Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Protection et valeurs de la République : séance 2 - Protection des personnels

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Protection et valeurs de la République, séance 2, Protection des personnels, 1er décembre 2020.

La présidente de l’atelier, Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H accueille les participants et notamment un représentant de la Gendarmerie Nationale qui rejoint l’atelier. Elle annonce par ailleurs qu’une représentante du collège syndicats a quitté avec l’ensemble de son syndicat les ateliers du Grenelle de l’Education. Dans un article du Café pédagogique, le syndicat explique les raisons pour lesquelles il quitte ce groupe de travail, faisant référence à des éléments qui n’ont pas été évoqués, notamment des kits de sécurité. Après 12 ans passés à la formation de la police, Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H estime que cette question de kits est contreproductive.

Le parcours citoyen et la formation des personnels

Jérôme GRONDEUX rappelle que les attentats de 2015 ont hâté la mise en place de l’enseignement moral et civique, et la création d’un parcours citoyen  construit autour de l’élève et mettant en jeu non seulement cet enseignement moral et civique, mais aussi l’ensemble des disciplines et la vie de l’établissement. Il convient de distinguer l’enseignement moral et civique, d’une demi-heure ou d’une heure et l’éducation à la citoyenneté, dont cet enseignement ne constitue qu’une pièce. Une première évaluation a été réalisée par l’Inspection générale, démontrant que ces parcours étaient réussis lorsque l’équipe de direction s’en emparait et que le sujet était évoqué en conseil d’administration et en conseil pédagogique. Par ailleurs, la mise en place d’une réserve citoyenne de l’Education nationale portait l’idée de constituer un vivier d’intervenants ayant eu une expérience dans différents domaines et qui pourraient intervenir en classe. Il ne semble cependant pas que cette initiative ait été largement utilisée jusqu’à présent. Le parcours citoyen présentait l’avantage de prendre en compte les enjeux de citoyenneté compris dans toutes les disciplines et de mettre en avant tout ce qui relève de la citoyenneté dans l’établissement. La principale difficulté rencontrée concernait le suivi de ce parcours. 

Le rapport de 2019 de l’inspection générale sur la laïcité et les établissements souligne que deux catégories professionnelles sont bien formées sur la citoyenneté : les CPE et les professeurs d’histoire-géographie. La formation apparaît en revanche inégale pour les personnels de direction. La question de la formation est assez ancienne. Il y a quelques années, il était envisagé d’évaluer dans les concours de recrutement la capacité à agir en fonctionnaire, puis après 2017-2018, il avait été décidé de poser une question sur les valeurs de la République dans les concours. Pour les professeurs des écoles, la connaissance du système éducatif suppose déjà de connaître les valeurs qui structurent ce système. Les concours de recrutement sont en cours de refonte et un nouvel oral commun à tous les concours pourra inclure un questionnement sur les valeurs de la République. 

Un représentant du collège syndical considère que pour créer une dynamique autour de ces sujets, il importe que les personnels de direction s’en emparent et respectent ces principes dans le cadre de leurs fonctions dans l’intérêt de ceux qu’ils dirigent.

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H observe que ce sujet ne peut être appréhendé que dans une vision globale et partagée en interne et en externe. Il convient de fédérer et de faire en sorte que chaque acteur prenne sa part.

Une représentante du collège encadrement remarque qu’il faut considérer la réserve citoyenne dans son contexte, c’est-à-dire la mobilisation pour l’école de la République. Dans les déclarations des personnes intéressées, il s’agissait de suppléer l’école et de faire ce qu’elle ne pouvait pas faire. La complémentarité avec l’école était insuffisamment définie. De ce fait, le dispositif ne fonctionne plus vraiment dans les académies. La démarche partenariale existe déjà. L’école doit s’ouvrir pour montrer la diversité de ses actions, partager le portage des valeurs et aider les équipes à les construire. Pour autant, les enseignants doivent conserver la maîtrise du projet. Pour ce faire, il faut clarifier les règles d’intervention.

