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Personnels

CNESER

Sanction disciplinaire

NOR : ESRS0900318S

ESR - DGESIP

 
Affaire : Saisine directe du CNESER statuant en matière disciplinaire par le président de l'université de Reims à l'encontre de monsieur xxx, né le xxx, maître de conférences en énergétique, génie des procédés, à l'institut universitaire de technologie de Reims.
 
Dossier enregistré sous le n° 664.
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire,
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Joëlle Burnouf, présidente
Vinh Nguyen Quoc, vice-président,
Jean-Georges Gasser,
Richard Kleinschmager,
Mostapha Zidi
Maître de conférences des universités ou personnels assimilés
Laurence Mercuri
Sophie Béroud,
Olivier Joly,
Bernard Valentini
 
Vu la loi n°2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie,
Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 811-5, L. 811-6 et L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur, modifié en dernier lieu par le décret n° 2008-1183 du 14 novembre 2008 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu ensemble les pièces du dossier,
Vu le mémoire en défense en date du 22 décembre 2008 présenté pour monsieur xxx par Maître Laquille et Maître Noizet, avocats à Reims, qui demandent au CNESER statuant en matière disciplinaire de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal en suite à une plainte déposée par le déféré, de constater des nullités qui auraient affecté la procédure devant les instances de l'université de Reims puis devant le CNESER et, sur le fond, de relaxer monsieur xxx pour défaut de faits établis susceptibles de lui être reprochés ;
Monsieur xxx, ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 18 décembre 2008,
Le président de l'université de Reims ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 18 décembre 2008 ;
Monsieur xxx étant présent, assisté de Maître Laquille et de Maître Noizet, avocats ;
Le président de l'université de Reims étant présent ;
Après avoir entendu en audience publique le rapport établi au nom de la commission d'instruction par Sophie Béroud, les demandes et explications des parties, les témoins convoqués et présents puis les conclusions du déféré et de ses conseils, ceux-ci ayant eu la parole en dernier,
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
 
