Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Atelier numérique : séance 1

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier numérique, séance 1, ouverture, mardi 10 novembre 2020.

Incubateur du Grenelle - Atelier numérique, séance 1 - 10 novembre 2020

Introduction

Aurélie Jean, qui présidera l’atelier, indique être scientifique numéricienne, c'est-à-dire qu’elle élabore des modèles mathématiques et algorithmes trouvant diverses applications dans des champs très variés (médecine, recherche, finance, conseil). Elle enseigne à l’université aux Etats-Unis. 

Brigitte Hazard, animatrice de l’atelier, est inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Elle a exercé les fonctions d’enseignante et d’inspecteur pédagogique régional.
Les profils représentés au sein de l’atelier sont très divers (élèves, parents, opérateurs, monde associatif, enseignants, représentants de l’encadrement, acteurs syndicaux), ce qui en fera la richesse, souligne Aurélie Jean.

L’atelier va partir d’un sujet très concret pour aborder, progressivement, des domaines beaucoup plus exploratoires. Il y sera bien sûr question des équipements individuels et collectifs, de l’environnement des enseignants, des pratiques et des usages ou encore de l’éducation du futur, toujours à travers le prisme du triangle parents-élève-professeur. 

Structuration des séances de l'atelier

La présente séance va chercher à déterminer comment équiper de manière équitable chaque élève, chaque professeur et chaque lieu d’apprentissage.

La deuxième séance, le 16 novembre, sera consacrée au thème "comment faire monter en compétence les professeurs, les élèves et les parents ?".

La troisième séance, le 17 novembre, aura pour thème "comment le numérique peut-il et va-t-il changer le métier d’enseignant ?".

Enfin, la dernière séance, le 24 novembre, se penchera sur les potentiels à envisager et développer dans les outils, les ressources et les usages numériques, dans la classe et hors de celle-ci. Il s’agira par exemple d’identifier quels outils faire entrer dans la classe pour mieux apprendre et de saisir le potentiel de divers outils numériques.

Après une quinzaine de minutes consacrées à la compréhension commune du thème de la séance, l’atelier se divisera, à chaque fois, en deux groupes, lesquels auront quarante-cinq minutes pour discuter de la problématique proposée, mettre en évidence les points faibles et points forts de la situation existante, proposer des solutions concrètes et mettre en exergue des points de vigilance. Un pilote, préalablement désigné, restituera en quinze minutes les travaux de son groupe. Puis l’atelier échangera durant trente minutes avec l’objectif d’aboutir, au cours des quinze dernières minutes, à un consensus collectif. In fine, l’objectif sera d’aboutir à la formulation, par l’atelier, de cinq propositions.

Un membre du collège encadrement est désignée pilote du groupe numéro 1. 

Un membre du collège familles et élèves est désignée pilote du groupe numéro 2.

Exploration du thème de la séance : comment équiper de manière équitable chaque élève, chaque professeur et chaque lieu d’apprentissage ?

1. Définition de la problématique

Brigitte Hazard ajoute deux précisions à cette question de départ : elle invite les participants à se demander comment équiper les élèves et professeurs de manière équitable mais aussi de manière pertinente et de manière durable. Cette réflexion doit inclure chaque élève, ce qui inclut les élèves à besoins particuliers ou les élèves empêchés. Elle doit aussi envisager "chaque lieu d’apprentissage", ce qui suppose de questionner l’architecture scolaire, étant entendu que les lieux d’apprentissage ne se limitent pas à la classe. D’autres lieux, dans l’établissement (couloirs, cour, gymnase, etc.) ou hors de l’Institution scolaire peuvent aussi remplir momentanément cette fonction.

L’atelier se divise en sous-groupes.

2. Restitution des travaux en sous-groupes

Le pilote du groupe n°1, indique que le groupe a évoqué les disparités existant sur le terrain, tant au niveau de l’école, du collège ou du lycée, et l’écart qui existe parfois entre la réalité des dotations et les besoins. Le groupe a également évoqué les problèmes de maintenance et de renouvellement des matériels. Il a d'ailleurs jugé nécessaire d’envisager d’emblée le recyclage des ordinateurs. Il a aussi souligné la nécessité de veiller à la cohérence entre le hardware (matériels) et le software (logiciels) et s’est demandé s’il fallait nécessairement acheter ces équipements. Le groupe a enfin souhaité que l’Institution privilégie les logiciels libres, en particulier pour les systèmes d’exploitation (gratuits, extrêmement simples à utiliser et exempts de tout risque d’obsolescence) afin de réduire le risque de disparités.

