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Bulletin Officiel
de l'Education Nationale 

Spécial N°7 du 26 août

1999

www.education.gouv.fr/bo/1999/special7/civ.htm - vaguemestre@education.gouv.fr




ÉDUCATION CIVIQUE (cycles 2 et 3)


Objectifs et recommandations générales aux cycles 2 et 3

L'éducation civique est aujourd'hui en débat : on s'accorde généralement sur la nécessité de revaloriser le sens de la vie commune et de ses règles mais les avis s'opposent quant aux meilleurs moyens d'y parvenir. Certains maîtres trouvent rébarbative cette partie du programme, d'autres s'efforcent d'en accroître l'efficacité par une diversification des thèmes et des types d'activités proposés aux élèves.
On a tenté, dans le document consacré à ce volet du programme, d'aborder les difficultés inhérentes à un tel projet : détailler les étapes qui permettent aux élèves d'enrichir et de remodeler leurs représentations spontanées en s'appropriant progressivement des réflexions, des attitudes, des notions ou des valeurs plus pertinentes ; justifier le choix de quelques connaissances et compétences-clés qui garantissent le sens et la continuité des apprentissages ; préciser, à cet égard, les rôles respectifs du cycle 2 et du cycle 3.
Le souci d'être utile en refusant les ambiguïtés d'une présentation allusive explique la longueur de certains passages. Selon les intérêts et l'expérience de chacun, tout n'apparaîtra pas d'égale importance. Mais on a voulu donner l'ensemble des repères nécessaires à ceux qui s'interrogent sur le sujet.
L'un des objectifs principaux de l'éducation civique est de revaloriser la civilité (dans ses manifestations concrètes) et la politique (au sens élevé du terme). Elle est particulièrement nécessaire dans les périodes où ces formes du lien social semblent ne plus aller de soi ni suffire par elles-mêmes à inspirer le respect : écoles gagnées par la violence ; désaccords persistants sur la bonne manière d'exercer l'autorité ; apparente désaffection pour ce qui touche l'intérêt général ou la conduite des affaires publiques.

Trois grands objectifs en découlent :
donner aux enfants les repères qui leur permettront de savoir comment se comporter avec autrui et d'acquérir, si ce n'est déjà fait par ailleurs, le sens des valeurs fondamentales qui traduisent le respect de la personne humaine ;
amener les élèves à mesurer l'intérêt des projets collectifs et à s'y investir (ce qui suppose qu'on leur fasse acquérir les moyens d'expression et d'argumentation adéquats) ;
éclairer par ces activités une première approche de l'organisation politique et judiciaire de notre pays (enjeux essentiels ; institutions majeures ; principaux droits et devoirs ; réflexion sur l'élaboration d'une loi et le déroulement d'un procès, à partir d'exemples simples prolongeant une application ou un "jeu de rôles" au sein de la classe).

S'approprier les valeurs
Les orientations qui suivent visent à faciliter la solution du problème central que rencontre aujourd'hui l'éducation civique : chacun sait que les "leçons de morale" relèvent la plupart du temps d'un genre peu efficace, les élèves ne tirant aucune conséquence pratique des notions étudiées même, paradoxalement, lorsqu'ils se montrent capables de les appliquer aux règlements qu'ils proposent eux-mêmes pour la classe. Toute la difficulté tient au choix d'exemples et d'activités assez parlants pour que les élèves ne se bornent pas à y repérer les valeurs, règles ou conventions abordées, mais saisissent en quoi elles les concernent personnellement au point d'éprouver le besoin de s'en inspirer dans leur vie quotidienne. On sait aussi combien, à l'opposé, la formule des "cours de droit constitutionnel pour enfant" est inadaptée à ce stade. Il faut donc éviter ces deux écueils qui, malheureusement, hypothèquent encore les programmes en vigueur.
Expression et argumentation
L'école se contredirait si elle se bornait à exiger l'obéissance des élèves quand elle prétend encourager leurs initiatives, accentuer la part qu'ils prennent dans la construction de leurs savoirs, etc. Mais cela ne signifie pas qu'on ne puisse rien imposer sans débat. L'essentiel est que l'on aide les enfants à s'approprier progressivement les valeurs et les règles, à en user de manière active, à les adapter le cas échéant. L'expression et l'argumentation prennent là toute leur importance.
Le travail de l'expression, centré sur l'individu, permet à chacun de mieux dire "ce qu'il a sur le coeur" et d'avoir une écoute plus attentive de ce que proposent les autres (par rapport auxquels il apprend à se situer). L'exercice de l'argumentation, tourné vers le collectif ou l'universel, vise à sélectionner et mettre en forme les raisonnements les plus convaincants pour autrui. Encore insuffisamment développé dans l'enseignement actuel, il doit trouver une place privilégiée à l'école, notamment dans les cours d'éducation civique.
Le réel et l'idéal
Une autre condition pour rendre tout son sens à l'éducation civique est de rompre avec toute présentation "angélique", soit que l'on s'appuie sur des exemples "trop beaux pour être vrais", soit que l'on gomme les constructions susceptibles de compliquer les choix ou de révéler l'ambiguïté de certaines décisions.
Le fait que la réalité ne se confonde pas avec l'idéal, voire s'oppose à lui, ne constitue pas une objection contre celui-ci. Les inégalités réelles n'invalident pas l'idéal de l'égalité, ni les vols l'idéal de l'honnêteté. L'écart n'est pas ici sans valeur : c'est au nom de l'idéal que l'on critique le réel et que l'on projette de le transformer. Encore faut-il que cette tension ne paraisse pas incompréhensible ou inexistante, à force d'impasses sur les problèmes concrets qui sont la pierre de touche de l'éducation civique : comment réduire la violence au sein de l'école ou dans une commune quand la morale, les arguments rationnels, les règlements ne suffisent pas ? Que faire lorsque certains enfants deviennent les souffre-douleur d'une classe ? A quelles conditions l'inégalité des richesses est-elle conciliable avec l'équité ? Pourquoi certaines transgressions sont-elles moins graves que d'autres ? Quel est le sens de la sanction ? etc. Les thèmes ne manquent pas qui permettent de hiérarchiser les valeurs et les moyens de les mettre en oeuvre dans des situations dont les enfants comprennent aisément les principaux enjeux. Ce sont les questions qu'il faut ici faire comprendre, davantage que les réponses qui dépassent souvent les possibilités de compréhension des enfants de cet âge.
Cette mise en perspective gagnerait également à s'appuyer sur ce que les autres champs disciplinaires y révèlent plus spécifiquement. Par exemple : le sens du combat et de la violence régulés en éducation physique ; la pérennité de l'aspiration à la justice et l'évolution des valeurs qui l'incarnent, en histoire ; la sublimation, dans bon nombre d'oeuvres notamment littéraires ou cinématographiques, de conduites qui ne seraient pas acceptées dans la vie quotidienne, etc.
Mais la volonté de ne pas se réfugier dans une abstraction vague doit encore se manifester de deux manières. D'une part, les enfants doivent être informés de leurs droits et des recours concrets auxquels ils peuvent faire appel lorsqu'ils sont menacés (3)
. D'autre part, l'école doit fixer avec les élèves des repères stables et équitables. Parmi ceux-ci, figure au premier chef l'exemple donné par le maître : sa civilité, son souci de la paix dans l'établissement, mais aussi toute l'écoute qu'il accorde, l'attention qu'il met à donner les clés de ses évaluations, la clarté de ses explications sont autant de manifestations des valeurs que l'école s'efforce de transmettre.

