ÉDUCATION CIVIQUE (cycles
2 et 3)
Objectifs et recommandations générales aux cycles 2 et 3
L'éducation civique est aujourd'hui en débat
: on s'accorde généralement sur la nécessité de
revaloriser le sens de la vie commune et de ses règles mais les avis
s'opposent quant aux meilleurs moyens d'y parvenir. Certains maîtres trouvent
rébarbative cette partie du programme, d'autres s'efforcent d'en accroître
l'efficacité par une diversification des thèmes et des types d'activités
proposés aux élèves.
On a tenté, dans le document consacré
à ce volet du programme, d'aborder les difficultés inhérentes
à un tel projet : détailler les étapes qui permettent aux
élèves d'enrichir et de remodeler leurs représentations
spontanées en s'appropriant progressivement des réflexions, des
attitudes, des notions ou des valeurs plus pertinentes ; justifier le choix
de quelques connaissances et compétences-clés qui garantissent
le sens et la continuité des apprentissages ; préciser, à
cet égard, les rôles respectifs du cycle 2 et du cycle 3.
Le souci d'être utile en refusant les ambiguïtés
d'une présentation allusive explique la longueur de certains passages.
Selon les intérêts et l'expérience de chacun, tout n'apparaîtra
pas d'égale importance. Mais on a voulu donner l'ensemble des repères
nécessaires à ceux qui s'interrogent sur le sujet.
L'un des objectifs principaux de l'éducation
civique est de revaloriser la civilité (dans ses manifestations concrètes)
et la politique (au sens élevé du terme). Elle est particulièrement
nécessaire dans les périodes où ces formes du lien social
semblent ne plus aller de soi ni suffire par elles-mêmes à inspirer
le respect : écoles gagnées par la violence ; désaccords
persistants sur la bonne manière d'exercer l'autorité ; apparente
désaffection pour ce qui touche l'intérêt général
ou la conduite des affaires publiques.
Trois grands objectifs
en découlent :
donner aux enfants les repères qui leur permettront de savoir comment
se comporter avec autrui et d'acquérir, si ce n'est déjà
fait par ailleurs, le sens des valeurs fondamentales qui traduisent le respect
de la personne humaine ;
amener les élèves à mesurer l'intérêt
des projets collectifs et à s'y investir (ce qui suppose qu'on leur
fasse acquérir les moyens d'expression et d'argumentation adéquats)
;
éclairer par ces activités une première approche de
l'organisation politique et judiciaire de notre pays (enjeux essentiels
; institutions majeures ; principaux droits et devoirs ; réflexion
sur l'élaboration d'une loi et le déroulement d'un procès,
à partir d'exemples simples prolongeant une application ou un "jeu
de rôles" au sein de la classe). |
S'approprier les valeurs
Les orientations qui suivent visent à faciliter
la solution du problème central que rencontre aujourd'hui l'éducation
civique : chacun sait que les "leçons de morale" relèvent la plupart
du temps d'un genre peu efficace, les élèves ne tirant aucune
conséquence pratique des notions étudiées même, paradoxalement,
lorsqu'ils se montrent capables de les appliquer aux règlements qu'ils
proposent eux-mêmes pour la classe. Toute la difficulté tient au
choix d'exemples et d'activités assez parlants pour que les élèves
ne se bornent pas à y repérer les valeurs, règles ou conventions
abordées, mais saisissent en quoi elles les concernent personnellement
au point d'éprouver le besoin de s'en inspirer dans leur vie quotidienne.
On sait aussi combien, à l'opposé, la formule des "cours de droit
constitutionnel pour enfant" est inadaptée à ce stade. Il faut
donc éviter ces deux écueils qui, malheureusement, hypothèquent
encore les programmes en vigueur.
Expression et argumentation
L'école se contredirait si elle se bornait
à exiger l'obéissance des élèves quand elle prétend
encourager leurs initiatives, accentuer la part qu'ils prennent dans la construction
de leurs savoirs, etc. Mais cela ne signifie pas qu'on ne puisse rien imposer
sans débat. L'essentiel est que l'on aide les enfants à s'approprier
progressivement les valeurs et les règles, à en user de manière
active, à les adapter le cas échéant. L'expression et
l'argumentation prennent là toute leur importance.
Le travail de l'expression, centré
sur l'individu, permet à chacun de mieux dire "ce qu'il
a sur le coeur" et d'avoir une écoute plus attentive de ce que proposent
les autres (par rapport auxquels il apprend à se situer). L'exercice
de l'argumentation, tourné vers le collectif ou l'universel,
vise à sélectionner et mettre en forme les raisonnements les plus
convaincants pour autrui. Encore insuffisamment développé dans
l'enseignement actuel, il doit trouver une place privilégiée à
l'école, notamment dans les cours d'éducation civique.
Le réel et l'idéal
Une autre condition pour rendre tout son sens à
l'éducation civique est de rompre avec toute présentation "angélique",
soit que l'on s'appuie sur des exemples "trop beaux pour être vrais",
soit que l'on gomme les constructions susceptibles de compliquer les choix ou
de révéler l'ambiguïté de certaines décisions.
Le fait que la réalité ne se confonde
pas avec l'idéal, voire s'oppose à lui, ne constitue pas une objection
contre celui-ci. Les inégalités réelles n'invalident pas
l'idéal de l'égalité, ni les vols l'idéal de l'honnêteté.
L'écart n'est pas ici sans valeur : c'est au nom de l'idéal que
l'on critique le réel et que l'on projette de le transformer. Encore
faut-il que cette tension ne paraisse pas incompréhensible ou inexistante,
à force d'impasses sur les problèmes concrets qui sont la pierre
de touche de l'éducation civique : comment réduire la violence
au sein de l'école ou dans une commune quand la morale, les arguments
rationnels, les règlements ne suffisent pas ? Que faire lorsque certains
enfants deviennent les souffre-douleur d'une classe ? A quelles conditions l'inégalité
des richesses est-elle conciliable avec l'équité ? Pourquoi certaines
transgressions sont-elles moins graves que d'autres ? Quel est le sens de la
sanction ? etc. Les thèmes ne manquent pas qui permettent de hiérarchiser
les valeurs et les moyens de les mettre en oeuvre dans des situations dont les
enfants comprennent aisément les principaux enjeux. Ce sont les questions
qu'il faut ici faire comprendre, davantage que les réponses qui dépassent
souvent les possibilités de compréhension des enfants de cet âge.
