Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Atelier numérique : séance 2
L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier numérique, séance 2, lundi 16 novembre 2020.
Incubateur du Grenelle - Atelier numérique, séance 2 - 16 novembre 2020
Introduction et présentation du thème de la séance
Aurélie JEAN indique qu’après une première séance consacrée aux équipements, la séance de ce jour aura pour thème « comment faire monter en compétence les élèves, les professeurs et les parents ? ».
L’atelier vise à développer des solutions pratiques, concrètes et exploratoires (pouvant être testées localement) afin de former à grande échelle les acteurs du triangle élèves-professeurs-parents et éviter toute exclusion numérique, souligne Aurélie JEAN. Le numérique constitue une compétence mais il peut aussi être envisagé comme un vecteur de formation : lui-même peut être utilisé pour rechercher une montée en compétence des acteurs du triangle évoqué. Il a par exemple permis, durant le premier confinement, la mise en place de relations d’entraide entre les parents, à travers un usage assez simple de messagerie instantanée.
Former des élèves, parents et professeurs doit permettre aux élèves de communiquer entre eux lorsqu’ils ne sont pas physiquement dans une même pièce. Cela doit aussi permettre aux parents de communiquer avec les professeurs et à ceux-ci de communiquer avec les élèves. Au-delà de ces usages de communication, le numérique peut constituer un support pour enseigner, apprendre, évaluer… Il s’agit de former les acteurs à l’utilisation des outils mais aussi à leur fonctionnement (en incluant la compréhension du modèle économique des fournisseurs de ces outils), ce qui permet de savoir quoi utiliser et dans quel contexte.
Brigitte HAZARD signale que les trois représentants des élèves n’ont pu être présents ce jour, du fait d’activités d’enseignement auxquelles ils ne pouvaient se soustraire. Le dossier remis aux participants comporte des données établies par l’Insee en 2019, relativement inquiétantes quant au niveau de maîtrise des compétences numériques par les familles. Des éclairages sur les formations offertes aux enseignants, au plan national ou localement, au sein des académies, ne sont guère plus rassurants, même s’il faut avoir à l’esprit que seules les formations à l’usage du numérique (ce qui exclut les formations par le numérique) sont repérées dans ces chiffres. Les besoins de formation exprimés durant le confinement ont été plus élevés dans le premier degré et plus importants au niveau du collège qu’en lycée. Dans le premier degré, plus de deux tiers des enseignants ont bénéficié d’une formation à distance. Cette proportion est moindre dans le second degré (environ 50 %). Enfin, force est de constater que les compétences numériques sont fortement corrélées avec le niveau de diplôme des parents, ce qui ne fait qu’accentuer le problème de la formation des parents au numérique.
Seuls 29 % des enseignants français s’estiment bien formés, en formation initiale, aux technologies du numérique, contre 39 % pour la moyenne des pays européens. Il apparaît aussi que les digital natives ne maîtrisent pas si bien qu’on pourrait le penser les outils numériques : 43 % des élèves en France ont un niveau de compétence faible ou très faible en littératie numérique (qui renvoie notamment à la capacité d’utiliser le numérique de façon autonome pour des tâches de base), indique l’étude. Les programmes éducatifs français produisent un effort notable pour intégrer la connaissance de l’informatique et du numérique, dès le premier degré jusqu’à des enseignements au codage et à l’algorithmique. Un enseignant qui s’exprimait en septembre dernier lors des Etats généraux du numérique disait « nous ne recevons aucune formation ! ». Ce témoignage doit être entendu, même s’il ne correspond pas tout à fait à la réalité, note Brigitte HAZARD. Les spécialistes de l’Education nationale sont souvent des pédagogues avant d’être des informaticiens, notait un autre enseignant lors des Etats généraux du numérique. Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec estime, lui, qu’il faut éduquer à l’intelligence artificielle tout autant qu’avec l’intelligence artificielle, ce qui paraît également un principe important aux yeux d’Aurélie JEAN et de Brigitte HAZARD.
Travail en sous-groupes
Les participants se répartissent en équipes 1 et 2 (identiques à celles de la première séance) pour travailler en sous-groupes durant 45 minutes.
