>
  ÉDITORIAL
 

Dans le cadre du nouveau calendrier de la Lettre d’information juridique, le mois de septembre sera désormais celui du bilan de l’activité contentieuse. Il s’agit donc d’un numéro quelque peu spécial, qui se trouve accompagné de l’index annuel de la LIJ ainsi que de l’annuaire des responsables juridiques du réseau Jurisup, tandis que la publication de l’annuaire des responsables juridiques des rectorats accompagnera le numéro de novembre.

 

Il ressort de ce bilan que l’année scolaire 2013-2014 a été riche en décisions de principe qui vont parfois au-delà de nos seuls secteurs d’intervention, notamment pour celles qui portent sur des contentieux de fonction publique.

 

Il en est une qui n’a pas encore fait l’objet d’un commentaire, alors qu’elle a été rendue par l’Assemblée du Conseil d’État le 6 juin 2014.

 

La Fédération des conse ils de parents d’élèves des écoles publiques et l’Union nationale lycéenne demandaient l’annulation des articles 2, 3, 5 et 9 du décret n° 2011-728 du 24 juin 2011 relatif à la discipline dans les établissements d’enseignement du second degré, qui avait modifié notamment l’article R. 421-10 du code de l’éducation, pour prévoir que le chef d’établissement des établissements publics locaux d’enseignement est, à l’égard des élèves, tenu d’engager une procédure disciplinaire, d’une part, lorsque l’élève est l’auteur de violence verbale à l’égard d’un membre du personnel de l’établissement, d’autre part, lorsque l’élève commet un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève.

 

Les associations requérantes soutenaient que le déclenchement automatique de la procédure disciplinaire dans ces deux cas méconnaissait un principe général du droit d’opportunité des poursuites disciplinaires. Le Conseil d’État a refusé de consacrer le principe général invoqué par les requérantes. Après avoir considéré que, dans le silence des textes, l’autorité administrative compétente apprécie l’opportunité des poursuites en matière disciplinaire, il a jugé qu’un texte réglementaire peut prévoir que, dans certaines hypothèses, des poursuites disciplinaires doivent obligatoirement être engagées, tout en précisant que l’obligation faite par le décret aux chefs d’établissement d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre d’élèves auteurs de violences verbales ou d’actes graves trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont ils ont la charge, notamment dans les nécessités de l’ordre public.

 

Les associations requérantes faisaient également valoir que, faute de définir de façon claire et précise les termes d’ « acte grave » et « violence verbale », le décret attaqué méconnaissait le principe de légalité des délits qui résulterait de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que des stipulations des articles 6 et 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

Cependant, après avoir constaté que les dispositions réglementaires attaquées ne définissaient pas des obligations dont la violation constituerait une faute disciplinaire, c’est-à-dire des délits au sens de l’article 8, mais se bornaient à définir, sur le plan procédural, des modalités spécifiques de déclenchement des poursuites, l’Assemblée du contentieux a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits comme étant inopérant.

 

Elle s’est ainsi écartée des conclusions du rapporteur public qui proposait de consacrer l’applicabilité du principe de légalité des délits, dont l’application a déjà été admise pour les sanctions administratives et pour les sanctions susceptibles d’être infligées aux membres des professions réglementées, aux sanctions disciplinaires applicables non seulement aux élèves, mais également aux agents publics. À cet égard, le rapporteur public rappelait que l’application du principe de légalité des délits aux sanctions administratives n’exige pas, comme pour les infractions pénales, une définition précise de l’incrimination et qu’est permise la simple référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions.

 

La question reste donc à trancher et il est probable qu’elle se pose à nouveau réellement à l’occasion d’un contentieux portant sur une sanction disciplinaire infligée à un fonctionnaire.

Catherine Moreau       
   
  SOMMAIRE
 
activitÉ contentieuse de l'enseignement scolaire
  Le contentieux des rectorats
   Diminution des recours introduits en 2013
   Répartition thématique des recours introduits en 2013
   Augmentation des décisions juridictionnelles rendues en 2013
   
  Le contentieux de l'administration centrale (sous-direction des affaires juridiques de l'enseignement scolaire)
   Recours introduits et décisions juridictionnelles rendues en 2013
   Sens des décisions juridictionnelles rendues en 2013
   Répartition thématique des décisions juridictionnelles rendues en 2013
   
  Bilan général
   Synthèse des recours introduits sur dix ans
 
ActivitÉ contentieuse de l'enseignement supÉrieur
  Le contentieux des établissements d'enseignement supérieur
   Évolution du contentieux de l'enseignement supérieur depuis 2002
   Répartition thématique des affaires en instance
   Sens des décisions et ordonnances prononcées en 2013
   Procédures discplinaires
   
  Le contentieux des rectorats
   Évolution du contentieux traité par les rectorats depuis 2008
   Répartition thématique des recours introduits en 2013, décisions notifiées et affaires en instance
   Sens des décisions rendues
   
  Le contentieux de l'administration centrale (sous-direction des affaires juridiques de l'enseignement supérieur)
   Recours introduits et décisions rendues en 2013
   Sens des décisions rendues en 2013
   Condamnation pécuniaires prononcées en 2013
 
sÉlection de dÉcisions juridictionnelles marquantes
  Vie scolaire et étudiante
   
  Personnels
   Recrutement
   Exercice des fonctions
   Sanctions disciplinaires
   Éviction du service
   Avancement
   Congé de maladie
   Traitement et rémunération
   
  Établissements
   
  LaÏcité
   
  Droit de la communication
   
  Procédure administrative
   
  Procédure contentieuse
   
 
ACTIVITÉ CONTENTIEUSE DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
 

Il ressort de l’observation quantitative de l’activité des services juridiques académiques et de la sous-direction des affaires juridiques de l’enseignement scolaire de la direction des affaires juridiques du ministère que le contentieux de l’enseignement scolaire a été marqué à nouveau, en 2013, mais dans une moindre ampleur que les années précédentes, par une diminution des nouveaux recours, dont le nombre passe de 2 374 en 2012 à 2 304 en 2013, soit une diminution de 3 %.

