Grenelle de l'Education [Compte rendu d'atelier] Mobilités : séance 1 - Ouverture

L’incubateur du Grenelle de l’Éducation permet une concertation large avec la société civile, sous la forme d’ateliers associant des représentants de la communauté éducative. Consultez le compte rendu de l'atelier Mobilités, séance 1, Ouverture, 17 novembre 2020.

Introduction

Le président de l’atelier, Patrick GERARD, Directeur de l’Ecole nationale d’administration, accueille les participants pour l’un des dix ateliers du Grenelle de l’éducation consacré à la mobilité. 

Quatre séances sont prévues pour réfléchir successivement à :

  • la mobilité à l’Education nationale au moment de l’entrée en fonction ;
  • la mixité des fonctions ;
  • les mobilités à l’extérieur de l’Education nationale.

La dernière séance sera dédiée à réaliser une synthèse des travaux pour aboutir à des propositions concrètes d’amélioration.

Le secrétaire général de l’atelier, Olivier SIDOKPOHOU, Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche précise que cette première séance sera concentrée sur l’entrée dans le métier au travers de deux grands thèmes :

  • l’accompagnement des mobilités d’entrée dans le métier, avec les problématiques d’expatriation géographique, surtout dans le second degré (logement, transport, famille, etc.) ;
  • les secondes carrières.

L’accompagnement des mobilités à l’entrée dans le métier 

Olivier SIDOKPOHOU rappelle qu’autrefois, on devenait instituteur à 18 ans. Alors qu’aujourd’hui, la moyenne d’âge des recrutés au concours externe du CRPE est de 28 ans et les lauréats ne sont pas prêts à tout accepter. Par ailleurs, si les problématiques d’expatriation géographique sont majoritaires dans le second degré (logement, transport, famille, etc.), dans le premier degré, les difficultés sont souvent liées au type de poste. En général, les jeunes se retrouvent sur des postes fractionnés et sont confrontés à des changements chaque année, avec des mobilités extrêmement complexes. Enfin, plus globalement, les règles de la fonction publique donnent la priorité aux titulaires. In fine, les postes restants sont pourvus par ceux qui n’ont pas d’autre choix, c’est-à-dire ceux qui débutent. La pratique peut varier selon les administrations, mais les territoires plébiscités restent peu ou prou les mêmes, tout comme ceux sur lesquels les jeunes sont affectés majoritairement.

Une représentante du collège élus et collectivités souligne qu’il existe une problématique dans les zones où le coût de la vie est très élevé et où les enseignants ne peuvent pas se loger. De ce fait, ces zones sont confrontées à un turn-over particulièrement important. 

Olivier SIDOKPOHOU signale que l’académie de Lyon a mis en place une aide spécifique, d’autant que ces postes sont généralement pourvus par des jeunes enseignants, dont la rémunération est plus faible.

Une représentante du collège élus et collectivités signale que sa mairie met à disposition un logement pour l’enseignant afin de favoriser son intégration.

Un représentant du collège syndical observe que compte tenu du montant des loyers en Ile-de-France, les enseignants vivent en colocation ou dans des conditions dégradées. Il est très difficile de se loger dans le public et les bailleurs privés exigent des garanties impossibles à satisfaire. Ne pas pouvoir se loger fait partie des angoisses des nouveaux entrants. Un enseignant devrait d’autant plus être correctement logé qu’il travaille aussi de chez lui. 50 % des néo-titulaires étant affectés dans trois académies franciliennes : Créteil, Versailles et Amiens et l’indemnité de résidence étant totalement insuffisante, il conviendrait de réserver des logements pour les néo-titulaires.

Patrick GERARD estime qu’il serait possible de développer un principe de logements de type CROUS destinés aux jeunes enseignants, comme pour les étudiants, dans les académies les plus tendues. 

Olivier SIDOKPOHOU remarque que les académies agissent isolément et que le ministère de l’Education nationale présente la particularité de ne pas disposer d’un parc immobilier en propre comme c’est le cas d’autres ministères ; il existe néanmoins un contingent de logements interministériel. Il rappelle par ailleurs que l’indemnité de résidence représente aujourd’hui 3 % du salaire de l’enseignant, un montant invariable, similaire en début comme en fin de carrière et signale que la Cour des comptes avait réfléchi à une meilleure répartition de ce dispositif dont le montant total s’élève à 900 millions d’euros par an.

