numéro 4 - octobre 2007
L'un des objectifs de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École est de porter à 50 % le taux d'accès à un diplôme universitaire, qui est aujourd'hui de 38 %. Tout le monde s'accorde sur cette nécessité pour la France de combler un retard qui est important par rapport à d'autres pays et constitue un frein à sa croissance.
Pourtant, alors que les regards devraient se porter désormais davantage sur le devenir des jeunes après le baccalauréat, ils semblent restés rivés sur cet examen. Les acteurs du secondaire y concentrent peut-être encore trop leurs efforts, tandis que ceux du supérieur n'accordent sans doute pas encore assez d'attention à l'accueil et la réussite des nouveaux bacheliers. Les uns et les autres persistent trop souvent à se méconnaître ou à s'éviter.
Or, et chacun en est de plus en plus conscient, c'est de la qualité de l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur que dépendent largement le succès d'un étudiant et sa capacité à obtenir un diplôme. Aussi avons-nous jugé utile de consacrer le quatrième numéro de la Revue à ce thème et ce au moment où la loi sur les libertés et les responsabilités des universités confère à celles-ci de nouvelles compétences en matière d'orientation active et d'insertion professionnelle.
Notre propos est ici d'analyser les rapports entre le secondaire et le supérieur et de montrer des différences ou de convergences de perspectives, de pratiques, de problématiques aidant à comprendre pourquoi la collaboration est souvent difficile et comment elle peut progresser. À cette fin, nous avons privilégié trois grands axes.
D'abord les contenus d'enseignement. Un des éléments qui fait continuité (ou discontinuité) entre les deux niveaux d'enseignement est la conception que l'on se fait des disciplines ; comment l'acquisition d'une discipline scolaire prépare-t-elle à celle d'une discipline universitaire ? Comment l'évolution des savoirs scientifiques doit-elle influencer la transformation des avoirs scolaires ?
Ensuite les acteurs : enseignants, responsables d'établissement, présidents d'université, recteurs. Une coopération entre niveaux institutionnels suppose des acteurs qui se connaissent, ont envie de collaborer, se saisissent d'objets communs pour travailler ensemble ou, au contraire, échouent par méconnaissance réciproque ou divergence de stratégies.
Enfin les enjeux. Certains d'entre eux concernent les deux niveaux d'enseignement et il est intéressant de mettre en perspective les différences d'approche : la place du concept de compétences dans les programmes de formation, l'articulation des politiques de formation et des territoires ou encore celle des structures de formation et des parcours des élèves/étudiants.
Nous espérons que ce dossier enrichira la réflexion de tous ceux qui travaillent au nécessaire rapprochement du lycée et de l'enseignement supérieur.
Thierry Bossard Chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche |
François Perret Doyen de l'inspection générale de l'Éducation nationale |
Ce numéro a été coordonné par Pascal Charvet, inspecteur général de l'Éducation nationale et Bernard Dizambourg, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche.
Dépayser les compétences
Josée Kamoun, inspectrice générale de l'Éducation nationale
À l'égard des langues vivantes, la demande du supérieur au secondaire est sans équivoque et elle est double : outre la mission de formation intellectuelle qu'elles partagent avec les autres disciplines selon leurs spécificités propres, les langues, en particulier l'anglais mais pas exclusivement, doivent désormais assumer une fonction véhiculaire immédiate et généralisée. Elles occupent donc une position stratégique à la charnière des cycles et leur apprentissage est plus porteur de sens que jamais - pourvu cependant que sa scolarité conduise sans rupture l'élève à cette « utilisation autonome » des langues indispensable à l'étudiant.
Classes préparatoires littéraires : le socle et le saut
Paul Raucy, inspecteur général de l'Éducation nationale
Les C.P.G.E. littéraires, pour la plupart des élèves qui s'y trouvent, servent davantage de préparation efficace à la poursuite d'études à l'Université que de voie d'accès aux ENS : cet effet secondaire est peut-être même, de fait, leur fonction principale. Elles constituent en quelque sorte un socle de connaissances générales dans les diverses disciplines, de capacités intellectuelles et méthodologiques et d'attitudes de travail. Mais de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur, elles n'effacent pas le saut à franchir : elles en accompagnent l'effort et l'élan. De ce mouvement de débordement qu'elles favorisent, d'une discipline à l'autre et d'un niveau à l'autre, témoignent aussi, en amont, certains dispositifs qui, dans tel ou tel lycée, visent à amener davantage d'élèves du secondaire vers ces classes préparatoires.
Du secondaire au supérieur : le nouveau rôle des lycées
Alain Boissinot, inspecteur général de l'Éducation nationale, recteur de l'académie de Versailles
Depuis peu, un consensus commence à s'établir dans l'opinion pour constater que notre pays a longtemps accordé attention et moyens, de façon excessive, à l'enseignement secondaire (en réalité, aux lycées), aux dépens de l'enseignement supérieur. Le fait que l'enseignement secondaire ait disposé, avec les classes préparatoires, d'un parcours de formation supérieure perçu comme plus légitime que le parcours universitaire n'est bien sûr pas étranger à cette situation.