Cette évolution s’inscrit dans une tendance constatée depuis 2009 (- 5 % entre 2012 et 2013, - 17,5 % entre 2011 et 2012, - 4 % entre 2010 et 2011, - 7 % entre 2009 et 2010), faisant suite à des périodes alternant les diminutions et les augmentations (+ 2,5 % entre 2008 et 2009, + 12 % entre 2007 et 2008, - 15,5 % entre 2006 et 2007, + 15 % entre 2005 et 2006, - 4 % entre 2004 et 2005 et + 10 % entre 2003 et 2004).

 

Cette diminution du flux des entrées entre 2012 et 2013 (- 3 %) ne concerne cependant que les recours dont la défense de l’État a été assurée par les services déconcentrés en application de l’article D. 222-35 du code de l’éducation, qui représentent il est vrai plus de quatre litiges sur cinq mettant en cause le service public de l’enseignement scolaire.

 

Cette évolution du contentieux du service public de l’enseignement scolaire n’est pas sensiblement différente de celle constatée par les juridictions administratives, en l’espèce une légère diminution de 1,5 %, tous contentieux confondus, des nouvelles affaires enregistrées en 2013 par les tribunaux administratifs et une faible croissance des affaires nouvelles portées en 2013 devant les cours administratives d’appel (cf. Bilan d’activité 2013 du Conseil d’État).

 

Avec 2 304 nouveaux recours, l’année 2013 se démarque en revanche nettement du nombre moyen de recours annuels mettant en cause le service public de l’enseignement scolaire qui, pour la période des dix dernières années, avoisinait en moyenne le nombre de 2 900.

 

Par ailleurs, le nombre de décisions rendues par les juridictions administratives a également diminué, mais beaucoup moins nettement qu’en 2012, après des périodes alternant des diminutions et des augmentations (nette diminution entre 2006 et 2008, augmentation de 7 % en 2009, diminution de 4 % en 2010, augmentation de 3 % en 2011 et diminution de 14 % en 2012). Le nombre de décisions rendues par les juridictions administratives diminue ainsi de 3 %, passant de 2 614 en 2012 à 2 539 en 2013. Cette diminution ne concerne toutefois pas les services déconcentrés pour lesquels le nombre de décisions juridictionnelles rendues est resté presque stable (+ 2%).

 
Le contentieux des rectorats

À titre liminaire, il convient d’indiquer que les 37 recours traités en 2013 par le service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil, Paris et Versailles et les 24 décisions rendues dans des litiges contestant des décisions prises au sein de ce service se répartissent de manière assez équilibrée entre les trois académies (11 recours et 7 décisions pour l’académie de Créteil, 11 recours et 5 décisions pour l’académie de Versailles et 15 recours et 12 décisions pour l’académie de Versailles). Ces recours et décisions ont été réintroduits dans les bilans de chacune des trois académies (cf. infra).

 
Diminution des recours introduits en 2013

On constate une diminution de 4 % des recours introduits en 2013 (1875 en 2013, contre 1959 en 2012), qui prolonge les baisses constatées en 2010 (- 11%), 2011 (- 3 %) et 2012 (- 18 %).

 

En revanche, les procédures d’urgence représentent près de 18 % des nouveaux recours, contre 15 % en 2012. Cette proportion est de 15 % en ce qui concerne les décisions rendues (cf. infra).

 

Enfin, le décret n° 2012-765 du 10 mai 2012 a mis en place une expérimentation – pour une durée limitée et pour certains services de l’État – du recours administratif préalable obligatoire (RAPO) pour les fonctionnaires de l’État (cf. également la circulaire de la fonction publique du 5 octobre 2012 relative à l’application du décret du 10 mai 2012).

 

L’agent qui présente un recours administratif préalable obligatoire peut demander dans sa lettre de saisine qu’il soit soumis, à titre consultatif, à un tiers de référence avant que l’auteur de la décision contestée ne se prononce sur ce recours. L’avis du tiers de référence ne lie pas l’administration.

 

Pour le service public de l’enseignement scolaire, cette expérimentation a eu lieu jusqu’en mai 2014 dans l’académie de Lyon pour les décisions défavorables intervenues à compter du 12 août 2012 en matière de rémunérations, de certaines positions statutaires (par exemple le détachement) et de classement à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps. Le recours administratif préalable obligatoire est formé devant l’autorité qui a pris la décision contestée. Les tiers de référence désignés dans le cadre de cette expérimentation sont le médiateur de l’éducation nationale, pour les décisions prises par le ministre, et le médiateur académique, pour les décisions prises par les autorités de l’académie.

 

Pour l’année 2013, le rectorat de l’académie de Lyon a été saisi à treize reprises d’un recours administratif préalable obligatoire, contre un seul recours pour le dernier semestre de l’année 2012. Douze de ces recours portaient sur une question de rémunération tandis que le treizième concernait un placement en disponibilité. Deux agents ont, à la suite de leur recours administratif, porté leur contestation devant le tribunal administratif de Lyon, ce qui confirme l’intérêt d’une telle procédure en termes de prévention des contentieux.

 
Tableau n° 1 Recours introduits en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 
Graphique du tableau n° 1 Recours introduits en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 
RÉpartition thÉmatique des recours introduits en 2013

Le nombre de recours en matière de contentieux des personnels représente 68 % de l’ensemble des contentieux traités par les rectorats, contre 75 % en 2011 comme en 2012.