Cette mise en perspective gagnerait également
à s'appuyer sur ce que les autres champs disciplinaires y révèlent
plus spécifiquement. Par exemple : le sens du combat et de la violence
régulés en éducation physique ; la pérennité
de l'aspiration à la justice et l'évolution des valeurs qui l'incarnent,
en histoire ; la sublimation, dans bon nombre d'oeuvres notamment littéraires
ou cinématographiques, de conduites qui ne seraient pas acceptées
dans la vie quotidienne, etc.
Mais la volonté de ne pas se réfugier
dans une abstraction vague doit encore se manifester de deux manières.
D'une part, les enfants doivent être informés de leurs droits et
des recours concrets auxquels ils peuvent faire appel lorsqu'ils sont menacés
(3)
. D'autre part, l'école doit fixer avec les élèves des
repères stables et équitables. Parmi ceux-ci, figure au premier
chef l'exemple donné par le maître : sa civilité, son souci
de la paix dans l'établissement, mais aussi toute l'écoute qu'il
accorde, l'attention qu'il met à donner les clés de ses évaluations,
la clarté de ses explications sont autant de manifestations des valeurs
que l'école s'efforce de transmettre.
Principes de progression
Au cycle 2, les élèves
commencent à s'approprier les principales règles de la vie
commune, à en dégager les valeurs plus fondamentales de liberté
et d'égalité, à prendre des responsabilités
; ils apprennent à débattre efficacement de sujets d'importance
collective ; ils réfléchissent sur les exigences en partie
différentes des maîtres ou sur des marques de civilité
qui changent d'un pays ou d'une époque à l'autre.
Ce travail se poursuit et s'approfondit au
cycle 3 pour s'élargir progressivement aux Droits de l'Homme
et à l'étude des formes d'organisations ou des modes d'action
les plus caractéristiques en matière de justice et de politique.
Ces acquis, nécessaires en eux-mêmes,
sont un préalable indispensable à l'enseignement plus systématique
qui sera proposé au collège.
Dans tous les cas, la réflexion, l'explication,
l'apport de connaissances doivent se développer en liaison étroite
avec des activités ou des situations concrètes, des exemples
tirés de l'actualité ou des récits débattus
au sein de la classe. |
(3) Rappel : La circulaire "Lutte
contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats" (C. n°
98-194 du 2 octobre 1998), parue au
B.O. hors série n° 11 du 15 octobre 1998, définit des mesures
spécifiques pour renforcer la sécurité dans les établissements,
la conduite à tenir face aux situations de violence, le cadre partenarial
et fournit un guide pratique des approches partenariales en cas d'infractions
dans un établissement scolaire.
CYCLE DES APPRENTISSAGES FONDAMENTAUX (cycle 2)
Dans le prolongement des activités menées au cycle 1, les élèves
apprennent à adapter leurs comportements aux principales situations relevant
de la civilité ou de la participation à des projets collectifs.
Ils découvrent à quoi servent certaines
des conventions ou exigences qui régissent les rapports interindividuels
et les relations au sein d'un groupe. C'est l'occasion d'une première approche,
appuyée sur l'expérience concrète, des valeurs constitutives
de la personne et de la dimension politique, au sens large, inhérente à
l'existence humaine. On dégagera, dans cette perspective, le caractère
plus fondamental des valeurs de liberté et d'égalité, en
partant du constat de quelques inégalités factuelles dont elles
nous font obligation de limiter les conséquences injustes : les élèves
participent volontiers à la réflexion sur ce thème auquel
ils sont particulièrement sensibles. La construction de ces repères
permet d'aborder avec la précision souhaitable les questions de l'autorité
et de la sanction, si présentes dans la vie ou les représentations
des élèves : qu'est-ce qui justifie l'autorité ou la sanction
et qu'est-ce qui, au contraire, peut les rendre injustes ?
Toutes les parties du programme doivent être abordées de manière
concrète, en relation directe avec les projets menés en classe,
les situations vécues ou les exemples rencontrés. A cet égard,
il faut tirer parti de la relativité de certaines conventions qui ne manque
pas d'étonner sinon de choquer les enfants : pourquoi les marques de politesse
varient-elles en partie d'un pays à l'autre ? Pourquoi, en dépit
d'exigences communes, les maîtres n'exercent-ils pas leur autorité
de la même manière ? Quelles aspirations constantes se font jour
au travers de ces modalités chaque fois particulières ?
C'est donc d'un même mouvement que les élèves
sont amenés à prendre des responsabilités, à s'exprimer,
à argumenter et à mieux se situer par rapport aux règles
de la vie commune.
La vie commune
L'approche de la civilité
Le maître recense avec les élèves
les principales règles qui ont trait à la civilité : marques
de politesse ; attitudes favorisant de meilleurs rapports interpersonnels ; conduites
adaptées aux statuts de chacun des interlocuteurs ou aux types de relations
qu'ils entretiennent...
On s'interroge alors sur leur sens et leur utilité.
Dire bonjour, ne pas mettre les pieds sur la table, ne pas couper la parole, ne
pas agresser les gens, chercher à comprendre le point de vue de l'autre
: qu'elles touchent à la pacification des moeurs, à l'hygiène
ou à la considération pour les personnes, toutes ces règles
manifestent, à des degrés divers, un respect mutuel. Elles méritent
d'être hiérarchisées : la part que chacune réserve
aux valeurs fondamentales et aux conventions diffère ; le respect qu'elles
expriment est plus ou moins profond selon les qualités humaines dont il
fait cas.
Cette réflexion sur les règles trouvera
un prolongement au cycle 3 : n'ont-elles pas, parfois, un caractère excessivement
artificiel ? Certaines ne manquent-elles pas leur but ? Quand peut-on s'en passer
et quand deviennent-elles indispensables ? Il est d'ailleurs aisé de comprendre
qu'un minimum de convention est inévitable : faute de quoi, les marques
de politesse, qui condensent dans une attitude symbolique les égards que
nous manifestons à autrui, ne seraient pas comprises.