Principes de progression
Au cycle 2, les élèves commencent à s'approprier les principales règles de la vie commune, à en dégager les valeurs plus fondamentales de liberté et d'égalité, à prendre des responsabilités ; ils apprennent à débattre efficacement de sujets d'importance collective ; ils réfléchissent sur les exigences en partie différentes des maîtres ou sur des marques de civilité qui changent d'un pays ou d'une époque à l'autre.
Ce travail se poursuit et s'approfondit au cycle 3 pour s'élargir progressivement aux Droits de l'Homme et à l'étude des formes d'organisations ou des modes d'action les plus caractéristiques en matière de justice et de politique.
Ces acquis, nécessaires en eux-mêmes, sont un préalable indispensable à l'enseignement plus systématique qui sera proposé au collège.
Dans tous les cas, la réflexion, l'explication, l'apport de connaissances doivent se développer en liaison étroite avec des activités ou des situations concrètes, des exemples tirés de l'actualité ou des récits débattus au sein de la classe.


(3) Rappel : La circulaire "Lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats" (C. n° 98-194 du 2 octobre 1998), parue au B.O. hors série n° 11 du 15 octobre 1998, définit des mesures spécifiques pour renforcer la sécurité dans les établissements, la conduite à tenir face aux situations de violence, le cadre partenarial et fournit un guide pratique des approches partenariales en cas d'infractions dans un établissement scolaire.



CYCLE DES APPRENTISSAGES FONDAMENTAUX (cycle 2)

Dans le prolongement des activités menées au cycle 1, les élèves apprennent à adapter leurs comportements aux principales situations relevant de la civilité ou de la participation à des projets collectifs.

Ils découvrent à quoi servent certaines des conventions ou exigences qui régissent les rapports interindividuels et les relations au sein d'un groupe. C'est l'occasion d'une première approche, appuyée sur l'expérience concrète, des valeurs constitutives de la personne et de la dimension politique, au sens large, inhérente à l'existence humaine. On dégagera, dans cette perspective, le caractère plus fondamental des valeurs de liberté et d'égalité, en partant du constat de quelques inégalités factuelles dont elles nous font obligation de limiter les conséquences injustes : les élèves participent volontiers à la réflexion sur ce thème auquel ils sont particulièrement sensibles. La construction de ces repères permet d'aborder avec la précision souhaitable les questions de l'autorité et de la sanction, si présentes dans la vie ou les représentations des élèves : qu'est-ce qui justifie l'autorité ou la sanction et qu'est-ce qui, au contraire, peut les rendre injustes ?
Toutes les parties du programme doivent être abordées de manière concrète, en relation directe avec les projets menés en classe, les situations vécues ou les exemples rencontrés. A cet égard, il faut tirer parti de la relativité de certaines conventions qui ne manque pas d'étonner sinon de choquer les enfants : pourquoi les marques de politesse varient-elles en partie d'un pays à l'autre ? Pourquoi, en dépit d'exigences communes, les maîtres n'exercent-ils pas leur autorité de la même manière ? Quelles aspirations constantes se font jour au travers de ces modalités chaque fois particulières ?
C'est donc d'un même mouvement que les élèves sont amenés à prendre des responsabilités, à s'exprimer, à argumenter et à mieux se situer par rapport aux règles de la vie commune.