Considérant qu'à l'ouverture de l'audience, le président de l'université de Reims demande au CNESER de prononcer à l'encontre de monsieur xxx la sanction qu'il estimera opportune ; que dans la suite des débats il a précisé qu'il souhaitait que le déféré soit écarté de cette université ;
Considérant qu'à l'ouverture de l'audience, monsieur xxx et ses conseils confirment les demandes inscrites dans le mémoire écrit ci-dessus visé ;
Sur la demande de sursis à statuer ;
Considérant que la défense demande au CNESER de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal saisi d'une plainte contre X déposée par monsieur xxx le 18 juillet 2008, notamment pour faux, fausses attestations, subornation de témoins et dénonciation calomnieuse ; qu'il résulte des écritures de la défense que cette plainte vise en fait des personnes dont les agissements incriminés auraient conduit à l'ouverture de la procédure disciplinaire à l'encontre de monsieur xxx ;
Considérant qu'il résulte implicitement de cette demande que, comme la défense l'a confirmé à l'audience, le juge pénal de 1ère instance ne s'est pas encore prononcé ;
Considérant que les poursuites disciplinaires et pénales sont indépendantes l'une de l'autre, sauf notamment lorsque le juge pénal a établi des faits dont la constatation est revêtue de l'autorité de la chose jugée ;
Considérant dès lors que rien ne s'oppose à ce que la procédure disciplinaire suive son cours ;
Sur la régularité de la procédure devant les instances de l'université de Reims ;
Considérant que l'article L. 232-2 du code de l'éducation dispose : « Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statue en appel et en dernier ressort sur les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers. Toutefois, il est appelé à statuer en premier et dernier ressort lorsqu'une section disciplinaire n'a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente » ;
Considérant que l'article R. 232-31 du code de l'éducation dispose en outre : « Lorsqu'une section disciplinaire n'a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente, l'autorité compétente pour engager les poursuites saisit le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en formation disciplinaire » ;
Considérant que, selon le dossier, aucune décision de la formation de jugement de l'université de Reims n'est intervenue six mois après sa saisine par le président de l'établissement, ce qui a conduit celui-ci à saisir directement le CNESER statuant en matière disciplinaire comme le lui prescrivent ces articles du code de l'éducation ;
Considérant que le CNESER agit donc aujourd'hui en qualité de juridiction statuant en premier et dernier ressort (les écritures de la défense le reconnaissent) et que doivent être écartés comme inopérants tous les griefs formulés par la défense contre les actes d'instruction ou autres effectués entre la saisine initiale de la section disciplinaire de l'université de Reims et la saisine directe du CNESER statuant en matière disciplinaire ;
Sur la régularité de la procédure devant le CNESER statuant en matière disciplinaire ;
Considérant en premier lieu que la défense critique la saisine directe du CNESER comme insuffisamment motivée et argumentée au regard du décret visé ci-dessus du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
Considérant qu'aux termes des articles L.232-2 et R. 232-31 précités du code de l'éducation, le président de l'université, en saisissant directement le CNESER dès lors que comme en l'espèce les circonstances prévues par ces article sont établies, exerce une compétence liée ; qu'il lui suffit de motiver cette saisine directe par référence auxdites circonstances et que la poursuite disciplinaire reste valablement engagée par la saisine initiale de l'instance disciplinaire de l'université de Reims qui était suffisamment motivée et argumentée au regard du décret visé ci-dessus du 13 juillet 1992 ; que ce moyen est donc rejeté ;
Considérant en second lieu que la défense critique la présence lors de la commission d'instruction du CNESER de madame Bonnet en qualité de représentante du président de l'université de Reims ; qu'elle conteste à cet effet la représentation du président et le choix de madame Bonnet ;
Considérant que l'article R. 232-37 du code de l'éducation dispose notamment : « La commission d'instruction (du CNESER) entend la personne déférée et instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer et en fait un rapport écrit comprenant l'exposé des faits et moyens des parties. » ; qu'elle peut donc appeler devant elle toute personne dont l'audition lui paraît utile ;
Considérant que dans le souci du respect des principes généraux du contentieux, notamment de celui du contradictoire, et bien que cet article du code de l'éducation ne le lui impose pas, le CNESER, juridiction administrative statuant en matière disciplinaire, a pour usage de convoquer dès l'instruction non seulement le déféré mais aussi l'autorité administrative à l'origine des poursuites (le chef de l'établissement d'enseignement supérieur intéressé, le cas échéant l'autorité de tutelle) ; que cette autorité peut être représentée par toute personne munie d'un pouvoir à cet effet, comme le fut en l'espèce madame Bonnet ;
Considérant que la défense signale que madame Bonnet assure à l'université de Reims le secrétariat de la section disciplinaire locale, et qu'elle ne peut de ce fait pas représenter le président de cet établissement, car elle serait en quelque sorte juge et partie et qu'elle est aussi tenue au secret des délibérations des séances d'instruction auxquelles elle a assisté à Reims (article 32 du décret susvisé du 13 juillet 1992) ;
Considérant que les fonctions de Mme Bonnet ne la rendent pas membre, au sens du décret susvisé du 13 juillet 1992, ni de la formation de jugement de 1ère instance ni de sa commission d'instruction, instances où elle n'a pas voix délibérative ;
Considérant que le secret de l'instruction devant la formation de jugement de 1ère instance n'est pas opposable au CNESER statuant en matière disciplinaire puisque celui-ci dispose de l'ensemble du dossier de l'affaire qui lui est transmis en application de l'article 38 du décret susvisé du 13 juillet 1992, où figurent notamment le rapport d'instruction et le procès-verbal des délibérations de la commission d'instruction de 1ère instance ; qu'au surplus la présence de madame Bonnet n'est critiquée que devant la commission d'instruction du CNESER, qui siège à huis-clos ;
Considérant que selon ce qui précède doit être rejeté le moyen tiré de la présence de madame Bonnet à la commission d'instruction du CNESER statuant en matière disciplinaire ;
Sur l'audition de témoins devant la commission d'instruction comme devant la formation de jugement du CNESER statuant en matière disciplinaire ;
Considérant que la défense reproche au CNESER, tant au stade de l'instruction qu'à celui de la formation de jugement, de ne pas avoir convoqué tous les témoins demandés par elle ;
Considérant que l'article R. 232-37 du code de l'éducation dispose : « La commission d'instruction (du CNESER) entend la personne déférée et instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer et en fait un rapport écrit comprenant l'exposé des faits et moyens des parties. Ce rapport est transmis au président dans un délai qu'il a préalablement fixé et qui ne peut être supérieur à trois mois. Toutefois, le président peut ordonner un supplément d'instruction s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Le rapport et les pièces des dossiers sont déposés par le rapporteur au secrétariat du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche pour être tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil statuant en matière disciplinaire, dix jours francs avant la date fixée pour la séance du jugement. » ; qu'en outre l'article R. 232-38 du même code dispose notamment : « S'il l'estime nécessaire, le président [du CNESER] peut entendre des témoins à l'audience » ;
Considérant qu'aucune obligation n'est imposée au CNESER par ces textes d'entendre tous les témoins dont les parties demandent l'audition, que la juridiction dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'opportunité d'entendre tel ou tel témoin, tant au stade de l'instruction qu'à celui de la formation de jugement ; que le moyen est donc rejeté ;
 