Brigitte Hazard note que plusieurs participants du groupe ont considéré que le téléphone mobile n’était pas l’outil pertinent pour l’apprentissage ou l’usage du numérique dans une visée éducative, ce qui plaiderait pour l’utilisation de l’ordinateur comme support privilégié du numérique. La question de l’équipement existant au domicile des élèves peut aussi avoir son importance.

Une représentante du collège syndical observe que l’utilisation du téléphone, en classe, appelle la mise en place de garde-fous tant il paraît difficile de dissocier l’utilisation personnelle du téléphone et son utilisation en tant qu’outil d’apprentissage.

Un autre représentant d’organisation syndicale voit, quant à lui, dans le téléphone un outil potentiellement complémentaire, par exemple pour des QCM ou pour des activités asynchrones, qui peuvent solliciter l’élève hors de la classe.

Le pilote du groupe n°2, indique que le groupe a souligné la difficulté que constituait le manque de mobilité du matériel, lorsque celui-ci existe dans les établissements. Le confinement a mis en évidence des disparités en termes d’équipement et le temps important requis pour le passage d’un outil à un autre, tant pour les parents que pour les élèves. La formation des élèves aux matériels à utiliser en classe et à la maison constitue une dimension importante.

Aurélie Jean ajoute qu’il a été question de l’accompagnement de professeurs dans le groupe n°2, le confinement ayant fait naître une solidarité et des dispositifs d’entraide entre parents d’élèves. 
Un représentant des enseignants, enseignant référent pour les usages du numérique en primaire, revient sur le déploiement des ENT (espaces numériques de travail) qui s’effectue à Paris depuis trois ans, à travers une plateforme commune à toutes les écoles, qui accompagne également les élèves au collège. Ce dispositif permet de matérialiser le triangle parents-élèves-enseignant et fournit un support de travail plus incitatif qu’un simple matériel pouvant rester dans un placard.

Brigitte Hazard convient de l’intérêt de ce dispositif, pourvu que sa durabilité soit assurée, ce qui rejoint la question du lien devant exister entre les collectivités et l’État.
Une représentante de l’encadrement voit un préalable dans la formation des enseignants, de façon réflexive, de façon à les rendre autonomes quant au choix de leurs outils et pour donner du sens aux usages.
Encore faut-il que ce choix puisse être laissé aux enseignants sans que ceci n’entraîne de trop fortes disparités entre les territoires, note Brigitte Hazard.

La collectivité territoriale finance la part dévolue aux équipements et à leur maintenance, rappelle une autre représentante de l’encadrement. Il faut donc, chaque fois, convaincre la collectivité. Il faut installer des infrastructures et des équipements individuels dans un premier temps. Puis viendront des ressources de qualité et la formation, ce qui permettra aux usages d’advenir progressivement, après un temps de prise en main et d’appropriation. Aujourd'hui, les agents, pleins de bonne volonté, doivent souvent se débrouiller seuls en allant chercher un tutoriel pour se former à tel ou tel usage. On imagine mal qu’il en soit ainsi dans les entreprises. Il y a pourtant là un enjeu de société majeur car il ne s’agit pas seulement de définir l’environnement professionnel dont le monde de l’éducation a besoin : au-delà des enfants, ce sera un vecteur de formation des parents et de réduction de l’illectronisme. 

Une participante signale l’existence, en Afrique, d’expérimentations passant par des connectivités plus faibles et pouvant fonctionner hors ligne, ce qui évite la consommation de bande passante et facilite leur mise en œuvre. 
Plusieurs problématiques peuvent aussi se faire jour après la classe, note une représentante des enseignants, à commencer par celle des zones blanches, que le confinement a mise en relief de façon brutale. De plus, même lorsque les enseignants sont prêts à utiliser leurs propres outils numériques, leur utilisation peut être rendue difficile par l’ergonomie des établissements, lorsqu’aucune salle de travail n’est prévue pour les enseignants.
Aurélie Jean évoque également les zones grises, où la navigation sur internet est possible mais où des usages tels que les cours massifs en ligne ne peuvent avoir lieu, faute d’une connectivité suffisante. Une solution pourrait consister, dans ces zones, à permettre à chacun d’utiliser les ressources de l’élève.