La vie commune


L'approche de la civilité

Le maître recense avec les élèves les principales règles qui ont trait à la civilité : marques de politesse ; attitudes favorisant de meilleurs rapports interpersonnels ; conduites adaptées aux statuts de chacun des interlocuteurs ou aux types de relations qu'ils entretiennent...
On s'interroge alors sur leur sens et leur utilité. Dire bonjour, ne pas mettre les pieds sur la table, ne pas couper la parole, ne pas agresser les gens, chercher à comprendre le point de vue de l'autre : qu'elles touchent à la pacification des moeurs, à l'hygiène ou à la considération pour les personnes, toutes ces règles manifestent, à des degrés divers, un respect mutuel. Elles méritent d'être hiérarchisées : la part que chacune réserve aux valeurs fondamentales et aux conventions diffère ; le respect qu'elles expriment est plus ou moins profond selon les qualités humaines dont il fait cas.
Cette réflexion sur les règles trouvera un prolongement au cycle 3 : n'ont-elles pas, parfois, un caractère excessivement artificiel ? Certaines ne manquent-elles pas leur but ? Quand peut-on s'en passer et quand deviennent-elles indispensables ? Il est d'ailleurs aisé de comprendre qu'un minimum de convention est inévitable : faute de quoi, les marques de politesse, qui condensent dans une attitude symbolique les égards que nous manifestons à autrui, ne seraient pas comprises.
En prolongement de cette réflexion, on s'arrêtera sur quelques exemples montrant que les expressions de la civilité diffèrent selon les pays, les lieux, les milieux. On invitera les élèves à trouver par eux mêmes de tels exemples. Ainsi, certaines cultures prescrivent d'éviter de croiser le regard d'un interlocuteur quand d'autres recommandent de "le regarder dans les yeux" : il s'agit toujours de faire preuve de respect, de montrer à autrui qu'on le tient pour un alter ego ; mais dans le premier cas, c'est en renonçant à une attitude qui pourrait paraître arrogante tandis que, dans le second cas, on veut témoigner de l'intérêt exclusif et sans arrière-pensée que l'on porte, le temps d'un échange verbal, à son vis-à-vis.
Une première approche de la dimension politique à partir d'exemples tirés des expériences scolaires des élèves
A côté des règles qui concernent les rapports interindividuels, il faut envisager celles qui s'appliquent aux groupes ou aux projets collectifs, notamment à l'école. On établira ainsi une première représentation des enjeux et des exigences de la vie en société, fondée sur les expériences concrètes des élèves. La démarche reprend les principes adoptés à propos de la civilité. On se contentera donc d'en indiquer les grandes articulations.
Le maître recense avec les élèves les principales règles de la classe : exigences propres au travail scolaire, dans son fond (attention, effort) ou dans sa forme (soin, présentation) ; conduite des débats ; respect des consignes ; rapports avec l'enseignant, avec les adultes qui interviennent dans l'école, avec les autres enfants de l'établissement ; participation à des projets collectifs, etc.
On s'interroge alors sur leur sens et leur utilité. Elles ont essentiellement pour but de rendre possible ou de faciliter la tâche éducative de l'école. On fait silence pour que le maître ou les élèves qui doivent prendre la parole soient entendus de tous. On met de l'ordre dans les débats afin qu'ils aboutissent à des conclusions raisonnées. On se conforme à une organisation du travail qui répond autant que possible au souci de donner à chacun les meilleures chances de progresser...
Comparer les exigences de différents maîtres ou les règlements de plusieurs écoles n'est pas moins enrichissant : il en ressort, à la fois, des préoccupations fondamentales communes et des modalités dissemblables qui mettent l'accent sur tel ou tel aspect de l'éducation selon les caractères, les intentions, les situations. On peut alors mieux distinguer les choix aisément amendables et les contraintes nécessaires.
De tels constats doivent bien évidemment s'inscrire dans un projet concret. En effet, c'est en amenant les élèves à assumer des responsabilités, à prendre une part active dans la réalisation de projets qu'on les aide à comprendre le sens des règles, à les interpréter en fonction de leurs intentions ou des situations, à les hiérarchiser. Or, les contraintes sont en partie différentes selon qu'on participe à une activité scientifique, un "défi lecture", un spectacle, un journal scolaire, une rencontre sportive, ou qu'on intervienne sur le règlement de la classe. Souvent, les premières contributions des élèves au règlement posent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent : règles excessivement contraignantes ou sévères, inadaptées donc peu respectées, voire contre-productives. C'est une excellente occasion d'approfondir la réflexion, d'apprendre à concilier des intérêts divergents, à hiérarchiser les fins que l'on se propose ou les valeurs que l'on défend.
Le travail ainsi accompli sur le sens des projets collectifs et les contraintes inhérentes aux communautés humaines fournit un ensemble de notions à partir desquelles on pourra répondre de manière simple et ponctuelle aux questions que les enfants commencent à se poser sur le rôle du président de la république, du gouvernement, des députés, du maire. Mais c'est au cycle 3 qu'une première approche systématique, quoiqu'encore très simple, du domaine politique sera proposée.

Libres et égaux "en droit"

Les enfants se font généralement une idée caricaturale ou contradictoire des valeurs de liberté et d'égalité qui les pousse aussi bien à s'indigner de la moindre apparence d'inégalité qu'à mettre en avant n'importe quel détail susceptible de marquer leur supériorité. On abordera donc plus efficacement les notions de liberté et d'égalité formelles à partir des inégalités sociales ou naturelles : il s'agit de montrer que, malgré de grandes différences de fait, en droit, chacun se retrouve ou devrait se retrouver à égalité devant la loi.
Les enfants repèrent facilement les marques d'inégalités : inégalités de richesses, quartiers plus ou moins favorisés, vêtements à la dernière mode ou non... Selon les sensibilités et les situations, ils peuvent juger ces inégalités acceptables ou révoltantes : c'est l'occasion de mettre en perspective les arguments des uns et des autres. Ce cadre une fois posé, on montrera que, dans une société démocratique, ces inégalités de fait ne donnent pas accès à des droits différents : riches ou pauvres, les mêmes lois s'appliquent également à tous, nul ne dispose de plus d'une voix pour élire nos représentants, aucun automobiliste ne peut "franchir la ligne jaune" (sauf s'il assure un service lié à la sécurité publique ­ police, ambulances, etc.) Certes, des passe-droits existent mais ils n'en demeurent pas moins choquants et illégitimes.
Il en va de même s'agissant des différences naturelles : chacun a les mêmes droits, quelle que soit sa taille, sa force, la couleur de sa peau, etc.
La conduite du débat avec les élèves doit leur faire prendre conscience de la tension entre le fait et le droit : le droit permet de juger les dérives, d'en limiter les conséquences, de réguler les conflits ; mais il ne suffît pas à prévenir tout risque qu'ils ne se manifestent à nouveau. S'il n'est, bien entendu, pas question de s'adresser en ces termes à des enfants, il n'est cependant pas impossible de leur faire appréhender l'idée au moyen d'exemples : qui n'a jamais eu, même un court instant, la tentation de rejeter quelqu'un sans même le connaître, simplement parce que certains l'ont déjà exclu, que ses manières surprennent ou que son quartier est mal vu ? L'égalité en droit nous oblige simplement à refreiner ou, mieux, à dépasser ces réactions spontanées afin qu'elles ne nous entraînent pas à remettre en cause l'égale dignité de chacun et les droits fondamentaux qui s'y attachent.

