bo Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Bulletin officiel spécial n°3 du 5 avril 2018

Lecture : construire le parcours d'un lecteur autonome

NOR : MENE1809040N

Note de service n° 2018-049 du 25-4-2018

MEN - DGESCO A1

Texte adressé aux rectrices et recteurs d'académie ;  aux inspectrices et inspecteurs d'académie-directrices et directeurs académiques des services de l'éducation nationale ; aux inspectrices et inspecteurs d'académie-inspectrices et inspecteurs pédagogiques régionaux ; aux inspectrices et inspecteurs de l'éducation nationale du premier degré ; aux chefs d'établissements publics et privés sous contrat  ; aux professeurs des écoles et des collèges publics et privés sous contrat

Former à la fois de bons lecteurs et des lecteurs actifs ayant le goût de la lecture fait partie des missions fondamentales de l'École. Accéder au sens des textes, et au plaisir que leur lecture procure, nécessite de conduire durant toute la scolarité obligatoire un travail régulier et structuré qui permette aux élèves d'acquérir des automatismes et de maîtriser les mécanismes de la lecture pour lire de manière fluide et aisée ; de développer de solides compétences de compréhension des textes permettant d'aborder les écrits dans tous les champs disciplinaires ; de découvrir des textes et des œuvres de plus en plus longs et ambitieux. Développer le goût pour la lecture, c'est aussi en faire un acte de partage et d'échange, au sein de la classe et de l'école et au sein des familles.

1 - Comprendre en maîtrisant le code alphabétique

L'entrée dans la lecture passe durant la petite enfance par l'écoute de textes lus par les adultes. Ce travail d'écoute et de compréhension de textes lus par les parents, le professeur ou des tiers est essentiel dans le premier lien affectif que l'enfant noue avec la lecture qui est ainsi, dès le plus jeune âge, à la fois un acte intime et un moment privilégié de plaisir partagé et d'échange. À l'école maternelle, parallèlement aux activités de découverte de la phonologie et du principe alphabétique, les élèves doivent entendre un récit au moins une fois par jour ; les textes choisis et lus par l'enseignant sont de plus en plus longs. Ils font l'objet d'un questionnement précis afin d'enrichir le vocabulaire des élèves et leur connaissance de la construction des phrases. Ce travail permet de préparer et de faciliter l'apprentissage systématique de la lecture à l'école élémentaire.

Durant le CP, dans le prolongement de la découverte et de la sensibilisation menées à l'école maternelle, les élèves apprennent à déchiffrer les textes par un travail systématique sur les correspondances entre les lettres ou groupes de lettres et phonèmes. Le professeur prévoit plusieurs fois par période les révisions et les activités variées nécessaires pour parvenir à un déchiffrage aisé et à une réelle automatisation de l'identification des mots à la fin du CP. Le travail de lecture, à voix haute et silencieuse, se poursuit tout au long de l'école élémentaire afin que les élèves lisent avec assez d'aisance pour poursuivre leur scolarité au collège. Au CE1 et au CE2, ce travail de lecture est constamment mené en lien avec l'écriture, le vocabulaire, la grammaire, l'orthographe et la compréhension. Comme le soulignent les recommandations issues de la conférence de consensus du Cnesco, Écrire et rédiger (1), les différentes activités d'écriture contribuent à consolider les compétences en lecture.

La lecture à voix haute est une activité centrale pour développer la fluidité et l'efficacité de la lecture, elle fait l'objet de temps réguliers dans les activités de français : à la fin de la classe de CE2, les élèves doivent être capables de lire à voix haute avec fluidité (avec exactitude et avec l'expression appropriée) après préparation, un texte d'une demi-page (soit entre 1400 et 1500 signes environ) d'un niveau syntaxique et lexical adapté à leur âge. Cette activité contribue à établir une relation entre l'identification des mots écrits et la compréhension.

À partir de la classe de CM1, les professeurs veillent aussi à ménager des temps significatifs de lecture silencieuse individuelle, non seulement lors des séances de français, mais aussi dans les différents domaines disciplinaires.

En plus de la lecture des œuvres et des documents étudiés en classe, c'est aussi à la lecture personnelle d'ouvrages librement choisis par l'élève qu'il faut consacrer une place dans le temps scolaire ; il s'agit là d'un temps constitutif des apprentissages, essentiel pour développer l'intérêt et le goût de l'enfant pour la lecture, et non d'un temps facultatif, qui ne concernerait qu'une partie des élèves ou qui serait placé à la marge des horaires scolaires. Des activités pour en rendre compte sous forme écrite ou orale sont organisées au sein de la classe.

Les heures d'activités pédagogiques complémentaires (APC) sont consacrées à des activités de lecture pour ménager plus de place encore à la lecture à l'école, notamment sous formes d'ateliers. En cas de difficultés persistantes, les heures d'APC à l'école élémentaire et l'accompagnement personnalisé en classe de 6e permettent de mettre en place des solutions de remédiation adaptées à chacun.