En prolongement de cette réflexion, on s'arrêtera
sur quelques exemples montrant que les expressions de la civilité diffèrent
selon les pays, les lieux, les milieux. On invitera les élèves à
trouver par eux mêmes de tels exemples. Ainsi, certaines cultures prescrivent
d'éviter de croiser le regard d'un interlocuteur quand d'autres recommandent
de "le regarder dans les yeux" : il s'agit toujours de faire preuve de respect,
de montrer à autrui qu'on le tient pour un alter ego ; mais dans
le premier cas, c'est en renonçant à une attitude qui pourrait paraître
arrogante tandis que, dans le second cas, on veut témoigner de l'intérêt
exclusif et sans arrière-pensée que l'on porte, le temps d'un échange
verbal, à son vis-à-vis.
Une première approche de la dimension politique
à partir d'exemples tirés des expériences scolaires des élèves
A côté des règles qui concernent
les rapports interindividuels, il faut envisager celles qui s'appliquent aux groupes
ou aux projets collectifs, notamment à l'école. On établira
ainsi une première représentation des enjeux et des exigences de
la vie en société, fondée sur les expériences concrètes
des élèves. La démarche reprend les principes adoptés
à propos de la civilité. On se contentera donc d'en indiquer les
grandes articulations.
Le maître recense avec les élèves
les principales règles de la classe : exigences propres au travail scolaire,
dans son fond (attention, effort) ou dans sa forme (soin, présentation)
; conduite des débats ; respect des consignes ; rapports avec l'enseignant,
avec les adultes qui interviennent dans l'école, avec les autres enfants
de l'établissement ; participation à des projets collectifs, etc.
On s'interroge alors sur leur sens et leur utilité.
Elles ont essentiellement pour but de rendre possible ou de faciliter la tâche
éducative de l'école. On fait silence pour que le maître ou
les élèves qui doivent prendre la parole soient entendus de tous.
On met de l'ordre dans les débats afin qu'ils aboutissent à des
conclusions raisonnées. On se conforme à une organisation du travail
qui répond autant que possible au souci de donner à chacun les meilleures
chances de progresser...
Comparer les exigences de différents maîtres
ou les règlements de plusieurs écoles n'est pas moins enrichissant
: il en ressort, à la fois, des préoccupations fondamentales communes
et des modalités dissemblables qui mettent l'accent sur tel ou tel aspect
de l'éducation selon les caractères, les intentions, les situations.
On peut alors mieux distinguer les choix aisément amendables et les contraintes
nécessaires.
De tels constats doivent bien évidemment s'inscrire
dans un projet concret. En effet, c'est en amenant les élèves à
assumer des responsabilités, à prendre une part active dans la réalisation
de projets qu'on les aide à comprendre le sens des règles, à
les interpréter en fonction de leurs intentions ou des situations, à
les hiérarchiser. Or, les contraintes sont en partie différentes
selon qu'on participe à une activité scientifique, un "défi
lecture", un spectacle, un journal scolaire, une rencontre sportive, ou qu'on
intervienne sur le règlement de la classe. Souvent, les premières
contributions des élèves au règlement posent plus de problèmes
qu'elles n'en résolvent : règles excessivement contraignantes ou
sévères, inadaptées donc peu respectées, voire contre-productives.
C'est une excellente occasion d'approfondir la réflexion, d'apprendre à
concilier des intérêts divergents, à hiérarchiser les
fins que l'on se propose ou les valeurs que l'on défend.
Le travail ainsi accompli sur le sens des projets
collectifs et les contraintes inhérentes aux communautés humaines
fournit un ensemble de notions à partir desquelles on pourra répondre
de manière simple et ponctuelle aux questions que les enfants commencent
à se poser sur le rôle du président de la république,
du gouvernement, des députés, du maire. Mais c'est au cycle 3 qu'une
première approche systématique, quoiqu'encore très simple,
du domaine politique sera proposée.
Libres et égaux "en droit"
Les enfants se font généralement une
idée caricaturale ou contradictoire des valeurs de liberté et d'égalité
qui les pousse aussi bien à s'indigner de la moindre apparence d'inégalité
qu'à mettre en avant n'importe quel détail susceptible de marquer
leur supériorité. On abordera donc plus efficacement les notions
de liberté et d'égalité formelles à partir des inégalités
sociales ou naturelles : il s'agit de montrer que, malgré de grandes différences
de fait, en droit, chacun se retrouve ou devrait se retrouver à égalité
devant la loi.
Les enfants repèrent facilement les marques
d'inégalités : inégalités de richesses, quartiers
plus ou moins favorisés, vêtements à la dernière mode
ou non... Selon les sensibilités et les situations, ils peuvent juger ces
inégalités acceptables ou révoltantes : c'est l'occasion
de mettre en perspective les arguments des uns et des autres. Ce cadre une fois
posé, on montrera que, dans une société démocratique,
ces inégalités de fait ne donnent pas accès à des
droits différents : riches ou pauvres, les mêmes lois s'appliquent
également à tous, nul ne dispose de plus d'une voix pour élire
nos représentants, aucun automobiliste ne peut "franchir la ligne jaune"
(sauf s'il assure un service lié à la sécurité publique
police, ambulances, etc.) Certes, des passe-droits existent mais ils n'en
demeurent pas moins choquants et illégitimes.
Il en va de même s'agissant des différences
naturelles : chacun a les mêmes droits, quelle que soit sa taille, sa force,
la couleur de sa peau, etc.
La conduite du débat avec les élèves
doit leur faire prendre conscience de la tension entre le fait et le droit : le
droit permet de juger les dérives, d'en limiter les conséquences,
de réguler les conflits ; mais il ne suffît pas à prévenir
tout risque qu'ils ne se manifestent à nouveau. S'il n'est, bien entendu,
pas question de s'adresser en ces termes à des enfants, il n'est cependant
pas impossible de leur faire appréhender l'idée au moyen d'exemples
: qui n'a jamais eu, même un court instant, la tentation de rejeter quelqu'un
sans même le connaître, simplement parce que certains l'ont déjà
exclu, que ses manières surprennent ou que son quartier est mal vu ? L'égalité
en droit nous oblige simplement à refreiner ou, mieux, à dépasser
ces réactions spontanées afin qu'elles ne nous entraînent
pas à remettre en cause l'égale dignité de chacun et les
droits fondamentaux qui s'y attachent.