L'autorité et la sanction

Quand un individu ou un groupe cherche, par la force, la ruse ou le pouvoir de la richesse, à transgresser les règles qui assurent la liberté et l'égalité de tous, il faut nécessairement s'y opposer pour rétablir l'équité. Mais il est impossible que chacun s'arroge à tout moment le droit de rétablir la justice par n'importe quels moyens : la menace de guerre civile serait permanente. C'est pourquoi certaines personnes sont investies de l'autorité qui leur permet de s'opposer à de telles transgressions. Toutefois, elles ne peuvent user de la force et des sanctions que dans la stricte limite des interventions indispensables pour rétablir la liberté et l'égalité garanties par le respect des règles de la vie commune. Tel est en principe le cas lors des procédures de justice ou des actions de police.
L'autorité des parents (ou des tuteurs) et des enseignants sur les enfants répond à une autre préoccupation : pour devenir pleinement libres et responsables, les enfants doivent recevoir une éducation ; c'est pourquoi les adultes qui sont chargés de la leur donner ont vis-à-vis d'eux des devoirs spécifiques et une autorité particulière.
Les liens de famille tiennent d'abord à l'amour, tandis que le contrat scolaire repose sur la connaissance et les valeurs communes. Aussi l'autorité ne s'exerce-t-elle pas de la même manière dans les deux cas. A l'école, elle ne vaut que dans la mesure où elle favorise les progrès de tous en matière de connaissance et promeut les valeurs d'égalité et de liberté. Les enfants étant très sensibles à l'injustice, on réfléchira avec eux, si on le juge possible, à ce qui distingue une juste autorité d'un autoritarisme abusif.
L'autorité juste est celle qui contribue à l'épanouissement de l'individu dans le respect des valeurs d'égalité et de liberté. A contrario, est injuste toute autorité qui vise à assurer le pouvoir de celui qui l'exerce au détriment de l'un au moins de ceux auxquels il l'impose : c'est donc à bon droit que l'on condamne l'humiliation, les attaques personnelles, les abus de pouvoir...
La sanction pose des problèmes nouveaux dans la mesure où l'école s'efforce de "donner du sens" à toutes les activités qu'elle propose. Or la sanction punit des transgressions qui, précisément, tendent à briser le cadre où ce sens peut se manifester. Elle a donc toujours deux aspects : d'un côté, elle oppose une contrainte à un coup de force et, par là, elle se voit obligée de rompre momentanément avec le type de rapports que l'école valorise ; mais, de l'autre côté, elle ne fait ce détour que pour restaurer le plus vite possible l'exigence de signification à laquelle elle reste, par conséquent, attachée.
C'est pourquoi il est sans doute vain de chercher à déguiser les sanctions en "exercices complémentaires" : car cela, tout à la fois, déprécie le travail scolaire et dévalorise la punition. Il vaut probablement mieux que la sanction (dont chacun souhaite, à juste titre, qu'elle soit aussi rare que possible...) apparaisse pour ce qu'elle est : mais cela suppose que le contraste soit manifeste avec l'intérêt des activités pédagogiques proposées en temps normal à l'élève, les responsabilités qu'on l'invite à prendre, la pertinence des perspectives qu'on lui ouvre, l'écoute attentive qu'on lui accorde. Car, dans une école qui entend valoriser le sens, l'exigence de civilité, d'attention, de curiosité ne prend force que par la réciprocité.



CYCLE DES APPROFONDISSEMENTS (cycle 3)


Au cycle 2, les élèves ont réfléchi aux règles de la civilité, aux exigences et aux valeurs de la vie collective. Ils ont compris pourquoi les différences naturelles ou la position sociale ne créent aucun droit et ont découvert, à cette occasion, la portée des idéaux de liberté et d'égalité. Ils ont été conduits à prendre des responsabilités dans diverses activités où ils ont pu réinvestir et approfondir ces repères. Ils ont ainsi acquis une première notion des valeurs constitutives de la dignité de la personne humaine et ont perçu l'importance des projets collectifs pour l'amélioration des conditions d'existence de chacun.

Ils peuvent alors tirer profit d'une approche rapide des Droits de l'Homme, puis d'une présentation synthétique de quelques principes fondamentaux de la vie démocratique : le suffrage universel ; la "fabrication" de la loi ; un exécutif qui propose et conduit les grands projets de réforme de la société. Ils découvrent également quelques traits spécifiques de la procédure et de la décision judiciaire : comment, par exemple, le jugement arbitre entre l'accusation et la défense.
Ces quelques aspects fondamentaux de la vie politique et du fonctionnement de la justice seront traités de manière concrète en liaison étroite avec des activités menées au sein de la classe. Pour comprendre, par exemple, les principes essentiels de l'activité législative (recherche de l'intérêt général, loi de la majorité, etc.), les élèves seront invités à proposer des projets qui seront débattus, puis soumis au vote avant d'être mis en oeuvre. Les rôles et les responsabilités seront clairement partagés entre les élèves. On disposera ainsi d'une sorte de modèle pour mieux comprendre le sens des principales institutions nationales ou locales. Dans la même perspective, on demandera aux enfants de mettre en scène un procès, sous forme de "jeu de rôles". Ces activités seront l'occasion d'aborder franchement les formes de violences qui peuvent toucher les élèves ainsi que les meilleures façons d'y faire face.
Une fois cette base solidement assurée, on pourra avec profit présenter schématiquement les grandes institutions et les dispositions fondamentales de la République, puis enrichir ce cadre en traitant de la sécurité et des services publics. Cette progression vise à respecter les étapes qui permettront aux élèves de se repérer parmi ces questions complexes en évitant un excès d'abstraction.

