incluant les romans-photos), ou de ses lectures par les féministes américaines des années soixante-dix aux années 2000, Cléo de 5 à 7 a suscité de très nombreuses variations et interprétations selon les époques, les aires culturelles et les événements de la sphère publique. Pour chacune de ces reprises, la reconnaissance et la légitimation de cette œuvre sont renouvelées.

Autour de ces multiples lectures, différentes communautés d'interprétation se fédèrent qui constituent des publics changeants avec lesquels l'œuvre entre en dialogue dans un jeu de regards réciproques. 


Ready Player One de Steven Spielberg, fiction, 2018

Ready Player One, sorti en 2018, est un film de science-fiction américain coproduit et réalisé par Steven Spielberg. Il est l'adaptation du roman éponyme d'Ernest Cline, paru en 2011. Production de très grande envergure qui nécessite le financement des sociétés de Steven Spielberg, DreamWorks SKG et Amblin Entertainment, Village Roadshow Pictures et celle de Donald De Line, il est l'une des premières œuvres cinématographiques à mêler sur différents paliers diégétiques la prise de vue réelle et la reconstitution d'images virtuelles de jeux vidéo. Il n'en demeure pas moins une œuvre personnelle dans laquelle l'auteur se met en scène, sous les traits d'un créateur d'Entertainment, en usant par cet avatar de la liberté de se livrer. Durant la longue postproduction du film, Steven Spielberg manifestera encore cette liberté créative souveraine en développant et en tournant parallèlement le film politique Pentagon Papers, qui sortira quelques mois avant Ready Player One.

Ready Player One met en scène dans un futur proche un monde ressemblant au nôtre, en proie à de graves crises, dans lequel la population s'est réfugiée dans l'univers virtuel d'un jeu vidéo nommé l'Oasis, seul espace de rêve et utopie face à une réalité devenue dystopique. Chaque individu peut y jouer sous la forme d'un avatar anonyme. À la mort de James Halliday, créateur et propriétaire de l'Oasis, un concours ouvert à tous est lancé pour déterminer qui en sera l'héritier : la quête virtuelle d'un « œuf de Pâques » caché dans l'Oasis déterminera le gagnant. À travers les nombreuses péripéties, réelles ou virtuelles, énigmes et épreuves qualifiantes qui mettent aux prises différents groupes d'individus et de lobbies, c'est la question de la survie de la liberté de cet espace qui est en jeu : avec cette fable contemporaine, ses références multiples et ses jeux de pistes en abîme, Spielberg, créateur vieillissant, mais éternellement jeune, invite ses spectateurs à réfléchir au devenir des grands médias de divertissement partagés entre Majors et simples gamers, Industries et Art, esprit de sérieux et enfance, business et plaisir.

On étudiera plus particulièrement Ready Player One dans la perspective des questionnements suivants :

  • Art et industrie

L'analyse de l'œuvre et de son système de production, de la place particulière occupée par son auteur au sein de l'industrie cinématographique depuis près de cinquante ans, permet d'interroger les tensions entre les modes de création et les modes de production sur l'ensemble de la chaîne économique (fabrication, distribution, exploitation) et d'explorer les relations complexes qui se développent entre art et industrie qu'il serait simpliste d'opposer.

Tant dans son système de production que dans l'univers diégétique qu'il construit et thématise, Ready Player One propose une réflexion sur cette tension inhérente au cinéma, depuis ses origines. Lucide mais optimiste, Spielberg nous invite à envisager quelles seraient les conditions d'une autonomie créative au sein d'un système, en interaction avec son public.

  • Un cinéaste au travail

Entrer dans la fabrique (de sa préparation à sa postproduction) d'un film aussi foisonnant et complexe que Ready Player One, qui mobilise des équipes et des moyens multiples, permet d'interroger comment un auteur travaille avec différents partenaires et quelles stratégies il déploie pour garder la main sur la production et la vision de l'œuvre.

À travers le jeu des clefs, des références explicites ou cachées, des signatures diverses que le film manie avec jubilation, l'auteur se livre comme jamais et compose un portrait de lui en créateur resté enfant. 

 

Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) de Fritz Lang, 1947

Réalisé par Fritz Lang en 1947 et sorti en août 1948, Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) est le douzième film de la période américaine du cinéaste exilé en Californie entre 1935 et 1956, après un passage d'un an en France où il dirige Liliom (1934).

