La Lettre d’information juridique n° 233 – janvier 2025

Direction des affaires juridiques - Lettre d'information juridique (LIJ)

Lettre de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Éditorial

Il y a, pour faire simple, deux grandes façons de faire avancer la jurisprudence.

La première, la plus spectaculaire, est celle des arrêts de principe : le droit administratif ayant été, historiquement, façonné par la jurisprudence du Conseil d’État et du Tribunal des conflits, la prohibition des arrêts de règlement portée par l’article 5 du code civil n’a jamais empêché, en cette matière, les énoncés généraux et leurs évolutions, marquées par des sauts conceptuels, des revirements et certains grands bonds en avant. Cette façon de faire se caractérise aussi par le syllogisme juridique français, avec son raisonnement déductif et la place essentielle faite à la majeure juridique – la règle, abstraite, générale et impersonnelle.

La seconde façon, à la fois plus traditionnelle et plus proche des raisonnements de common law, pourrait être qualifiée de méthode "des petits pas" : ni tambour ni trompette, pas d’énoncé de principe, mais le traitement successif d’espèces dans lesquelles le juge s’attache à relever des éléments de fait qui lui paraissent déterminants et d’où il tire des rapprochements et des distinctions.

La question de l’étendue du pouvoir des chefs d’établissement d’enseignement supérieur à l’égard des demandes de mise à disposition de salles en vue de la tenue de conférences est une bonne illustration de cette seconde méthode jurisprudentielle. Ainsi, après avoir regardé comme illégal le refus d’une telle mise à disposition au bénéfice du "Comité Palestine" de l’université Paris-Dauphine qui souhaitait inviter une députée européenne pour évoquer la situation à Gaza (6 mai 2024, n° 494003), le juge des référés du Conseil d’État a admis, au contraire, la légalité d’un tel refus adressé au "Comité Palestine" de Sciences Po qui souhaitait inviter la même personne à propos de la même situation (29 novembre 2024, n° 499162). Le tout dans le même cadre juridique de principe. La lecture comparée des deux ordonnances permet de comprendre la différence des deux situations, qui paraît fondée sur deux points notables : l’importance des perturbations dans le second des établissements ; l’appel direct de la conférencière au blocage de cet établissement. Ce sont ces deux points qui justifient en novembre une solution opposée à celle retenue six mois plus tôt.

Ce choix du juge d’une approche casuistique, s’il laisse une part d’incertitude dans l’action des établissements d’enseignement supérieur, manifeste, croyons-nous, une grande prudence dans l’approche des limites pouvant être fixées aux libertés de réunion et d’expression à l’université. Et nous voyons dans cette prudence la marque du haut degré de protection que le juge attache à la franchise universitaire et aux libertés académiques.

Les amateurs de jurisprudence auraient tendance à espérer de nouveaux contentieux en la matière, pour que d’autres petits pas apportent de nouveaux éclairages sur l’articulation entre ces libertés et les exigences attachées au bon fonctionnement du service public de l’enseignement supérieur. Sans aller jusque-là, relevons avec satisfaction que l’approche choisie par le juge conduit aussi à insister sur le pouvoir d’appréciation dont disposent les chefs d’établissement pour prendre les mesures les plus adaptées au contexte qui leur est propre.


Guillaume Odinet

Jurisprudence

Principes généraux
Ordre public
TA Marseille, 16 octobre 2024, n° 2003517

Enseignement scolaire
Sanctions
TA Toulouse, 10 octobre 2024, n° 2201010

Enseignement supérieur et recherche
Maintien de l’ordre
JRCE, 29 novembre 2024, n° 499162
Cycle master (Mon master…)
CE, 15 octobre 2024, Université Paris-8-Vincennes-Saint-Denis, n° 475112, au recueil Lebon
Vie étudiante
CE, 8 novembre 2024, n° 496101, aux tables du recueil Lebon

Examens, concours et diplômes
Composition du jury
CAA Nantes, 8 octobre 2024, n° 23NT02542

Personnels
Temps partiel
TA Caen, 25 septembre 2024, n° 2102636
Maladie imputable au service
CE, 25 septembre 2024, n° 466420
Protection fonctionnelle
Cons. const., 4 juillet 2024, n° 2024-1098 QPC
Procédure
CAA Nancy, 24 octobre 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, n° 21NC03020
Fautes
CE, 29 octobre 2024, Université de Strasbourg, n° 474579
Sanctions
CE, 27 septembre 2024, Université de Montpellier et ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 488978 et n° 489417, aux tables du recueil Lebon
Suspension conservatoire
CE, 18 octobre 2024, n° 470016, aux tables du recueil Lebon
Incapacité (condamnation pénale…)
TA Paris, 11 octobre 2024, n° 2211255, n° 2307813 et n° 2307817
Licenciement – Non-renouvellement d'engagement
TA Marseille, 16 octobre 2024, n° 2206890
Concours
CE, 27 septembre 2024, n° 473336, aux tables du recueil Lebon
CE, 27 septembre 2024, n° 488980, aux tables du recueil Lebon

Établissements d’enseignements privés et instruction dans la famille
Déclaration – Autorisation
CAA Paris, 31 octobre 2024, n° 23PA03559
Activités sportives ou artistiques
TA Rouen, 16 juillet 2024, n° 2303122

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement
Exécution des jugements
CAA Douai, 4 juin 2024, Mutuelle des architectes français et SARL X et Y, n° 23DA01180

Principes généraux

Ordre public

  • Interdiction d’accès à un établissement – Comportement et propos agressifs et menaçants d'un professeur – Sécurité des élèves

TA Marseille, 16 octobre 2024, n° 2003517

Un professeur de lycée professionnel avait demandé en mai 2020 au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l’État à lui verser, d'une part, la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estimait avoir subi et de troubles dans ses conditions d'existence résultant, selon lui, de l'illégalité fautive d'une mesure d'interdiction d'accès à l'établissement scolaire prononcée à son encontre par le chef d'établissement sur le fondement de l'article R. 421-12 du code de l'éducation et, d'autre part, la somme de 50 000 euros en raison d'un manquement de l'administration à son obligation de prévenir et protéger la santé et la sécurité de ses agents, compte tenu de l’absence de prise en compte de son état de santé et de ses conditions de travail.

Le tribunal administratif a tout d'abord rappelé que la mesure conservatoire prononcée sur le fondement de l'article R. 421-12 du code de l'éducation par laquelle un chef d'établissement scolaire interdit l'accès à l'établissement à un enseignant présente un caractère temporaire et doit répondre à des nécessités d'urgence, et qu'elle ne peut donc être prise qu'en cas de difficultés graves dans le fonctionnement dudit établissement.

Puis, le tribunal a jugé que le chef d’établissement n’avait commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d’appréciation en interdisant l’accès de son établissement au professeur en raison des propos tenus et de son "comportement agressif, menaçant et inadapté" à l'égard de membres de la communauté éducative. Lui étaient notamment reprochés "des propos à connotations sexuelles, dévalorisants, humiliants et insultants à [l']égard [des élèves]. Le requérant a[vait], par ailleurs, fait preuve d’un comportement similaire envers les parents d’élèves et le personnel de l’établissement qui a[vait] signalé un dysfonctionnement [dans] l'organisation de l'établissement scolaire et du service de l'éducation." En outre, il avait tenu "des propos incohérents, couvert d'une capuche lui masquant le visage" en croisant le proviseur, lequel avait décidé le jour même de lui interdire l'accès à son établissement compte tenu de ce comportement inquiétant.

Le tribunal administratif a également considéré que la mesure litigieuse avait été prise "dans le but exclusif de mettre fin aux perturbations causées par le comportement inapproprié [du professeur] vis-à-vis de collègues de travail et de certains élèves, et de restaurer, dans l’intérêt de l’ensemble du personnel de l’établissement et des élèves, la sérénité nécessaire au bon fonctionnement du service public". Ne constituant donc pas une sanction disciplinaire, cette mesure, qui présentait un caractère conservatoire, n'avait pas à être précédée d'une communication de son dossier à l'intéressé.

Par suite, l'interdiction d'accès n'étant pas entachée d'illégalité fautive, le tribunal administratif a considéré que le requérant n'était pas fondé à demander une indemnisation.

Enfin, s’agissant de la responsabilité de l’administration qui aurait failli à son obligation de prévention et de protection de la santé et de la sécurité découlant de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique, et de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, le tribunal administratif a relevé que l'enseignant avait pu s’entretenir avec sa hiérarchie, le jour même du prononcé de la mesure d'interdiction d'accès et, un mois auparavant, à propos du comportement et des propos qui lui étaient reprochés et des difficultés qu’il rencontrait avec certains élèves.

Ainsi, le requérant n'était pas non plus fondé à rechercher la responsabilité de l'État pour méconnaissance des dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983.

Enseignement scolaire

Sanctions

  • Exclusion définitive – Absence de disproportion – Menaces – Comportement violent répété

TA Toulouse, 10 octobre 2024, n° 2201010

Un élève en situation de handicap scolarisé en classe de troisième avait fait l’objet d’une sanction d’exclusion définitive sans sursis prononcée par le conseil de discipline, confirmée par le recteur d’académie. Saisi par la mère de l’élève d’une demande d’annulation de cette sanction, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Le tribunal administratif a retenu, au regard du témoignage rédigé par une assistante d’éducation et des déclarations précises et concordantes de cette dernière devant le conseil de discipline, que les faits reprochés à l’élève – avoir menacé l'assistante d'éducation de mort "en se référant aux conditions dans lesquelles M. Samuel Paty a trouvé la mort et en lui indiquant qu’elle aurait un hommage national similaire à cet enseignant, qui avait eu lieu le matin même dans la cour de l’école" – étaient établis et constitutifs d’une faute disciplinaire de nature à justifier une sanction.

Il a ensuite relevé que l’élève avait précédemment été sanctionné à plusieurs reprises – un avertissement pour "propos grossiers" et une exclusion temporaire en raison d’"altercations à répétition envers d’autres collégiens" en cinquième, deux autres exclusions temporaires à la suite d’une "bagarre" et d’une "attitude provocante" en quatrième – et avait bénéficié d’un accompagnement personnalisé pour l’aider, face aux difficultés liées à sa pathologie médicale.

Aussi le tribunal a-t-il estimé, "au motif de la persistance du comportement provocant et violent de l'élève X, de la gravité croissante de ses manquements au règlement intérieur de l’établissement et de son incapacité à s’amender", que la sanction d’exclusion définitive sans sursis prononcée ne présentait pas un caractère disproportionné.