Une représentante du collège famille et élèves rappelle que le logement représente le premier poste de dépenses dans une famille et que les enseignants sont eux aussi confrontés à cette problématique. Elle estime par ailleurs que le fait pour l’Education de s’ouvrir vers l’extérieur lui permettra aussi de construire les adultes de demain. Elle souligne qu’il faut également assurer un accompagnement en continu des nouveaux enseignants, car il est très difficile de s’insérer dans un nouveau métier. C’est grâce à cet accompagnement qu’ils se sentiront bien dans leur travail. Enfin, les enseignants doivent en outre accepter de dialoguer avec les familles, car celles-ci ont un rôle à jouer dans l’instruction des enfants et font pleinement partie de la communauté éducative.

Revenant sur la question des débuts de carrière dans le premier degré, une représentante du collège professeurs souligne que les classes fractionnées sont extrêmement anxiogènes pour un certain nombre d’enseignants. Elles sont certes formatrices, mais elles n’installent pas les compétences pour lesquelles les enseignants ont été formés. Affecter un enseignant en REP+ dès la première année n’est pas non plus favorable à la formation. Elle rappelle qu’autrefois, des postes étaient sanctuarisés pour les T1 et T2. Cette mesure mériterait selon elle d’être pérennisée, avec un accompagnement plus approfondi que quelques visites dans l’année. Il faudrait également permettre aux nouveaux entrants d’aller dans d’autres classes. 

Olivier SIDOKPOHOU observe que sur ce point l’école française est en retard sur les visites entre pairs et a même reculé, les classes s’étant en quelque sorte refermées depuis quelques années. Concernant la possibilité de sanctuariser des postes pour les T1 et T2, de telles mesures avaient en effet été prises, par exemple en Seine-Saint-Denis, mais elles ne règlent pas toutes les questions d’attractivité.

Un représentant du collège monde associatif et économique rejoint l’idée suivant laquelle sanctuariser des postes sur les trois premières années, avant de passer sur des zones de remplacement dans un second temps permettrait de favoriser la réussite dans le métier, d’autant que c’est dans ces premières années que les départs sont les plus nombreux. Il envisage l’extension de la mesure aux contractuels qui sont envoyés auprès des élèves qui éprouvent le plus de besoins alors qu’ils sont eux-mêmes plus fragiles. Pour cette population, des solutions simples pourraient par ailleurs être mises en place pour améliorer leur accueil, comme par exemple raccourcir le délai de réponse à leur candidature ou éviter que certains n’aient pas encore reçu, à mi-novembre, leur salaire du mois de septembre.

Olivier SIDOKPOHOU émet une réserve sur la stabilisation de tous les personnels, qui est difficilement imaginable, ne serait-ce que pour gérer les remplacements. En revanche, si tous les personnels ne peuvent pas être immédiatement stabilisés, il faut effectivement donner des perspectives claires à court et moyen terme. 

Une représentante du collège syndical rappelle alors que même si les enseignants représentent une grande partie de l’Education nationale, il ne faut pas oublier la mobilité des autres personnels. L’enjeu majeur porte plus, selon elle, sur la mobilité géographique que sur la mobilité professionnelle. Or la stabilité représente le cœur du problème pour les jeunes entrants. L’employeur doit pouvoir garantir cette stabilité à la fois individuellement et collectivement et elle estime donc important que des mesures soient proposées pour assurer un continuum de formation. Etre assuré de passer son concours, effectuer son stage et être titularisé sur un même territoire favoriserait l’attractivité. 

Un représentant du collège syndical fait remarquer quant à lui que le mouvement national fonctionne techniquement bien, avec des flux principalement orientés pour l’entrée dans la carrière du sud et de l’ouest vers la région parisienne et le nord. Pour de nombreux personnels qui démarrent leur carrière, ce mouvement permet par ailleurs de découvrir d’autres régions et de ne pas s’enfermer trop vite dans une région. Pour revenir sur la question du logement, il rappelle que dans le passé, certains des enseignants qui démarraient recevaient une liste de logements. Aujourd’hui, les collectivités locales disposent d’un parc vacant et les jeunes enseignants peuvent en bénéficier, sans que l’administration centrale le sache. Il faudrait cadrer ce dispositif.