L'autorité et la sanction
Quand un individu ou un groupe cherche, par la force,
la ruse ou le pouvoir de la richesse, à transgresser les règles
qui assurent la liberté et l'égalité de tous, il faut nécessairement
s'y opposer pour rétablir l'équité. Mais il est impossible
que chacun s'arroge à tout moment le droit de rétablir la justice
par n'importe quels moyens : la menace de guerre civile serait permanente. C'est
pourquoi certaines personnes sont investies de l'autorité qui leur permet
de s'opposer à de telles transgressions. Toutefois, elles ne peuvent user
de la force et des sanctions que dans la stricte limite des interventions indispensables
pour rétablir la liberté et l'égalité garanties par
le respect des règles de la vie commune. Tel est en principe le cas lors
des procédures de justice ou des actions de police.
L'autorité des parents (ou des tuteurs) et
des enseignants sur les enfants répond à une autre préoccupation
: pour devenir pleinement libres et responsables, les enfants doivent recevoir
une éducation ; c'est pourquoi les adultes qui sont chargés de la
leur donner ont vis-à-vis d'eux des devoirs spécifiques et une autorité
particulière.
Les liens de famille tiennent d'abord à l'amour,
tandis que le contrat scolaire repose sur la connaissance et les valeurs communes.
Aussi l'autorité ne s'exerce-t-elle pas de la même manière
dans les deux cas. A l'école, elle ne vaut que dans la mesure où
elle favorise les progrès de tous en matière de connaissance et
promeut les valeurs d'égalité et de liberté. Les enfants
étant très sensibles à l'injustice, on réfléchira
avec eux, si on le juge possible, à ce qui distingue une juste autorité
d'un autoritarisme abusif.
L'autorité juste est celle qui contribue à
l'épanouissement de l'individu dans le respect des valeurs d'égalité
et de liberté. A contrario, est injuste toute autorité qui vise
à assurer le pouvoir de celui qui l'exerce au détriment de l'un
au moins de ceux auxquels il l'impose : c'est donc à bon droit que l'on
condamne l'humiliation, les attaques personnelles, les abus de pouvoir...
La sanction pose des problèmes nouveaux dans
la mesure où l'école s'efforce de "donner du sens" à toutes
les activités qu'elle propose. Or la sanction punit des transgressions
qui, précisément, tendent à briser le cadre où ce
sens peut se manifester. Elle a donc toujours deux aspects : d'un côté,
elle oppose une contrainte à un coup de force et, par là, elle se
voit obligée de rompre momentanément avec le type de rapports que
l'école valorise ; mais, de l'autre côté, elle ne fait ce
détour que pour restaurer le plus vite possible l'exigence de signification
à laquelle elle reste, par conséquent, attachée.
C'est pourquoi il est sans doute vain de chercher
à déguiser les sanctions en "exercices complémentaires" :
car cela, tout à la fois, déprécie le travail scolaire et
dévalorise la punition. Il vaut probablement mieux que la sanction (dont
chacun souhaite, à juste titre, qu'elle soit aussi rare que possible...)
apparaisse pour ce qu'elle est : mais cela suppose que le contraste soit manifeste
avec l'intérêt des activités pédagogiques proposées
en temps normal à l'élève, les responsabilités qu'on
l'invite à prendre, la pertinence des perspectives qu'on lui ouvre, l'écoute
attentive qu'on lui accorde. Car, dans une école qui entend valoriser le
sens, l'exigence de civilité, d'attention, de curiosité ne prend
force que par la réciprocité.
CYCLE DES APPROFONDISSEMENTS (cycle 3)
Au cycle 2, les élèves ont réfléchi aux règles
de la civilité, aux exigences et aux valeurs de la vie collective. Ils
ont compris pourquoi les différences naturelles ou la position sociale
ne créent aucun droit et ont découvert, à cette occasion,
la portée des idéaux de liberté et d'égalité.
Ils ont été conduits à prendre des responsabilités
dans diverses activités où ils ont pu réinvestir et approfondir
ces repères. Ils ont ainsi acquis une première notion des valeurs
constitutives de la dignité de la personne humaine et ont perçu
l'importance des projets collectifs pour l'amélioration des conditions
d'existence de chacun.
Ils peuvent alors tirer profit d'une approche rapide
des Droits de l'Homme, puis d'une présentation synthétique de quelques
principes fondamentaux de la vie démocratique : le suffrage universel ;
la "fabrication" de la loi ; un exécutif qui propose et conduit les grands
projets de réforme de la société. Ils découvrent également
quelques traits spécifiques de la procédure et de la décision
judiciaire : comment, par exemple, le jugement arbitre entre l'accusation et la
défense.
Ces quelques aspects fondamentaux de la vie politique
et du fonctionnement de la justice seront traités de manière concrète
en liaison étroite avec des activités menées au sein de la
classe. Pour comprendre, par exemple, les principes essentiels de l'activité
législative (recherche de l'intérêt général,
loi de la majorité, etc.), les élèves seront invités
à proposer des projets qui seront débattus, puis soumis au vote
avant d'être mis en oeuvre. Les rôles et les responsabilités
seront clairement partagés entre les élèves. On disposera
ainsi d'une sorte de modèle pour mieux comprendre le sens des principales
institutions nationales ou locales. Dans la même perspective, on demandera
aux enfants de mettre en scène un procès, sous forme de "jeu de
rôles". Ces activités seront l'occasion d'aborder franchement les
formes de violences qui peuvent toucher les élèves ainsi que les
meilleures façons d'y faire face.
Une fois cette base solidement assurée, on
pourra avec profit présenter schématiquement les grandes institutions
et les dispositions fondamentales de la République, puis enrichir ce cadre
en traitant de la sécurité et des services publics. Cette progression
vise à respecter les étapes qui permettront aux élèves
de se repérer parmi ces questions complexes en évitant un excès
d'abstraction.