Enseignement supérieur et recherche

Maintien de l’ordre

  • Liberté de réunion et d’expression – Mise à disposition de locaux– Ordre public – Interdiction d’une réunion

JRCE, 29 novembre 2024, n° 499162

Une initiative étudiante, "Students for justice in Palestine Sciences Po", avait demandé au directeur de l’institut d’études politiques (IEP) de Paris de mettre à sa disposition un local pour y tenir une conférence portant sur un possible embargo des livraisons d’armes à Israël, à laquelle devait participer une députée européenne connue pour son engagement sur cette question. Le directeur de l’IEP de Paris avait refusé de faire droit à cette demande au motif qu’une telle conférence aurait présenté un risque élevé de troubles à l’ordre public. Une étudiante représentant l’initiative étudiante qui avait sollicité la mise à disposition du local et la députée européenne ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif (JRTA) de Paris sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Par une ordonnance nos 2430705 et 2430851 du 21 novembre 2024, le JRTA a, à la demande de l’étudiante, suspendu l’exécution de la décision précitée du directeur de l’IEP de Paris, en considérant qu’elle portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression garantie par l’article L. 811-1 du code de l’éducation, et lui a enjoint d’examiner avec les organisateurs, si ces derniers le souhaitaient toujours, les conditions dans lesquelles la conférence litigieuse pourrait se tenir. Il a néanmoins rejeté la requête de la députée européenne au motif que la décision ne la privait nullement de son droit à s’exprimer, qu’elle pouvait exercer en dehors des locaux de l’IEP de Paris, et qu’à défaut d’avoir la qualité d’usager du service public de l’enseignement supérieur, elle ne pouvait utilement invoquer les libertés de réunion et d’expression garanties par l’article L. 811 1 du code de l’éducation.

L’IEP de Paris a relevé appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’État (JRCE) qui a annulé l’ordonnance rendue par le JRTA de Paris et rejeté la requête en référé-liberté.

Le JRCE a d’abord rappelé le cadre juridique qui avait été défini par une ordonnance de référé du 7 mars 2011 (École normale supérieure, n° 347171, au recueil Lebon) et appliqué récemment (JRCE, 6 mai 2024, Université Paris Dauphine-PSL, n° 494003, LIJ n° 231, juillet 2024).

Il appartient à un établissement d’enseignement supérieur saisi d’une demande tendant à ce que des locaux soient mis à disposition en vue de l’organisation de réunions publiques, de concilier les libertés académiques et les libertés d’expression, d’information et de réunion reconnues aux étudiants par l’article L. 811 1 du code de l’éducation avec le maintien de l’ordre dans l’établissement et le bon fonctionnement du service public. Ainsi doit-il "veiller à la fois à l'exercice des libertés d'expression et de réunion des usagers du service public de l'enseignement supérieur et au maintien de l'ordre dans les locaux comme à l'indépendance intellectuelle et scientifique de l'établissement, dans une perspective d'expression du pluralisme des opinions".

Dans ce cadre, le JRCE a jugé que la liberté d’expression et de réunion des usagers dans l’enceinte d’un établissement ne saurait permettre des manifestations qui, par leur nature, iraient au-delà de la mission de l'établissement, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et de recherche, troubleraient le fonctionnement normal du service public ou risqueraient de porter atteinte à l'ordre public. Il appartient au président ou directeur de l’établissement, lorsqu’il se prononce sur une demande de mise à disposition de locaux, "de prendre toutes mesures nécessaires pour à la fois veiller au respect des libertés dans l'établissement, assurer l'indépendance de celui-ci de toute emprise politique ou idéologique et maintenir l'ordre dans ses locaux".

En l’espèce, le JRCE a constaté qu’il résultait de l’instruction que de nombreux et "graves désordres", liés au contexte conflictuel au Proche-Orient et à son écho en France, s’étaient produits au cours des derniers mois au sein de l’IEP de Paris et avaient sérieusement perturbé son bon fonctionnement. Il a relevé que ces troubles s’étaient traduits par des intrusions et occupations des locaux de l’établissement et par des débordements donnant parfois lieu à des dégradations matérielles ainsi qu’à des actes de violence ou d’intimidation à l’égard d’autres étudiants ou de membres du personnel, et que l’intervention des forces de l’ordre avait, à plusieurs reprises, été nécessaire. Il a, en outre, constaté que la député européenne qui devait participer à la conférence "[avait] publiquement, sur un réseau social, apporté son soutien aux occupations et blocages [au sein de l’IEP de Paris] des 25 et 26 avril 2024, qu'elle [avait] appelé, le 26 avril, à y participer en exposant que "l'heure était au soulèvement" et qu'elle [avait] apporté publiquement son soutien aux étudiants lors de l'intervention des forces de l'ordre le 9 octobre 2024 pour rétablir l'accès et les activités de l'établissement". Enfin, le JRCE a pris note de ce que l’IEP de Paris avait organisé un cycle de conférences sur le sujet et avait permis à des étudiants d’organiser d’autres initiatives au sein de ses locaux en lien avec ces questions.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le JRCE a considéré que le directeur de l’IEP de Paris avait, à bon droit, opposé un refus à la demande d’organisation de la conférence litigieuse au motif que sa tenue "faisait naître un risque de troubles à l’ordre public dans l’établissement" et qu’il n’avait pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et d’expression.

Cette ordonnance illustre l’appréciation concrète, par le juge, de la réalité et de l’intensité des troubles au sein d’un établissement, qui peuvent être invoqués pour justifier une décision de refus de mise à disposition des locaux par le chef de l'établissement.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’au-delà des motifs découlant des nécessités de préserver le maintien de l’ordre, un chef d’établissement d’enseignement supérieur, peut, afin d’assurer le bon fonctionnement du service public de l’enseignement supérieur et préserver l’indépendance de son établissement et son image, refuser de mettre des locaux à disposition des étudiants pour organiser une ou plusieurs réunions si leur objet est susceptible de porter atteinte à sa neutralité et à son indépendance, telles que définies à l’article L. 141-6 du code de l’éducation (cf. JRCE, n° 347171, susmentionnée).

Cycle master (Mon master…)

  • Inscription en master 2 en ayant validé son master 1 dans un autre établissement – Formation sélective – Atteinte des capacités d’accueil – Critères d’examen des demandes d’inscription

CE, 15 octobre 2024, Université Paris-8-Vincennes-Saint-Denis, n° 475112, au recueil Lebon

Après avoir validé sa première année de deuxième cycle universitaire (M1) mention "psychologie" parcours "psychologie développementale" au sein de l’université Nice-Sophia-Antipolis, une étudiante avait sollicité auprès de l'Institut d'enseignement à distance (IED) de l’université Paris-8 son inscription en deuxième année (M2) de master mention "psychologie" parcours "psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles".

Cette demande avait été rejetée par une décision du 15 octobre 2020 de la directrice de l'IED, au motif que les capacités d’accueil du M2 envisagé étaient atteintes.

Par un jugement n° 2012890 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil avait annulé la décision précitée du 15 octobre 2020 ainsi que la décision du 6 janvier 2021 révélée par l’avis négatif rendu par la commission d'admission du master. Ce jugement avait été confirmé par la cour administrative d’appel de Paris (arrêt n° 21PA03842 du 14 avril 2023).

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour et précisé les conditions dans lesquelles le droit à la poursuite d’études s’exerce entre la première et la deuxième année d’une formation conduisant au diplôme national de master.

Le Conseil d’État a rappelé que si l’article L. 612-6 du code de l’éducation permet aux établissements d’enseignement supérieur de fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle, le législateur garantit (cf. premier alinéa de l’article L. 612-6-1 du même code) aux étudiants un droit à la poursuite d’études en prévoyant que : "L’accès en deuxième année d’une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation."

Il a néanmoins jugé que, hormis le cas des formations mentionnées au second alinéa de l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation, un établissement peut fixer des capacités d’accueil pour l’entrée en première année d’un master, lesquelles, compte tenu de l’organisation des études supérieures en cycles, sont également opposables pour la deuxième année de la formation.

Il a également précisé que les dispositions de l'article L. 612 6 1 du code de l'éducation, éclairées par les travaux parlementaires, n'ont ni pour objet ni pour effet de consacrer un droit à la poursuite en deuxième année de master dans un établissement d'enseignement supérieur autre que celui dans lequel un étudiant a validé sa première année de master. Par conséquent, si un étudiant ayant validé la première année du master dans un établissement peut, de droit, poursuivre en deuxième année de cette formation dans ce même établissement, il en va autrement lorsque l’étudiant souhaite continuer sa formation dans un autre établissement.

Ainsi, en cas de demande de changement d’établissement entre la première et la deuxième année de formation, l’étudiant peut légalement se voir opposer, par le nouvel établissement, l’atteinte des capacités d’accueil du master pour l’accès à la deuxième année de la formation concernée, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’article D. 612-36-4 du code de l’éducation.

Vie étudiante

  • Contribution de vie étudiante et de campus – Compétence de l’auteur du décret – Incompatibilité entre fonctions gouvernementales et mandat parlementaire (non) – Méconnaissance du principe d’égalité (non)

CE, 8 novembre 2024, n° 496101, aux tables du recueil Lebon

La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), prévue à l'article L. 841-5 du code de l'éducation, est une taxe affectée aux établissements publics d'enseignement supérieur, aux établissements privés participant au service public de l’enseignement supérieur et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) dont l'objet est de "favoriser l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et [de] conforter les actions de prévention et d'éducation à la santé réalisées à leur intention".

Un professeur des universités demandait au Conseil d’État l’annulation du décret du 8 juillet 2024 qui modifie les modalités de répartition du produit de la CVEC et institue un montant identique par étudiant sans distinguer entre les catégories d’établissements.

Il soutenait, notamment, que le décret était entaché d’incompétence au motif que le Premier ministre devait, à la date de la signature du décret, être regardé comme démissionnaire d’office de ses fonctions gouvernementales en raison de son élection à l’Assemblée nationale.

Dans une décision du 18 octobre 2024 (n° 496362, au recueil Lebon), le Conseil d’État avait eu à se prononcer sur l’incidence du cumul d'un mandat parlementaire et des fonctions de membre du Gouvernement sur la légalité des actes pris en tant que membre du Gouvernement. Le Conseil d’État avait jugé qu’il résultait des articles 8, 23 et 25 de la Constitution que "l’incompatibilité entre les fonctions de membre du Gouvernement et l’exercice d’un mandat parlementaire ne se résout que par le remplacement de l’intéressé dans son mandat parlementaire sans être susceptible d’affecter, par elle-même, l’exercice par celui-ci de ses fonctions gouvernementales" et que "la règle d’incompatibilité édictée par l’article 23 de la Constitution est, par elle-même, dépourvue d’effet sur l’exercice des fonctions de membre du Gouvernement. Son éventuelle méconnaissance ne saurait, par suite, avoir pour conséquence d’entacher d’incompétence les actes pris dans cet exercice".

Après avoir rappelé cette règle, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de l’incompétence du Premier ministre en jugeant que "la circonstance qu’un membre du Gouvernement soit élu député est, par elle même, sans effet sur l’exercice de ses fonctions gouvernementales".

Le Conseil d’État a, par ailleurs, jugé qu’en unifiant le montant de la part de la CVEC attribuée à tous les établissements, indépendamment de leur statut, le décret ne méconnaissait pas le principe d’égalité dès lors que ce principe n’impose pas de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes.

Examens, concours et diplômes

Composition du jury

  • Recours contre un arrêté fixant la composition du jury d’examen de master – Intérêt pour agir d’un enseignant-chercheur de la formation – Contrôle des connaissances

CAA Nantes, 8 octobre 2024, n° 23NT02542

Une maîtresse de conférences avait demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté par lequel le doyen de la faculté de lettres, langues, sciences humaines et sociales de son université avait fixé la constitution du jury d’examen du master au profit duquel elle enseignait, et d’enjoindre à la présidente de l’université de signer un nouvel arrêté de désignation du jury.