Un représentant du collège syndical avance l’hypothèse suivant laquelle certaines académies concentrent les flux parce que les titulaires y sont insuffisamment nombreux. Les postes y seraient alors en grande partie pourvus par des contractuels. Résoudre la précarité permettrait sous cette hypothèse que la région parisienne ne joue plus cet effet d’aspiration. Par ailleurs, il revient sur la mobilité fonctionnelle qui accompagne l’entrée dans le métier : débuter sa carrière en REP+ peut être formateur, mais si l’enseignant passe ensuite dans un territoire très rural, il peut avoir l’impression de ne pas exercer le même métier. Certains postes présentent certaines spécificités et il faut pouvoir s’adapter à une autre typologie de poste. En début de carrière, l’enseignant doit avoir la certitude qu’il sera bien accompagné en passant d’un poste à l’autre.

Un autre représentant du collège syndical revient sur la question du logement en insistant sur l’importance de nouer un partenariat avec les collectivités territoriales pour assurer le logement des enseignants, et de s’engager dans une politique de construction. Une démarche de type CROUS, pour des personnes de 28 ans, n’apparaît cependant pas forcément adéquate. Il émet par ailleurs une réserve sur l’idée de sanctuariser des postes, alors qu’il vaudrait mieux selon lui rendre attractifs les postes les moins demandés. La démarche a été faite en REP+ et en classes dédoublées où des postes autrefois majoritairement attribués aux nouveaux entrants sont à présent choisis par des enseignants plus expérimentés.

Une représentante du collège famille et élèves estime que ces incitations ne suffisent pas et qu’il faut de manière plus volontariste cesser d’envoyer les jeunes enseignants vers les postes les moins attractifs.

Olivier SIDOKPOHOU rappelle qu’il ne faut pas oublier non plus que chaque élève doit avoir un enseignant en face de lui à la rentrée.

Une représentante du collège professeurs souligne en conclusion de ce premier thème qu’il faut ouvrir les portes de l’Education nationale, travailler avec les mairies et nouer des partenariats inter-degrés. 

Secondes carrières

Olivier SIDOKPOHOU rappelle qu’autrefois, 10 % des lauréats au concours d’enseignant venaient du secteur public hors enseignement ou du secteur privé. Aujourd’hui, ces lauréats représentent un quart des lauréats au concours externe de professeur des écoles. 

Une représentante du collège professeurs souligne qu’en intégrant la fonction d’enseignant après une carrière de 30 ans en tant que journaliste, elle a ressenti une grande infantilisation, notamment de la part des formateurs ou des CPC. Les nouveaux enseignants ont selon elle peu d’interlocuteurs et, venant du secteur privé, sont parfois regardés bizarrement. Il faudrait un accompagnement différent, sans doute plus individualisé. Elle n’avait pas les compétences d’un enseignant à l’origine, mais elle disposait de compétences qui pouvaient servir à l’exercice de ce métier et elle aurait souhaité qu’une personne l’aide à identifier ces compétences. Il faudrait aussi assurer une certaine reconnaissance : les nouveaux entrants en seconde carrière ne doivent pas être considérés comme des jeunes qui n’ont jamais travaillé, d’autant que leurs perspectives d’évolution sont plus courtes. Cette reconnaissance peut passer par une valorisation financière ou indiciaire.

Un représentant du collège encadrement reconnaît que le métier n’est pas attractif pour les secondes carrières, puisque les personnes repartent de zéro. Il existe aussi des processus d’intégration différents, avec des recrutements au statut contractuel dans un premier temps avant la titularisation. Pour ces secondes carrières, le système de concours apparaît dépassé et il faudrait utiliser le système de VAE pour valoriser les acquis et intégrer de nouveaux enseignants. Le partage avec des personnes qui ont exercé une autre carrière, travaillant avec des adultes et pas seulement avec des jeunes, fait aussi du bien au système et donne à l’établissement un autre regard. Les académies questionnent aussi de plus en plus les processus très différents qui existent dans le premier et le second degré. 