Les Droits de l'Homme


De l'abolition des privilèges aux Droits de l'Homme

On a vu, au cycle 2, que la force, la richesse, l'origine sociale... ne donnent pas de droits. C'est le sens même de "l'abolition des privilèges" : en 1789, au moment de la Révolution française, l'Assemblée nationale supprime, dans la nuit du 4 août, tous les privilèges, notamment ceux de l'aristocratie et du clergé. Elle vote, le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui proclame, dans son article premier, que "tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" et, dans son article 4, que "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui".
Les élèves découvrent ainsi que cette conception du droit (dont un simple échange d'arguments leur avait permis de retrouver le sens au cycle 2) n'a pu s'imposer qu'à un moment précis de l'histoire où se jouait l'instauration d'une société fondée sur l'idéal démocratique.
Ici l'éducation civique éclaire la compréhension que les élèves se forgent de l'histoire et réciproquement. C'est pourquoi on gagnera à aborder la question des Droits de l'Homme en associant les deux disciplines.
Les Droits de l'Homme et ce qu'ils signifient
Sans analyser systématiquement chacun des articles, le maître rappelle quelques-uns des principaux droits mentionnés dans la Déclaration : on s'arrêtera, en particulier, sur la liberté d'opinion, la liberté de religion, la liberté d'information, la liberté de circulation et le droit de propriété. On montre qu'ils visent à garantir l'exercice de la liberté et de l'égalité en même temps qu'ils en traduisent les idéaux.
On fera chaque fois ressortir l'aspect particulier de l'existence humaine qu'il s'agit de défendre. On montrera à quels abus ces droits s'opposent. On évoquera, par quelques exemples, la difficulté de trouver un équilibre satisfaisant où les contraintes soient minimales sans que pour autant la liberté des uns puisse nuire à celle des autres : la publication d'un journal scolaire offre une bonne occasion d'approcher les conflits qui peuvent surgir entre la liberté d'opinion ou d'information des rédacteurs et les droits des personnes mentionnées dans les articles.
À propos de la liberté d'opinion et de religion, on abordera la question de la laïcité qui en est un prolongement. L'Etat n'impose ni religion ni croyance officielle : chacun est libre de croire ce qu'il veut pourvu que cela ne nuise pas à autrui (c'est pourquoi l'apologie du crime ou du racisme est condamnée par la loi). La laïcité permet donc la coexistence pacifique des religions et croyances.
L'extension universelle des Droits de l'Homme
Le maître souligne que la Déclaration des Droits de l'Homme instaure un changement radical dans l'histoire des libertés ; il veille à ce que les élèves comprennent que ces droits sont proclamés comme universels et valables pour tous. Il convient également de montrer que l'énoncé et l'affirmation des Droits de l'Homme n'ont pas suffi à ce qu'ils soient immédiatement respectés. Ils ont été, depuis la Révolution française, en France et dans le monde, l'objet d'une lutte et d'une conquête qui se poursuit encore aujourd'hui. Chacun est responsable de leur défense et de leur progrès. C'est l'occasion de souligner que les droits impliquent aussi des devoirs.
En relation avec le programme d'histoire, on évoque les périodes pendant lesquelles ils ont été niés ou violés (la Terreur, le rétablissement de l'esclavage par Napoléon, la deuxième guerre mondiale...). Malgré ces difficultés, leur mise en oeuvre et leur extension ont été progressives (suffrage universel en 1848, vote des femmes en 1944, Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948...). En France, le préambule de la Constitution de 1958 réaffirme l'attachement de la République à la Déclaration de 1789 dont les valeurs fondent nos institutions.
Les discriminations, comme le racisme par exemple, et les violences sont interdites parce qu'elles sont contraires aux Droits de l'Homme et à la valeur de dignité et de respect de toute personne humaine. Mais on constate encore aujourd'hui, dans de nombreux pays, de graves atteintes aux Droits de l'Homme, qui pourront être abordées à travers le programme de géographie et l'actualité (tortures, travail des enfants, inégalités entre hommes et femmes). On montrera que ces atteintes factuelles n'invalident pas la valeur des principes, tout au contraire.
Sans entrer dans la lecture de la Convention Internationale des Droits de l'enfant de 1989, on veillera à ce que les enfants soient avertis de leurs droits et des recours dont ils disposent lorsque ceux-ci sont bafoués : les indications données sur ce thème au cycle précédent doivent être approfondies et adaptées à l'autonomie et la maturité accrues des élèves du cycle 3.
On pourra remarquer, en outre, que les Droits de l'Homme continuent d'étendre leurs effets dans des directions nouvelles ; l'action humanitaire en est un exemple qui étend au monde entier et aux populations civiles l'inspiration d'Henri Dunand : aider toutes les victimes, quel que soit leur camp.
Limites : seule la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est abordée à l'école primaire. Les autres textes fondamentaux peuvent sans doute être évoqués (Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et la Convention Internationale des Droits de l'enfant de 1989) mais ils seront étudiés en classe de 6ème.