Les Droits de l'Homme
De l'abolition des privilèges aux Droits de l'Homme
On a vu, au cycle 2, que la force, la richesse, l'origine
sociale... ne donnent pas de droits. C'est le sens même de "l'abolition
des privilèges" : en 1789, au moment de la Révolution française,
l'Assemblée nationale supprime, dans la nuit du 4 août, tous les
privilèges, notamment ceux de l'aristocratie et du clergé. Elle
vote, le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen qui proclame, dans son article premier, que "tous les hommes naissent
et demeurent libres et égaux en droits" et, dans son article 4, que "la
liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui".
Les élèves découvrent ainsi que
cette conception du droit (dont un simple échange d'arguments leur avait
permis de retrouver le sens au cycle 2) n'a pu s'imposer qu'à un moment
précis de l'histoire où se jouait l'instauration d'une société
fondée sur l'idéal démocratique.
Ici l'éducation civique éclaire la compréhension
que les élèves se forgent de l'histoire et réciproquement.
C'est pourquoi on gagnera à aborder la question des Droits de l'Homme en
associant les deux disciplines.
Les Droits de l'Homme et ce qu'ils signifient
Sans analyser systématiquement chacun des articles,
le maître rappelle quelques-uns des principaux droits mentionnés
dans la Déclaration : on s'arrêtera, en particulier, sur la liberté
d'opinion, la liberté de religion, la liberté d'information, la
liberté de circulation et le droit de propriété. On montre
qu'ils visent à garantir l'exercice de la liberté et de l'égalité
en même temps qu'ils en traduisent les idéaux.
On fera chaque fois ressortir l'aspect particulier
de l'existence humaine qu'il s'agit de défendre. On montrera à quels
abus ces droits s'opposent. On évoquera, par quelques exemples, la difficulté
de trouver un équilibre satisfaisant où les contraintes soient minimales
sans que pour autant la liberté des uns puisse nuire à celle des
autres : la publication d'un journal scolaire offre une bonne occasion d'approcher
les conflits qui peuvent surgir entre la liberté d'opinion ou d'information
des rédacteurs et les droits des personnes mentionnées dans les
articles.
À propos de la liberté d'opinion et
de religion, on abordera la question de la laïcité qui en est un prolongement.
L'Etat n'impose ni religion ni croyance officielle : chacun est libre de croire
ce qu'il veut pourvu que cela ne nuise pas à autrui (c'est pourquoi l'apologie
du crime ou du racisme est condamnée par la loi). La laïcité
permet donc la coexistence pacifique des religions et croyances.
L'extension universelle des Droits de l'Homme
Le maître souligne que la Déclaration
des Droits de l'Homme instaure un changement radical dans l'histoire des libertés
; il veille à ce que les élèves comprennent que ces droits
sont proclamés comme universels et valables pour tous. Il convient également
de montrer que l'énoncé et l'affirmation des Droits de l'Homme n'ont
pas suffi à ce qu'ils soient immédiatement respectés. Ils
ont été, depuis la Révolution française, en France
et dans le monde, l'objet d'une lutte et d'une conquête qui se poursuit
encore aujourd'hui. Chacun est responsable de leur défense et de leur progrès.
C'est l'occasion de souligner que les droits impliquent aussi des devoirs.
En relation avec le programme d'histoire, on évoque
les périodes pendant lesquelles ils ont été niés ou
violés (la Terreur, le rétablissement de l'esclavage par Napoléon,
la deuxième guerre mondiale...). Malgré ces difficultés,
leur mise en oeuvre et leur extension ont été progressives (suffrage
universel en 1848, vote des femmes en 1944, Déclaration universelle des
Droits de l'Homme de 1948...). En France, le préambule de la Constitution
de 1958 réaffirme l'attachement de la République à la Déclaration
de 1789 dont les valeurs fondent nos institutions.
Les discriminations, comme le racisme par exemple,
et les violences sont interdites parce qu'elles sont contraires aux Droits de
l'Homme et à la valeur de dignité et de respect de toute personne
humaine. Mais on constate encore aujourd'hui, dans de nombreux pays, de graves
atteintes aux Droits de l'Homme, qui pourront être abordées à
travers le programme de géographie et l'actualité (tortures, travail
des enfants, inégalités entre hommes et femmes). On montrera que
ces atteintes factuelles n'invalident pas la valeur des principes, tout au contraire.
Sans entrer dans la lecture de la Convention Internationale
des Droits de l'enfant de 1989, on veillera à ce que les enfants soient
avertis de leurs droits et des recours dont ils disposent lorsque ceux-ci sont
bafoués : les indications données sur ce thème au cycle précédent
doivent être approfondies et adaptées à l'autonomie et la
maturité accrues des élèves du cycle 3.
On pourra remarquer, en outre, que les Droits de l'Homme
continuent d'étendre leurs effets dans des directions nouvelles ; l'action
humanitaire en est un exemple qui étend au monde entier et aux populations
civiles l'inspiration d'Henri Dunand : aider toutes les victimes, quel que soit
leur camp.
Limites : seule la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est abordée
à l'école primaire. Les autres textes fondamentaux peuvent sans
doute être évoqués (Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme de 1948 et la Convention Internationale des Droits de l'enfant de 1989)
mais ils seront étudiés en classe de 6ème.
L'idéal démocratique
Avant d'aborder les aspects institutionnels ou l'organisation
de la vie publique, il est essentiel que les élèves appréhendent
clairement les principes et les modes d'actions propres aux domaines politique
et judiciaire. Les enfants ont, en effet, le plus grand mal à se représenter,
même approximativement, le rôle du président de la République,
du gouvernement ou des députés. En général, ils conçoivent
le pouvoir comme absolu ; de ce fait, ils tendent aussi à en confondre
les niveaux d'exercice, comme si la même personne allait arrêter les
bandits à la force de ses poings, conduire les affaires publiques... et
doubler les parts de gâteaux dans les cantines ! Or, les définitions
traditionnelles des trois "pouvoirs" ne les aident guère à clarifier
leurs idées, tant elles sont formelles et paraissent éloignées
de la pratique réelle des institutions en France comme dans les autres
pays démocratiques. Ainsi quand on se contente de dire que le pouvoir législatif
fait les lois tandis que le pouvoir exécutif les applique, les enfants
en retirent l'impression fausse que le président et le gouvernement sont
réduits à être de simples exécutants, voire des juges
responsables de l'application de la loi! Si l'on veut que les élèves
aient une vision moins confuse de ces questions, il faut leur fournir des repères
plus directement applicables.