Une représentante du collège syndical souligne qu’avant d’être une question de pédagogie, la laïcité est une question de capacité à faire bloc et à fédérer. Il faut que tous les acteurs portent le même discours, à tous les niveaux hiérarchiques. Il convient aussi de tenir compte du conflit de loyauté. Tout ce que l’élève entend dans sa famille prime sur le discours que porte l’école. La formation initiale est déjà extrêmement chargée. Pour être efficace, cette formation doit être en adéquation avec les besoins. Il ne faudra pas oublier non plus de former les contractuels. Enfin, il faudrait envisager une formation sur les dispositifs de protection et de signalement. 

Un représentant du collège syndical rappelle que les nouveaux programmes ont réduit les horaires de l’enseignement moral et civique, supprimant la possibilité de travailler en demi-groupe. Dans les INSPE, il existe différents modules de formation et il apparaîtrait pertinent d’harmoniser cette formation initiale. Il faudrait également insister sur l’établissement comme lieu de formation. Enfin, si le dispositif de réserve citoyenne est intéressant, il n’a pas bien fonctionné. Il faudrait le redynamiser et réactiver les partenaires.

Un représentant du collège syndical ajoute que l’un des fondements de l’éducation à la citoyenneté consiste à faire comprendre aux élèves qu’ils ont des droits et des devoirs. Or cette démarche s’est toujours faite, mais beaucoup d’élèves oublient aujourd’hui leurs devoirs. Les enseignants doivent être outillés pour faire face aux incivilités qui se multiplient. La solution ne réside pas forcément en un intervenant qui pourrait agir dans la classe en cas de problème.

Un représentant du collège encadrement estime que tous les acteurs doivent se rassembler autour des valeurs. Il faudrait donc former les enseignants, les personnels de direction, mais aussi l’ensemble des membres des instances comme le conseil d’administration pour lever tout doute. Le conseil d’administration traduit l’autonomie de l’établissement, qui diffère de celle du chef d’établissement. Il faudrait prévoir un débriefing de ces instances et faire en sorte que les membres se forgent une compréhension commune. Lors de sa mise en place, l’instance pourrait aussi se tourner vers un intervenant extérieur pour un rappel de ces principes.

Une représentante du collège des professeurs remarque que l’enseignement moral et civique représente « le parent pauvre » de l’histoire-géographie. Les enseignants n’y sont pas formés durant leur parcours. Il ne faut pas non plus que les actions soient saupoudrées ; elles doivent avoir un sens.

Le rôle des institutions de l’établissement 

Un représentant du collège encadrement considère que l’éducation à la citoyenneté peut être portée par des enseignements, mais aussi des dispositifs transversaux mis en œuvre dans l’établissement, sous le pilotage du chef d’établissement. Il est donc important de pouvoir faire le point sur les ressources internes et externes à l’établissement.
Le conseil d’administration a vocation à statuer sur un certain nombre d’éléments de fonctionnement pédagogique de l’établissement. S’agissant de l’éducation à la citoyenneté, deux dispositifs particuliers existent. Le comité d’éducation à la santé et la citoyenneté (CESC), est une instance de réflexion qui a vocation à définir les besoins au sein de la communauté éducative et à établir des réponses à ces besoins. Il joue un rôle de coordination et peut proposer des actions avec des partenaires bien identifiés. Le parcours citoyen est un programme de formation qui a vocation à s’assurer qu’au cours de son parcours, l’élève soit exposé à des actions de l’éducation à la citoyenneté. Ces dispositifs doivent être soumis à l’avis du conseil d’administration. Le conseil pédagogique a lui aussi pour rôle d’alimenter la réflexion du conseil d’administration et de s’emparer de la mise en œuvre des parcours éducatifs, comme le parcours citoyen. Chaque année, le chef d’établissement présente un rapport présentant l’ensemble des dispositifs mis en œuvre au sein de l’établissement, dont la programmation et le bilan des actions réalisées par le CESC ou dans le cadre du parcours citoyen. 