Restitution du travail des sous-groupes et discussion
Une représentante du collège encadrement, pilote du premier groupe, indique que les participants ont évoqué l’outil PIX, qui pourrait être utilisé pour l’évaluation de compétences numériques, pour les professeurs comme pour les parents et élèves. PIX pourrait notamment être alimenté par des contenus vidéo, afin de rendre les participants autonomes par rapport à leur formation. Il a aussi été question de la reconnaissance des compétences par une certification, afin de les valoriser. Le groupe a proposé l’inscription de ces compétences au sein du master MEEF et des épreuves du concours. S'agissant de la formation continue, la temporalité de la formation, qui semble poser problème aujourd'hui, est manifestement à interroger. Les participants ont plaidé pour la formation entre pairs, ce qui favoriserait notamment l’esprit d’équipe et la création d’une culture commune. Le groupe a suggéré la mise sur pied d’un plan académique de formation, misant sur la proximité et l’interdisciplinarité des compétences. La plateforme M@gistère a été jugée assez austère et semble donner peu envie de se former. Dans le même esprit, un objectif important doit consister à donner envie aux élèves de se former – ce qui rejoint la question de la valorisation de ces compétences dans le supérieur. Le serious game pourrait être un vecteur motivant les élèves pour se former au numérique. L’emploi de la pédagogie de projet a également été évoqué, de même que la distinction de la formation synchrone et asynchrone. Quant aux raisons pour lesquelles on se forme, l’objectif professionnel est à clarifier aux yeux des participants. Enfin, le groupe a suggéré le lancement d’un projet national Open Source, en vue de créer un espace de partage de ressources.
Aurélie JEAN observe que ce dispositif en Open Source pourrait bénéficier de formations déjà réalisées (y compris des formations mises au point par Aurélie Jean). Une équipe de modération pourrait être constituée et des contenus validés ou développés par le ministère pourraient y être placés. Un tel dispositif faciliterait l’expérimentation locale et permettrait de capitaliser sur une multiplicité d’expériences.
Une représentante du collège des professeurs, pilote du deuxième groupe, souligne qu’aux yeux des participants, la formation des élèves devait avoir lieu en classe, à travers les usages et non durant un temps distinct. La formation numérique ne semble plus apparaître dans les programmes et le groupe s’est demandé qui, si ce n’est l’école, pouvait contribuer à réduire la fracture numérique. A l’université, les UE numériques sont de nature assez abstraite et insuffisamment pratique pour les élèves. La façon dont la formation des professeurs est mise en œuvre suscite aussi des questions. Des webinars ont été mis en place durant le confinement et ont très bien fonctionné mais l’Institution y a mis un frein, faute de pouvoir comptabiliser les heures dans l’acquis des enseignants. Cette difficulté s’est également posée dans le premier degré. Le groupe a déploré que les outils dédiés aux parents soient parfois trop compliqués, augmentant la difficulté d’accès au numérique. De la même façon, ces outils peuvent accroître les difficultés des élèves à niveau faible. Ils doivent donc être utilisés avec discernement. D'une façon générale, le manque de reconnaissance officielle des temps de formation autonome, du moins leur absence de valorisation, a été plusieurs fois souligné par le groupe.
Brigitte HAZARD ajoute que le groupe s’est demandé à quoi il était question de former : il a beaucoup été question des compétences numériques dites « basiques », transversales mais se pose aussi la question du numérique en lien avec la pédagogie des disciplines enseignées. De ce point de vue, des discussions ont eu lieu, notamment quant à la nécessité de laisser ou non l’intégration du numérique à la liberté pédagogique de l’enseignant. Celui-ci doit en tout cas être formé à la capacité d’apprécier la plus-value que peuvent apporter des outils numériques dans son enseignement, de sorte qu’il puisse faire des choix en connaissance de cause. En d’autres termes, les participants se sont demandé s’il y avait lieu de former les enseignants à des techniques (en matière de numérique), à la pédagogie ou à ces deux aspects simultanément.