L'idéal démocratique


Avant d'aborder les aspects institutionnels ou l'organisation de la vie publique, il est essentiel que les élèves appréhendent clairement les principes et les modes d'actions propres aux domaines politique et judiciaire. Les enfants ont, en effet, le plus grand mal à se représenter, même approximativement, le rôle du président de la République, du gouvernement ou des députés. En général, ils conçoivent le pouvoir comme absolu ; de ce fait, ils tendent aussi à en confondre les niveaux d'exercice, comme si la même personne allait arrêter les bandits à la force de ses poings, conduire les affaires publiques... et doubler les parts de gâteaux dans les cantines ! Or, les définitions traditionnelles des trois "pouvoirs" ne les aident guère à clarifier leurs idées, tant elles sont formelles et paraissent éloignées de la pratique réelle des institutions en France comme dans les autres pays démocratiques. Ainsi quand on se contente de dire que le pouvoir législatif fait les lois tandis que le pouvoir exécutif les applique, les enfants en retirent l'impression fausse que le président et le gouvernement sont réduits à être de simples exécutants, voire des juges responsables de l'application de la loi! Si l'on veut que les élèves aient une vision moins confuse de ces questions, il faut leur fournir des repères plus directement applicables.
Le suffrage universel
Dès le cycle 2 et tout au long du cycle 3, les classes ont régulièrement l'occasion de débattre de divers projets : il n'est pas rare que les propositions en présence appellent un choix par le vote. On fait alors comprendre et respecter les principes ou dispositions qui garantissent la validité du scrutin : tous les enfants de la classe ont le droit de voter, chacun dispose d'une voix et vote à bulletin secret. Par ailleurs, le maître amène chacun à réfléchir sur les choix qui peuvent légitimement faire l'objet d'un vote et ceux qui ne le peuvent pas. Enfin, le vote doit avoir été préparé par une présentation claire des choix, un échange public d'arguments, voire par une "mini-campagne".
Mais il va de soi que les élèves n'ont aucun pouvoir sur toutes les dispositions légales ou réglementaires qui régissent l'école ; au reste, même les initiatives qu'on les incite à prendre demeurent sous la responsabilité du maître. On les conduira donc à se demander qui a décidé de ce cadre, qui a nommé ceux qui en ont décidé, etc., de manière à leur faire approcher le problème de la source de la souveraineté.
On pourra alors présenter simplement le principe de la souveraineté du peuple et celui du suffrage universel (voir, plus bas, les définitions qui en sont données au début du développement consacré aux institutions).
La "fabrication" de la loi
Le respect des valeurs de liberté et d'égalité implique que la loi soit égale pour tous. De ce fait, elle doit s'appliquer à un grand nombre de situations particulières et pouvoir être acceptée par des personnes de sensibilités très différentes. En ce sens, la loi représente un mode d'action très spécifique.
Si l'on veut que les élèves comprennent ce qu'est une loi, ce qui la distingue de toute autre forme de décision ou d'injonction, ce qui en fait la valeur, il faut s'appuyer sur les activités scolaires qui relèvent d'une démarche voisine. C'est le cas lorsque les enfants sont encouragés à modifier le règlement intérieur de la classe ou de l'école (dans cette dernière hypothèse se pose en outre le problème de l'élection des représentants). En se fondant sur les acquis du cycle 2, il s'agit au cycle 3, d'aider les enfants à anticiper les modes de relation qu'ils souhaitent établir, les effets que leurs propositions peuvent induire, la manière dont elles risquent d'être reçues par ceux qui s'y opposent. Les enfants seront ainsi conduits à trouver des règles plus justes, plus respectueuses de la liberté de chacun, plus efficaces. Le cas échéant, ils les modifieront pour obtenir des majorités plus larges. Ils pourront éventuellement s'organiser en partis, animer une "campagne". Ils apprendront ainsi, au passage, les principes fondamentaux de l'argumentation.
Ces activités et la réflexion qui les accompagne serviront alors de repères pour analyser, sur un exemple simple, les grandes étapes de la fabrication d'une loi de la République.
Le pouvoir politique exécutif
Le pouvoir politique exécutif "n'applique pas la loi" (il faut ici soigneusement éviter la confusion si fréquente avec le pouvoir judiciaire) mais définit les grands projets de réforme de la société. Celles ou ceux qui exercent ce pouvoir le tiennent des électeurs, soit directement (une majorité ayant voté pour eux), soit indirectement (lorsqu'ils sont nommés par une personnalité ou des représentants élus). À intervalles réguliers, les électeurs sont appelés à se prononcer à nouveau. Les détenteurs du pouvoir exécutif doivent donc tenir compte des aspirations des citoyens et les convaincre de l'intérêt des réformes qu'ils proposent.
Ici encore, il est souhaitable de s'appuyer sur des activités où les enfants sont conduits à élire des représentants et à assumer des responsabilités, avec une marge d'autonomie suffisante pour qu'ils aient à faire preuve d'initiative.
Tous les élèves doivent comprendre qu'ils confient une responsabilité (un mandat) à leurs représentants. En contrepartie, les représentants ont le devoir de leur rendre compte. Ils exercent une véritable responsabilité identifiée et reconnue par tous. Leur élection se prépare par une réflexion collective sur les objectifs et les différentes tâches à accomplir : fonctions des futurs élus, façon de les désigner.
Limites : il s'agit d'une initiation. Les représentants de classe à l'école primaire n'ont pas le statut des délégués du collège.
En comparant l'analyse de ce type d'activité à un exemple de réforme politique, les élèves découvriront la nécessité et la grandeur de l'action politique ainsi que ses traits les plus caractéristiques dus à la complexité des situations qu'il lui faut gérer et à la diversité des sensibilités qu'elle doit concilier.
La justice
S'agissant de la justice, on insistera principalement sur deux points.
Il serait évidemment inique qu'un juge puisse modifier la procédure selon son humeur ou, pire, condamner quelqu'un au nom d'une règle qu'il inventerait au cours du procès. La justice doit donc s'appuyer sur une loi qui définisse les droits, les devoirs, les interdits et les peines qu'encourent ceux qui se rendent coupables de transgression. Le juge est tenu d'appliquer la loi que nul n'est censé ignorer (sinon, précisément, la justice ne pourrait s'exercer). Mais la loi, on l'a vu, est un cadre général destiné à s'appliquer à de nombreuses situations. Or le cas qu'examine le juge est toujours particulier, ce qui revient à dire qu'il ne se réduit jamais complètement à ce que décrit la loi. C'est pourquoi le juge doit interpréter les lois pour mieux tenir compte de la spécificité des affaires sur lesquelles il doit se prononcer (circonstances atténuantes, etc.).
Souvent, dans les procès, on dispose d'un faisceau d'indices concordants mais non d'une preuve certaine de la culpabilité des personnes que l'on doit juger (et même lorsqu'il y a "flagrant délit", il reste la part obscure des intentions). En outre, les intérêts opposés des accusateurs et des accusés les poussent à donner des versions contradictoires des faits. La procédure judiciaire prend acte de ces données et, pourrait-on presque dire, les "met en scène" pour mieux permettre au juge ou aux jurés de "peser le pour et le contre". Ainsi le procureur accuse (au nom de la société civile qu'il a pour rôle de défendre), l'avocat défend son client et le juge ou les jurés arbitrent (au nom de la loi et compte tenu des preuves, témoignages et justifications qui leur ont été présentés).
Avec des enfants de cet âge, ces perspectives doivent être dégagées à partir d'une situation concrète. On peut s'appuyer sur un texte théâtral ou une fiction cinématographique ; toutefois, il serait encore préférable d'aborder ces questions à l'occasion d'un "jeu de rôles" fondé sur un canevas imaginaire ou inspiré d'une affaire historique (on s'interdira bien entendu de refaire un procès récent ou d'encourager un simulacre de justice à propos d'un événement survenu dans l'école.)
On soulignera au passage qu'il peut exister des erreurs judiciaires qui, malgré tout, n'invalident pas le principe de l'arbitrage judiciaire.