Sur le rapport d'instruction du CNESER statuant en matière disciplinaire et la communication des pièces du dossier ;
Considérant que l'article R. 232-37 du code de l'éducation précité énonce notamment : « Le rapport et les pièces des dossiers sont déposés par le rapporteur au secrétariat du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche pour être tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil statuant en matière disciplinaire, dix jours francs avant la date fixée pour la séance du jugement » ;
Considérant que la défense ne conteste pas avoir bénéficié de ce dispositif, mais, d'une part, critique le contenu du rapport d'instruction et d'autre part, estime qu'elle aurait dû pouvoir obtenir copie intégrale du dossier où figurent d'après ses écritures des pièces dont elle n'avait pas jusqu'alors eu connaissance ;
Considérant sur le premier point que la mise à disposition préalable à la formation de jugement du rapport d'instruction permet aux parties d'en préparer l'éventuelle critique et que monsieur xxx et ses conseils s'y sont livrés à l'audience ; que le moyen est donc inopérant ;
Considérant sur le deuxième point que ni l'article R. 232-37 précité ni aucun autre article du code de l'éducation ne prévoit la délivrance d'une copie du dossier ou son emport temporaire par les parties ou leur conseil en vue de sa copie ; qu'il leur est par contre loisible de le consulter aussi longtemps qu'ils le souhaitent pendant les heures de fonctionnement du secrétariat de la juridiction au cours de la période prévue par cet article et d'en prendre copie par leurs propres moyens ;
 
Sur le fond ;
Considérant qu'il est reproché à monsieur xxx d'être coutumier de propos humiliants et à connotation sexuelle envers ses collègues et ses étudiants, de comportements dérangeants (regards, attitudes durant les cours et les examens) et de ne plus participer à la plupart des réunions ni des manifestations organisées par le département génie conditionnement et emballage (G.C.E.) de l'I.U.T. de Reims où il est affecté ; qu'en outre le chef de ce département, Anthony Objois, a déclaré dans son témoignage devant le CNESER que le déféré n'a plus communiqué avec la direction de l'I.U.T. depuis 2006 ;
Considérant qu'il résulte du dossier et de l'instruction que, si la saisine de l'instance disciplinaire par le président de l'université de Reims évoque notamment des faits de harcèlement, elle n'exclut pas que les faits reprochés à monsieur xxx soient qualifiés de fautes disciplinaires sans être uniquement constitutifs de faits de harcèlement mais aussi contraires à la déontologie universitaire, portant atteinte à la dignité des fonctions de maître de conférences des universités, à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement comme à son image de marque ;
Considérant que malgré les dénégations de monsieur xxx, exprimées tant oralement à l'audience que dans son mémoire susvisé, les faits reprochés sont établis par tous les témoignages reçus par le CNESER au stade de l'instruction comme à l'audience de jugement ;
Considérant, en premier lieu, le témoignage de madame Berzin , maître de conférences depuis le mois de septembre 2000, qui déclare que monsieur xxx lui a fait des propositions de relations sexuelles et lui a détaillé ses performances de manière de plus en plus crue au point qu'elle a dû prendre ses distances et même quitter Reims ;
Considérant en second lieu les témoignages d'étudiantes et d'étudiants sur les propos et les pratiques discriminatoires de notation de monsieur xxx à l'égard des jeunes filles ainsi que sur sa proposition qu'ils fassent une pétition contre la direction du département, leur anxiété et leur peur face à monsieur xxx ;
Considérant, en troisième lieu, les témoignages de mesdames Christen, secrétaire du département G.C.E. de l'I.U.T. de Reims, Daltin, maître de conférences et Etienne, assistante-ingénieure, sur le climat de peur des étudiantes et de certaines enseignantes vis-à-vis de monsieur xxx, de ses propos injurieux et sexistes, de ses menaces et de sa violence ;
Considérant, enfin, que des témoignages concordants d'étudiants, d'enseignants et de personnels techniques révèlent qu'il n'était pas présent dans la salle au moment de T.P. (travaux pratiques) dont il avait la responsabilité ;
Considérant que les témoignages concordent sur le fait que les comportements ci-dessus constatés de monsieur xxx ont perturbé la communauté universitaire (tous personnels et étudiants de l'université de Reims), ont porté gravement atteinte à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement comme à son image de marque et sont incompatibles avec la dignité d'un maître de conférences des universités.
 
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
 
Décide
Article 1 : La demande de sursis à statuer, présentée par monsieur xxx, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de monsieur xxx tendant à ce que soit prononcée la nullité des procédures disciplinaires devant les instances de l'université de Reims et devant le CNESER statuant en matière disciplinaire, sont rejetées.
Article 2 : Monsieur xxx est reconnu coupable d'insultes à caractère sexuel et de création d'un climat d'anxiété dans le département « génie, conditionnement et emballage » de l'I.U.T. de Reims, tant à l'égard de ses collègues enseignantes et administratives que chez les étudiants.
Article 3 : Il est interdit à monsieur xxx d'exercer toutes fonctions d'enseignement supérieur et de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant une durée de 3 ans avec privation de la moitié du traitement.
Article 4 : Dans les conditions fixées aux articles R 232-41 et R 232-42 du code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur xxx, au président de l'université de Reims et à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ; copie en sera adressée au recteur de l'académie de Reims ; elle sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sous forme anonyme.
 
Fait et prononcé en audience publique à Paris,
le 27 janvier 2009 à 20 H 40, à l'issue du délibéré.
La présidente

Joëlle Burnouf

La secrétaire de séance

Laurence Mercuri