Olivier SIDOKPOHOU note l’idée d’une voie d’entrée différente pour les secondes carrières, le concours n’étant pas nécessairement adapté à tous les profils même s’il est important qu’il reste par ailleurs la voie normale d’entrée dans la carrière. 

Une représentante du collège professeurs rappelle que les conseillers en formation continue sont très peu nombreux (1 300) et que le métier manque cruellement d’attractivité. Il y a vingt ans, ce métier représentait une voie pour les enseignants pour la deuxième partie de leur carrière. Aujourd’hui, il comporte 20 % de titulaires et 80 % de contractuels. Le concours CEPI qui a été mis en place n’est pas du tout reconnu, faute de discipline et les perspectives de carrière sont bloquées.

Un représentant du collège encadrement observe qu’il faut aborder à la fois les secondes carrières des entrants et les secondes carrières des personnes qui évoluent en interne. Pour passer d’une première à une seconde carrière, il faudrait un accompagnement RH pour que chaque personne se connaisse bien. Il faut faciliter l’accès aux personnes venant de l’extérieur. Cette seconde carrière doit être conçue dans le confort. A défaut, l’Education nationale risque de perdre des personnes avec des compétences, faute de pouvoir consolider ces acquis.

Olivier SIDOKPOHOU s’interroge sur l’accueil des secondes carrières, et plus largement, des nouveaux entrants. Parfois, personne n’est vraiment identifié pour prendre en charge cet accueil alors qu’il s’agit d’un moment professionnellement et symboliquement extrêmement important. Il faudrait identifier de manière claire et formalisée qui fait quoi à ce sujet au sein de l’institution.

Un représentant du collège encadrement ajoute qu’il faut assurer cet accueil dans la durée. Accueillir signifie aussi stabiliser. Il faut accompagner les personnes dans les nombreux métiers qui vont se succéder. 

Olivier SIDOKPOHOU ajoute que tout le monde a à gagner à écouter le retour des personnes extérieures qui portent un regard neuf sur l’institution.

Un représentant du collège syndical reconnaît que les secondes carrières constituent une richesse. Il serait nécessaire de réaliser un diagnostic des personnes entrantes et de leur construire une formation sur-mesure, en fonction des acquis des personnes et des attendus, pour leur permettre d’exercer leurs nouvelles fonctions dans la sérénité. Il faudrait aussi réviser le décret relatif au reclassement. Ainsi, un cadre dirigeant qui passe un CAPET et une agrégation voit son expérience de cadre réduite à zéro, ce qui apparait inacceptable. 

Un autre représentant du collège syndical rappelle la grande diversité des concours et le fait que les personnels handicapés sont de plus en plus nombreux. Dans le cadre d’une seconde carrière, il faut reconnaître les expériences professionnelles à travers le reclassement, avec un effet sur le salaire et le mouvement. 

Un représentant du collège syndical abonde dans le même sens en indiquant que la reconnaissance des compétences à l’arrivée dans l’Education nationale mérite d’être entièrement revue. Les nouveaux entrants sont totalement infantilisés, comme s’ils n’avaient rien fait de leur vie. 

Patrick GERARD retient l’idée qu’il faut davantage tenir compte des compétences des personnes qui arrivent en seconde partie de carrière.

Par ailleurs, quelques axes forts se dégagent d’ores et déjà des échanges :

  • Faire de la question du logement une priorité pour l’accueil des nouveaux entrants
  • Mieux valoriser les compétences des secondes carrières
  • Améliorer l’entrée dans la carrière en jouant sur plusieurs leviers : accueil, accompagnement, stabilisation, visibilité sur les possibilités de mobilité, etc

Olivier SIDOKPOHOU invite les membres de l’atelier à envoyer leurs contributions. L’atelier accueillera à la prochaine séance deux expertes de l’UNESCO qui mènent des recherches sur les systèmes éducatifs étrangers et s’intéressera aux mobilités internes à l’éducation et aux fonctions mixtes permettant d’évoluer sans cesser complètement d’enseigner.

Mise à jour : novembre 2020

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports engage en 2021 une évolution profonde du système éducatif et des métiers des personnels de l'Éducation nationale.

Mobilisation d'experts, retours d'expériences, concertations, ateliers, agenda social : d'octobre 2020 à février 2021, suivez le Grenelle de l'éducation.

En savoir plus