Le contentieux des personnels se répartit ainsi : 73 % des recours ont été exercés par des personnels enseignants de l’enseignement public, 21 % par les autres catégories de personnels de l’enseignement public et 6 % par des personnels enseignants de l’enseignement privé sous contrat. Ces proportions sont à rapprocher de celles de chacune de ces catégories de personnels dans les effectifs globaux du service public de l’enseignement scolaire : respectivement 64 %, 22 % et 12 % (cf. fiche 9.1 de la publication Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche [RERS 2013] de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance). On observe notamment que les personnels enseignants de l’enseignement scolaire public présentent un taux de recours à la justice administrative supérieur à celui des personnels enseignants de l’enseignement scolaire privé sous contrat .

Le nombre des recours en matière de vie scolaire reste stable (408 en 2013, contre 421 en 2012) et demeure supérieur à la moyenne annuelle de cette catégorie de recours constatée au cours des dix dernières années, qui s’élève à environ 370 recours par an. Parmi ces 408 recours, un peu plus d’une dizaine ont cherché à engager devant les juridictions administratives la responsabilité de l’État du fait, par exemple, d’une mauvaise organisation du service, contre une vingtaine en 2012. Ces litiges sont à distinguer des recours qui peuvent être présentés devant des tribunaux civils sur le fondement de l’article L. 911-5 du code de l’éducation lorsqu’est invoquée une faute de surveillance d’un agent à l’origine du dommage causé à un élève. Ces recours doivent être également distingués des recours en matière d’« accidents du travail » subis par des élèves de l’enseignement professionnel.


Effectifs pour l’année scolaire 2012-2013 : 705 351 personnels enseignants de l’enseignement scolaire public, 254 362 personnels de l’enseignement public des autres catégories et 136 316 personnels enseignants de l’enseignement scolaire privé sous contrat (cf. RERS 20130 : fiche 9.1).
 
Tableau n° 2 Répartition thématique des recours introduits en 2013 par académie (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)

L’activité des services juridiques académiques ne s’est toutefois pas limitée à la défense de l’État en réponse aux recours contentieux formés par des usagers et des personnels devant les tribunaux administratifs.

 

D’autres contentieux en matière de personnels sont, en effet, portés devant les juridictions de l’ordre judiciaire par les personnels employés en contrat aidé (contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi C.U.I.-C.A.E.) par les établissements d’enseignement. À ces occasions, les services juridiques académiques apportent leur aide et leurs conseils aux établissements scolaires, voire également à leur défenseur.

 

Or, le non-respect fréquent, par les établissements employeurs, des droits que ces personnels tirent de leur engagement, en particulier le droit à une formation et à un accompagnement prévus par la loi, est source d’un important contentieux, comme l’ont rappelé l’inspection générale de l’éducation nationale et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche dans leur rapport d’avril 2014, L’accueil, la gestion et la formation des personnels contractuels en E.P.L.E.

Ainsi, il ressort des bilans académiques communiqués dans le cadre de la présente enquête que 434 nouveaux recours ont été exercés en 2013 par des agents recrutés en contrat aidé, tandis que, pour leur part, les établissements scolaires ont formé 326 requêtes d’appel contre les jugements défavorables rendus par les conseils de prud’hommes.

 

À la fin de l’année 2013, 575 recours introduits par des agents recrutés en contrat aidé devant des conseils de prud’hommes, des cours d’appel ou la Cour de cassation étaient encore en cours d’instruction par ces juridictions, tandis que près de 600 recours formés par des établissements scolaires devant les cours d’appel et la Cour de cassation étaient encore pendants devant ces juridictions.

 
Tableau n° 3 Litiges relatifs à des agents titulaires d'un contrat aidé en 2013
 
Graphique du tableau n° 3 Litiges relatifs à des agents titulaires d'un contrat aidé en 2013
 

Le recensement de ces contentieux permet de constater leur répartition très inégale entre les académies.

 
Tableau n° 4 Répartition par académie des contentieux relatifs aux contrats aidés en 2013
 
Augmentation des dÉcisions juridictionnelles rendues en 2013

Le nombre de décisions juridictionnelles rendues par les tribunaux administratifs augmente en 2013 de 2 % (2154 en 2013, contre 2107 en 2012, 2607 en 2011 et 2481 en 2010). Cependant, la tendance à une diminution en pente faible du nombre de recours, déjà constatée en 2012, se maintient sur une plus longue période.

Les décisions rendues en référé s’élèvent à 316, soit 15 % des décisions rendues en 2013, contre 14 % des décisions rendues en 2012 et 13 % en 2011. Ces proportions sont, de toute façon, quasi inchangées depuis que ces décisions sont prises en compte dans le bilan contentieux annuel.

 

76 % des procédures de référé correspondent à des demandes de suspension de l’exécution d’un acte. Les autres procédures de référé introduites en 2013 sont des « référés-libertés » (4 %), des « référés-provisions » (8 %), ou des référés tendant à des constats, expertises et instructions (12 %), soit ici aussi des proportions quasi inchangées par rapport à 2012.

 
Tableau n° 5 Ordonnances de référés rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 
Graphique du tableau n° 5 Ordonnances de référés rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 
Tableau n° 6 Répartition par académie et par catégorie de procédure d'urgence des ordonnances de référé rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 

La part des décisions de rejet s’élève en 2013 à 59 % des décisions, contre 58 % en 2012, 55 % en 2011 et 54 % en 2010.

 

Les décisions donnant acte de désistement ou constatant un non-lieu à statuer représentent 12 % des décisions rendues en 2013. Cette proportion n’a, d’ailleurs, jamais véritablement varié. Sur le total de ces décisions juridictionnelles, 65 % correspondent à des désistements et 35 % à des non-lieux à statuer.