2 - Comprendre le sens explicite et les implicites des textes

Dès l'école maternelle, le professeur s'assure toujours de la compréhension littérale du texte : elle est systématiquement explicitée par la reformulation, la paraphrase, le résumé. Puis le questionnement des textes, guidé par l'enseignant, conduit peu à peu les élèves à dépasser le sens littéral, à saisir l'implicite, à s'interroger sur les intentions sous-jacentes, à formuler des hypothèses et à proposer des interprétations. Ce travail d'analyse des textes a toujours pour finalité une meilleure compréhension, une appréciation plus fine des œuvres par les élèves et donc le développement de leur intérêt et de leur plaisir à se les approprier. Des approches trop technicistes et systématiques peuvent en effet nuire au sens des œuvres littéraires et aux émotions que leur lecture suscite. 

Face à une œuvre ou un texte nouveau, les élèves apprennent à mener une première lecture d'ensemble, sans s'arrêter sur les éventuelles difficultés lexicales ou syntaxiques, à relire le texte dans son intégralité ou certains passages autant que nécessaire, à rechercher des informations importantes pour la compréhension globale (par exemple les personnages et leurs différentes désignations dans un texte de fiction), à utiliser enfin le contexte et leurs connaissances sur la composition des mots pour rechercher le sens d'un mot inconnu. Le professeur conduit aussi peu à peu les élèves à mobiliser leurs lectures antérieures et leurs connaissances et références littéraires (les personnages-types, les situations récurrentes, etc.) ou encore les caractéristiques des genres littéraires abordés ; il mobilise des outils de la compréhension (inférences, métaphores, causalités, anomalies, etc.).

Dès que les élèves sont capables de lire par eux-mêmes de petits textes, le travail de compréhension est conduit sur les lectures faites. À partir de la classe de 6e, il est une composante régulière du cours de français mais aussi des autres disciplines.

Les lectures proposées aux élèves sont diversifiées, allant des différents genres de la littérature de fiction à la poésie, aux œuvres documentaires, à la littérature d'idées et à la presse d'information et scientifique. Le professeur attire constamment l'attention des élèves sur la variété des textes et documents auxquels ils sont confrontés et les entraîne à adapter leur lecture aux caractéristiques de ce qu'ils lisent.

Au collège, les correspondances entre les périodes au programme en histoire et les programmes de français permettent aux élèves d'acquérir les repères d'histoire littéraire et culturelle nécessaires pour situer dans le temps les textes qu'ils lisent. Ces connaissances renforcent leur compréhension des œuvres du patrimoine lues et étudiées, développent leur conscience de l'existence d'un héritage culturel et contribuent ainsi à développer leur intérêt pour la lecture et la découverte de ce patrimoine.

3 - Comprendre des textes longs

Tout au long de la scolarité, à mesure que leurs compétences en lecture se développent, les élèves sont conduits à lire des textes de plus en plus longs et de plus en plus complexes sur les plans syntaxique et lexical. L'enseignant est particulièrement attentif à ces critères pour organiser une progression dans les textes et les œuvres proposés. Chaque année, les élèves lisent intégralement un nombre significatif d'œuvres, qu'elles soient étudiées en classe ou qu'elles soient des lectures cursives en lien avec les entrées du programme ou avec des projets interdisciplinaires. Les professeurs ne doivent pas préjuger des capacités ni du goût de leurs élèves pour la lecture de textes considérés comme exigeants et d'accès moins aisé. Que ce soit en raison de leur longueur, de l'ancienneté ou de la richesse de la langue utilisée, de la complexité des intrigues ou encore de la difficulté des thèmes abordés. Les professeurs les accompagneront et les guideront alors dans ces lectures.

Au cycle 2, du CP au CE2, de cinq à dix œuvres sont étudiées par année scolaire.

Au cycle 3, le nombre de lectures augmente significativement en même temps que commence à se construire et se structurer la culture littéraire des élèves ; sont ainsi lus en classe au moins :

- en CM1 : cinq ouvrages de littérature de jeunesse contemporaine et deux œuvres du patrimoine ;

- en CM2 : quatre ouvrages de littérature de jeunesse contemporaine et trois œuvres du patrimoine ;

- en 6e : trois ouvrages de littérature de jeunesse contemporaine et trois œuvres du patrimoine.

Chaque année du cycle 4, de la 5e à la 3e, l'élève lit :

- au moins trois œuvres complètes du patrimoine en lecture intégrale, qui sont donc étudiées en classe ;

- au moins trois œuvres complètes en lecture cursive, notamment de littérature de jeunesse, qui font l'objet de comptes rendus selon des modalités variées ;

- et au moins trois groupements de textes (étudiés en classe ou lus de manière cursive à titre complémentaire).