Le représentant du collège encadrement précise que, dans ce contexte, l’évaluation des actions mérite sans doute d’être accentuée. Il faut se donner les moyens d’évaluer le dispositif et de poursuivre les actions entreprises au niveau national ou au niveau académique à destination des personnels de direction, afin que les chefs d’établissement soient en mesure de prendre le plus de recul possible et de participer à l’évaluation des dispositifs, notamment dans le cadre du conseil d’administration. Les valeurs de la République sont bien remises au cœur des programmes des comités d’éducation à la santé et la citoyenneté. Il conviendrait d’assurer l’articulation entre ce CESC et le parcours citoyen, de création plus récente, pour gagner en cohérence.

Jérôme GRONDEUX remarque que souvent le CESC s’intéresse plus aux questions de santé que de citoyenneté, comme l’a montré une enquête de 2018.

Une représentante du collège encadrement souligne que les actions menées dans les établissements doivent faire sens pour les élèves.  

Un représentant du collège syndical confirme la nécessité de coordonner l’ensemble des actions et rappelle qu’il ne faut pas oublier le 1er degré. Le dispositif d’ensemble, en particulier les équipes académiques Valeurs de la République, a été davantage conçu à destination du 2nd degré.

Un représentant du collège des professeurs reconnaît que les directeurs d’école doivent être associés et invités au CESC. La démarche apparaît plus facile dans les réseaux d’éducation prioritaire où les équipes ont l’habitude de ce travail commun. 

Les relations avec les parents d’élèves 

Une représentante du collège encadrement indique que la circulaire de 2015 préconise le dialogue avec les parents, mais que les équipes ne s’y réfèrent qu’en situation de crise. Or le dialogue ne devrait pas se mettre en œuvre uniquement lorsqu’une crise apparait. Pour de nombreuses familles, les valeurs de la République ne renvoient à aucune représentation sociale. Il faudrait déployer des moyens pour contribuer à la connaissance de ces valeurs au moment où les familles confient leurs enfants à l’établissement. Les temps de rentrée sont généralement consacrés à une communication assez verticale. Il faudrait réfléchir à une nouvelle manière de présenter le cadre du vivre ensemble, faire comprendre aux parents qu’ils doivent faire confiance aux équipes pour la réussite de leurs enfants. Anticiper le conflit consiste à établir un dialogue pour se forger un langage commun. 

Un représentant du collège familles et élèves confirme qu’il est important de communiquer avec les parents. 81 % des parents ne voient pas l’entrée dans l’école de manière positive, puisqu’ils ne sont interpellés que pour des aspects négatifs. Il faut créer un espace de rencontre entre la communauté éducative et les familles, mais aussi avec les associations de parents d’élèves. La formation des parents est tout aussi importante que celle des enseignants, notamment les parents élus qui siègent dans les instances (conseil d’administration, conseil de classe, etc.). Il faut leur expliquer leur rôle. Parfois, certaines familles ne savent pas comment agir ou ont perdu toute confiance dans l’école. Il importe de réinstaurer ce dialogue.

Une représentante du collège syndical souligne qu’il existe parfois des relations dangereuses, une présence invasive et oppressante de certains parents d’élèves qui vont jusqu’à remettre en cause la pédagogie des enseignants. Il apparaît nécessaire de retravailler cette relation. Tous les sujets peuvent être potentiellement concernés, que ce soit les enseignements ou les valeurs de la République. Il arrive que les enseignants reçoivent des personnes qui n’ont rien à voir avec les familles et ils n’ont pas forcément les moyens de contrôler ces débordements. De ce fait, ils restent très prudents quant à l’intervention de personnes extérieures dans les classes.

Le représentant du collège familles et élèves reconnaît qu’une minorité de parents essaie de contester la pédagogie. Certaines associations de parents indépendantes se créent aussi dans des établissements à partir d’organisations pouvant être extrémistes et les fédérations ne parviennent pas à les contrôler et à faire en sorte qu’elles ne s’immiscent pas dans l’enseignement. 