 

Si 29 % des instances au fond conduisent à l’annulation d’un acte et/ou à la condamnation de l’administration à payer une somme d’argent, en revanche, les requérants obtiennent beaucoup moins souvent satisfaction au terme de la procédure de référé : 22 % des ordonnances rendues en matière de « référé-suspension » leur sont favorables, 17 % en matière de « référé-provision », mais 42 % en matière de « référé-liberté ».

 
Tableau n° 7 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
Graphique du tableau n° 7 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire)
 
Tableau n° 8 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire) Jugements des tribunaux administratifs intervenus en 2013
 
Graphique du tableau n° 8 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par les rectorats - enseignement scolaire) Jugements des tribunaux administratifs intervenus en 2013

En revanche, en 2013 comme en 2010, 2011 et 2012, le juge des référés saisi d’une demande tendant à ce qu’il soit ordonné un constat, une mesure d’instruction ou toute autre mesure utile fait droit à cette demande dans près d’une instance sur deux.

 

Il ressort des bilans communiqués par les services juridiques académiques qu’aucune nouvelle « série » contentieuse à caractère général intéressant notre ministère n’est actuellement enregistrée devant les juridictions administratives.

 

Les « séries » devant des juridictions de l’ordre administratif signalées par des académies sont des « séries locales », d’ampleur limitée, concernant essentiellement des différends opposant des personnels au service public de l’éducation (indemnisation des professeurs stagiaires, frais de déplacement…), portés parfois par des personnels d’un même établissement scolaire (pour une indemnité servie à raison de la nature de l’établissement, par exemple un établissement situé en zone d’éducation prioritaire) ou même propre à une situation géographique (frais de changement de résidence pour l’outre-mer). Elles concernent dans une moindre mesure des contestations d’usagers.

 

Ces « séries » augmentent parfois sensiblement le nombre de recours ou de décisions juridictionnelles rendues dans une académie. Ainsi, l’académie qui vient en 2e rang pour le nombre de décisions rendues en 2013 relève qu’un peu plus de 40 % des recours et des décisions rendues concernaient des « séries locales ».

 

Enfin, les nombreuses décisions rendues par des juridictions de l’ordre judiciaire sur des litiges concernant des agents recrutés en contrat aidé ont été le plus souvent défavorables aux établissements publics locaux d’enseignement. Ainsi, 87 % des litiges portés devant des conseils de prud’hommes ont abouti à la condamnation de l’établissement scolaire employeur, tandis que 94 % des appels interjetés par les établissements ont confirmé les jugements les condamnant, même si cette confirmation du jugement de premier ressort s’accompagne souvent d’une diminution – parfois significative – du montant des condamnations prononcées contre l’établissement.

Tableau n° 9 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 dans les litiges concernant des agents titutlaires d'un contrat aidé
Graphique du tableau n° 9 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 dans les litiges concernant des agents titutlaires d'un contrat aidé
Tableau n° 10 Répartition par académie des décisions juridictionnelles rendues en 2013 dans les litiges concernant des contrats aidés
 
 
   
  Le contentieux de l'administration centrale (sous-direction des affaires juridiques de l'enseignement scolaire)
  Recours introduits et dÉcisions juriductionnelles rendues en 2013
 

À titre liminaire, il convient de rappeler que le bilan annuel n’inclut pas les contentieux portant sur les pensions civiles de retraite concédées après l’admission à la retraite. En effet, ces contentieux sont traités par le service des retraites de l’État relevant du ministère chargé du budget, situé à Nantes, et le service des retraites de l’éducation nationale de la direction des affaires financières des ministères de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, situé à Guérande, en application de l’article R*. 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

 

À titre d’information complémentaire, il est cependant précisé que le service des retraites de l’éducation nationale a enregistré 373 nouveaux recours en 2013, dont 309 ont porté sur l’absence de prise en compte, dans la pension concédée à un fonctionnaire de sexe masculin, de bonifications dites « pour enfants » prévues par l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le contentieux des pensions civiles de retraite a été marqué par une baisse très sensible du nombre des recours, qui est passé de 675 en 2012 à 373 en 2013 et dont l’objet est resté principalement la contestation de ces bonifications.

   
  Une légère augmentation du nombre des recours...
 

S’agissant des affaires traitées par la sous-direction des affaires juridiques de l’enseignement scolaire de la direction des affaires juridiques du ministère, la légère augmentation du nombre de recours introduits en 2013 (429 en 2013, contre 415 en 2012, soit + 3 %) tranche avec les diminutions constatées en 2012 (- 15 %) et en 2011 (- 8%).

 

Cette augmentation ne concerne cependant que les litiges portés devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, tandis qu’une diminution des recours nouveaux s’observe devant le Conseil d’État.

   
 
Tableau n° 11 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 et recours introduits en 2013 (affaires traitées par l'administration centrale)
 
 
Graphique du tableau n° 11 Décisions juridictionnelles rendues en 2013 et recours introduits en 2013 (affaires traitées par l'administration centrale)
 
   Devant les tribunaux administratifs
 

Alors que le nombre des recours nouveaux enregistrés en 2012 (160) avait considérablement diminué (- 38 %) par rapport à 2010 et 2011 (257 recours pour chacune de ces années), il s’élève en 2013 à 185, soit une progression de 16 %. Toutefois, près d’une vingtaine de ces nouveaux recours ont été exercés par un même requérant contestant des décisions collectives relatives à la carrière de personnels enseignants de l’enseignement du second degré.

   
   Devant les cours administratives d'appel
 

On constate également une progression du nombre d’appels introduits en 2013 par les usagers et les personnels du service public de l’enseignement scolaire ou par le ministre devant les cours administratives d’appel. Il s’élève à 175 (+ 2 %), maintenant, quoique plus faiblement, la tendance à la hausse constatée les années précédentes (+ 4 % en 2012, - 6 % en 2011, + 9 % en 2010 et + 14 % en 2009).