Le suffrage universel
Dès le cycle 2 et tout au long du cycle 3,
les classes ont régulièrement l'occasion de débattre de divers
projets : il n'est pas rare que les propositions en présence appellent
un choix par le vote. On fait alors comprendre et respecter les principes ou dispositions
qui garantissent la validité du scrutin : tous les enfants de la classe
ont le droit de voter, chacun dispose d'une voix et vote à bulletin secret.
Par ailleurs, le maître amène chacun à réfléchir
sur les choix qui peuvent légitimement faire l'objet d'un vote et ceux
qui ne le peuvent pas. Enfin, le vote doit avoir été préparé
par une présentation claire des choix, un échange public d'arguments,
voire par une "mini-campagne".
Mais il va de soi que les élèves n'ont
aucun pouvoir sur toutes les dispositions légales ou réglementaires
qui régissent l'école ; au reste, même les initiatives qu'on
les incite à prendre demeurent sous la responsabilité du maître.
On les conduira donc à se demander qui a décidé de ce cadre,
qui a nommé ceux qui en ont décidé, etc., de manière
à leur faire approcher le problème de la source de la souveraineté.
On pourra alors présenter simplement le principe
de la souveraineté du peuple et celui du suffrage universel (voir, plus
bas, les définitions qui en sont données au début du développement
consacré aux institutions).
La "fabrication" de la loi
Le respect des valeurs de liberté et d'égalité
implique que la loi soit égale pour tous. De ce fait, elle doit
s'appliquer à un grand nombre de situations particulières et pouvoir
être acceptée par des personnes de sensibilités très
différentes. En ce sens, la loi représente un mode d'action très
spécifique.
Si l'on veut que les élèves comprennent
ce qu'est une loi, ce qui la distingue de toute autre forme de décision
ou d'injonction, ce qui en fait la valeur, il faut s'appuyer sur les activités
scolaires qui relèvent d'une démarche voisine. C'est le cas lorsque
les enfants sont encouragés à modifier le règlement intérieur
de la classe ou de l'école (dans cette dernière hypothèse
se pose en outre le problème de l'élection des représentants).
En se fondant sur les acquis du cycle 2, il s'agit au cycle 3, d'aider les enfants
à anticiper les modes de relation qu'ils souhaitent établir, les
effets que leurs propositions peuvent induire, la manière dont elles risquent
d'être reçues par ceux qui s'y opposent. Les enfants seront ainsi
conduits à trouver des règles plus justes, plus respectueuses de
la liberté de chacun, plus efficaces. Le cas échéant, ils
les modifieront pour obtenir des majorités plus larges. Ils pourront éventuellement
s'organiser en partis, animer une "campagne". Ils apprendront ainsi, au passage,
les principes fondamentaux de l'argumentation.
Ces activités et la réflexion qui les
accompagne serviront alors de repères pour analyser, sur un exemple simple,
les grandes étapes de la fabrication d'une loi de la République.
Le pouvoir politique exécutif
Le pouvoir politique exécutif "n'applique pas
la loi" (il faut ici soigneusement éviter la confusion si fréquente
avec le pouvoir judiciaire) mais définit les grands projets de réforme
de la société. Celles ou ceux qui exercent ce pouvoir le tiennent
des électeurs, soit directement (une majorité ayant voté
pour eux), soit indirectement (lorsqu'ils sont nommés par une personnalité
ou des représentants élus). À intervalles réguliers,
les électeurs sont appelés à se prononcer à nouveau.
Les détenteurs du pouvoir exécutif doivent donc tenir compte des
aspirations des citoyens et les convaincre de l'intérêt des réformes
qu'ils proposent.
Ici encore, il est souhaitable de s'appuyer sur des
activités où les enfants sont conduits à élire des
représentants et à assumer des responsabilités, avec une
marge d'autonomie suffisante pour qu'ils aient à faire preuve d'initiative.
Tous les élèves doivent comprendre qu'ils
confient une responsabilité (un mandat) à leurs représentants.
En contrepartie, les représentants ont le devoir de leur rendre compte.
Ils exercent une véritable responsabilité identifiée et reconnue
par tous. Leur élection se prépare par une réflexion collective
sur les objectifs et les différentes tâches à accomplir :
fonctions des futurs élus, façon de les désigner.
Limites : il s'agit
d'une initiation. Les représentants de classe à l'école primaire
n'ont pas le statut des délégués du collège.
En comparant l'analyse de ce type d'activité
à un exemple de réforme politique, les élèves découvriront
la nécessité et la grandeur de l'action politique ainsi que ses
traits les plus caractéristiques dus à la complexité des
situations qu'il lui faut gérer et à la diversité des sensibilités
qu'elle doit concilier.
La justice
S'agissant de la justice, on insistera principalement
sur deux points.
Il serait évidemment inique qu'un juge puisse
modifier la procédure selon son humeur ou, pire, condamner quelqu'un au
nom d'une règle qu'il inventerait au cours du procès. La justice
doit donc s'appuyer sur une loi qui définisse les droits, les devoirs,
les interdits et les peines qu'encourent ceux qui se rendent coupables de transgression.
Le juge est tenu d'appliquer la loi que nul n'est censé ignorer (sinon,
précisément, la justice ne pourrait s'exercer). Mais la loi, on
l'a vu, est un cadre général destiné à s'appliquer
à de nombreuses situations. Or le cas qu'examine le juge est toujours particulier,
ce qui revient à dire qu'il ne se réduit jamais complètement
à ce que décrit la loi. C'est pourquoi le juge doit interpréter
les lois pour mieux tenir compte de la spécificité des affaires
sur lesquelles il doit se prononcer (circonstances atténuantes, etc.).
Souvent,
dans les procès, on dispose d'un faisceau d'indices concordants mais non
d'une preuve certaine de la culpabilité des personnes que l'on doit juger
(et même lorsqu'il y a "flagrant délit", il reste la part obscure
des intentions). En outre, les intérêts opposés des accusateurs
et des accusés les poussent à donner des versions contradictoires
des faits. La procédure judiciaire prend acte de ces données et,
pourrait-on presque dire, les "met en scène" pour mieux permettre au juge
ou aux jurés de "peser le pour et le contre". Ainsi le procureur accuse
(au nom de la société civile qu'il a pour rôle de défendre),
l'avocat défend son client et le juge ou les jurés arbitrent (au
nom de la loi et compte tenu des preuves, témoignages et justifications
qui leur ont été présentés).