Adaptation très libre du conte populaire Barbe bleue ou encore de Jane Eyre de Charlotte Brontë, Secret beyond the door met en scène Celia, une jeune new-yorkaise, riche, élégante, qui, lors d'un voyage au Mexique, tombe amoureuse de Mark Lamphere, architecte, qui la demande en mariage. Lors de leur lune de miel, les premiers comportements étranges de son époux commencent à étonner la jeune femme qui découvrira par la suite que, dans les étages inférieurs de sa demeure, il a reconstitué des chambres dans lesquelles de célèbres meurtres ont été commis. Seule la chambre VII n'est pas visible et personne ne sait ce qui se cache derrière sa porte...

Traduisant l'intérêt du cinéaste pour la psychanalyse et le rôle de l'inconscient, cette œuvre plastique de Fritz Lang, à la dramaturgie parfaitement construite, s'attache à la mise en scène de la subjectivité à l'écran. Aussi n'est-il pas sans dialoguer avec deux films du grand maître anglais, Rebecca et Spellbound (La maison du Docteur Edwardes), sortis respectivement en 1940 et 1945.

Quoiqu'œuvre à suspense, à l'ambiance mystérieuse et inquiétante, Secret beyond the door  n'est pas pour autant à ranger au nombre des films noirs américains : il n'en est qu'à la lisière. Il appartient, en réalité, au genre du mélodrame dit « gothique de femme » : construit sur des thèmes et des motifs troublants que l'on retrouve de façon récurrente - l'innocence d'une épouse confrontée aux lubies étranges d'un mari visiblement déséquilibré -, et qui sont créateurs de tensions, parfois insoutenables, pour le spectateur. Fritz Lang, au fil du temps, de la première période allemande à la seconde en passant par la césure américaine, devenu maître du film criminel qui manipule le spectateur, a su en instaurer les codes, faire varier les approches et renouveler les formes narratives.

C'est pourquoi, pour étudier ce film avec les élèves de l'enseignement de spécialité cinéma-audiovisuel, on privilégiera deux questionnements : « transferts et circulations culturels » et « un cinéaste au travail ».

On étudiera plus particulièrement Secret beyond the door  dans la perspective des questionnements suivants :

  • Transferts et circulations culturels

Les formes, les références et les motifs issus de la culture européenne du cinéaste se confrontent aux codes du film de genre hollywoodien dans un jeu intertextuel virtuose : entre « naturalisation » et « hybridation », Lang s'approprie autant ce qui vient de sa culture d'origine que celle de son pays d'adoption, en créant une œuvre totalement singulière, relevant d'un « gothique » romantique et vénéneux.

De manière sous-jacente, le cinéaste allemand y joue une confrontation secrète avec l'autre grand cinéaste émigré aux États-Unis, Alfred Hitchcock : entre hommage, concurrence et dialogue meta, Secret beyond the door  répond aux célèbres pièges narratifs et cinématographiques hitchcockiens sur les abymes du subconscient, voire les devance. 

Lang n'en poursuit pas moins l'exploration profonde de ses propres obsessions morales et esthétiques, en convoquant toute sa filmographie antérieure : depuis Mabuse ou M, l'enjeu des images et des formes langiennes reste l'épreuve du Regard, entre sidération, fascination libératrice ou jugement mortifère.

  • Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, plans au sol, documentaires, interviews de Lang, dans Le Dinosaure et le bébé, notamment), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication maniaque et géniale d'un chef-d'œuvre. Entrer dans la carrière de Lang, c'est éprouver et analyser pas à pas la valeur des différents choix opérés par l'auteur pour affirmer son point de vue et assurer la cohérence de la direction artistique. 

Se pose en particulier la question de la maîtrise d'ouvrage d'un cinéaste exilé au sein de la machine à rêve hollywoodienne : il ne suffit certes pas à dire que Lang l'exerçait de manière tyrannique pour s'en débarrasser. Comment garder le contrôle ? C'est un enjeu que toute la carrière américaine de Lang s'attache à poser, à travers ses succès, ses ratés et ses stratégies. 

 

Pour l'année scolaire 2022-2023, les œuvres cinématographiques retenues sont les suivantes :

Ready Player One de Steven Spielberg, fiction, 2018

Ready Player One, sorti en 2018, est un film de science-fiction américain coproduit et réalisé par Steven Spielberg. Il est l'adaptation du roman éponyme d'Ernest Cline, paru en 2011. Production de très grande envergure qui nécessite le financement des sociétés de Steven Spielberg, DreamWorks SKG et Amblin Entertainment, Village Roadshow Pictures et celle de Donald De Line, il est l'une des premières œuvres cinématographiques à mêler sur différents paliers diégétiques la prise de vue réelle et la reconstitution d'images virtuelles de jeux vidéo. Il n'en demeure pas moins une œuvre personnelle dans laquelle l'auteur se met en scène, sous les traits d'un créateur d'Entertainment, en usant par cet avatar de la liberté de se livrer. Durant la longue postproduction du film, Steven Spielberg manifestera encore cette liberté créative souveraine en développant et en tournant parallèlement le film politique Pentagon Papers, qui sortira quelques mois avant Ready Player One.