De part et d'autre de la ligne bleue du bac
Roger-François Gauthier, Inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche
S'il est souvent tentant d'embarquer pour Sirius aux fins d'observer une réalité, l'intérêt du voyage, toutefois, n'est pas automatiquement assuré. Cet article, pour sa part, ne fait que tenter, de façon exploratoire, de soumettre au même regard l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur du point de vue relativement inattendu de l'évaluation, dite « certificative », des élèves et des étudiants.
L'articulation secondaire-supérieur : Quel peut être le rôle du recteur-chancelier ?
Jean-Claude Hardouin, recteur de l'académie de Nice
Au terme du secondaire, on observe fréquemment un décalage entre l'obtention du baccalauréat et la préparation au supérieur. Premier grade universitaire, le baccalauréat constitue la voie d'accès au supérieur. Pour autant, les lauréats y sont-ils réellement préparés ? Ont-ils construit un projet d'études ? En connaissent-ils les contenus et les méthodes ? Se sont-ils interrogés sur les perspectives d'insertion professionnelle ? L'orientation et l'insertion professionnelle étant désormais expressément rangées parmi les missions du service public de l'enseignement supérieur, c'est aussi l'articulation du secondaire et du supérieur qui est ici en cause.
L'offre universitaire : concurrence et coopération
Bernard Dizambourg, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche
L'offre de formation en premier cycle présente en France une double caractéristique : elle est fortement diversifiée à la fois dans les formations proposées et dans les institutions d'accueil : universités, lycées, écoles spécialisées, etc. La nécessité de rationaliser l'offre est fréquemment affirmée, en particulier celle mise en uvre par des acteurs publics, et la trop forte dispersion de l'offre des universités souvent évoquée. Il nous semble donc intéressant de mettre en évidence les raisons qui expliquent les stratégies de différenciation des universités et demontrer comment sur ce champ une politique de coopération universités-lycées peut trouver tout son intérêt.
Enquête dans les prépas : les élèves parlent
Jean Lamoure, professeur à l'E.N.S. Cachan et Pierre Laumond, professeur de première supérieure
Le projet de cette enquête est né en 2003, lors de la préparation, puis au cours du colloque Démocratie, Classes préparatoires et Grandes Écoles. Ce projet partait d'un constat : le peu, voire la quasi absence d'informations et a fortiori d'études sur ce que deviennent les élèves des classes préparatoires dès lors qu'ils n'intègrent pas une grande école, en particulier les élèves des classes préparatoires littéraires - A/L,B/L et Chartes - pour les quels les concours et les places sont bien moins nombreux que pour leurs collègues des autres filières. Enfin, l'image des classes préparatoires elles-mêmes, telle qu'elle était et demeure véhiculée par une bonne partie de la presse, semblait être ressentie comme suffisamment effrayante et dissuasive à l'égard des bacheliers pour réclamer une enquête auprès des élèves eux-mêmes.
La " joyeuse entrée " des compétences dans l'enseignement supérieur
Marc Romainville, professeur à l'université de Namur
Un procès d'immobilisme en matière pédagogique est régulièrement instruit à l'encontre de l'enseignement supérieur. Cet immobilisme accentuerait le fossé entre un enseignement scolaire attentif au renouvellement de ses méthodes pédagogiques et un enseignement supérieur enfermé, selon l'image classique, dans sa tour d'ivoire et réfractaire à tout changement. L'objectif du présent article est demontrer que cette vision manichéenne reflète mal la réalité notamment en ce qui concerne l'usage du concept de compétence dans l'élaboration des programmes de formation.
Territoires, offre de formation et parcours des étudiants
Jean-Richard Cytermann, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche
Ce sujet présente un paradoxe apparent. Les universités et les écoles d'ingénieurs sont, d'après la loi de 1984, des établissements nationaux ; les politiques d'enseignement supérieur sont des politiques nationales. Et pourtant, les aspects territoriaux sont omniprésents dans ces politiques d'enseignement supérieur, même quand on parle de recherche.
L'adaptation d'impédances
Christian Forestier, inspecteur général de l'Éducation nationale Membre du Haut Conseil de l'Éducation
Les électroniciens appellent « adaptation d'impédances », la technique qui permet d'optimiser le transfert d'une puissance électrique entre un circuit émetteur et un circuit récepteur. Posons-nous donc la question des avoir s'il y a une bonne adaptation d'impédances entre notre lycée et notre enseignement supérieur.
Qu'enseigne-t-on en première année de licence ? La place de la recherche dans l'enseignement universitaire
Georges Felouzis, professeur à l'université de Bordeaux Maëlle le Guyader, doctorante au C.S.O.-C.N.R.S.
Qu'enseigne-t-on dans les premières années des cursus universitaires et comment l'enseigne-t-on ? La question est de première importance pour comprendre comment s'effectue chaque année le passage de l'enseignement secondaire au supérieur pour les nouveaux bacheliers. Les travaux sur les premiers pas des étudiants à l'université qu'il s'agisse de ceux de Coulon, de Frickey ou de Felouzis, insistent tous sur le rapport d'étrangeté que ceux-ci ressentent au contact d'un système universitaire trop souvent désorganisé, voire anomique.
Mise à jour : mai 2020