Avec des enfants de cet âge, ces perspectives
doivent être dégagées à partir d'une situation concrète.
On peut s'appuyer sur un texte théâtral ou une fiction cinématographique
; toutefois, il serait encore préférable d'aborder ces questions
à l'occasion d'un "jeu de rôles" fondé sur un canevas imaginaire
ou inspiré d'une affaire historique (on s'interdira bien entendu de refaire
un procès récent ou d'encourager un simulacre de justice à
propos d'un événement survenu dans l'école.)
On soulignera au passage qu'il peut exister des erreurs
judiciaires qui, malgré tout, n'invalident pas le principe de l'arbitrage
judiciaire.
Faire face aux violences
Tout au long des cycles 2 et 3, les principaux thèmes
étudiés offrent l'occasion de traiter des diverses formes de violences
que les idéaux, institutions ou services évoqués aident à
contenir : les règles de civilité, l'autorité et la sanction,
les institutions politiques, la justice sont autant de moyens de résister
aux violences illégitimes ou de pacifier les conflits.
Le maître insistera plus particulièrement
sur les violences que les enfants risquent de subir ou dont ils peuvent se rendre
coupables à l'école : rackets, humiliations, agressions sexuelles,
etc. Tout en favorisant l'expression et l'échange d'arguments entre les
élèves, il les conduira à chercher les meilleures solutions
pour empêcher que de telles transgressions ne se produisent (étant
entendu qu'en cas de faute avérée, l'enseignant prend les dispositions
qui s'imposent sans consulter sa classe). Il est essentiel, à cet égard,
de rompre la "loi du silence" : cela suppose d'ouvrir des occasions variées
de dialogue avec les enfants, avec les parents, avec les représentants
des services ou institutions que ces problèmes peuvent concerner. Mais
il importe également de réfléchir aux initiatives qui pourraient
déterminer les fauteurs de trouble à s'investir dans des activités
positives et à renoncer à la violence.
Selon les événements qui surviennent
à l'école et les points de programmes concernés, les finalités
poursuivies seront différentes : revalorisation de la civilité,
réforme du règlement de l'école (susceptible d'ouvrir sur
une étude de la "fabrication" des lois), sanctions (renvoyant à
la question de l'autorité) mais aussi efforts pour agir, dans le sens de
la prévention, sur les causes ou les situations génératrices
de violence (ce qui peut constituer une bonne introduction au "politique").
Dans ce contexte, on abordera l'action de la police
et le thème de la sécurité
publique.
On montrera concrètement en quoi l'insécurité menace directement
le droit à la liberté et à l'égalité de chacun.
On fera valoir ce que les services de Police-secours, l'assistance aux personnes
menacées, la régulation de la circulation... apportent à
chacun d'entre nous. Mais le maître ne fera pas l'impasse sur la question
de la "violence légitime" ou de la "désobéissance civile".
Dans le prolongement de ce qui a été dit sur la sanction, il amènera
les élèves à mieux comprendre qu'il s'agit de préserver
le cadre démocratique et d'y réintégrer ceux qui en sont
sortis : aussi la riposte doit-elle être proportionnée à ce
but.
La sécurité routière fera l'objet
d'un développement plus précis, rappelant aux enfants les raisons
des consignes simples qu'ils doivent respecter à pied, à vélo
ou en voiture.
L'armée et la Défense nationale
doivent également être abordées à partir de quelques
perspectives simples propres à en révéler le sens et les
principales fonctions.
La notion de "communauté nationale" a été
indirectement approchée quand, cherchant la source ultime de la souveraineté
démocratique, on a montré qu'elle résidait dans le peuple.
Ce peuple et le pays qu'il habite doivent être préservés de
toute agression extérieure qui, par définition, constituerait une
atteinte à sa liberté.
Cela, les enfants le comprennent aisément.
En revanche, ils sont généralement choqués par la contradiction
entre les valeurs de non-violence qu'on leur demande de respecter et la cruauté
des guerres. Des exemples tirés de l'histoire aideront à leur faire
sentir que le fait même de s'indigner de toute agression justifie pleinement
que l'on résiste pour préserver sa liberté, si bien que les
personnes les plus opposées à la guerre admettent, dans certains
cas extrêmes, qu'elle puisse apparaître comme la seule possibilité.
Dans cette optique, la défense nationale vise
essentiellement à prévenir tout risque de guerre. Elle s'inscrit
dans un projet politique plus large destiné à assurer, autant que
faire se peut, la pérennité de la paix. La construction de l'Europe,
les traités internationaux, l'Organisation des Nations Unies y contribuent
de diverses manières (ce thème sera articulé avec la partie
correspondante du programme d'histoire et géographie).
La France est en paix depuis plusieurs décennies.
De ce fait, l'armée diversifie ses missions : sécurité publique
(opérations de secours, par exemple) ; soutien logistique à des
actions humanitaires...
Appendice sur les institutions de la République
Au cycle 3, les élèves doivent
se familiariser avec quelques éléments constitutifs de la
vie publique et quelques institutions de la République française.
Les développements qui suivent
précisent le sens général des principales notions qui
devraient être acquises par les élèves à la fin
de l'école primaire.
Il convient de ne pas multiplier les connaissances à enseigner dans
ce domaine difficilement accessible aux jeunes enfants : c'est pourquoi
le document propose de fixer des limites pour chaque item. Il ne s'agit
bien entendu pas de titres de leçons, la plupart des items devant
être abordés soit en relation avec d'autres champs disciplinaires,
notamment en histoire et en géographie, soit dans le cadre de situations
concrètes ou d'activités de projets collectifs, soit en relation
avec l'actualité. Ils seront simplement
traités comme des illustrations ou des prolongements des grands thèmes
définis plus haut.
Dans ces différents cas, les enseignants peuvent apporter des informations
complémentaires en réponse aux questions que se posent les
enfants. |
La France est une République
La France est une République
: c'est le peuple tout entier qui détient
seul la souveraineté.