Cette dernière critiquait la création, au sein du jury d’examen, d’une commission dite "bloc théorique" qui imposerait une appréciation annualisée des étudiants du master et aurait un impact sur leur scolarité.

Le tribunal administratif avait rejeté la requête comme étant irrecevable en retenant que "la création d'une commission dite "bloc théorique" par l'arrêté (…) portant désignation du jury du master (…) pour lequel Mme X était, à la date d'enregistrement de sa requête, chargée d'enseignement ne porte atteinte ni aux droits et prérogatives que l'intéressée tient de son statut, ni aux conditions d'exercice de ses fonctions. En se bornant à invoquer l'angoisse et l'incertitude pour les étudiants inscrits en master à l'université (…) résultant des modalités de validation des unités d'enseignement, Mme X ne justifie d'aucun intérêt à contester cet arrêté (…) qui lui soit propre. La circonstance que, postérieurement à l'introduction de la présente instance, Mme X ait été désignée, par arrêté du 16 septembre 2021, portant avenant à l'arrêté contesté, membre du jury dudit master du second semestre, d'année et de mention de diplôme n'est pas davantage de nature à lui conférer un intérêt pour demander l'annulation de cette commission dite "bloc théorique"."

La cour administrative d’appel de Nantes, saisie en appel, a annulé ce jugement pour irrégularité en jugeant que la requérante justifiait bien d’un intérêt pour contester cet arrêté. Il ressortait en effet des dispositions de l’article L. 952-3 du code de l’éducation et de l’article 3 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences – qui précisent que les fonctions des enseignants-chercheurs incluent des missions d’administration et de gestion de l’établissement et que ces derniers "assurent la direction, le conseil, le tutorat et l'orientation des étudiants et contribuent à leur insertion professionnelle[,] (…) organisent leurs enseignements au sein d'équipes pédagogiques dans tous les cursus universitaires et en liaison avec les milieux professionnels" et "participent aux jurys d'examen et de concours" –.que, de par ses prérogatives statutaires, l'intéressée avait "vocation à participer aux jurys d’examen du master" dont la constitution avait été fixée par la décision litigieuse.

La cour a toutefois rejeté la requête de l’enseignante-chercheuse, qui soutenait que la création de cette commission "bloc théorique" au sein du jury d’examen contrevenait aux dispositions des articles D. 123-13 et D. 123-14 du code de l’éducation, qui prévoient notamment une "organisation des formations en semestres et en unités d’enseignement".

La cour a jugé que "d’une part, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que les autorités compétentes de l’université prévoient qu’un étudiant qui, par l’effet de règles de compensation entre les différentes unités d’enseignement d’un semestre, a validé ce dernier sans avoir obtenu la moyenne à chacune des unités d’enseignement du semestre et sans avoir été reçu à l’année du diplôme en cause, soit contraint de subir de nouveau les examens des unités d’enseignement dans lesquelles il avait échoué à obtenir la moyenne fixée pour leur validation. D’autre part, ces mêmes dispositions ne s’opposent pas à ce que les autorités compétentes de l’université fixent, pour l’obtention d’un diplôme ou d’une année de master, une moyenne minimale à atteindre pour certains types d’unités d’enseignement."

Personnels

Temps partiel

  • Abrogation d’une autorisation d’exercer ses fonctions à temps partiel – Nécessités du service – Défaut de motivation – Décision créatrice de droits

TA Caen, 25 septembre 2024, n° 2102636

Dans le cadre d’un contentieux tendant à contester l’abrogation, en cours d'année scolaire, d’une autorisation d'assurer un service à temps partiel à hauteur de 80 %, un professeur de l’enseignement secondaire se prévalait notamment d’un vice de légalité externe tiré de ce que la décision d’abrogation était dépourvue de toute motivation.

Le tribunal administratif de Caen a rappelé que l'autorisation accordée à un agent d'exercer ses fonctions à temps partiel constitue une décision créatrice de droits. Son abrogation doit donc être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qui prévoit que : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (…) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (…)."

Si le tribunal a jugé que le requérant était fondé à demander l’annulation de la décision d’abrogation en raison de son absence de motivation, il a en revanche rejeté sa demande d’indemnisation. En effet, il a rappelé que le maintien de l’autorisation accordée à un agent d’exercer ses fonctions à temps partiel est subordonné à la condition que les nécessités de la continuité et du fonctionnement du service permettent la réduction effective du temps de travail de l'agent. Or, en l'espèce, ce maintien n'était plus possible au regard de la fixation définitive des services des enseignants et des contraintes organisationnelles de l'établissement scolaire d'affectation de l'intéressé ainsi que de deux autres établissements scolaires situés à proximité, éléments survenus postérieurement à la décision autorisant le professeur à assurer un service à temps partiel. Dès lors, le tribunal a considéré que les préjudices dont le requérant demandait l'indemnisation ne sauraient être regardés comme la conséquence du vice de légalité externe tenant à l'absence de motivation.

Maladie imputable au service

  • Fonctionnaires et agents publics – Maladie imputable au service – Procédure – Commission de réforme – Absence de communication d’un rapport d’expertise médicale – Garantie – Absence

CE, 25 septembre 2024, n° 466420

Un ingénieur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui avait vu sa demande de reconnaissance d’imputabilité au service de son état dépressif rejetée en juin 2018, après avis défavorable de la commission de réforme, soutenait notamment que cette dernière n’avait pu régulièrement délibérer sur sa situation en l'absence d'un médecin spécialiste de l’affection en cause et en l'absence de communication à la commission d'un rapport d’expertise médicale supposé avoir été transmis par l’agent à son administration.

D’une part, le Conseil d’État a rappelé que la commission de réforme n’ayant pas été saisie d’une demande tendant au bénéficie d'un congé de longue maladie ou de longue durée, il résultait de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et des articles 10, 11, 13 et 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dans leur rédaction applicable au litige, que la commission de réforme pouvait légalement délibérer sans que participe à la délibération un médecin spécialiste de l’affection en cause, substituant ce motif à celui retenu précédemment par la cour administrative d'appel de Nancy sur ce point, qui avait recherché si l’absence du médecin spécialiste avait privé l’intéressé d’une garantie (cf. CAA Nancy, 9 juin 2022, n° 20NC02192).

D’autre part, le Conseil d’État a relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que la commission de réforme avait disposé d’un certificat médical rédigé par le médecin psychiatre que l’agent consultait régulièrement, comme d’un rapport d’expertise récent établi par un psychiatre l’ayant examiné, lui permettant ainsi d'être suffisamment éclairée sur la pathologie de l'agent.

Par suite, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d'appel n’avait pas commis d’erreur de droit en considérant que l’absence de communication d’un rapport d’expertise médicale à la commission de réforme n’avait privé l’intéressé d’aucune garantie, au sens de la jurisprudence Danthony (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, au recueil Lebon).

N.B. : Depuis l'intervention du décret n° 2022-353 du 11 mars 2022, modifiant notamment le décret du 14 mars 1986, les conseils médicaux ont été substitués aux comités médicaux et aux commissions de réforme. La procédure devant les conseils médicaux ne prévoit plus qu'aux praticiens de médecine générale doit être adjoint obligatoirement, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un médecin spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice d'un congé de longue maladie ou de longue durée.

Le Conseil d’État a retenu par cette décision du 25 septembre 2024 une solution proche de celle qu’il avait dégagée concernant la demande de reconnaissance d’imputabilité au service des troubles dépressifs dont était victime un agent de la fonction publique hospitalière, sur laquelle la commission de réforme avait été consultée en l’absence d’un médecin spécialiste de la pathologie en cause. Il avait alors jugé, de même qu’en l’espèce, que l’agent n’avait pas été privé d’une garantie dès lors que la commission de réforme avait eu à sa disposition plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi qu’un rapport d’expertise établi par un médecin psychiatre ayant examiné l’intéressé (cf. CE, 27 décembre 2021, n° 439296, aux tables du recueil Lebon, LIJ n° 219, mars 2022).

Protection fonctionnelle

  • QPC – Protection fonctionnelle des agents publics mis en cause pénalement – Audition libre

Cons. const., 4 juillet 2024, n° 2024-1098 QPC

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par un agent public relative à la conformité de l'article L. 134-4 du code général de la fonction publique (CGFP) aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce dernier contestait les dispositions de cet article en ce qu’il ne prévoit l’accord de la protection fonctionnelle aux agents publics que lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales ou qu'ils sont placés en garde à vue, sous le statut de témoin assisté (cf. article 20 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires), ou qu’ils font l’objet d’une procédure de composition pénale, sans en étendre le bénéfice aux agents publics entendus sous le régime de l’audition libre. Cette distinction, selon le requérant, méconnaissait le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration du 26 août 1789 des droits de l’homme et du citoyen.

La procédure de l’"audition libre", introduite par l’article 1er de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, permet aux services de police ou de gendarmerie d’entendre librement une personne sans la placer en garde à vue dès lors qu’il existe des raisons plausibles de la soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction (article 61-1 du code de procédure pénale). Cette procédure, moins contraignante  que le placement en garde à vue, garantit toutefois à la personne entendue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement "le droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat".

Le Conseil constitutionnel a relevé que, contrairement aux autres situations prévues par l’article L. 134-4 du CGFP, les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre, bien qu’ils puissent être assistés par un avocat, sont exclus du bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits identiques. Cette différence de traitement a conduit le Conseil constitutionnel à en examiner la justification.

Se fondant sur les travaux préparatoires de la loi du 20 avril 2016, le Conseil constitutionnel a constaté que "le législateur a entendu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, y compris lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites pénales, dans tous les cas où leur est reconnu le droit à l’assistance d’un avocat" (cons. 7). Cette volonté du législateur visait notamment à permettre la prise en charge des frais d’avocat exposés par les agents publics pour leur défense, même en l’absence de mise en mouvement de l’action publique.

Or, l’article 61-1 du code de procédure pénale confère à toute personne entendue sous le régime de l’audition libre pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement le droit d’être assistée par un avocat. Dès lors, rien ne justifiait l’exclusion des agents publics placés dans cette situation du champ d’application de la protection fonctionnelle, au regard de l’intention initiale du législateur.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement, instaurée par l’article L. 134-4 du CGFP, "[était] sans rapport avec l’objet de la loi" (cons. 8). Il a ainsi conclu qu’elle méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et, par suite, a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution (cons. 9).

Les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité

Le Conseil constitutionnel a considéré que sa déclaration d’inconstitutionnalité aurait des conséquences manifestement excessives, dans la mesure où elle "aurait pour effet de priver du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale". Afin d’éviter un tel effet, il a décidé de reporter l’entrée en vigueur de l’abrogation au 1er juillet 2025 (cons. 11).

Toutefois, afin de remédier sans délai à l’inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel a assorti sa décision d’une réserve transitoire. Il a ainsi jugé que "jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, la collectivité publique est tenue d’accorder sa protection à l’agent public entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions" (cons. 12). Dès lors, les agents publics concernés peuvent, dès la publication de la décision au Journal officiel de la République française du 5 juillet 2024, bénéficier de la protection fonctionnelle et solliciter, le cas échéant, la prise en charge des frais d’avocat exposés lors de leur audition.

Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que "la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision" (cons. 13). A contrario, les décisions devenues définitives ne peuvent donc être remises en cause sur ce fondement.

N.B. : Le bénéfice de la protection fonctionnelle de l'agent public entendu sous le régime de l'audition libre a déjà été reconnu par la loi pour certains agents publics, notamment par la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés pour les personnes concourant à la sécurité intérieure (cf. article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure).

Procédure

  • Procédure disciplinaire – Action disciplinaire – Délai de prescription triennale – Interruption

CAA Nancy, 24 octobre 2024, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, n° 21NC03020

Après un signalement effectué en juin 2015 en application de l’article 40 du code de procédure pénale, portant sur l'existence d'une relation entre un professeur et l'une de ses élèves scolarisée en classe de troisième, le recteur de l’académie de Strasbourg avait engagé le 30 septembre 2015 une procédure disciplinaire à l’encontre de ce professeur.

Postérieurement, l'enseignant, qui avait reconnu les faits d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité sur la victime, "notamment par des caresses et en l'embrassant", avait été condamné en décembre 2015 à une peine de quatre mois d’emprisonnement délictuel avec sursis et mise à l’épreuve pendant dix-huit mois.

Par un arrêté du 19 juillet 2016, le ministre chargé de l’éducation nationale avait prononcé à l’encontre de ce professeur la sanction de la révocation en raison de ces faits, sanction qui avait été annulée, au motif de sa disproportion, par un jugement n° 1702095 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Strasbourg confirmé par un arrêt n° 19NC02255 du 9 décembre 2020 de la cour administrative d’appel de Nancy. Un pourvoi en cassation formé par le ministre à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par une décision n° 449582 du 30 mai 2022 du Conseil d’État.

À la suite du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2019 et par une décision du 23 juillet 2019, le ministre avait prononcé cette fois à l’encontre du professeur, en raison des mêmes faits, la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000567 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg avait annulé cette seconde sanction en jugeant que dès lors que le délai de prescription triennale de l'action disciplinaire, prévu par l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifié aux articles L. 532-1 et suivants du code général de la fonction publique, avait commencé à courir à compter du 22 avril 2016 – date d’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires introduisant ce délai dans la loi du 13 juillet 1983 – pour s’achever le 22 avril 2019, l'administration devant être regardée comme ayant eu connaissance des faits litigieux le 30 septembre 2015, en l’absence d’effet interruptif des recours exercés devant les juridictions administratives, les faits reprochés étaient donc prescrits.

Le ministre avait interjeté appel de ce second jugement du tribunal administratif du 22 septembre 2021 en considérant, notamment par analogie avec la jurisprudence du Conseil d’État sur la procédure disciplinaire applicable aux salariés protégés (cf. CE, 15 décembre 2010, Société Amadeus, n° 318698, aux tables du recueil Lebon), que, contrairement à ce qu’avait pu juger le tribunal administratif de Strasbourg, le délai de prescription triennale prévu par les dispositions de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 avait, en l’espèce, été interrompu jusqu’à l’annulation de la décision de sanction par la cour administrative d’appel de Nancy, le 9 décembre 2020, et avait recommencé à courir à compter de cette date.

Pour annuler le jugement, la cour administrative d'appel a considéré que : "Il ressort des pièces du dossier que, après avoir eu connaissance des faits reprochés à M. X le 15 juin 2015, l'administration a engagé à son encontre une procédure disciplinaire dès le 30 septembre 2015. Une telle circonstance, survenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, faisait ainsi obstacle au déclenchement du délai de trois ans, prévu par les dispositions en cause, à compter du 22 avril 2016. De même, si ce déclenchement aurait dû normalement intervenir à la date de notification de l'arrêt n° 19NC02255 de la cour administrative d'appel de Nancy du 9 décembre 2020, confirmant l'annulation de la révocation infligée à l'agent, il est constant que, en exécution du jugement n° 1702095 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2019, l'autorité disciplinaire a, dès le 7 juin 2019, informé M. X de sa décision d'engager à nouveau une procédure en vue de prononcer à son encontre, pour les mêmes faits, une exclusion temporaire de fonctions de deux ans. Par suite, alors que le délai de trois ans n'a, en réalité, jamais commencé à courir, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la prescription instituée à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 était acquise et ont annulé, pour erreur de droit, l'arrêté du 23 juillet 2019."

Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour a examiné les autres moyens invoqués par le professeur à l'encontre de la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions dans sa demande de première instance et les a tous écartés avant de rejeter sa demande tendant à l'annulation de la sanction.

Fautes

  • Enseignant-chercheur – Manquements à l'obligation d'exercer ses fonctions avec tolérance et objectivité et à l’obligation de dignité

CE, 29 octobre 2024, Université de Strasbourg, n° 474579

Une maîtresse de conférences s’était vu infliger par la section disciplinaire du conseil académique de son université la sanction d’interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement dans l'établissement pendant trois ans, avec privation de la moitié de son traitement. Relaxée à deux reprises par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, en dépit d’une première cassation, elle a vu sa sanction confirmée en dernier lieu par le Conseil d’État saisi d’un pourvoi formé par l’université.

Le Conseil d’État a annulé la décision du CNESER pour insuffisance de motivation, rappelant que la règle générale de motivation des décisions juridictionnelles s’impose à toutes les juridictions (cf. CE, 19 avril 2013, Centre hospitalier d'Alès-Cévennes, n° 360598, aux tables du recueil Lebon ; CE, 19 juillet 2010, Région Réunion, n° 337071, aux tables du recueil Lebon).

Statuant définitivement, en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’État a rappelé que si les enseignants-chercheurs bénéficient "d'une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression" en vertu du premier alinéa de l’article L. 952-2 du code de l’éducation (cf. Cons. const., 20 janvier 1984, n° 83-165 DC, point 19), ils doivent également être guidés par "les principes de tolérance et d'objectivité" et sont tenus aux obligations générales des fonctionnaires telles qu’elles résultent des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code général de la fonction publique, qui prévoient que l’agent public "exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité" et qu'il "traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité".

En l’espèce, le Conseil d’État a estimé établis une série de cinq faits reprochés à l’intéressée sur au moins quatre années, consistant à avoir "dénigré certains de ses collègues en des termes parfois injurieux, (…) tenu, lors de certains enseignements, des propos dégradants portant sur les capacités intellectuelles de personnes étrangères, (…) fait intervenir à plusieurs reprises son époux dans le cours qu'elle assurait, sans en informer au préalable sa hiérarchie, [sachant] qu'à l'occasion de l'une de ces interventions, les étudiants ont été amenés à remplir un questionnaire nominatif de personnalité comportant des questions inappropriées, en particulier sur leur orientation sexuelle, ces questionnaires devant être utilisés par l'intéressée dans le cadre d'une recherche sans que les étudiants en aient été avertis, (…) [et à avoir] déposé, sur la plateforme d'un appel à projets, un dossier de candidature pour l'un de ses projets scientifiques, l'accompagnant d'un document intitulé "lettre doyenne", laissant penser qu'elle avait obtenu le soutien de la doyenne de la faculté alors que tel n'était pas le cas".

Le Conseil d’État a jugé que : "L'ensemble de ces agissements (…) constituent de la part de Mme (…) une méconnaissance de l'exigence de dignité (…) et de l'obligation d'exercer ses fonctions d’enseignante-chercheuse avec tolérance et objectivité (…), peu important l’absence d’intention manifestement malveillante de sa part et l’aggravation progressive de ses difficultés relationnelles avec ses collègues (…)."

Eu égard à la "gravité des fautes commises" tant par leur nature, leur diversité et leur étendue dans le temps, le Conseil d’État a donc décidé qu’il lui était interdit d’exercer toutes fonctions d’enseignement dans l’établissement pendant trois ans, avec privation de la moitié de son traitement, sanction prévue au 5° de l’article L. 952-8 du code de l’éducation.

Sanctions

  • Enseignant-chercheur poursuivi disciplinairement et pénalement – Autorité de la chose jugée au pénal – Portée – Faute d’une particulière gravité – Révocation

CE, 27 septembre 2024, Université de Montpellier et ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 488978 et n° 489417, aux tables du recueil Lebon

Un professeur des universités avait fait l’objet de procédures disciplinaire et pénale concomitantes pour avoir participé à l'expulsion violente, avec l'aide de personnes extérieures à l'université – pour certaines cagoulées et munies de planches de bois et d'un pistolet à impulsion électrique –, d'étudiants occupant, dans le cadre d’un mouvement national, un amphithéâtre de cette université.

La section disciplinaire de l’université avait prononcé à l'encontre de l'enseignant une sanction de révocation et, à titre accessoire, l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public. Saisi d’un appel par l’intéressé, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, avait tout d'abord réduit cette sanction, lui substituant une interdiction d’exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant quatre ans avec privation de la totalité de son traitement.

Parallèlement, le tribunal correctionnel avait déclaré le professeur coupable de violence commise en réunion suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours, en récidive, et l'avait condamné à une peine de quatorze mois d'emprisonnement dont huit mois assortis d'un sursis probatoire pour une durée de deux ans. Le tribunal avait, en outre, prononcé la peine complémentaire d’interdiction d'exercer toute fonction ou emploi public pour une durée d’un an.

Saisi d’un pourvoi en cassation contre la première décision du CNESER, le Conseil d’État avait jugé, dans le cadre de son contrôle de cassation de la proportionnalité de la sanction à la faute commise (cf. CE, Assemblée, 30 décembre 2014, n° 381245, au recueil Lebon), que la sanction retenue par le CNESER était hors de proportion avec la faute commise en tant qu’elle n’était pas suffisamment sévère, en ne mettant pas fin de manière définitive aux fonctions de l’intéressé (CE, 30 décembre 2022, Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, n° 465304, LIJ n° 225, mai 2023).

Statuant sur renvoi du Conseil d’État, le CNESER avait alors infligé à l’intéressé la même sanction que celle infligée la première fois, en se fondant notamment sur la circonstance qu’entre-temps, la cour d’appel avait réduit la peine à un an d’emprisonnement assorti d’un sursis probatoire pour une durée de deux ans.

1. Saisi de deux pourvois en cassation du ministre chargé de l’enseignement supérieur et de l’université, le Conseil d’État a annulé cette deuxième décision du CNESER, estimant que celui-ci avait commis une erreur de droit en jugeant qu'il devait, pour déterminer la sanction disciplinaire susceptible d'être infligée à l’intéressé, "tenir compte, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel (…), de ce que cet arrêt avait amoindri la peine prononcée en première instance à l'encontre de l'intéressé" (point 4).

Le Conseil d’État a ainsi rappelé sa jurisprudence, bien établie en la matière, en affirmant que : "L'autorité de la chose jugée s'attachant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité" (cf. CE, Section, 16 février 2018, n° 395371, au recueil Lebon). Il a, en outre, précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’attachait pas non plus, "en principe, [aux motifs] d'un jugement de condamnation procédant à la qualification juridique des faits poursuivis, ou de la peine qu'il inflige" (point 2).