Ready Player One met en scène dans un futur proche un monde ressemblant au nôtre, en proie à de graves crises, dans lequel la population s'est réfugiée dans l'univers virtuel d'un jeu vidéo nommé l'Oasis, seul espace de rêve et utopie face à une réalité devenue dystopique. Chaque individu peut y jouer sous la forme d'un avatar anonyme. À la mort de James Halliday, créateur et propriétaire de l'Oasis, un concours ouvert à tous est lancé pour déterminer qui en sera l'héritier : la quête virtuelle d'un « œuf de Pâques » caché dans l'Oasis déterminera le gagnant. À travers les nombreuses péripéties, réelles ou virtuelles, énigmes et épreuves qualifiantes qui mettent aux prises différents groupes d'individus et de lobbies, c'est la question de la survie de la liberté de cet espace qui est en jeu : avec cette fable contemporaine, ses références multiples et ses jeux de pistes en abîme, Spielberg, créateur vieillissant, mais éternellement jeune, invite ses spectateurs à réfléchir au devenir des grands médias de divertissement partagés entre Majors et simples gamers, Industries et Art, esprit de sérieux et enfance, business et plaisir.

On étudiera plus particulièrement Ready Player One dans la perspective des questionnements suivants :

  • Art et industrie

L'analyse de l'œuvre et de son système de production, de la place particulière occupée par son auteur au sein de l'industrie cinématographique depuis près de cinquante ans, permet d'interroger les tensions entre les modes de création et les modes de production sur l'ensemble de la chaîne économique (fabrication, distribution, exploitation) et d'explorer les relations complexes qui se développent entre art et industrie qu'il serait simpliste d'opposer.

Tant dans son système de production que dans l'univers diégétique qu'il construit et thématise, Ready Player One  propose une réflexion sur cette tension inhérente au cinéma, depuis ses origines. Lucide mais optimiste, Spielberg nous invite à envisager quelles seraient les conditions d'une autonomie créative au sein d'un système, en interaction avec son public.

  • Un cinéaste au travail

Entrer dans la fabrique (de sa préparation à sa postproduction) d'un film aussi foisonnant et complexe que Ready Player One, qui mobilise des équipes et des moyens multiples, permet d'interroger comment un auteur travaille avec différents partenaires et quelles stratégies il déploie pour garder la main sur la production et la vision de l'œuvre.

À travers le jeu des clefs, des références explicites ou cachées, des signatures diverses que le film manie avec jubilation, l'auteur se livre comme jamais et compose un portrait de lui en créateur resté enfant. 

 

Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) de Fritz Lang, 1947

Réalisé par Fritz Lang en 1947 et sorti en août 1948, Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) est le douzième film de la période américaine du cinéaste exilé en Californie entre 1935 et 1956, après un passage d'un an en France où il dirige Liliom (1934).

Adaptation très libre du conte populaire Barbe bleue ou encore de Jane Eyre de Charlotte Brontë, Secret beyond the door met en scène Celia, une jeune new-yorkaise, riche, élégante, qui, lors d'un voyage au Mexique, tombe amoureuse de Mark Lamphere, architecte, qui la demande en mariage. Lors de leur lune de miel, les premiers comportements étranges de son époux commencent à étonner la jeune femme qui découvrira par la suite que, dans les étages inférieurs de sa demeure, il a reconstitué des chambres dans lesquelles de célèbres meurtres ont été commis. Seule la chambre VII n'est pas visible et personne ne sait ce qui se cache derrière sa porte...

Traduisant l'intérêt du cinéaste pour la psychanalyse et le rôle de l'inconscient, cette œuvre plastique de Fritz Lang, à la dramaturgie parfaitement construite, s'attache à la mise en scène de la subjectivité à l'écran. Aussi n'est-il pas sans dialoguer avec deux films du grand maître anglais, Rebecca et Spellbound (La maison du Docteur Edwardes), sortis respectivement en 1940 et 1945.