 

Le nombre d’appels interjetés par des usagers du service public de l’enseignement du second degré ou des personnels en litige avec le service public de l’enseignement scolaire a ainsi progressé de 10 % (153 en 2013, contre 139 en 2012), après avoir déjà enregistré une augmentation de 17 % en 2012 (qui avait suivi une diminution de 13 % en 2011).

 

En revanche, on peut relever la diminution du nombre d’appels interjetés par le ministère de l’éducation nationale, qui s’élève à 22, contre 33 en 2012 et 46 en 2011. Toutefois, il faut relativiser ces évolutions qui s’expliquent souvent par l’absence ou la présence de « séries » de litiges similaires. Le total de 22 nouvelles requêtes d’appel en 2013 n’est, en réalité, pas éloigné du nombre moyen annuel d’appels interjetés par le ministre de l’éducation nationale sur les dix dernières années, soit 26 par an.

 

Le nombre d’appels interjetés par le ministère de l’éducation nationale en 2013 ne représente plus que 13 % des nouvelles procédures, alors que cette proportion s’élevait à 19 % en 2012, 28 % en 2011, 22 % en 2010, 14 % en 2009 et 9 % en 2006, 2007 et 2008.

   
   Devant le Conseil d'État
 

Le nombre des recours introduits devant le Conseil d’État a diminué de 15 % en 2013 (69 recours, contre 81 en 2012), après une augmentation de 23 % en 2012 et, surtout, une forte diminution de 45 % en 2011. Ce nombre est inférieur au nombre moyen enregistré pour la période des cinq dernières années, soit 79 par an.

 

Il est cependant précisé qu’au nombre de ces 69 nouvelles instances ne figurent pas deux affaires à l’occasion desquelles le Conseil d’État, saisi par deux juridictions du fond sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, a rendu des avis sur des questions de droit nouvelles. Ne sont pas compris non plus les recours qui ont rapidement fait l’objet d’une décision de renvoi à une juridiction du fond.

 

Ce nombre ne tient pas compte non plus des pourvois en cassation qui n’ont pas été admis par le Conseil d’État au terme de la procédure d’examen de l’admission du pourvoi. La présente étude ne traite en effet que des pourvois en cassation qui ont dépassé cette phase d’examen de l’admission. À titre d’information, il peut néanmoins être précisé qu’à la fin de l’année 2013, il a été recensé 36 décisions du Conseil d’État prononçant la non-admission du pourvoi en cassation, contre 33 pour l’année 2012, 38 pour l’année 2011, 30 pour l’année 2010, 58 pour l’année 2009 comme pour 2008, 61 pour l’année 2007 et 76 pour l’année 2006.

 

Indépendamment de ces précisions, la diminution du nombre des recours introduits en 2013 devant le Conseil d’État concerne tant les instances dans lesquelles il statue en premier ressort que celles dans lesquelles il statue sur des pourvois exercés par le ministre. En revanche, le nombre de pourvois introduits par des usagers ou des personnels du service public de l’enseignement scolaire augmente puisqu’il passe de 22 en 2012 à 26 en 2013. Sur les treize dernières années, le nombre moyen annuel de ces pourvois s’élève à 30.

 

En premier ressort, le Conseil d’État a été saisi 22 fois en 2013, contre 24 en 2012, 13 en 2011 et 51 en 2010. Toutefois, rapportée aux années plus lointaines (132 recours en 2001 – dont 52 correspondaient à une « série » –, 88 en 2002, 41 en 2003, 13 en 2004, 48 en 2005, 33 en 2006, 14 en 2007, 37 en 2008 et 17 en 2009), cette évolution ne paraît pas significative dans la mesure où, en 2010, un même requérant d’habitude avait présenté sept recours et que des organisations représentatives des personnels avaient saisi ensemble le Conseil d’État à vingt reprises d’une contestation de même nature.

 

Le nombre des pourvois en cassation introduits par le ministère de l’éducation nationale diminue nettement puisqu’il passe de 35 en 2012 à 21 en 2012. Le nombre élevé de pourvois en 2012 s’expliquait cependant par 16 pourvois concernant des litiges similaires opposant l’administration à des agents d’une même académie, qui ont d’ailleurs été jugés avant la fin de l’année 2012. Sur les treize dernières années, le nombre moyen annuel des pourvois en cassation formés par le ministère était de 23. Les seules années où ce nombre a dépassé la trentaine comprenaient des « séries » (12 en 2006 et 16 en 2012).

Là encore, il est malaisé de tirer de ces évolutions une quelconque tendance.

   
   Devant le Tribunal des conflits
 

En 2013, la sous-direction des affaires juridiques de l’enseignement scolaire n’a pas été amenée à produire d’observations dans des instances engagées devant le Tribunal des conflits.

   
  ... et une diminution sensibles des décisions
 

Le nombre des décisions juridictionnelles rendues en 2013 pour des contentieux traités par l’administration centrale à tous les niveaux de juridiction est en diminution de 24 % (385 en 2013, contre 507 en 2012), après avoir été en augmentation de 14 % en 2012 et en diminution de 8 % en 2011.

 

Cette diminution est due à la diminution du nombre des décisions rendues par le Conseil d’État (57 en 2013, contre 86 en 2012), des arrêts rendus par les cours administratives d’appel (132 en 2013, contre 191 en 2012), ainsi que des jugements rendus par les tribunaux administratifs (196 en 2013, contre 229 en 2012).

   
  Sens des dÉcisions juridictionnnelles rendues en 2013
 

Indépendamment des décisions de non-admission des pourvois en cassation, la part des décisions de rejet, de constat de désistement et de non-lieu a légèrement augmenté en 2013 (71 %, contre 69 % en 2012, 76 % en 2011, 70 % en 2010, 73 % en 2009, 70 % en 2008, 77 % en 2007 et 74 % en 2006).