Un représentant du collège syndical remarque que dans l’école primaire, le dialogue avec les parents relève du quotidien. Cependant, il ne faut pas considérer le dialogue comme une négociation. De même, l’idée de former les parents implique une certaine infantilisation. Certes, les problèmes résultent d’une minorité de parents. Pour autant, il ne faut pas minimiser la situation, qui découle de la volonté de négocier sur la laïcité ou les contenus de la pédagogie. Le dialogue doit être informatif ; il ne doit pas entrer dans la compromission. Il importerait avant tout de lever l’anonymat d’une plainte des parents pour que l’enseignant puisse porter plainte en cas de diffamation.

Le représentant du collège syndical rappelle que les atteintes à la laïcité émanant des parents sont importantes (20 %) et le phénomène est en croissance. Le dialogue constitue la base du fonctionnement démocratique. Ce dialogue peut être aussi explicatif. Il faut également former les parents à la coéducation. Couper l’école des parents ne représente pas la solution.

Un représentant du collège syndical estime que l’une des sources de friction entre les enseignants et les parents d’élèves vient de la confusion entre ce qui relève de l’éducation et ce qui relève de l’instruction. Quand un enseignant instruit l’élève, il ne peut être critiqué que par un autre professionnel. En termes d’éducation, l’enseignant n’est en revanche pas plus compétent qu’un autre.

Le rôle des équipes Valeurs de la République 

Une représentante du collège encadrement indique que les équipes académiques Valeurs de la République ont été mises en place en décembre 2017, avec un cahier des charges qui fixe des orientations quant à leur composition et définit leurs missions.
Différents domaines d’expertise doivent être couverts, avec une articulation entre 1er et 2nd degrés. Ces équipes ont pour objectif d’accompagner les personnels et les équipes enseignantes sur le terrain. Elles sont à l’écoute des situations pour pouvoir conseiller, aider à la résolution de problèmes ou apporter des conseils pour dérouler une action ou un enseignement. Elles peuvent aussi répondre à des situations de crise ou à des besoins en mobilisant d’autres acteurs académiques et en aidant à la formalisation des réponses à apporter aux élèves et aux familles. Elles assurent par ailleurs l’accompagnement des personnels et sont amenées à suivre les situations, se rendre sur le terrain avec eux pour trouver des solutions et les aider à reformuler et construire des actions éducatives face à des situations liées aux atteintes aux valeurs. Enfin, elles prennent part à la formation des équipes en inter-catégoriel dans les établissements et les bassins, en lien avec les conseillers 1er degré ou les DASEN, et interviennent dans les formations des IEN ou des formations spécifiques de circonscription. Grâce à leur lien avec le pôle national et l’équipe nationale Valeurs de la République, ces équipes peuvent remonter des situations, partager des expériences pour construire des réponses communes.

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H demande si ces équipes Valeurs de la République pourraient s’investir dans la relation avec les parents pour poser le cadre des comportements qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas.

La représentante du collège encadrement indique que les équipes peuvent intervenir pour rappeler l’engagement que prennent les parents lorsqu’ils inscrivent leur enfant dans une école de la République, notamment les règles d’assiduité. Souvent, les parents signent le règlement intérieur, prennent connaissance de la charte de la laïcité sans que ces textes présentent une signification pour eux. Il faut expliciter les dispositions qu’ils portent.

La représentante du collège encadrement souscrit au principe de contractualisation avec les parents. Pour elle, former les parents ne revient pas à les infantiliser, mais à agir en commun dans le cadre qui est fixé. Des fédérations de parents d’élèves s’inscrivent dans cette démarche de former les parents pour s’assurer que, dès le départ, ils s’engagent à respecter les valeurs de la République. Il existe un vivier parmi les parents pour former d’autres parents.

Un représentant du collège syndical signale que l’appellation de ces équipes académiques diffère selon les académies. Il importerait d’uniformiser leur nom et leur composition, en s’assurant que ces équipes comprennent bien des directeurs d’école et des IEN.

La représentante du collège encadrement indique qu’il a été demandé que toutes ces équipes soient dénommées de la même manière. Des préconisations ont également été faites sur la composition, notamment l’ouverture au 1er degré. Pour autant, ces équipes s’adaptent au terrain, ce qui peut entraîner une ouverture plus ou moins grande au 1er degré. 