2. Réglant ensuite l’affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’État a annulé la décision de la section disciplinaire au motif que celle-ci avait omis de viser, sans l’analyser, un mémoire produit après la clôture de l’instruction (cf. CE, Section, 27 février 2004, Préfet des Pyrénées-Orientales, n° 252988, au recueil Lebon ; CE, 17 juillet 2013, n° 343868, aux tables du recueil Lebon), en méconnaissance des règles générales de procédure relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction applicables à "toute juridiction administrative" (CE, 3 juillet 2009, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 320295, aux tables du recueil Lebon).

Le Conseil d’État a ensuite infligé à l’intéressé la sanction de la révocation en raison de la gravité des fautes commises, qui constituaient "des manquements aux devoirs de son état tels qu'ils résultent du premier alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 [désormais codifié à l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique] (…), en particulier à l'exigence de dignité, et, en outre, port[aient] atteinte à la réputation du service public de l'enseignement supérieur, auquel le législateur a, par ailleurs, assigné la mission de promouvoir les "valeurs d'éthique, de responsabilité et d'exemplarité"".

Ainsi que l'a relevé le rapporteur public dans ses conclusions (accessibles sur ArianeWeb) sur la décision commentée, "les enseignants partagent avec les hauts fonctionnaires de la police nationale ou les officiers supérieurs de la gendarmerie nationale, avec les magistrats, les préfets, les autres agents de l’encadrement supérieur de l’État ou des établissements publics, le privilège et la servitude d’être soumis à un devoir d’exemplarité (pour ne citer qu’une référence récente pour les enseignants-chercheurs : [CE,] 9 octobre 2020, (…), n° 425459, [aux tables du Recueil Lebon]). Il en résulte que, pour leur discipline, la circonstance que ces agents ont commis des infractions pénales ou des manquements à la morale publique ou à la dignité est regardée avec une particulière sévérité."

Le rapporteur public a précisé que la révocation de l’intéressé s’imposait parce que les faits commis par celui-ci, "indépendamment de leur degré de gravité intrinsèque, (…) apparaissent, par leur nature même, radicalement incompatibles avec les obligations auxquelles l’intéressé est soumis en raison de l’activité qu’il exerce, de la profession à laquelle il appartient, de l’institution dont il relève ou de la qualité qu’il revêt". (Pour des exemples, cf.  CE, 27 avril 1998, Maison de retraite de Steenwerck, n° 184427, s’agissant d’un agent d’une maison de retraite qui se livre à des voies de fait sur un résident ; CE, Section, 1er février 2006, n° 271676, au recueil Lebon, s’agissant d’un commissaire de police stagiaire qui prend part à une rixe dans un établissement de nuit, puis se prévaut de sa qualité pour demander l’appui des forces de police appelées sur place afin de pouvoir pénétrer à nouveau dans l’établissement.)

Suspension conservatoire

  • Professeur – Contrôle judiciaire – Interdiction d’exercer des activités avec des mineurs – Suspension de fonctions à titre conservatoire – Interruption de la rémunération pour absence de service fait

CE, 18 octobre 2024, n° 470016, aux tables du recueil Lebon

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié les dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifiées à l’article L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique, en prévoyant désormais la possibilité pour l’administration d’affecter provisoirement, à l'issue d'une période de suspension de fonctions de quatre mois, un agent faisant l’objet de poursuites pénales dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est soumis, ou de le détacher d’office, à titre provisoire, dans un emploi également compatible avec ces obligations.

Un professeur avait été placé, pendant trois ans et demi, sous contrôle judiciaire lui interdisant notamment de se livrer à toute activité d'enseignement à l'égard de mineurs ou le mettant en relation avec des mineurs.

L’administration avait informé l’intéressé qu’en raison de cette interdiction, son traitement serait suspendu dès lors qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de l’affecter sur un poste correspondant aux fonctions que son grade lui donnait vocation à exercer et qu’il n’était, de ce fait, pas en mesure d’assurer son service.

Ce professeur avait, par la suite, été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis pour des faits d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par une personne abusant de l’autorité de sa fonction, et interdit d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour une durée de trois ans. Le ministre chargé de l’éducation nationale avait alors décidé de le révoquer en raison des faits lui ayant valu cette condamnation.

L'intéressé, estimant avoir subi des préjudices du fait de la privation de son traitement entre la date à laquelle le versement de sa rémunération avait été interrompu et celle à laquelle il avait été révoqué, avait présenté une demande indemnitaire.

Par un arrêt du 25 octobre 2022, la cour administrative d’appel de Nantes avait annulé le jugement du 15 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes (cf. LIJ n° 218, janvier 2022) rejetant les demandes de l’intéressé et condamné l’État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du seul préjudice moral subi par ce dernier.

L'enseignant avait alors formé un pourvoi en cassation en demandant l’annulation de l’arrêt de la cour d'appel en tant qu’elle avait limité cette indemnisation au seul préjudice moral, et le ministre chargé de l’éducation nationale avait, quant à lui, formé un pourvoi incident tendant à l’annulation de cet arrêt en tant qu’il avait condamné l’État à indemniser le professeur d'un préjudice moral.

Antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, le Conseil d’État avait déjà jugé, s’agissant de l’incarcération d’un agent, que les dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 "ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'incarcération de l'intéressé" (CE, 25 octobre 2002, n° 247175, aux tables du recueil Lebon, pour un agent faisant l'objet d'une détention provisoire ; cf. également CE, Section, 13 novembre 1981, Commune de Houilles, n° 27805, au recueil Lebon ; ou encore CE, 6 décembre 1993, n° 90982, et CE, 10 octobre 2011, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, n° 333707, pour un agent faisant l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant d'exercer ses fonctions).

Par la décision du 18 octobre 2024 commentée, le Conseil d’État a confirmé cette solution et donc jugé que les modifications apportées par la loi du 20 avril 2016 n’avaient pas eu pour effet d’imposer à l’administration de suspendre à titre conservatoire un agent dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions du fait qu'il faisait l'objet d'une incarcération ou d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant d'exercer ses fonctions, ni, a fortiori, de mettre en œuvre les possibilités offertes par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

Le Conseil d'État a ainsi jugé qu’en l’espèce, "l’administration n’était tenue, ni de (...) confier [à ce professeur] d’autres fonctions ou missions compatibles avec le contrôle judiciaire auquel il était soumis, ni de prendre à son égard une mesure de suspension. Dès lors, en jugeant que l’État avait, par son abstention, commis une illégalité fautive, la cour a[vait] commis une erreur de droit." Et, en conséquence, il a annulé l’arrêt attaqué.

Incapacité (condamnation pénale…)

  • Enseignant – Atteintes sexuelles sur un mineur de quinze ans – Révocation – Condamnation pénale pour délit contraire aux mœurs – Incapacité professionnelle de diriger ou d'être employé dans un établissement scolaire – Demande de relèvement de l'incapacité

TA Paris, 11 octobre 2024, n° 2211255, n° 2307813 et n° 2307817

Un professeur certifié avait été révoqué disciplinairement en septembre 2003 pour des faits contraires aux mœurs et portant gravement atteinte à la dignité et à l’autorité de la fonction enseignante, en l’occurrence pour des faits d’atteintes sexuelles sur un mineur de moins de quinze ans pour lesquels il avait, par ailleurs, été condamné définitivement par un juge pénal. La révocation était fondée non pas sur la condamnation pénale en tant que telle, mais sur les seuls faits constatés par le juge pénal et reconnus par l'enseignant.

Cet ancien professeur demandait au tribunal administratif de Paris l’annulation d’une décision du 4 février 2022 par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse avait rejeté sa demande de relèvement de l’incapacité professionnelle à être employé dans un établissement de l’enseignement du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, consécutive à sa révocation, sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs telle qu’elle résulte du II de l’article L. 911-5 du code de l’éducation.

Le requérant faisait notamment valoir que le refus de le relever de l’incapacité résultant de sa révocation était entaché d’une erreur de droit dès lors, en premier lieu, que le ministre ne s’était prononcé que sur la demande de relèvement de l’incapacité résultant de sa révocation et non sur le relèvement de la sanction disciplinaire de révocation elle-même et, en second lieu, que le relèvement de la sanction de révocation lui avait été refusé en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs alors que ce motif ne figurait pas dans la décision de révocation.

L'enseignant soutenait par ailleurs que la décision de refus de relèvement était entachée d’une erreur d’appréciation, compte tenu de sa réhabilitation de plein droit intervenue en 2008 au titre de l'article 133-13-du code pénal, de l'effacement de sa condamnation pénale au bulletin n° 2 du casier judiciaire et de l'absence de tout élément nouveau qui justifierait le maintien de la sanction disciplinaire prise vingt ans auparavant.

Le tribunal administratif a rejeté sa requête, considérant qu’il résultait du I de l'article L. 911-5-1 du code de l’éducation, en vertu duquel les professeurs de l’enseignement public secondaire peuvent, par décision du ministre chargé de l’éducation, être relevés des déchéances ou incapacités résultant de leur révocation ou de leur suspension par les conseils disciplinaires et leur interdisant le droit d’enseigner, que cette procédure de relèvement portait sur les seules déchéances et incapacités résultant de décisions disciplinaires et non sur ces décisions elles-mêmes ou sur les incapacités résultant de condamnations pénales prévues par le 1° du I de l'article L. 911-5 du code de l'éducation.

Puis, en relevant qu’il appartient à l'autorité compétente d'apprécier, sous le contrôle du juge, si les faits ayant valu une révocation à un professeur de l'enseignement public secondaire sont contraires à la probité ou aux mœurs, le tribunal administratif a jugé qu’il résultait des pièces du dossier que le ministre s’était fondé, pour refuser de faire droit à la demande de relèvement, sur les seuls faits, constatés par le juge pénal et reconnus par le requérant, d’atteintes sexuelles sur un mineur de moins de quinze ans, lesquels sont contraires à la probité et aux mœurs.

Le tribunal administratif a ensuite rappelé une règle générale en matière d'accès à la fonction publique selon laquelle si l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable, subordonne l'accès à la fonction publique à l'absence d'incompatibilité des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire avec l'exercice des fonctions, l'autorité compétente peut légalement apprécier si le comportement de l'intéressé est de nature à établir que ce dernier présente les garanties requises pour exercer les fonctions auxquelles il postule (cf. CE, 25 octobre 2004, Préfet de police, n° 256944, aux tables du recueil Lebon).

Il en a déduit que l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 "ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de relever un professeur certifié précédemment révoqué des déchéances ou incapacités résultant de cette révocation si elle a connaissance de faits reprochés à ce dernier, compte tenu de la nature des fonctions que les professeurs certifiés ont vocation à exercer, des obligations qui leur incombent, ainsi que de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service public de l'éducation nationale et de préserver sa réputation".