   
 
Tableau 12 Répartitions des décisions juridictionnelles rendues en 2013 selon leur sens (affaires traitées par l'administration centrale - enseignement scolaire)
 
 
Graphqiue du tableau 12 Répartitions des décisions juridictionnelles rendues en 2013 selon leur sens (affaires traitées par l'administration centrale - enseignement scolaire)
 
   
 

60 % des décisions rendues par le Conseil d’État en 2013 ont été favorables à l’administration ou ont pris acte du désistement du requérant ou encore ont retenu qu’il n’y avait plus lieu de statuer. Ce taux est en nette diminution par rapport aux années 2012 (73 %) et 2011 (69 %), alors que pour les années plus éloignées, il s’élevait à 81 % en 2003, 2004 ou 2005, 72 % en 2006, 61 % en 2007, 48 % en 2008, 54 % en 2009 et 49 % 2010.

 

En prenant en compte les 36 décisions de non-admission de pourvois en cassation, ce taux atteint en 2013 la valeur de 75 %, contre 81 % en 2012, 82 % en 2011, 62 % en 2010 et 73 % en 2009.

 

Par ailleurs, comme déjà constaté à l’occasion du bilan de l’année 2012 qui s’était singularisé par le sort favorable réservé par le Conseil d’État à la grande majorité des 37 pourvois en cassation exercés par le ministère, dont 16 correspondaient, certes, à une série de litiges similaires, la majorité des 21 pourvois introduits en 2013 par le ministère ont abouti à une solution favorable à l’administration (un quart d’entre eux ont été rejetés).

 

Devant les cours administratives d’appel, les arrêts favorables à l’administration représentent 71 % des arrêts rendus en 2013, contre 63 % en 2012, 81 % en 2011 et 74 % en 2010. S’agissant des appels interjetés par des usagers ou des personnels du service public de l’enseignement scolaire, 26 % se sont traduits par un succès du requérant, contre 27 % en 2012. Dans le même temps, 45 % des appels interjetés par l’administration lui ont été favorables, en se traduisant par le rejet de la demande présentée par le requérant devant un tribunal administratif, contre 39 % en 2012.

 

Enfin, devant les tribunaux administratifs, les décisions favorables à l’administration s’élèvent à 73 % des jugements rendus en 2013, soit une proportion quasi inchangée depuis 2008.

 

Cette proportion de 73 % est proche de celle qui résulte des bilans contentieux des académies. En effet, 71 % des décisions rendues par les tribunaux administratifs dans des affaires dont la défense de l’État a été assurée par les rectorats ont été également favorables à l’administration ou ont donné acte du désistement du requérant ou encore ont retenu qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande.

   
  RÉpartition thÉmatique des dÉcisions juridictionnelles rendues en 2013
 

Le contentieux du service public de l’enseignement scolaire reste, pour l’essentiel, un contentieux des relations du travail, ce que manifeste la proportion des décisions juridictionnelles rendues dans le cadre d’un litige opposant l’administration à des personnels. Ces décisions représentent 80 % des contentieux jugés en 2013, comme en 2012, contre 78 % en 2011, 77 % en 2010, 81 % en 2009, 76 % en 2008, 85 % en 2007, 83 % en 2006 et 2005, 84 % en 2004 et 86 % en 2003.

   
 
Tableau 13 Répartitions thématique des décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par l'administration centrale - enseignement scolaire)
 
 
Graphique du tableau 13 Répartitions thématique des décisions juridictionnelles rendues en 2013 (affaires traitées par l'administration centrale - enseignement scolaire)
 
   
 

Compte tenu du fait que nombre de litiges ayant trait à des réparations civiles concernent également des personnels et que les litiges intéressant l’enseignement privé concernent des personnels ayant le statut d’agent public, il est à nouveau permis d’évaluer qu’en 2013, pour dix décisions rendues, neuf l’ont été dans le cadre d’un litige opposant l’administration à des personnels.

 

Le nombre de décisions rendues en matière de personnels de l’enseignement privé a augmenté (13 en 2013, contre 9 en 2012 et 2011), alors que le nombre de litiges en matière de réparations civiles est resté stable (44 en 2013, 42 en 2012 et 51 en 2011).

 

Le nombre de contentieux en matière d’organisation des services n’a pas non plus varié (9 en 2013, 11 en 2013). Cette rubrique ne prend pas en compte les contentieux dans lesquels sont contestées les dispositions statutaires d’une catégorie de personnels, qui sont répertoriés dans la rubrique « Personnels », nonobstant leur caractère très général.

 

En revanche, la part des décisions concernant des usagers du service public de l’enseignement scolaire a nettement diminué, passant de 16 à 3 pour les litiges en matière d’examens de l’enseignement secondaire et de 17 à 7 pour les litiges en matière de vie scolaire.

 

Les décisions rendues en matière de personnels concernent tout d’abord des litiges relatifs à des recrutements et des changements de corps, soit un peu plus de 65 décisions, ce qui représente 21 % des litiges en matière de personnels. Parmi ceux-ci figurent les contestations de mesures de licenciement ou de réintégration dans le corps d’origine à l’issue d’un stage non probant, soit près de 35 décisions.

 

Le nombre de litiges en matière d’affectation et de mutation (près de 40 décisions) et le nombre de litiges en matière de discipline des personnels (près de 35 décisions) avoisinent respectivement 13 % et 11 % des litiges en matière de personnels.

 

Une trentaine de décisions rendues portent sur des litiges en matière de rémunérations, principale ou accessoires, et d’indemnisation de frais occasionnés par des missions, déplacements ou changements de résidence, dont 13 concernent des indemnités et primes et 7 des régimes de rémunération et de prise en charge de frais spécifiques de l’outre-mer.