Faire face aux violences

Tout au long des cycles 2 et 3, les principaux thèmes étudiés offrent l'occasion de traiter des diverses formes de violences que les idéaux, institutions ou services évoqués aident à contenir : les règles de civilité, l'autorité et la sanction, les institutions politiques, la justice sont autant de moyens de résister aux violences illégitimes ou de pacifier les conflits.
Le maître insistera plus particulièrement sur les violences que les enfants risquent de subir ou dont ils peuvent se rendre coupables à l'école : rackets, humiliations, agressions sexuelles, etc. Tout en favorisant l'expression et l'échange d'arguments entre les élèves, il les conduira à chercher les meilleures solutions pour empêcher que de telles transgressions ne se produisent (étant entendu qu'en cas de faute avérée, l'enseignant prend les dispositions qui s'imposent sans consulter sa classe). Il est essentiel, à cet égard, de rompre la "loi du silence" : cela suppose d'ouvrir des occasions variées de dialogue avec les enfants, avec les parents, avec les représentants des services ou institutions que ces problèmes peuvent concerner. Mais il importe également de réfléchir aux initiatives qui pourraient déterminer les fauteurs de trouble à s'investir dans des activités positives et à renoncer à la violence.
Selon les événements qui surviennent à l'école et les points de programmes concernés, les finalités poursuivies seront différentes : revalorisation de la civilité, réforme du règlement de l'école (susceptible d'ouvrir sur une étude de la "fabrication" des lois), sanctions (renvoyant à la question de l'autorité) mais aussi efforts pour agir, dans le sens de la prévention, sur les causes ou les situations génératrices de violence (ce qui peut constituer une bonne introduction au "politique").
Dans ce contexte, on abordera l'action de la police et le thème de la sécurité publique.
On montrera concrètement en quoi l'insécurité menace directement le droit à la liberté et à l'égalité de chacun. On fera valoir ce que les services de Police-secours, l'assistance aux personnes menacées, la régulation de la circulation... apportent à chacun d'entre nous. Mais le maître ne fera pas l'impasse sur la question de la "violence légitime" ou de la "désobéissance civile". Dans le prolongement de ce qui a été dit sur la sanction, il amènera les élèves à mieux comprendre qu'il s'agit de préserver le cadre démocratique et d'y réintégrer ceux qui en sont sortis : aussi la riposte doit-elle être proportionnée à ce but.

La sécurité routière fera l'objet d'un développement plus précis, rappelant aux enfants les raisons des consignes simples qu'ils doivent respecter à pied, à vélo ou en voiture.
L'armée et la Défense nationale doivent également être abordées à partir de quelques perspectives simples propres à en révéler le sens et les principales fonctions.
La notion de "communauté nationale" a été indirectement approchée quand, cherchant la source ultime de la souveraineté démocratique, on a montré qu'elle résidait dans le peuple. Ce peuple et le pays qu'il habite doivent être préservés de toute agression extérieure qui, par définition, constituerait une atteinte à sa liberté.
Cela, les enfants le comprennent aisément. En revanche, ils sont généralement choqués par la contradiction entre les valeurs de non-violence qu'on leur demande de respecter et la cruauté des guerres. Des exemples tirés de l'histoire aideront à leur faire sentir que le fait même de s'indigner de toute agression justifie pleinement que l'on résiste pour préserver sa liberté, si bien que les personnes les plus opposées à la guerre admettent, dans certains cas extrêmes, qu'elle puisse apparaître comme la seule possibilité.
Dans cette optique, la défense nationale vise essentiellement à prévenir tout risque de guerre. Elle s'inscrit dans un projet politique plus large destiné à assurer, autant que faire se peut, la pérennité de la paix. La construction de l'Europe, les traités internationaux, l'Organisation des Nations Unies y contribuent de diverses manières (ce thème sera articulé avec la partie correspondante du programme d'histoire et géographie).
La France est en paix depuis plusieurs décennies. De ce fait, l'armée diversifie ses missions : sécurité publique (opérations de secours, par exemple) ; soutien logistique à des actions humanitaires...

Appendice sur les institutions de la République


Au cycle 3, les élèves doivent se familiariser avec quelques éléments constitutifs de la vie publique et quelques institutions de la République française. Les développements qui suivent précisent le sens général des principales notions qui devraient être acquises par les élèves à la fin de l'école primaire.
Il convient de ne pas multiplier les connaissances à enseigner dans ce domaine difficilement accessible aux jeunes enfants : c'est pourquoi le document propose de fixer des limites pour chaque item. Il ne s'agit bien entendu pas de titres de leçons, la plupart des items devant être abordés soit en relation avec d'autres champs disciplinaires, notamment en histoire et en géographie, soit dans le cadre de situations concrètes ou d'activités de projets collectifs, soit en relation avec l'actualité.
Ils seront simplement traités comme des illustrations ou des prolongements des grands thèmes définis plus haut.
Dans ces différents cas, les enseignants peuvent apporter des informations complémentaires en réponse aux questions que se posent les enfants.