Le refus de relever le requérant des déchéances ou incapacités résultant de sa révocation a donc été jugé comme n’étant pas entaché d’une erreur de droit ou d’appréciation, "compte tenu non seulement des faits d'atteintes sexuelles sur un mineur de moins de quinze ans pour lesquels M. X a été révoqué, mais également des faits postérieurs révélant l'insuffisance de sa réflexion sur ce que doit être le positionnement d'un enseignant et les obligations déontologiques qui lui incombent, aussi bien dans le cadre du service qu'en dehors de ce dernier, et de l'insuffisance de sa réinsertion professionnelle et sociale depuis sa révocation, malgré l'ancienneté des faits ayant justifié la révocation et l'absence de réitération de faits de même nature", de tels faits étant incompatibles avec la nature des fonctions et des obligations incombant aux professeurs certifiés.

Licenciement – Non-renouvellement d'engagement

  • Assistant d’éducation – Motif justifiant un non-renouvellement du contrat à durée déterminée – Insuffisance de la manière de servir

TA Marseille, 16 octobre 2024, n° 2206890

Un agent, recruté par un contrat à durée déterminée à compter du 1er septembre 2021 en qualité d’assistant d’éducation (AED) au sein d’un lycée, demandait au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 27 juin 2022 par laquelle la proviseure de son lycée avait refusé de renouveler son contrat d’AED.

Le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

L’intéressé soutenait que la décision refusant de renouveler son contrat constituait une sanction disciplinaire déguisée et était entachée d’erreur manifeste d’appréciation dès lors que cette décision avait, selon lui, été prise en réalité pour le sanctionner et pour des motifs discriminatoires et étrangers à l’intérêt du service, en particulier eu égard à son engagement syndical et militant, dans un contexte marqué par l’éviction de plusieurs AED et des tensions entre la direction de l’établissement et le personnel de la vie scolaire.

Toutefois, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 916-1 du code de l’éducation prévoyant que les AED accomplissent des fonctions d’assistance à l’équipe éducative, notamment pour l’encadrement et la surveillance des élèves, le tribunal administratif a jugé qu’il ressortait des pièces du dossier que la décision ne pas renouveler le contrat de cet agent exerçant en qualité d’AED avait été prise en raison de l’insuffisance de sa manière de servir. Les juges ont relevé que l'intéressé avait fait preuve, de façon répétée, d’une posture professionnelle non conforme au règlement intérieur de l’établissement, en prenant fréquemment son service en retard entre septembre 2021 et juin 2022, en ne justifiant pas ses absences, en ne se positionnant pas dans une démarche d’encadrement et de surveillance des élèves, et en prenant l’initiative, sans en informer sa hiérarchie, d’interrompre certains cours pour informer les élèves des formalités d’inscription sur les listes électorales.

Partant, les juges ont écarté les deux moyens soulevés par le requérant en estimant, d’une part, que les attestations produites par l’intéressé et faisant état de son exemplarité professionnelle ne suffisaient pas à établir que la décision de ne pas renouveler son contrat reposerait sur un motif étranger à l’intérêt du service, et, d’autre part, qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qu’en décidant de ne pas renouveler son contrat, la proviseure de son lycée d’exercice aurait eu l’intention de le sanctionner.

À noter qu'en application de la même jurisprudence permettant de refuser un renouvellement du contrat d’un agent en raison de ce que son comportement n'aurait pas donné entière satisfaction dans l’exercice de ses fonctions (cf. CE, 5 décembre 2005, n° 262948 ; CE, 10 juillet 2015, Département de la Haute-Corse, n° 374157, aux tables du recueil Lebon) et de ce qu'il ne remplirait pas ses obligations de service de manière satisfaisante (CE, 19 décembre 2019, Commune du Vésinet, n° 423685, aux tables du recueil Lebon), par deux jugements n° 2206886 et n° 2206888 rendus le même jour, le tribunal administratif de Marseille a, pour le même motif tenant à l’insuffisance de la manière de servir (manquements à l'obligation d'assurer correctement son service et au devoir d’obéissance hiérarchique, carences dans l’accueil et la surveillance des élèves, etc.), également rejeté les requêtes de deux autres AED du même lycée qui contestaient le non-renouvellement de leur contrat.

Concours

  • Voie temporaire d’accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés – Régime juridique – Lignes directrices de gestion – Procédure – Pouvoir d’appréciation du président de l’établissement

CE, 27 septembre 2024, n° 473336, aux tables du recueil Lebon
CE, 27 septembre 2024,
n° 488980, aux tables du recueil Lebon

Par deux décisions du 27 septembre 2024, le Conseil d’État a précisé le régime juridique de la voie temporaire d’accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés, procédure dite de "repyramidage", mise en place par le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021.

1. Bien que la procédure applicable n'ait pas été la même dans ces deux affaires, compte tenu des modifications introduites par le décret n° 2023-172 du 9 mars 2023, ces décisions partagent plusieurs points communs toujours d'actualité.

1.1 Si les différentes étapes de cette procédure de promotion interne forment une opération dite "complexe", le Conseil d’État précise que toutes ne constituent pas pour autant des décisions susceptibles d’être déférées devant le juge.

Le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de juger que la décision par laquelle un président d’université refusait d’inscrire un candidat sur la liste des candidats proposés à la nomination était une décision susceptible de recours (cf. CE, 26 octobre 2023, n° 471086).

Dans la première des deux décisions commentées du 27 septembre 2024 (n° 473336), il a jugé cette fois que : "Les délibérations par lesquelles le conseil académique et le comité d’audition se prononcent sur une candidature à un poste ouvert à la promotion interne dans le corps des professeurs des universités et les rapports rédigés par les deux rapporteurs que le conseil académique désigne dans ce cadre présentent le caractère d’actes préparatoires et ne sont, dès lors, pas susceptibles de faire l’objet de recours pour excès de pouvoir." (Point 5.)

Il devrait en être de même de l’avis rendu désormais, dans le cadre de la procédure résultant du décret du 9 mars 2023, par le comité de promotion, comme le suggère le rapporteur public dans ses conclusions (accessibles sur ArianeWeb).

La procédure dite de "repyramidage" diffère sur ce point de la procédure de recrutement par la voie du concours régie par l'article 9-2 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984, dans le cadre de laquelle les différentes instances saisies successivement rendent des décisions – et non des avis, comme en l’espèce – qui font grief et sont donc susceptibles de recours (pour la décision du comité de sélection qui émet un avis défavorable après audition du candidat, cf. CE, 14 octobre 2011, n° 333712, aux tables du recueil Lebon).

1.2 Le Conseil d’État a rappelé dans ces deux décisions que si le chef d’établissement tenait compte des avis rendus et des principes et critères fixés dans les lignes directrices de gestion, il ne pouvait renoncer à son pouvoir d’appréciation.

Dans le cadre de ce pouvoir d’appréciation, et dans la mesure où plusieurs objectifs sont fixés par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur (qui visent à favoriser l’augmentation de la proportion des professeurs des universités parmi les enseignants-chercheurs, pour atteindre un taux de 40 %, une meilleure reconnaissance des acquis de l’expérience et des responsabilités exercées au sein de l’université et la promotion de l’accès des femmes au corps des professeurs des universités) et par les autorités compétentes de l’université, dès lors que les décisions prises sont conformes à certains de ces objectifs, il n’appartient pas au juge de contrôler si une autre solution aurait permis de les atteindre différemment, voire mieux.

En revanche, le président de l’université ne peut, en raison du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs, se fonder sur des motifs étrangers à l’administration de l’université, telle, en particulier, la qualification scientifique des candidats évaluée par les instances compétentes (cf. Cons. const., 6 août 2010, n° 2010-20/21 QPC, cons. 15 et 16).

En cas de contestation, le contrôle du juge ne sera pas le même selon qu’est en cause l’appréciation des mérites des candidats (contrôle restreint) ou d’autres motifs pouvant légalement fonder la décision du président de l’université (contrôle normal).

1.3 Enfin, dans la première décision à nouveau (n° 473336), le Conseil d’État a précisé que ni la compétence pour adopter des lignes directrices de gestion ni le pouvoir réglementaire que le président de l’université tient en sa qualité de chef de service ne permettait, dans le cadre de lignes directrices de gestion adoptées par l’établissement, d’ajouter une consultation supplémentaire aux règles procédurales prévues par le décret du 20 décembre 2021.

2. Le Conseil d’État a également clarifié certains points propres à chaque procédure.

Par la première décision n° 473336, dans laquelle s’appliquaient les règles de procédure antérieures au décret du 9 mars 2023, le Conseil d’État a adopté une conception large de la notion de "spécialiste" de la discipline du candidat pour la désignation de rapporteurs compétents pour examiner les candidatures, en admettant qu’il n’était pas nécessaire que les disciplines relèvent de la même section du Conseil national des universités.

La seconde décision n° 488990 a permis, quant à elle, au Conseil d’État de confirmer que, dans le cadre d’une procédure de recrutement interne, la publication de la composition du comité de promotion, exigée par le II de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 modifié est satisfaite par la seule publication sur le site intranet de l’établissement.

Établissements d’enseignement privés et instruction dans la famille

Déclaration – Autorisation

  • Instruction dans la famille – Régime transitoire institué par la loi du 24 août 2021 – Refus d’autorisation – État de santé – Situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif

CAA Paris, 31 octobre 2024, n° 23PA03559

La mère d’un enfant instruit à domicile au cours de l’année scolaire 2021-2022 s’était vu refuser la délivrance de  l’autorisation d’instruction en famille sollicitée pour son fils au titre de l’année scolaire 2022-2023, sur le fondement du IV de l’article 49 de la loi du 24 août 2021, aux termes duquel : "Par dérogation, l'autorisation prévue à l'article L. 131-5 du code de l'éducation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023 2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l'année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l'article L. 131-10 du même code ont été jugés suffisants."

La cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement rendu par le tribunal administratif de Melun rejetant la demande de l'intéressée tendant à l’annulation du refus d’autorisation.

Elle a tout d’abord écarté le moyen tiré de ce que la décision de refus d’autorisation sur le fondement du régime transitoire de plein droit serait entachée d’un vice de procédure faute, pour l’autorité administrative, d’avoir diligenté le second contrôle pédagogique prévu au cinquième alinéa de l'article L. 131-10 du code de l’éducation, ce qui aurait privé la requérante d'une garantie. Après avoir relevé que ce contrôle n’avait pu avoir lieu du seul fait de la mère de l’enfant, "sans que cette dernière justifie de cette annulation par un certificat médical ou toute autre pièce ou, à tout le moins, fasse connaître à l'administration son intention de convenir d'un nouveau rendez-vous pour ce second contrôle", la cour a estimé que la commission académique pouvait considérer que le motif avancé pour refuser le rendez-vous de second contrôle n’était pas légitime et que la requérante avait ainsi fait obstacle au déroulement du contrôle de l’instruction (point 9).

Constatant ensuite que les résultats du contrôle de l’instruction n’étaient pas satisfaisants, la cour en a déduit que l’une des conditions posées par le IV de l’article 49 de la loi du 24 août 2021 n’était pas remplie, justifiant le refus de renouvellement de plein droit de l’autorisation d’instruction dans la famille (point 10).

Enfin, la mère de l’enfant faisait valoir que sa demande d’autorisation d'instruction dans la famille était en tout état de cause fondée au regard, d’une part, de l'état de santé de son enfant, souffrant d’une phobie scolaire, et, d’autre part, de l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, motifs respectivement prévus aux 1° et 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.