La question peut se poser en environnement urbain mais cette possibilité est exclue pour les établissements accessibles seulement via la mise en place d’un transport scolaire matin et soir, note une participante. 
Une représentante du collège syndical voit aussi dans l’existence de tiers lieux aisément accessibles aux enseignants une réponse possible aux freins pouvant aujourd'hui réduire les possibilités de télétravail.
Une représentante des élèves constate un écart récurrent entre l’utilisation de l’outil informatique prescrite à l’école et les attentes des élèves, ce qui ne contribue pas à rapprocher les points de vue des élèves et des enseignants. Elle plaide aussi pour que les mêmes outils soient mis à la disposition des élèves à l’école, au collège et au lycée, afin que leur apprentissage puisse être capitalisé au lieu de devoir repartir de zéro à chaque degré de l’Institution.

Pour un représentant du collège syndical, l’utilisation d’un outil commun à tous ne serait pas nécessairement la panacée, dans la mesure notamment où ce principe pourrait restreindre la liberté pédagogique des enseignants.
Une représentante de l’encadrement va dans le même sens. La mise en place d’ENT communs aux différents niveaux d’enseignant a été expérimentée. Elle a montré que les besoins du premier degré, très spécifiques, différaient sensiblement de ceux du second degré.

Certains enseignants sont désireux de proposer une activité basée sur un support numérique qu’ils connaissent bien mais rechignent à prendre le temps nécessaire pour accompagner les élèves dans l’appropriation de cet outil, si cela doit prendre du temps, constate une représentante du collège Professeurs. Cela fait néanmoins partie du temps d’enseignement et il n’y a pas lieu de multiplier les moments de formation hors du temps d’enseignement, d’autant plus que ce temps de formation bénéficiera à l’ensemble des enseignants et à l’ensemble des élèves.

Il faut néanmoins s’atteler à l’identification du plus petit dénominateur commun en termes d’équipement, observe Brigitte Hazard, et définir jusqu’où doivent aller l’homogénéisation et l’harmonisation des outils. En ce qui concerne les ENT, l’une des difficultés rencontrées a consisté à maîtriser le contenu qui leur était donné dans la mesure où les collectivités ont aussi leur mot à dire et n’entendent pas abandonner cette prérogative. Il faut en tout cas que les enseignants puissent donner leur avis et que l’ENT embarque les outils dont ils ont besoin (ce qui pourrait englober des outils dédiés au premier degré et d’autres spécifiques au second degré).
Un participant, issu du monde associatif et économique, souligne la grande diversité des 17 ENT existant en France, qui forment un champ de plus en plus divers. Il suggère de se focaliser sur les outils permettant des échanges pédagogiques et didactiques, avec pour finalité d’améliorer les résultats des élèves.

Les États généraux du numérique pour l’éducation ont souligné la nécessité de mise en place d’un dispositif permettant de détecter la fracture numérique et l’illectronisme, souligne une participante, tant l’illectronisme apparaît comme l’illettrisme de demain. Des critères communs d’information de la fragilité numérique pourraient être identifiés dans cette perspective. Les États généraux du numérique ont également travaillé sur le socle numérique minimal pour les écoles. 12 régions académiques sur 18 ont exprimé le besoin d’un ENT pour le premier degré. Enfin, il y a été question de l’accompagnement des familles à la culture numérique. Peut-être une offre de formation pourrait-elle être proposée aux familles en début d’année.

Synthèse et perspectives

Aurélie Jean propose d’élaborer un document récapitulatif des échanges de l’atelier, qui sera accessible en écriture afin que les participants l’enrichissent en fonction de ce qu’ils auront retenu de la présente séance.
La prochaine séance de l’atelier aura lieu le lundi 16 novembre de 12 heures à 14 heures.

Mise à jour : novembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

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