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Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Personnels

Cneser

Sanction disciplinaire

NOR : ESRS1100182S

ESR - DGESIP

 
Affaire : Monsieur XXX maître de conférences de classe normale, né le XXX
Dossier enregistré sous le n° 749.
Saisine directe du président de l'université de Paris 13.
Le Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire,
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Madame Joëlle Burnouf, présidente,
Mustapha Zidi,
Jean-Georges Gasser
Maîtres de conférences ou personnels assimilés :
Laurence Mercuri,
Jean Fabbri
Philippe Enclos,
Olivier Joly, rapporteur
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de l'Éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4 et L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'Enseignement supérieur, modifié en dernier lieu par le décret n° 2008-1183 du 14 novembre 2008 ;
Vu la saisine directe formée par le président de l'université de Paris 13, le 2 juillet 2010 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 7 avril 2011 ;
Le président de l'université de Paris 13 ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 7 avril 2011 ;
Monsieur XXX étant présent ;
Le président de l'université de Paris 13 étant présent, accompagné de Madame O.D., responsable des affaires juridiques et du bureau de la documentation, et de Madame K.B., conseil ;
Après avoir entendu, en audience publique, le rapport établi au nom de la commission d'instruction par Olivier Joly, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant qu'il est reproché à Monsieur XXX d'avoir manqué à ses obligations professionnelles, en faisant inscrire en première année de licence de droit et de licence AES, par des agents vacataires du service de scolarité de l'UFR de droit et sciences politiques et sociales (UFR DSPS) en abusant de son statut d'enseignant-chercheur, des personnes de nationalité chinoise non titulaires du diplôme universitaire de français pour étudiants étrangers (DUFEE) exigé par l'université Paris 13, et en troisième année de licence d'autres personnes de nationalité chinoise, sans que leurs dossiers aient été préalablement validés par le service des équivalences de l'établissement ; que le nombre de ces étudiants est d'au moins quarante-six ; que, de surcroît, le déféré a retiré, le 24 juin 2010, dix dossiers vierges d'inscription en deuxième année de master en droit, sous prétexte d'un rendez-vous avec le directeur de l'UFR de droit et sciences politiques et sociales (UFR DSPS) mais sans y avoir été habilité ;
Considérant que Jean-Loup Salzmann, président de l'université de Paris 13 faisant un bref historique de l'affaire a indiqué qu'en octobre 2009, alerté par les informations parues dans la presse nationale sur les questions de soupçon de fraudes aux diplômes concernant des étudiants chinois à l'université de Toulon il déclare avoir fait faire par le contrôleur de gestion de l'université une étude interne sur l'inscription d'étudiants chinois dans l'établissement ; que les éléments recueillis au cours de cette étude l'ont conduit à demander la saisine de l'IGAENR qui a rendu, en mai 2010, son rapport intitulé : « Enquête relative à des dysfonctionnements concernant l'accueil d'étudiants chinois à l'université Paris XIII » ; que ce rapport, versé à l'instruction, mentionne nommément Monsieur XXX ;
Considérant que Jean-Loup Salzmann ajoute qu'ayant pu visionner, en juin 2010, des éléments d'un reportage, non diffusé publiquement, pour l'émission « Envoyé spécial » de la chaîne de télévision publique France 2, il y a trouvé des éléments tendant à démontrer l'existence de malversations relatives à l'inscription de Chinois à l'université de Paris 13 ; qu'il remet, en séance, au Cneser, un constat d'huissier accompagné d'une enveloppe scellée contenant l'enregistrement suscité ; qu'il y apparaît qu'il s'agirait « d'étudiants et d'intermédiaires divers, filmés en caméra cachée, s'exprimant en chinois sur le campus de diverses universités dont Paris 13 » et, notamment, qu'une étudiante chinoise aurait payé 3 000 euros pour son inscription, et que la journaliste aurait pu obtenir le nom d'un intermédiaire, se présentant comme étudiant dans cet établissement ; que le président, Jean-Loup Salzmann, déclare que la découverte de cet enregistrement vidéo l'a décidé à déclencher la procédure disciplinaire ; qu'il précise que sa décision a été confortée par le fait qu'un étudiant chinois a porté plainte pour ces faits ; que le président rappelle aussi qu'aucune politique discriminatoire n'est pratiquée à Paris 13 et que l'université ne cherche pas à « faire du chiffre » en recrutant davantage d'étudiants étrangers ; qu'il expose les deux modes de recrutement d'étudiants étrangers en pratique dans son établissement : d'une part, par conventions avec des universités chinoises en ce qui concerne les UFR de sciences et SEG, et d'autre part, au moyen d'un dossier d'inscription spécial (de couleur verte) pour les cas de « mutation » d'étudiants venant d'une autre université française et pour les cas relevant d'un circuit issu de l'enseignement supérieur privé ; qu'enfin, il précise qu'il y aurait effectivement un troisième circuit, qualifié par lui de mystérieux, fonctionnant sur un système de connaissances et de réseau de relations ;