Quoiqu'œuvre à suspense, à l'ambiance mystérieuse et inquiétante, Secret beyond the door n'est pas pour autant à ranger au nombre des films noirs américains : il n'en est qu'à la lisière. Il appartient, en réalité, au genre du mélodrame dit « gothique de femme » : construit sur des thèmes et des motifs troublants que l'on retrouve de façon récurrente - l'innocence d'une épouse confrontée aux lubies étranges d'un mari visiblement déséquilibré -, et qui sont créateurs de tensions, parfois insoutenables, pour le spectateur. Fritz Lang, au fil du temps, de la première période allemande à la seconde en passant par la césure américaine, devenu maître du film criminel qui manipule le spectateur, a su en instaurer les codes, faire varier les approches et renouveler les formes narratives.

C'est pourquoi, pour étudier ce film avec les élèves de l'enseignement de spécialité cinéma-audiovisuel, on privilégiera deux questionnements : « transferts et circulations culturels » et « un cinéaste au travail ».

On étudiera plus particulièrement Secret beyond the door  dans la perspective des questionnements suivants :

  • Transferts et circulations culturels

Les formes, les références et les motifs issus de la culture européenne du cinéaste se confrontent aux codes du film de genre hollywoodien dans un jeu intertextuel virtuose : entre « naturalisation » et « hybridation », Lang s'approprie autant ce qui vient de sa culture d'origine que celle de son pays d'adoption, en créant une œuvre totalement singulière, relevant d'un « gothique » romantique et vénéneux.

De manière sous-jacente, le cinéaste allemand y joue une confrontation secrète avec l'autre grand cinéaste émigré aux États-Unis, Alfred Hitchcock : entre hommage, concurrence et dialogue meta, Secret beyond the door répond aux célèbres pièges narratifs et cinématographiques hitchcockiens sur les abymes du subconscient, voire les devance. 

Lang n'en poursuit pas moins l'exploration profonde de ses propres obsessions morales et esthétiques, en convoquant toute sa filmographie antérieure : depuis Mabuse ou M, l'enjeu des images et des formes langiennes reste l'épreuve du Regard, entre sidération, fascination libératrice ou jugement mortifère.

  • Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, plans au sol, documentaires, interviews de Lang, dans Le Dinosaure et le bébé, notamment), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication maniaque et géniale d'un chef-d'œuvre. Entrer dans la carrière de Lang, c'est éprouver et analyser pas à pas la valeur des différents choix opérés par l'auteur pour affirmer son point de vue et assurer la cohérence de la direction artistique. 

Se pose en particulier la question de la maîtrise d'ouvrage d'un cinéaste exilé au sein de la machine à rêve hollywoodienne : il ne suffit certes pas à dire que Lang l'exerçait de manière tyrannique pour s'en débarrasser.  Comment garder le contrôle ? C'est un enjeu que toute la carrière américaine de Lang s'attache à poser, à travers ses succès, ses ratés et ses stratégies. 


I Vitelloni (Les Vitelloni) de Federico Fellini, 1953

I Vitelloni, le troisième film de Federico Fellini (Rimini, 1920 - Rome, 1983), n'appartient pas à ce que l'on appelle communément « l'âge d'or du cinéma italien », qui débute avec les années 60, mais il s'inscrit dans une époque où le cinéma italien commence à rompre avec le néoréalisme d'après-guerre. Les premières transformations sont perceptibles à l'orée des années 50 dans Miracle à Milan de Vittorio de Sica (1951), œuvre dans laquelle le réalisme se mêle au merveilleux, dans Stromboli de Rossellini (1950) ou encore dans Bellissima de Visconti (1951), où « la représentation du collectif s'étiole au profit de portraits individuels ». Elles se poursuivent avec la rupture politique que peut marquer en 1952 Umberto D. ou encore l'année 54 qui connaît la sortie conjointe de films aussi différents que La Strada de Fellini, Voyage en Italie de Rosselini, Senso de Visconti ou encore Un Américain à Rome de Steno.