Le partenariat avec les collectivités locales et les autres institutions, première approche

Un représentant du collège élus et collectivités souligne la volonté d’agir et d’assurer la cohérence entre le projet éducatif de l’Education nationale, le projet éducatif des parents et le maintien de l’ordre par la gendarmerie ou la police nationale. Pour assurer la cohérence des actions, il importe de connaître le fonctionnement des institutions. Au niveau national, la gendarmerie travaille en lien avec la DGESCO. Il convient d’assurer la visibilité et la lisibilité de leurs actions respectives. La gendarmerie peut intervenir à la fois en prévention, en sécurisation des établissements scolaires au quotidien, en gestion de crise avérée ou larvée (violence des parents, atteinte à l’image ou physique des enseignants). Le partenariat se construit par la connaissance et la confiance.

Un représentant du collège professeurs confirme qu’il est important de se connaître. Dans les petites communes, le premier représentant de l’ordre est l’agent municipal qui peut assurer une médiation. Le maire constitue aussi un partenaire essentiel, puisqu’il est responsable des locaux. En matière de prévention, la police municipale ne constitue pas forcément le meilleur interlocuteur, car il faut savoir intervenir dans une école. De ce point de vue, la gendarmerie apparaît comme un partenaire plus adapté. Des associations peuvent aussi mener des actions intéressantes en termes d’incivilités. Enfin, dans l’établissement, le CESC reste la meilleure instance pour faire remonter les situations de terrain et faire redescendre des solutions concrètes. 

Un représentant du collège professeurs estime que l’aspect partenarial est important. Il s’étonne cependant de l’absence de lien avec la justice. Or le suivi des plaintes pose problème. Les enseignants n’obtiennent aucune information. 

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H signale qu’un représentant de la justice sera présent à la prochaine réunion. 

Une représentante du collège monde associatif et économique précise que la MGEN mène deux types d’action : elle accompagne le professeur sans le remplacer, en lui fournissant des outils, des vidéos. Elle l’aide aussi lorsqu’il se trouve en difficulté, notamment en cas de problèmes de santé. La MGEN a également mis en ligne un certain nombre de vidéos vis-à-vis des élèves.

Un représentant du collège élus et collectivités indique que gendarmerie et police sont au cœur de la lutte contre toutes les formes de délinquance dans les écoles et aux abords des écoles. Il insiste sur la nécessité pour les partenaires de se connaître. Rien ne remplacera le contact humain sur des problématiques locales spécifiques. Se connaître permettra d’apporter une réponse adaptée. Depuis deux ans, la police nationale développe des « groupes de partenariat opérationnel » pour assurer un contact de proximité entre les acteurs de terrain (policiers, chefs d’établissement, bailleurs sociaux, opérateur de transport, etc.) à l’échelle d’un secteur. 
Par ailleurs, 889 correspondants police et sécurité sont à l’écoute des chefs d’établissement et des enseignants sur des problématiques assez larges (harcèlement, agression sexuelle, vol, dégradation) en complément des actions spécifiques menées par la police nationale sur la sécurité routière ou les drogues. 

Une représentante du collège des professeurs remarque que pour tisser des partenariats, il faut être installé dans un établissement. La création d’un réseau demande du temps, ce qui pose le problème de la mobilité des enseignants.

Jérôme GRONDEUX souligne que ce problème se pose en particulier dans les quartiers difficiles.

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H ajoute que cette question de « turn-over » se pose également pour les forces de police. 

Un représentant du collège syndical estime que les partenariats sont importants. Pour autant, ils doivent être bien préparés en amont. L’enseignant doit également être totalement intégré dans cette logique qui peut parfois lui échapper. Enfin, il faut s’assurer que les personnes qui interviennent partagent la même compréhension des valeurs. Or il arrive que des associations adoptent un ton très moral, voire religieux sur certains sujets.