Une enseignante estime que cet apport, vis-à-vis du numérique sera en partie déterminé par le format de la formation. Les formations à l’ancienne, déconnectées de l’établissement, n’ont plus réellement de sens à ses yeux car elles ne répondent plus aux besoins de formation actuels. Elle souligne, à l’inverse, l’intérêt du dispositif Apprenance, dans lequel une équipe de formateurs suit un établissement durant au moins trois ans.
Une représentante de l’encadrement indique travailler actuellement à l’intégration d’apports de la société civile dans la formation, ce qui peut inclure l’apport des enseignants dans la mesure où ceux-ci font partie de la société civile. Des vidéos, sur le principe de tutoriels, ont par exemple été réalisées pour répondre rapidement à des besoins exprimés par les enseignants. Dans un autre format proposé, des enseignants proposent des ressources en direct et les autres enseignants y réagissent. Il doit être possible de procéder ainsi par essais et erreurs afin de compléter l’accompagnement académique au plus près des besoins, dans une logique très ouverte. Un débat a eu lieu par ailleurs au sein du sous-groupe sur l’open badge, dispositif qui a été mal perçu en raison de la façon dont il a été lancé, indique cette participante.
Une représentante des familles revient sur la place des parents en supposant qu’il sera difficile de prévoir un lieu de formation dédié aux parents. En revanche, il y a des moments de rencontre entre enseignants et professeurs et des rencontres pourraient aussi être proposées entre parents. Une réflexion pourrait en tout cas être nouée avec les enseignants et les chefs d’établissement autour de ce type d’initiatives.
Un représentant des enseignants souligne le besoin de formation de formateurs, y compris pour les conseillers pédagogiques de circonscription. Le manque d’offre de formation au numérique, pour ces derniers, est souvent déploré par ces conseillers.
Brigitte HAZARD suppose que c’est dans une logique de formation de relais que cet enseignant plaide pour la formation des conseillers pédagogiques, de sorte qu’eux-mêmes puissent accompagner les publics localement.
Une représentante de l’encadrement dit souvent être appelée à la rescousse pour former des enseignants au numérique. Elle réunit les eRUN trois fois par an afin qu’ils puissent bénéficier de formations, dans le cadre de moments prévus pour l’échange de bonnes pratiques, afin de les outiller notamment du point de vue des transformations qu’ils génèrent. Cela leur permet notamment d’être outillés vis-à-vis des inspecteurs. Les eRUN et référents numériques doivent eux-mêmes pouvoir constituer une communauté en leur sein, ce qui plaide pour la reconnaissance de ce réseau. Ces deux publics ont besoin d’une formation régulière afin qu’ils conservent un temps d’avance et que leur expertise ne soit pas démentie dans la durée.
Brigitte HAZARD établit un parallèle avec les référents disciplinaires qui sont réunis annuellement afin d’échanger, notamment sur les nouveaux supports pédagogiques. Il s’agit d’un réseau très riche et très actif mais dont les productions peinent à atteindre les classes. Cette question de l’essaimage fait aussi partie des défis à relever.
Une participante observe que le compte personnel de formation n’est pas en euros pour les enseignants, lesquels doivent donc toujours se former via l’Institution. Elle se demande s’il serait possible de répertorier des parcours d’ingénierie pédagogique à distance pouvant exister à l’université ou au sein des organismes de formation afin d’hybrider l’offre de formation du ministère avec ces contenus. Enfin, de même que Twitter a constitué un lieu important d’apprentissage par les pairs pour les enseignants, il serait intéressant qu’existe une communauté virtuelle des pairs, sans regard normatif qui soit porté par l’Institution.
Brigitte HAZARD considère qu’il faut penser la formation de manière plus large et plus confiante, en misant notamment sur une formation entre pairs élargie, en tenant compte des retours d’expérience (à tirer régulièrement) pour améliorer progressivement les contenus proposés. La réflexivité est donc importante, au-delà de la mutualisation mise en place.
Prolongements
La troisième séance, le 17 novembre, portera sur le métier d’enseignant et les pratiques à encourager.
Mise à jour : novembre 2020
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