I Vitelloni se situe au tournant : sorti en 1953, l'action du film se déroule au cours de cette même année - la première scène se passe pendant l'élection de « Miss Irena 1953 »  - et elle met en scène un type de personnage nouveau, « les gros veaux », que le titre français a rendu par « Les inutiles » : cinq hommes, « Tanguy » de leur génération, bien que trentenaires, vivent aux crochets de leur famille et passent leur journée en déambulations dans la ville ou sur la plage, en jeux, festivités diverses et flirts incessants. Ils sont hâbleurs, trompent, mentent, corrompent, volent, rien ne les arrête pour que, coûte que coûte, leur vie se déroule dans le farniente et les plaisirs épicuriens. « J'ai toujours raconté l'histoire du mâle italien, lâche, égoïste et puéril. Les femmes de mes films sont toujours vues à travers les yeux d'un protagoniste masculin qui est prisonnier de certains tabous, conditionné par une éducation catholique [...] », commente Fellini. Pour autant, les personnages féminins ne sont pas particulièrement mis en valeur dans I Vitelloni : Sandra, l'épouse de Fausto, le « gigolo », est d'une naïveté à faire pleurer, quant à Olga, la sœur d'Alberto, fainéant et profiteur, gardien de la morale catholique, subit les défauts et les critiques de son frère sans sourciller, l'entretenant autant que de besoin. Confusément pourtant, ces personnages sont en quête d'une transcendance et d'une grâce (comme dans la scène burlesque du vol de l'ange) qui se trouvent caricaturées à leur contact et qui semblent les fuir.   

Ce film, constitué de saynètes qui s'enchaînent les unes aux autres, nous faisant passer d'un moment de vie d'un personnage à un autre, d'une scène entre les cinq amis à une autre, mime l'ennui et l'écoulement du temps dans une ville de province, probablement Rimini, que connaît bien le réalisateur puisqu'il y est né. Comédie, traversée par des scènes qui ne sont pas sans rappeler le mime - on pense par exemple à la scène dans laquelle Alberto se moque grossièrement des « lavatori » -, où les personnages (et le spectateur) s'amusent, I Vitelloni a aussi la saveur du drame que l'esthétique en noir et blanc, le jeu des ombres et des lumières viennent souligner  - cf. la scène entre Sandra et Fausto à la sortie du cinéma ou la chambre de Moraldo écoutant sa sœur pleurer - et qu'annoncent l'orage interrompant brutalement les festivités de la première scène ainsi que le motif, très fellinien, du « vent qui vient de la mer » et balaie tout sur son passage. Combien de temps pourra vraiment durer cette vie corrompue et idiote ?

La musique du film, celle de Nino Rota, qui travailla avec Fellini du Cheik blanc en 1952 à Répétition d'orchestre en 1978, signa plus de 170 musiques de film et fut célébré aux Oscars de 1972 pour celle du Parrain, met en évidence cette oscillation entre comédie et drame : musique de cirque, elle peut également être symphonie aux notes inquiétantes, tristes ou mélancoliques. On notera également qu'à deux reprises, notamment dans la grande scène du Carnaval, c'est la célèbre Nonsense Song que chante Charlot dans Les Temps modernes qui accompagne le bal où les couples dansent joyeusement, se lient et se délient, cette musique, au titre signifiant, venant comme illustrer la thématique centrale du film. Ce sera le personnage le moins « Vitellono » des cinq qui quittera cette vie de non-sens : le frère de Sandra, Moraldo, s'en va en train, les bruits de la locomotive venant se poser sur les images de ses compagnons dormant dans la sérénité illusoirement retrouvée.

On étudiera plus particulièrement I Vitelloni dans la perspective des questionnements suivants :

  • Périodes et courants

Si le film s'éloigne du néo-réalisme historique, lié au droit d'inventaire par le regard d'une Nation en reconstruction, il n'en récupère pas moins certains traits caractéristiques (la peinture sociale, le bilan d'une époque, l'inscription dans un paysage - fût-il urbain) que Fellini fait sien et accommode de sa tonalité propre : autant Rossellini avait lancé, avec Rome ville ouverte, le néo-réalisme sur la voie d'un art de la juste distance, à la fois proche et loin, autant Fellini ne craint plus l'empathie, l'outrance, voire la nostalgie teintée de souvenirs personnels, avec ses vilains garçons.

À travers ces comparaisons de part et d'autre de la fin officielle du néo-réalisme, ce sont bien les mutations d'un courant cinématographique, principal vecteur de renouveau du cinéma de l'après-guerre, qui méritent d'être interrogées, et, au-delà, la manière dont s'écrit l'histoire du cinéma : par glissements et pivots autour d'œuvres centrales plutôt que par ruptures.  

  • Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, dessins préparatoires), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication d'un chef-d'œuvre.

Se pose en particulier la question de la continuité fascinante de l'imaginaire fellinien à toutes les étapes d'élaboration du film : dès les dessins préparatoires, le film est là, dans une cohérence qui donne à ce processus créatif les allures d'une création continuée - qui pourra nourrir en retour celui des élèves.

Pour le ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, et par délégation,
Pour le directeur général de l'enseignement scolaire, et par délégation,
Le chef du service de l'accompagnement des politiques éducatives, adjoint au directeur général,
Didier Lacroix