Il la délègue mais ne saurait en abandonner une part à une
personne (un roi par exemple) ou à un groupe. Le principe de la République
française est le "gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple".
La France est une démocratie
car les citoyens sont libres de choisir par
leur vote ceux qui les représentent pour gouverner le pays : c'est ce qu'on
appelle le suffrage universel.
En 1848, tous les hommes de plus de 21 ans ont le
droit de vote. En 1944, les femmes l'obtiennent à leur tour. Depuis 1974,
les Françaises et les Français ont le droit de voter à partir
de 18 ans.
Pour définir la répartition des pouvoirs,
la manière dont ils sont contrôlés et les principes qui régissent
les élections, on se réfère à un ensemble de règles
écrites qui sont votées par le peuple : la
Constitution.
La Constitution actuelle a été adoptée par référendum
en 1958 : elle proclame l'attachement du peuple français à la Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
La République française comme tous les
pays du monde est représentée par un certain nombre de symboles
: le drapeau tricolore, l'hymne national (la Marseillaise), la fête nationale
(le 14 juillet), Marianne. La plupart de ces symboles ont leur origine dans la
Révolution de 1789. Ils ne peuvent être compris par les élèves
que si on leur en explique l'origine historique.
Les représentants du peuple
Le Président
de la République
Il est élu pour sept ans par tous les Français
en âge de voter. Il veille au respect
de la Constitution et, à ce titre, au
respect des droits fondamentaux de chaque citoyen. Il nomme le Premier
ministre et préside le conseil des ministres.
L'ensemble des ministres constitue le gouvernement
; le Premier ministre est le chef du gouvernement.
Le Président de la République dirige la France avec le gouvernement
Il partage avec ce dernier le pouvoir de faire exécuter les lois.
Limites : on n'abordera
pas les différents pouvoirs du Président de la République
; certains pourront être évoqués à l'occasion de questions
soulevées par l'actualité.
Le Parlement
Les députés
et les sénateurs
sont les représentants du peuple français.
Ils discutent et votent les lois qui doivent être respectées par
tout le monde. Ils examinent et votent chaque année le budget
de l'Etat, qui permet d'engager les dépenses
et de percevoir les recettes, et approuvent le montant des impôts.
L'Etat peut ainsi construire des routes, des hôpitaux, rémunérer
les fonctionnaires, etc. C'est la solidarité nationale. Les députés
et les sénateurs contrôlent la politique du gouvernement.
L'ensemble des députés composent l'Assemblée
nationale ; ils sont élus pour cinq ans
au suffrage universel, c'est-à-dire par tous les Français ayant
le droit de vote. L'Assemblée nationale et le Sénat
forment ensemble le Parlement.
Pour gouverner, le Premier ministre doit s'appuyer
sur une majorité à l'Assemblée nationale.
Limites : l'acquisition
de la notion de séparation des pouvoirs ainsi que du mode d'élection
des sénateurs est reportée au collège.
Le maire
et les conseillers municipaux
Il y a en France plus de 36 000 communes de tailles très variées.
Les habitants de la commune élisent les conseillers
municipaux tous les six ans. Ceux-ci élisent
le maire et ses adjoints lors de la première séance du Conseil municipal.
Le maire et le conseil municipal gèrent la commune qui est la plus ancienne
division administrative de la France.
Le maire assure de
nombreuses fonctions. Il représente la commune et veille à la sécurité
et à la tranquillité de tous les habitants. Il représente
l'Etat dans la commune : au bureau d'état civil de la mairie sont enregistrés
les mariages, les naissances et les décès. La commune a la responsabilité
de la création, de la construction, de l'équipement et de l'entretien
de l'école.
Chaque année, le conseil municipal vote le
budget de la commune qui fixe les dépenses et les recettes et permet la
réalisation de la politique communale.
De plus en plus, les communes sont conduites à
s'associer et à réunir leurs moyens pour se développer et
améliorer la vie de leurs habitants (transports, distribution de l'eau,
traitement des déchets, regroupement scolaire...).
Le fonctionnement de la justice
La justice est chargée de faire respecter les
droits et les devoirs de chaque individu, qu'il soit français ou étranger
: elle doit respecter les Droits de l'Homme et du citoyen et elle arbitre au nom
de la loi. La justice intervient pour régler les désaccords et les
conflits entre les individus et sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi.
L'ensemble des règles que fait appliquer la
justice est contenu dans des livres ou codes : le Code civil qui précise
le droit des personnes, le Code pénal qui fixe les amendes et les peines
prévues quant un délit ou un crime sont commis, le Code de la route.
Les juges sont indépendants : ils se prononcent
en fonction des lois mais adaptent les règles de droit à chaque
situation particulière pour parvenir à une décision juste
et équitable.
Toute personne a le droit d'être défendue
en faisant appel à un avocat : "tout homme est présumé innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable".
Limites : on n'abordera
pas les différents types de juridiction et de tribunaux, ni les distinctions
entre les magistrats : l'organisation de la justice sera traitée en 4ème.
Le service public
Certains services que l'on rend à tous les
individus, qu'ils soient citoyens français ou non, correspondent à
des droits fondamentaux de l'homme. L'Etat veille à garantir l'égalité
des droits dans l'accès à ces services, soit en s'assurant que les
entreprises privées y pourvoient, soit en en assumant la charge au nom
du principe de solidarité, grâce aux impôts et aux cotisations
que verse l'ensemble de la population. Parmi ces services
publics, on peut citer en particulier l'école
gratuite et obligatoire qui assure le droit
de tous, Français et étrangers, à l'éducation et la
Sécurité sociale
qui assure la protection de tous face aux maladies et aux accidents.
L'étendue des services publics est plus ou
moins importante selon les pays. En France, ils concernent non seulement l'école
et la santé mais aussi les transports ferroviaires, la lutte contre les
incendies (pompiers), la distribution du gaz et de l'électricité,
la poste, la météorologie nationale...
Limites : on se limitera
à l'étude d'un seul service public, l'école, en évoquant
son organisation, le contexte historique (l'école de la République
devient gratuite, laïque et obligatoire à partir de 1881-1882)
et les liens que l'école entretient avec la commune ; on n'abordera pas
le problème du coût des services publics.