Considérant que Jean-Loup Salzmann expose qu'aucun texte ni aucune réglementation interne à l'établissement ne permettait au déféré de faire inscrire des étudiants sans son autorisation ; qu'il précise que l'enquête interne réalisée par le contrôleur de gestion révèle, entre autres informations, « qu'une grande majorité d'étudiants chinois en AES y ont été inscrits selon une procédure irrégulière» ; que le président de l'université a déclaré qu'il s'était produit une réelle « déstabilisation de l'équipe », qu'il avait donc fait appel à l'IGAENR et pris contact avec le rectorat et le ministère ; qu'il informe la juridiction de céans qu'il avait mis en place dans son université des recommandations pour clarifier les procédures d'inscription ; que la présence physique de l'étudiant lors de sa convocation pour une inscription est requise et sa radiation immédiate en cas d'absence ; que Jean-Loup Salzmann à la suite de la remise du rapport de l'IGAENR, a créé une commission centralisée d'équivalence des diplômes présentés par des ressortissants d'états tiers à l'Union européenne, sur le modèle de celle qui existait déjà pour les candidats à l'inscription en master et qu'il a reçu des responsables de l'association chinoise EuroChine, mise en cause, pour les informer « qu'il y a(vait) des choses qui ne se (faisaient) pas et qu'ils rencontreraient des problèmes s'ils continuaient » ;
Considérant que Jean-Loup Salzmann explique que le service commun (SCEE au titre du décret n° 71-928 du 15 novembre 1971) avait existé à Paris 13 jusqu'en 2006-2007 puis avait disparu, fondu avec le service des relations internationales et de la formation continue et que depuis son élection en 2008 il a procédé à la reconfiguration de la chaîne opératoire des inscriptions, à la mise en place d'une seule commission d'équivalence dans l'établissement, à la réorganisation de la commission des statuts et du règlement intérieur ;
Considérant que Monsieur R.E., témoin, directeur de l'UFR DSPS, déclare « être dans une situation complexe » rappelant que « des sanctions (avaient) été prises », qu'il y a eu la production d'un rapport par l'IGAENR et qu'au sein de son UFR, « on a cherché à respecter un certain nombre de règles », qu'à l'UFR DSPS, « il existe une commission d'équivalence qui traite de l'ensemble des affaires » et que des associations les sollicitent ; que l'établissement a intérêt à avoir des étudiants et à ne pas les bloquer ;
Considérant que Monsieur R.E. déclare que Monsieur XXX n'a jamais eu de fonction au sein de l'UFR DSPS bien qu'il y intervienne dans une formation de master dont Monsieur R.E. est le responsable pédagogique ; que Monsieur XXX lui soumettait des dossiers d'inscription, parmi lesquels des dossiers d'étudiants chinois, pour un avis pédagogique sur la pertinence de leur inscription, sachant que dans certains cas « on est mal armé pour les évaluer » ; que, pour conclure sur la période de 2007 à 2009, correspondant aux faits reprochés à Monsieur XXX, M. R.E. déclare « ne pas connaître le dossier », « qu'à cette époque, une responsable de l'administration de son UFR, en lien direct avec le service des inscriptions, était en congé de maternité », que « des dossiers (avaient) disparu » ; qu' « (il était) au courant d'une affaire concernant l'association avec laquelle Monsieur XXX était en rapport », l'association EuroChine Campus ;
Considérant que Madame M.D., témoin, responsable administrative de l'UFR DSPS à l'époque des faits, déclare qu'il y a eu, au sein de l'UFR DSPS, des problèmes relatifs à l'inscription d'étudiants chinois ; qu'elle rappelle la procédure de remise de « pochettes vertes » aux seuls étudiants munis d'une autorisation d'inscription, précisant que Monsieur XXX intervenait dans les démarches d'inscription de certains étudiants depuis 2007 et jusqu'en 2009 en tant qu'enseignant en poste à l'université Paris 13 mais seulement à titre dérogatoire à l'UFR DSPS ; qu'elle mentionne le rôle de l'association EuroChine en 2007 et le dépôt, par Monsieur XXX, d'une liste nominative d'étudiants chinois, autorisés à s'inscrire, en 2009 ;
Considérant que Madame M.D. a expliqué les dysfonctionnements pendant cette période par le manque de moyens en personnel qui génère un recours à des vacataires souvent étudiants « trop qualifiés » pour être réellement motivés et rigoureux dans les tâches administratives qui leurs étaient demandées ;
Considérant que le président de l'université indique qu'il a sanctionné Madame M.D., en 2010, pour les dysfonctionnements administratifs de la procédure d'inscription des étudiants dans ce service dont elle avait la responsabilité ; que le vacataire qui serait intervenu pour le compte de Monsieur XXX en juillet ne se serait pas représenté à l'université en septembre ; que le président de l'université Paris 13 indique qu'il a porté plainte contre X auprès du procureur de la République et qu'une enquête préliminaire était en cours ;
Considérant que Monsieur XXX ne conteste pas que des personnes de nationalité chinoise aient pu se faire inscrire irrégulièrement à l'université Paris 13, ni avoir été en relation avec l'association EuroChine ; qu'il reconnaît qu'il recevait individuellement dans son bureau des Chinois désireux de s'inscrire à Paris 13 et qu'il les conseillait à ce sujet ; qu'il ne présente aucun moyen de défense, ni aucune pièce justificative de nature à démontrer que les griefs qui lui sont adressés sont infondés ; qu'il ne nie pas avoir demandé au personnel administratif vacataire de l'UFR de procéder à l'inscription de personnes de nationalité chinoise ne disposant pas des titres ou autorisations nécessaires ; qu'il reconnaît avoir retiré irrégulièrement des dossiers d'inscription vierges auprès du secrétariat de l'UFR, précisant qu'il les a restitués le lendemain ;
Considérant que les faits reprochés à Monsieur XXX sont établis ;
Considérant que ces faits sont constitutifs d'une faute disciplinaire grave ;
Décide
Article 1 - Monsieur XXX est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés.
Article 2 - Il est prononcé à l'encontre de Monsieur XXX une interdiction d'exercer toute fonction d'enseignement et de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant une durée de trois ans avec privation de la totalité du traitement.
Article 3 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du code de l'Éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l'université Paris 13, à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ; copie en sera, en outre, adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 10 mai 2011 à 17 h 15, à l'issue du délibéré.
La présidente,

Joëlle Burnouf

Le secrétaire de séance,

Jean Fabbri