Un représentant du collège syndical souligne que nouer des partenariats extérieurs prend du temps, car les parties prenantes doivent apprendre à se connaître. Dans le contexte actuel, il apparaît essentiel de faire un rappel de la loi.

Un représentant du collège syndical indique qu’il serait favorable à des interventions plus fréquentes de la gendarmerie ou de la police nationale dans le 1er degré pour rappeler la loi, les délits et les procédures. La démarche est également importante pour les cas d’incivilités. Il faut rappeler que les élèves ont des droits, mais qu’ils ont aussi des devoirs et que certains de leurs agissements peuvent représenter un délit.

Un représentant du collège encadrement reconnaît également la grande importance des partenariats. Il faut cependant prendre garde de ne pas imaginer les partenariats comme une solution magique. Les partenaires peuvent venir en complément de l’enseignant, ils ne doivent pas externaliser une séquence pédagogique. Il faut prendre garde au millefeuille d’actions ; les actions doivent répondre à des besoins. Il rappelle par ailleurs que des correspondants ont pour mission de relayer les problèmes des établissements avec les parquets. Les directeurs d’école se sentent également très seuls lorsqu’ils doivent faire face à des informations préoccupantes. Or si les cellules d’écoute de ces informations préoccupantes sont là pour instruire ces informations, elles doivent aussi être connues de toutes et tous comme une cellule de conseil et d’accompagnement des personnels.

Un représentant du collège encadrement souligne le lien très fort entre l’Education nationale, les forces de l’ordre et la justice qui donne lieu à des conventions régulièrement réactualisées, y compris au niveau local. Il préconiserait des réunions d’information à l’intention des cadres, associant notamment les services des préfectures, pour revenir sur quelques fondamentaux, que ce soit la sécurisation de l’espace scolaire, la qualification des faits, etc. Des rencontres peuvent aussi être organisées entre le référent police ou gendarmerie et les équipes pédagogiques pour préciser le rôle des uns et des autres, rassurer la communauté pédagogique sur le fait que le partenariat peut être actionné au niveau de l’établissement en tant que de besoin. Un interlocuteur nouveau peut par ailleurs faire le lien avec les équipes Valeurs de la République, le directeur référent départemental, une expérimentation née de la circulaire du 28 août. Celui-ci peut jouer un rôle de conseil et capter de l’information qui contribuera à la prise de décisions au niveau départemental.

Jérôme GRONDEUX note une demande de fluidité, d’identification, de clarification des rôles de chacun. 

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H constate qu’il existe un nombre considérable de référents de part et d’autre et que ces référents travaillent beaucoup entre eux, sans que leurs décisions se déclinent sur le terrain. Elle estime que leurs actions mériteraient sans doute d’être déployées davantage.

Les établissements face à la nouvelle donne numérique 

Une représentante du collège des professeurs rappelle que les établissements scolaires sont engagés depuis un certain nombre d’années sur le numérique. De nombreux plans se sont succédé depuis les années 1970 dans les lycées. L’école primaire n’a été concernée qu’au début des années 1980. Le développement du numérique a connu différentes phases. Entre 2000 et 2015, l’Education nationale s’est lancée dans l’école numérique. La loi du 8 juillet 2013 sur la refondation de l’école a fait du numérique un axe fort. Depuis, de nombreux plans nationaux ont été mis en œuvre, mais jusqu’à présent, ils ont été principalement centrés sur l’outil. Les personnels manquent cruellement de formation. Dans les enquêtes TIC menées dans le 1er et le 2nd degré, les enseignants soulignent que les formations au numérique sont trop peu nombreuses et les quelques modules qui existent concernent les outils, mais peu la culture numérique. Des personnels peuvent se retrouver désemparés pour gérer des faits liés aux réseaux sociaux, faute de connaissance de la manière dont les élèves les utilisent. La Covid a également été un accélérateur dans l’utilisation du numérique. Tous les personnels se sont massivement emparés du numérique et les déviances et débordements se révèlent plus nombreux. Les équipes académiques ont également besoin d’élargir leurs domaines d’expertise pour s’ouvrir sur ces sujets numériques. 