La France est une République
La France est une République : c'est le peuple tout entier qui détient seul la souveraineté.
Il la délègue mais ne saurait en abandonner une part à une personne (un roi par exemple) ou à un groupe. Le principe de la République française est le "gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple".

La France est une démocratie car les citoyens sont libres de choisir par leur vote ceux qui les représentent pour gouverner le pays : c'est ce qu'on appelle le suffrage universel.
En 1848, tous les hommes de plus de 21 ans ont le droit de vote. En 1944, les femmes l'obtiennent à leur tour. Depuis 1974, les Françaises et les Français ont le droit de voter à partir de 18 ans.
Pour définir la répartition des pouvoirs, la manière dont ils sont contrôlés et les principes qui régissent les élections, on se réfère à un ensemble de règles écrites qui sont votées par le peuple : la Constitution.
La Constitution actuelle a été adoptée par référendum en 1958 : elle proclame l'attachement du peuple français à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

La République française comme tous les pays du monde est représentée par un certain nombre de symboles : le drapeau tricolore, l'hymne national (la Marseillaise), la fête nationale (le 14 juillet), Marianne. La plupart de ces symboles ont leur origine dans la Révolution de 1789. Ils ne peuvent être compris par les élèves que si on leur en explique l'origine historique.
Les représentants du peuple
Le Président de la République
Il est élu pour sept ans par tous les Français en âge de voter. Il veille au respect de la Constitution et, à ce titre, au respect des droits fondamentaux de chaque citoyen. Il nomme le Premier ministre et préside le conseil des ministres. L'ensemble des ministres constitue le gouvernement ; le Premier ministre est le chef du gouvernement. Le Président de la République dirige la France avec le gouvernement Il partage avec ce dernier le pouvoir de faire exécuter les lois.
Limites : on n'abordera pas les différents pouvoirs du Président de la République ; certains pourront être évoqués à l'occasion de questions soulevées par l'actualité.
Le Parlement
Les députés et les sénateurs sont les représentants du peuple français. Ils discutent et votent les lois qui doivent être respectées par tout le monde. Ils examinent et votent chaque année le budget de l'Etat, qui permet d'engager les dépenses et de percevoir les recettes, et approuvent le montant des impôts.
L'Etat peut ainsi construire des routes, des hôpitaux, rémunérer les fonctionnaires, etc. C'est la solidarité nationale. Les députés et les sénateurs contrôlent la politique du gouvernement.

L'ensemble des députés composent l'Assemblée nationale ; ils sont élus pour cinq ans au suffrage universel, c'est-à-dire par tous les Français ayant le droit de vote. L'Assemblée nationale et le Sénat forment ensemble le Parlement.
Pour gouverner, le Premier ministre doit s'appuyer sur une majorité à l'Assemblée nationale.
Limites : l'acquisition de la notion de séparation des pouvoirs ainsi que du mode d'élection des sénateurs est reportée au collège.
Le maire et les conseillers municipaux
Il y a en France plus de 36 000 communes de tailles très variées. Les habitants de la commune élisent les
conseillers municipaux tous les six ans. Ceux-ci élisent le maire et ses adjoints lors de la première séance du Conseil municipal.
Le maire et le conseil municipal gèrent la commune qui est la plus ancienne division administrative de la France.

Le maire assure de nombreuses fonctions. Il représente la commune et veille à la sécurité et à la tranquillité de tous les habitants. Il représente l'Etat dans la commune : au bureau d'état civil de la mairie sont enregistrés les mariages, les naissances et les décès. La commune a la responsabilité de la création, de la construction, de l'équipement et de l'entretien de l'école.
Chaque année, le conseil municipal vote le budget de la commune qui fixe les dépenses et les recettes et permet la réalisation de la politique communale.
De plus en plus, les communes sont conduites à s'associer et à réunir leurs moyens pour se développer et améliorer la vie de leurs habitants (transports, distribution de l'eau, traitement des déchets, regroupement scolaire...).
Le fonctionnement de la justice
La justice est chargée de faire respecter les droits et les devoirs de chaque individu, qu'il soit français ou étranger : elle doit respecter les Droits de l'Homme et du citoyen et elle arbitre au nom de la loi. La justice intervient pour régler les désaccords et les conflits entre les individus et sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi.
L'ensemble des règles que fait appliquer la justice est contenu dans des livres ou codes : le Code civil qui précise le droit des personnes, le Code pénal qui fixe les amendes et les peines prévues quant un délit ou un crime sont commis, le Code de la route.
Les juges sont indépendants : ils se prononcent en fonction des lois mais adaptent les règles de droit à chaque situation particulière pour parvenir à une décision juste et équitable.
Toute personne a le droit d'être défendue en faisant appel à un avocat : "tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable".
Limites : on n'abordera pas les différents types de juridiction et de tribunaux, ni les distinctions entre les magistrats : l'organisation de la justice sera traitée en 4ème.
Le service public
Certains services que l'on rend à tous les individus, qu'ils soient citoyens français ou non, correspondent à des droits fondamentaux de l'homme. L'Etat veille à garantir l'égalité des droits dans l'accès à ces services, soit en s'assurant que les entreprises privées y pourvoient, soit en en assumant la charge au nom du principe de solidarité, grâce aux impôts et aux cotisations que verse l'ensemble de la population. Parmi ces services publics, on peut citer en particulier l'école gratuite et obligatoire qui assure le droit de tous, Français et étrangers, à l'éducation et la Sécurité sociale qui assure la protection de tous face aux maladies et aux accidents.
L'étendue des services publics est plus ou moins importante selon les pays. En France, ils concernent non seulement l'école et la santé mais aussi les transports ferroviaires, la lutte contre les incendies (pompiers), la distribution du gaz et de l'électricité, la poste, la météorologie nationale...
Limites : on se limitera à l'étude d'un seul service public, l'école, en évoquant son organisation, le contexte historique (l'école de la République devient gratuite, laïque et obligatoire à partir de 1881-1882) et les liens que l'école entretient avec la commune ; on n'abordera pas le problème du coût des services publics.