Sur le premier motif, la cour a estimé que le moyen était inopérant. Elle a en effet relevé que la demande d’autorisation n’était pas fondée sur ces dispositions et que la mère de l’enfant ne pouvait se prévaloir, pour établir le bien-fondé de sa demande, de justificatifs médicaux postérieurs à la décision attaquée et qui n’avaient pas été soumis pour avis au médecin de l’éducation nationale – dont l’avis est prescrit par l’article R. 131-11-2 du code de l’éducation –, alors qu’elle n’avait pas davantage sollicité la délivrance d’une autorisation en raison de l'état de santé de son fils en dehors de la période au cours de laquelle les demandes d’autorisation d’instruction dans la famille doivent être déposées, pour des motifs apparus à une date postérieure (point 12).

Pour le second motif, analysant le projet éducatif présenté à l’appui de la demande d’autorisation, la cour a relevé qu’il comportait uniquement "une description sommaire des outils et des appuis pédagogiques dont [le fils de Mme X] dispose aux fins d'acquérir le socle de connaissances (…), ainsi que de son emploi du temps journalier, en mentionnant une appétence particulière pour la langue anglaise, sans toutefois traduire ces éléments par des objectifs propres à [l']enfant ni démontrer en quoi les modalités d'instruction souhaitées seraient spécifiquement adaptées à des besoins particuliers qui ne pourraient être satisfaits dans le cadre d'un enseignement collectif". Elle en a déduit que la commission académique n’avait pas fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation en refusant la demande d’autorisation au motif, notamment, d’une absence de justification de l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif (point 14).

N.B. : Le régime transitoire instauré par le IV de l’article 49 de la loi du 24 août 2021 permettait de solliciter, pour les enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021 2022, une autorisation d’instruction dans la famille de plein droit uniquement pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024.

Activités sportives ou artistiques

  • Refus d’autorisation d’instruction dans la famille – Académie sportive – École de fait

TA Rouen, 16 juillet 2024, n° 2303122

Les parents d’un enfant ayant sollicité une autorisation d’instruction en famille fondée sur le 2° de l’article L. 131 5 du code de l’éducation relatif à la pratique d’une activité sportive ou artistique intensive, s’étaient vu refuser cette dernière au motif que l’instruction de leur enfant, prévue dans un établissement avec d’autres enfants, ne pouvait être regardée comme étant dispensée en famille.

Saisi par les parents d’une demande d’annulation du refus opposé par la commission académique, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur requête, en estimant que la structure dans laquelle l'enfant était inscrit présentait les caractéristiques d’une école ouverte sans déclaration préalable, en méconnaissance de l’article L. 441-1 du code de l’éducation.

À cet égard, le tribunal administratif a relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que le fils des requérants devait "suivre des enseignements, de la seconde à la terminale, au sein [d’une structure], (…) ces cours ayant lieu à distance le matin, l’après-midi étant consacré à ses entraînements de golf", et que la brochure figurant sur le site internet de cette structure, présentée comme une "académie" précisait que "les cours sont dispensés par des professeurs en présentiel et/ou en visioconférence grâce à (leur) collaboration avec ABC Solutions cours, mais en suivant de manière protocolaire le programme de l’éducation nationale à travers le CNED".

Le tribunal en a déduit que l’instruction dispensée au sein de cet établissement ne pouvait être regardée comme une instruction en famille.

Procédure contentieuse et questions de droit civil et pénal appliquées au droit de l’enseignement)

Exécution des jugements

  • Délais de recours – Absence de décision expresse de refus d’exécution – Principe de sécurité juridique – Délai raisonnable (non)

CAA Douai, 4 juin 2024, Mutuelle des architectes français et SARL X et Y, n° 23DA01180

Par un arrêt n° 04DA00365 du 8 juin 2006, la cour administrative d’appel de Douai avait annulé un jugement du tribunal administratif de Lille condamnant la commune de Lille dans le cadre de l'exécution d'un marché de travaux publics et a diminué le montant de l'indemnisation mise à sa charge tout en jugeant, comme le tribunal administratif, que le maître d'œuvre était condamné à garantir la ville de cette condamnation à hauteur de 75 %.

Par la suite, estimant que la commune de Lille était redevable à leurs égards d’un trop-perçu résultant de l’atténuation de la condamnation prononcée par la cour administrative d’appel, le maître d'œuvre et son assureur avaient demandé à la cour administrative d’appel de Douai de prescrire les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 8 juin 2006, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative (CJA).

Pour conclure au rejet de cette demande, la commune de Lille soutenait en défense que les demandes étaient tardives, en ce qu’elles auraient été présentées à l’expiration d’un délai de deux mois ou, à défaut, d’un délai raisonnable d’un an, à compter du 4 mai 2008, date à laquelle un paiement – qui constituait, selon elle, une décision expresse de refus de la demande de restitutions supérieures – leur avait été adressée par la ville en exécution de l’arrêt de la cour administrative d'appel de Douai.

La cour administrative d’appel a tout d’abord rappelé les dispositions prévues par le code de justice administrative en matière d’exécution des jugements, dans leur version applicable au litige, lesquelles prévoient que : "En cas de rejet d'une réclamation adressée à l'autorité administrative et tendant à obtenir l'exécution d'une décision d'une juridiction administrative, seule une décision expresse fait courir les délais de recours contentieux" (cf. article R. 921-2 du CJA, repris à l’article R. 911-2 du même code), que l’absence de mention des voies et délais de recours ne fait pas courir les délais de recours contentieux (article R. 421-5 du CJA) et qu’une demande devant le juge de l’exécution ne peut être présentée "sauf décision explicite de refus d'exécution opposée par l'autorité administrative, avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification" de la décision juridictionnelle concernée (article R. 921-1 du CJA, repris à l’article R. 921-1-1 du même code).

Pour écarter l’existence d’une décision expresse faisant courir le délai de recours contentieux, la cour a considéré que "la seule réception par la société X et Y d'un paiement de la commune de Lille, le 4 mai 2008, d'un montant de 69 153,14 euros (…) ne saurait être regardée comme une décision expresse de rejet de la demande d'exécution tendant au paiement d'une somme supérieure au montant du mandat de paiement n° 9683 du 25 avril 2008 dès lors qu'il n'excluait pas le paiement ultérieur du solde de la somme demandée".

Elle a en outre relevé qu'"à supposer même que ledit paiement soit regardé comme une décision expresse de rejet de la réclamation adressée par la société X et Y et la Mutuelle des architectes français, un tel paiement n'a pu faire courir les délais de recours contentieux en l'absence d'indication des voies et délais de recours".

Ainsi, elle en a conclu que le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du CJA n'était pas applicable, ajoutant  qu'"aucun délai raisonnable de recours à compter de la date à laquelle ce refus aurait été porté à la connaissance du demandeur (…) ne [fait] obstacle à la recevabilité d'une demande présentée au juge tendant à l'exécution d'une décision de la juridiction administrative".

La cour a ainsi considéré que la règle du "délai raisonnable" posée par la jurisprudence dite "Czabaj" du Conseil d’État (CE, Assemblée, 13 juillet 2016, n° 387763, au recueil Lebon) ne s’appliquait pas aux demandes d’exécution des décisions de justice ni aux recours contre les refus d'exécution de décisions de justice.

Écartant la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté opposée par la ville de Lille, la cour administrative d’appel a, par conséquent, prescrit les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 8 juin 2006.

Il convient enfin de noter que le moyen tiré de la prescription quadriennale n’a également pas été retenu dès lors qu’il résulte de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements, qu’une telle prescription "ne peut être invoquée par l'administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée".

N.B. : Les exigences constitutionnelles (cf. article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), conventionnelles (article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme) et légales (article L. 11 du CJA) garantissent, à tout justiciable, le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, lequel comprend également et nécessairement "celui d’obtenir l’exécution des décisions juridictionnelles" (Cons. const., 6 mars 2015, n° 2014-455 QPC, cons. 3).

Consultations

Enseignement scolaire

Organisation de l’enseignement du second degré

  • Durée d’une heure d’enseignement – Contrôle de légalité

Note DAJ A1 n° 2024-007685 du 19 juillet 2024

Dans le cadre du contrôle de légalité des actes des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) exercé par le recteur d’académie (cf. articles L. 421-14 et R. 421-55 du code de l’éducation), la direction des affaires juridiques a été interrogée sur la légalité d’une délibération du conseil d’administration d’un lycée qui prévoyait de réduire la durée de l’heure d’enseignement de cinquante-cinq à cinquante minutes pour toutes les disciplines.

Aucun texte n’encadre la durée effective d’une "heure" de cours depuis l’abrogation de la circulaire n° 76 121 du 24 mars 1976 relative à la durée de l'heure de cours dans les établissements de second degré par la circulaire n° 2009-185 du 7 décembre 2009 portant simplification administrative.

En application du principe d’autonomie pédagogique et éducative dont disposent les EPLE pour organiser le temps scolaire, les conseils d’administration peuvent déterminer une durée effective de cours devant la classe inférieure à soixante minutes, sous réserve de respecter les dispositions législatives et réglementaires ainsi que les instructions du ministre chargé de l’éducation nationale (cf. articles L. 421-4 et R. 421-2 du code de l’éducation ; et, à ce titre, CAA Nancy, 4 avril 2024, n° 21NC02459).

À cet égard, bien qu’une soustraction de cinq minutes à l’heure de cours soit tolérée pour permettre le déplacement des élèves entre les classes, les modulations décidées par les conseils d’administration ne peuvent conduire à méconnaître les volumes horaires définis par arrêtés du ministre chargé de l'éducation en application de l’article L. 311-2 du code de l’éducation (cf. arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège et arrêtés du 16 juillet 2018 relatifs à l'organisation et aux volumes horaires de la classe de seconde et du cycle terminal des lycées).

Au cas d’espèce, le conseil d’administration du lycée s’était borné à abaisser la durée des cours à cinquante minutes, sans assurer la compensation de la réduction de la durée de ces heures d’enseignement au cours de la semaine, ce qui conduisait à réduire substantiellement, de l’ordre de 10 %, le volume horaire hebdomadaire des enseignements dus aux élèves.

Ainsi, la délibération méconnaissait les dispositions réglementaires relatives à l'organisation et aux volumes horaires précitées et il appartenait donc à l’autorité académique de l’annuler par décision motivée.

Personnels

Congé annuel et RTT

  • Agent contractuel – Non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée – Indemnisation des congés annuels non pris

Note DAJ A4 n° 2024-010554 du 16 octobre 2024

L'attention de la direction des affaires juridiques a été appelée sur la situation d'un agent contractuel recruté par deux contrats successifs à durée déterminée pour exercer des fonctions de chef de bureau dans un service déconcentré, et dont le dernier contrat, qui était arrivé à son terme le 30 septembre 2024, n'avait pas été renouvelé, qui sollicitait une indemnité compensatrice de congés payés au titre de congés annuels non pris durant les années scolaires 2020-2021 et 2021-2022.

Cet agent soutenait qu'il n'avait pas été en mesure de faire valoir tous ses droits à congés annuels au cours de ces deux années scolaires pour des raisons indépendantes de sa volonté, tirées de la nécessité d'assurer la continuité et l'encadrement du service dont il avait la responsabilité, notamment pendant la période de crise sanitaire, et de la charge de travail qui lui était imposée.