Le numérique est de plus en plus ancré dans les programmes. Pour autant, la formation ne suit pas, en particulier la formation initiale où le numérique est traité encore à la marge. Les personnels soulignent que l’offre est massive et qu’il devient difficile de faire le tri pour s’informer et trouver la bonne ressource pour travailler. Faute de culture numérique, des enseignants peuvent aussi se mettre en difficulté du fait d’une mauvaise connaissance. Il devient donc urgent de former les personnels pour éviter qu’ils s’exposent ou se mettent en danger. Tout ce qui relève de l’éducation au numérique, des pratiques numériques des jeunes, de l’usage des réseaux sociaux est bien souvent sous-traité au CESC. Or il est très rare que les enseignants assistent à ces séances. Enfin, les équipes mobiles de sécurité sont très sollicitées pour intervenir sur les réseaux sociaux dans les collèges. Si cette action est satisfaisante, elle se révèle très insuffisante au regard du contexte actuel.

Un représentant du collège syndical remarque que le numérique exige nécessairement une formation des personnels, mais la formation ne suffit pas. Face à des actes délictueux, il faut aussi faire respecter la loi. A l’instar du système PHAROS, il conviendrait de faire remonter efficacement les comportements déviants sur les outils numériques. 

Une représentante du collège des professeurs ajoute que dans ces cas, l’enseignant ne connaît pas toujours la conduite à tenir et ignore vers qui se tourner. La présence d’un interlocuteur académique au numérique dans l’établissement peut se révéler utile, puisqu’il peut accompagner l’enseignant et se retourner vers les intervenants au niveau du rectorat. Or le numérique fait appel à de multiples acteurs. De fait, la résolution des problématiques peut prendre du temps. 

Un représentant du collège syndical souligne que la multiplicité des référents ralentit aussi les procédures face à des faits délictueux. Il faut travailler sur l’efficacité et la rapidité dans les dépôts de plainte.

Une représentante du collège monde associatif et économique observe que l’école est perméable aux questions qui irriguent la société tout entière. Dans le contexte actuel, trois questions se posent à l’Education nationale. Quelle information faut-il dispenser aux professeurs sur leurs droits et leurs devoirs d’un point de vue juridique ? Quels sont les équipements fournis par l’Education nationale ? Quelles sont les réponses à apporter ? Elle a été amenée à suivre le cas de professeurs insultés sur les réseaux sociaux, de cours filmés à l’insu du professeur qui circulent sur internet et de diffusion de propos insultants ou pornographiques dans des cours en ligne.

Un autre représentant du collège élus et collectivités souligne que ces exemples plaident pour le raccourcissement des circuits. Dans un cas grave, l’enseignant doit se rapprocher de son chef d’établissement qui ne doit pas hésiter à appeler le 17 ou faire appel à son partenaire local de gendarmerie ou de police pour que la chaîne judiciaire se mette en œuvre rapidement et faire en sorte que l’enseignant se voit reconnaître immédiatement son statut de victime. Face à des faits graves, il importe de ne pas attendre quelques jours.

Un représentant du collège des professeurs remarque qu’avec le confinement, de nombreux outils ont été utilisés. Il conviendrait de centraliser et de mettre en place un outil unique, avec des identifiants élèves sécurisés pour éviter que les liens circulent sur les réseaux sociaux. De nombreux professeurs qui enseignent les « sciences numériques et technologie » (SNT) ne sont pas formés pour cela. 

Un représentant du collège syndical souligne qu’il faut expliquer aux enseignants qu’ils n’ont pas commis une faute lorsqu’ils font face à des comportements déviants. Il faut les former à porter plainte, les déculpabiliser et les tranquilliser par rapport aux outils numériques, en leur proposant une formation de terrain. 

Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H remercie les participants pour la richesse de leurs interventions. Elle les invite à apporter leurs contributions sur l’espace Tribu dédié à l’atelier. 

Mise à jour : décembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

Mobilisation d'experts, retours d'expériences, concertations, ateliers, agenda social : d'octobre 2020 à février 2021, suivez le Grenelle de l'éducation.

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