 

Les personnels contestent également d’autres mesures prises au cours de leur carrière : notations (6 décisions), refus d’avancement d’échelon accéléré ou de promotion de grade (31 décisions), droits à congés de maladie reconnus ou non imputables au service (17).

 

Près de 35 décisions ont été rendues dans des matières concernant la sortie du service de fonctionnaires titulaires, dont 17 concernent des licenciements pour insuffisance professionnelle.

 

Une trentaine de décisions ont été rendues dans des litiges opposant l’administration à des agents contractuels, essentiellement à propos de non-renouvellement d’engagement ou de licenciement en cours de contrat.

 

Enfin, 10 décisions ont été prononcées dans le cadre de recours indemnitaires présentés devant une juridiction administrative par des agents de l’éducation nationale contre des personnes morales de droit public qu’ils estimaient responsables des accidents dont ils avaient été victimes.

 

La direction des affaires juridiques intervient dans ces procédures dites « de recours contre tiers » afin de recouvrer auprès du tiers responsable du dommage causé à l’agent les rémunérations et prestations qui lui ont été versées pendant ses arrêts de travail. En 2013, quatre de ces interventions ont abouti à la condamnation du responsable du dommage à payer à l’État, en sa qualité de tiers payeur, les sommes demandées dans le cadre de ces conclusions subrogatoires.

   
  Bilan général
  SynthÈse des recours introduits sur dix ans
 

La nouvelle diminution entre 2012 et 2013 du nombre de nouveaux recours fait suite à des diminutions régulières depuis 2009 : le nombre de nouveaux recours atteint en 2013 son niveau le plus bas depuis dix ans. L’évolution du nombre de recours mettant en cause le service public de l’enseignement scolaire au cours des dix dernières années se distingue ainsi de l’explosion du contentieux constatée globalement par le Conseil d’État de 2000 à 2010, qui s’est accompagnée, en outre, de l’apparition de contentieux de masse (cf. allocution de clôture par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, à l’occasion du colloque organisé en 2010 pour le Xe anniversaire du tribunal administratif de Cergy-Pontoise : Dix années de croissance du contentieux : Quelles réalités ? quelles réponses ?).

   
 
Tableau 14 Synthèse des recours introduits depuis dix ans
 
 
Graphique du tableau 14 Synthèse des recours introduits depuis dix ans
 
 
 

L’interprétation de ces moindres recours à la justice administrative au sein du service public de l’enseignement scolaire est délicate, d’autant que le facteur conjoncturel des dernières séries de contentieux liées à l’admission à la retraite des fonctionnaires masculins sur les mêmes bases que leurs homologues féminins est maintenant très éloigné et que la disparition de ce facteur ne peut donc plus avoir véritablement force explicative sur les tendances à la baisse des dernières années.

 

Cette tendance à la baisse des entrées contentieuses n’est peut-être pas sans lien avec les efforts des services juridiques auprès des autres services pour améliorer l’assise juridique des décisions de l’administration et avec la mise en place de dispositifs de prévention des litiges tels que les médiateurs académiques de l’éducation nationale auxquels peuvent aisément recourir les usagers du service public de l’enseignement scolaire et les personnels.

 

Les services déconcentrés ont assuré à nouveau la défense des intérêts de l’État dans 82 % des litiges introduits devant les juridictions administratives qui mettent en cause le service public de l’enseignement scolaire, soit une proportion quasi inchangée depuis dix ans.

 

Notons enfin que les recours enregistrés en 2013 par les juridictions administratives et les décisions rendues par ces mêmes juridictions n’ont concerné le service public de l’enseignement scolaire que dans à peine plus d’1 % des cas, même en incluant les recours pris en charge par le service des retraites de l’éducation nationale (cf. Bilan d’activité 2013 du Conseil d’État : 175 762 nouvelles affaires enregistrées par les tribunaux administratifs et 183 182 jugements ; 28 885 nouvelles affaires enregistrées par les cours administratives d’appel et 29 015 arrêts ; 9 235 nouvelles affaires enregistrées par le Conseil d’État et 9 685 décisions).

 
 
 
 
 activitÉ contentieuse de l'enseignement supÉrieur
 
  Le contentieux des établissements d'enseignement supérieur
  Évolution du contentieux de l'enseignement supÉrieur depuis 2002
  L’année 2013 rend compte d’une activité en légère progression puisque le nombre de nouveaux recours s’élève à 364, contre 307 en 2012. Le nombre des affaires jugées en 2013 accuse en revanche une légère baisse puisqu’il passe de 409 en 2012 à 382 en 2013 (cf. infra, graphique 1).
   
 
Graphique 1 Évolution des recours depuis 2002 (contentieux des établissement d'enseignement supérieur)
 
   
  rÉpartition thÉmatique des affaires en instance
 

La répartitionthématique des affaires en instance au 1er janvier 2014 ne connaît pas d’évolution en termes d’ordre de grandeur par rapport à 2012 (cf. graphique 2 et « Chronique de l’activité contentieuse de l’année 2012 », supplément LIJ n° 180, décembre 2013, page XIX).

   
 
Graphique 2 Répartition thématique des requêtes en instance au 1er janvier 2014 (contentieux des établissement d'enseignement supérieur)
 
   
  sens des dÉcisions et ordonnances prononcÉes en 2013
 

Le taux des décisions favorables à l’administration est relativement stable (près de 61 % en 2013, contre 62 % en 2012), celui des décisions défavorables progressant de 22 % à 25%, pour un taux de désistement et de non-lieu passant de 16 à près de 14,5 % (cf. tableau 1).