En application de l'article 10 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État, l'agent contractuel a droit, compte tenu de la durée du service effectué, à des congés annuels dans les mêmes conditions que les fonctionnaires, prévues par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État.

À cet égard, des demandes de congés annuels peuvent être refusées si les nécessités du service l'exigent et, en particulier, pour permettre l'exécution en temps utile des tâches dont sont chargés les personnels d'un service (cf. CE, 24 avril 1974, n° 87528, aux tables du recueil Lebon, p. 1022 ; a contrario, s’agissant d’une mesure générale rejetant des demandes de congés en l'absence de raisons de service : CE, 4 avril 1973, Syndicat national des services du Trésor, n° 83485, au recueil Lebon).

En outre, un congé dû à un agent public pour une année de service ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle (cf. article 5 du décret du 26 octobre 1984).

Le fonctionnaire n'a ainsi aucun droit au report des congés annuels qu'il n'aurait pas pris au cours d'une année et peut seulement y être autorisé exceptionnellement par le chef de service lorsque ce dernier l'estime nécessaire et que l'intérêt du service n'y fait pas obstacle (cf. CE, 30 décembre 2009, n° 306297, aux tables du recueil Lebon).

Par ailleurs, et afin de mettre l'agent public ayant bénéficié de congés de maladie en mesure d'exercer de manière effective ses droits à congés annuels, la jurisprudence a prévu une période de report d'exercice de ces droits à congés non utilisés au cours de la période civile annuelle de leur acquisition et de leur utilisation normale : ce droit au report s’exerce, dans la limite de quatre semaines, dans une période de quinze mois après le terme de l'année civile des congés non pris (CE, avis, 26 avril 2017, Ministre de l'intérieur, n° 406009, au recueil Lebon ; et, pour des illustrations, CE, 14 juin 2017, Ville de Paris, n° 391131 ; CAA Marseille, 17 octobre 2022, n° 19MA04297 ; et CAA Lyon, 29 juin 2023, n° 21LY03835).

Ce report de congés non pris en raison d'un congé de maladie ne semble, en l'état, pas avoir été étendu aux congés non pris en raison de nécessités de service.

Enfin, et à la différence des fonctionnaires (article 5 du décret du 26 octobre 1984), les congés non pris par les agents contractuels sont susceptibles de donner lieu à une indemnité compensatrice.

Ainsi, à la fin de son CDD, l'agent contractuel, s'il n'a pas pu prendre tout ou partie de ses congés en raison de nécessités de service – du fait de l'administration, en raison notamment de la définition par le chef de service du calendrier des congés annuels – ou pour des raisons de santé, a droit à une indemnité compensatrice de congés non pris dans les conditions fixées au II de l'article 10 du décret du 17 janvier 1986. L'indemnité est proportionnelle au nombre de jours de congés annuels non pris.

Toutefois, lorsque les congés n'ont pas été pris en raison de nécessités de service, l'octroi d'une indemnité compensatrice au titre de congés non pris les années de service précédant l'année de service au cours de laquelle la relation de travail a cessé est cependant subordonné à l'existence d'une demande d'autorisation de report des congés acquis présentée par l'agent (cf. CE, 11 mars 2011, n° 332175) et à son acceptation par le supérieur hiérarchique de ce dernier.

Par ailleurs, et en tout état de cause, il convient de relever que l'agent contractuel qui demande à bénéficier d'une indemnité compensatrice de congés non pris n'est fondé à présenter cette demande que sous réserve que la prescription ne soit pas acquise, comme le précise le rapporteur public dans ses conclusions (accessibles sur ArianeWeb) sur la décision n° 432568 du 4 novembre 2020. Cette prescription est celle, quadriennale, fixée par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics (cf. CAA Paris, 31 décembre 2019, n° 18PA01889 ; CAA Marseille, 14 décembre 2021, n° 19MA02844).

Or, en l’espèce, à l'appui de sa demande d'indemnité compensatrice de congés non pris présentée dans le délai de prescription, cet agent ne produisait aucune demande de report de congés ni, par conséquent, d'autorisation de report de son supérieur hiérarchique, ni même, du reste, d'éléments tendant à établir que son supérieur hiérarchique se serait opposé expressément à des demandes de congés qu'il aurait présentées au cours des deux années ou des calendriers fixant à l'époque l'organisation des congés annuels des agents définie par le chef de service au sein de son service en application de l'article 3 du décret du 26 octobre 1984, qui l’auraient conduit à ne pas prendre ses congés du fait de l’administration.

Au demeurant, selon les échanges entre l'agent et son ancien service, l'intéressé faisait seulement valoir que c’était la charge de travail et le contexte spécifique lié à la crise sanitaire qui l’avaient empêché de prendre ses congés.

Enfin, il ne pouvait être déduit de la seule circonstance que son solde de congés acquis au titre des deux années était positif que l'agent avait été autorisé formellement à reporter ses congés à la suite d’une demande en ce sens.

Par conséquent, la direction des affaires juridiques a confirmé au service déconcentré que la demande d'indemnité compensatrice de congés non pris présentée par l'agent n'était pas fondée.

Actualités

Personnels

Personnels hospitalo-universitaires

  • Modification des dispositions statutaires relatives au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires ainsi qu'aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale

Décret n° 2024-940 du 16 octobre 2024 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires ainsi qu'aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale
JORF du 18 octobre 2024

Le décret n° 2024-940 du 16 octobre 2024 modifie certaines dispositions du décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires (articles 1 à 39) et du décret n° 2008-744 du 28 juillet 2008 portant dispositions relatives aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale (articles 40 à 53).

Le texte a notamment pour objet d'ouvrir le temps partiel pour convenances personnelles aux personnels enseignants et hospitaliers, sous réserve des nécessités et de la continuité du service public. L'autorisation d'assurer un service à temps partiel est accordée pour des périodes comprises entre six mois et un an et est renouvelable, pour la même durée, par tacite reconduction dans la limite de trois ans. À l'issue de cette période de trois ans, le renouvellement de l'autorisation de travail à temps partiel doit faire l'objet d'une demande et d'une décision expresses. Le décret autorise également les personnels hospitalo-universitaires à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique dans les conditions prévues aux articles L. 823-1 à L. 823-6 du code général de la fonction publique (article 14).

Il assouplit également les conditions pour satisfaire à l’obligation de mobilité lorsque celle-ci porte sur une activité de recherche, dans le cadre d’une candidature au candidature au concours de professeurs des universités-praticiens hospitaliers. Peut désormais être prise en compte une activité de recherche exercée au sein du même centre hospitalier et universitaire, mais dans un laboratoire ou centre de recherche universitaire distinct de celui auquel le candidat été rattaché (article 30).

Il permet en outre le recours à la visioconférence pour les épreuves orales de concours de recrutement des personnels enseignants et hospitaliers et des personnels enseignants de médecine générale, ainsi que pour l'examen des candidatures à l'avancement dans ces corps (articles 21 et 45).

Il étend la possibilité d’être placé en position de délégation aux maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH) stagiaires et supprime l’existence d’un délai à respecter entre deux placements en délégation après une délégation de courte durée (article 9). De même, le placement en mission temporaire est étendu aux MCU-PH stagiaires (article 12).

Le décret n° 2024-940 du 16 octobre 2024 apporte aussi des précisions sur les modalités d’exercice de l’éméritat par les personnels hospitalo universitaires (article 19) et les personnels enseignants des universités de médecine générale (article 52) en reprenant pour partie les dispositions du décret n° 2021-1423 du 29 octobre 2021 relatif à l'éméritat des professeurs des universités et des maîtres de conférences (cf. LIJ n° 218, janvier 2022). Ils sont désormais notamment soumis à la limite de cinq ans, renouvelable deux fois et doivent conclure une convention de collaborateur bénévole.

Enfin, le texte met en conformité avec le code général de la fonction publique diverses dispositions applicables à ces personnels hospitalo-universitaires.

  • Modification des règles de fonctionnement de la juridiction disciplinaire compétente à l'égard du personnel enseignant et hospitalier et des personnels enseignants de médecine générale

Décret n° 2024-941 du 16 octobre 2024 modifiant les règles applicables devant la juridiction disciplinaire instituée par l'article L. 952-22 du code de l'éducation
JORF du 18 octobre 2024

Le décret n° 2024-941 du 16 octobre 2024 modifie le décret n° 86-1053 du 18 septembre 1986 fixant les règles applicables devant la juridiction disciplinaire instituée par l'article L. 952-22 du code de l'éducation et compétente à l'égard des personnels enseignants et hospitaliers et des personnels enseignants de médecine générale.

Ainsi, afin de rassembler en un seul texte les dispositions relatives à cette juridiction, le décret du 16 octobre 2024 crée un nouveau chapitre Ier intitulé "Organisation de la juridiction disciplinaire" afin d'intégrer les dispositions, relatives notamment à la composition de la juridiction, qui figuraient aux articles 19 à 24 du décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires.

Le président de la juridiction disciplinaire se voit attribuer de nouvelles compétences (nouvel article 2-5 du décret du 18 septembre 1986) et peut désormais, par ordonnance motivée, sans instruction préalable, prendre acte des désistements, constater un non-lieu et rejeter des saisines qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction ou qui sont entachées d’une irrecevabilité manifeste lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens. L’article 5 du décret du 18 septembre 1986 est également modifié et prévoit désormais que le président peut ordonner un supplément d'instruction et que : "Les parties ne sont convoquées à une nouvelle audience que si le président estime nécessaire de les entendre présenter des observations orales sur les seuls éléments nouveaux qui auraient été produits."

Enfin, le décret n° 2024-941 du 16 octobre 2024 modifie les règles de fonctionnement de la juridiction disciplinaire en cohérence avec les nouvelles dispositions applicables à la formation disciplinaire du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) – modifications qui avaient été introduites dans le code de l’éducation par le décret n° 2023-856 du 5 septembre 2023 relatif à la formation disciplinaire du CNESER et aux sections disciplinaires des universités compétentes à l’égard des enseignants-chercheurs et des personnels exerçant des fonctions d’enseignement. À ce titre, il modifie par exemple l'article 9 du décret du 18 septembre 1986 pour imposer de nouvelles mentions dans la décision rendue par la juridiction disciplinaire, conformément à celles exigées par l'article R. 232-41 du code de l’éducation pour les décisions du CNESER statuant en matière disciplinaire.

 

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Ont participé à ce numéro : Marie Alabrune, Simon Barthelemy, Mathilde Bauché, Cédric Benoit, Louise Benoit, Florence Brown, Camille Dasset, Clément de Mecquenem, Philippe Dhennin, Jules Dietsch, Julien Hée, Alexandre Jamet, Sémira Khier, Jean Laloux, Alexandra Lecomte, Barbara Le Guennec, Chloé Lirzin, Alexandre Malinvaud, Alexis Maquart, Pauline Ozenne, Amandine Renault, Sébastien Sermonne, Mathis Seureau, Virginie Simon, Baptiste Soubrier, Marlène Spinhirny, Vincent Tourneur, Juliette Uzabiaga, Henrick Yerbe

N° ISSN : 1265-6739