Les professeurs peuvent utilement s'appuyer sur les listes de référence publiées et périodiquement complétées et mises à jour sur le site Éduscol (école élémentaire, collège) pour enrichir leurs connaissances en littérature de jeunesse et faire des choix pertinents en fonction de leur projet pédagogique :

http://eduscol.education.fr/cid58816/litterature.html

http://eduscol.education.fr/cid105688/selection-2017-litterature-pour-les-collegiens.html

Afin d'aider l'élève à répartir de manière homogène ses lectures sur l'année et lui  laisser le temps de s'approprier les textes les plus longs, les professeurs mettent à profit les congés de fin de semaine et les vacances pour indiquer des lectures et organiser les travaux qui peuvent les accompagner. Autant que possible, le choix de ce qu'il lit est laissé à l'élève à partir de la proposition de plusieurs ouvrages, dans le but d'éveiller sa curiosité et de stimuler son intérêt. À cette fin, les premières pages des œuvres proposées peuvent être lues en classe ; on peut également avoir recours à des fichiers audio de débuts d'œuvres ou d'extraits choisis s'ils sont accessibles. Les élèves sont encouragés à lire pendant les vacances d'été, à partir de propositions variées. L'opération Un livre pour les vacances permet aussi à tous les écoliers de CM2 d'accéder à un grand texte du patrimoine littéraire durant l'été et de partager cette découverte en famille.

4 - Partager ses lectures : le plaisir de lire et de mieux comprendre

La lecture régulière d'un texte devant un auditoire, la récitation ou l'interprétation en public d'un texte littéraire mémorisé permet de partager une œuvre avec les autres. Les élèves apprennent peu à peu à améliorer leur articulation et le volume de leur voix, à varier les intonations, à utiliser posture, regard, mimiques et gestuelle pour capter l'attention de l'auditoire.

Au fil des années, l'accent est d'abord mis sur la fluidité de la lecture ou de la récitation, puis sur le rythme et sur la projection de la voix, sur l'utilisation du langage corporel, et dans le cas d'un jeu à plusieurs, sur la prise en compte des partenaires. La préparation de la prestation est un véritable travail de compréhension, qui peut être mené individuellement ou collectivement, afin de rechercher les effets à produire sur l'auditoire et d'améliorer l'expressivité de la lecture ou du jeu.

L'École est aussi un lieu de présence, de partage et d'échange du livre (autre que le manuel scolaire), qui doit être constamment visible et accessible dans l'espace scolaire, dans le coin lecture de la salle de classe et dans les bibliothèques à l'école primaire qui se doivent d'être accueillants et chaleureux, dans les centres de documentation et d'information au collège qui facilitent l'accueil des élèves dans ce but. Les enseignants organisent et encouragent la circulation des livres. Ils associent, quand c'est possible, les élèves à la gestion du prêt des livres et à l'acquisition de nouveaux ouvrages.

Les professeurs des écoles peuvent s'appuyer sur l'expertise et les compétences des bibliothécaires du service public du livre pour enrichir et renouveler les fonds et les collections. Les élèves empruntent régulièrement des livres qui correspondent à leurs propres goûts, les lectures personnelles sont encouragées et des dispositifs sont prévus pour en parler en classe et pour partager ainsi ses découvertes et son plaisir de lire. Les élèves sont aussi incités à fréquenter les bibliothèques de proximité et les librairies.

Tout au long de leur scolarité, ils sont ainsi familiarisés avec les usages, les lieux et les acteurs du livre et de la lecture (écrivains, éditeurs, illustrateurs, libraires, etc.) ; il s'agit de créer des habitudes, des réflexes, une proximité, particulièrement pour les enfants dont les familles sont éloignées de la culture de l'écrit. Autant que possible, prioritairement dans les petites classes de l'école primaire, avant que l'enfant n'acquière une certaine autonomie dans la lecture, les familles sont sensibilisées à l'importance de la lecture partagée en famille, et associées à l'acte de lire.

En parallèle, le ministère de l'Éducation nationale soutient les associations qui œuvrent pour la promotion du livre et de la lecture à travers des actions éducatives conduites sur les temps scolaire et périscolaire, telle l'association Lire et faire lire, qui œuvre à la transmission entre les générations du goût de la lecture, ou encore l'association Silence ! On lit, qui aide les écoles et les établissements à organiser des moments de lecture en commun.

La lecture participe de l'acquisition des savoirs fondamentaux nécessaires à la réussite des élèves et à leur réalisation en tant qu'individus.

Le ministre de l'Éducation nationale,
Jean-Michel Blanquer

  

(1) Cnesco, Conférence de consensus 14 et 15 mars 2018, Écrire et rédiger, comment guider les élèves dans leurs apprentissages (https://www.cnesco.fr/fr/ecrire-et-rediger/)