   
 
Tableau 1 Répartition thématique, sens et part relative des décisions prononcées en 2013 (contentieux des établissement d'enseignement supérieur)
 
   
 

Le taux d’ordonnances favorables à l’administration progresse en 2013 (81 %, contre 75% en 2012), avec une baisse corrélative de celui des ordonnances défavorables (19 %, contre 25 % en 2012, cf. tableau 2).

   
 
Tableau 2 Répartition thématique, sens et part relative des ordonnances prononcées en 2013 (contentieux des établissement d'enseignement supérieur)
 
   
  ProcÉdures disciplinaires
 

Enfin, s’agissant des procédures disciplinaires engagées par les établissements d’enseignement supérieur, l’année 2013 en enregistre 1 547, y compris les recours formés en appel devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), soit un nombre légèrement supérieur à celui de 2012 (1 494).
Les poursuites sont essentiellement dirigées contre des étudiants puisque sur 1 487 poursuites dirigées devant les sections disciplinaires, seulement 10 ont trait à des enseignants, soit un ordre de grandeur stable par rapport à 2012 (13 dossiers) et 2011 (16 dossiers).
Ces poursuites ont donné lieu au prononcé de sanctions contre les étudiants dans 85 % des cas et contre les enseignants dans 90 % des cas.

   
  Le contentieux des rectorats
  Évolution du contentieux traitÉ par les rectorats depuis 2008
 

Le bilan de l’année 2013 confirme, sur les plans quantitatif et qualitatif, les orientations relevées en 2012 en matière de contentieux des décisions des recteurs prises dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Le volume global des recours, dont le nombre s’élève à 41 en 2013, connaît une diminution substantielle, dans le prolongement de la tendance observée en 2012. Symétriquement, le nombre des décisions rendues par les juridictions a continué d’augmenter. Le « stock » des affaires contentieuses en instance au début de l’année 2014 enregistre une baisse corrélative sensible (cf. graphique 3).

   
 
Graphique 3 Évolution depuis 2008 (contentieux en matière d'enseignement supérieur traité par les rectorats)
 
   
  rÉpartition thÉmatique des recours introduits en 2013, dÉcisions notifiÉes et affaires en instance
 

Sur le plan thématique, conformément à une tendance régulièrement constatée, ce sont les dossiers contentieux relatifs à l’aide aux étudiants qui restent largement prépondérants (cf. graphiques 4,5 et 6), aussi bien en ce qui concerne les recours introduits en 2013 (46 %), que les décisions juridictionnelles (62 %) et les affaires en instance (56 %).
S’agissant des recours introduits en 2013, les litiges relatifs à la gestion des personnels de l’État affectés dans l’enseignement supérieur forment le second pôle de ce contentieux (27 %). Les autres litiges, ayant trait à l’inscription en première année universitaire, aux conditions de délivrance des diplômes, ainsi qu’à diverses affaires (constructions universitaires notamment), restent minoritaires.

   
 
Graphique 4 Recours introduits en 2013 (contentieux en matière d'enseignement supérieur traité par les rectorats)
 
   
 
Graphique 5 Décisions prononcées en 2012 (contentieux en matière d'enseignement supérieur traité par les rectorats)
 
   
 
Graphique 6 Recours en instance au 1er janvier 2014 (contentieux en matière d'enseignement supérieur traité par les rectorats)
 
  sens des dÉcisions rendues
 

Le sens des décisions rendues, référés inclus, est favorable à l’administration dans 65 % des cas, soit une proportion stable par rapport aux années précédentes. Par ailleurs, s’ajoutent 12 % de désistements et non-lieux.

   
  Le contentieux de l'administration centrale (sous-direction des affaires juridiques de l'enseignement supérieur)
  recours introduits et dÉcisions rendues en 2013
  Répartition
 

En 2013, le nombre total de recours formés devant les juridictions administratives accuse une baisse par rapport à 2012 (158, contre 173 en 2012). La baisse la plus significative concerne les recours formés devant les tribunaux administratifs (- 20 recours) ; ceux formés devant le Conseil d’État connaissent une baisse moindre (- 9 recours). Le nombre de recours enregistrés devant les cours administratives d’appel a, en revanche, augmenté, passant de 27 à 41.

Le nombre total de décisions rendues en 2013 est en nette diminution, puisqu’il est passé de 222 en 2012 à 143. Cette diminution concerne les trois degrés de juridiction. Les cours administratives d’appel, pour lesquelles le nombre de décisions rendues est passé de 53 à 14, révèlent l’amplitude la plus importante. La diminution est également significative pour les tribunaux administratifs, avec 128 décisions rendues en 2012, contre 95 en 2013.
   
 
Tableau 3 Répartition des recours introduits et décisions rendues en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
   
 
Graphique 7 Répartition par juridiction des recours formés en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
 

La répartition des requêtes nouvelles par thème est relativement stable ; le contentieux des personnels, de loin le plus massif, représente près de 70 % (?) des recours.
La diminution du nombre de décisions rendues concerne tous les thèmes, mais la baisse la plus significative touche le contentieux relatifs aux personnels, pour lequel 153 décisions avaient été rendues en 2012, contre 94 en 2013.

   
 
Graphique 8 Répartition par thèmes des recours formés en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
   
  Évolution
   
 
Graphique 9 Évolution des recours formés et des décisions rendues entre 2003 et 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
   
  sens des dÉcisions rendues en 2013
 

La diminution du nombre de décisions en 2013 concerne principalement celles rendues dans un sens favorable (85, contre 145 en 2012). En conséquence, la proportion de décisions favorables a baissé de 6 points, passant de 65 % à 59 % en 2013, alors que la proportion de décisions défavorables a augmenté d’autant, passant de 22% à 28 %. À noter qu’en valeur absolue, le nombre de décisions défavorables a tout de même diminué, passant de 49 en 2012 à 40.
L’augmentation de la proportion de décisions défavorables concerne essentiellement les cours administratives d’appel et le Conseil d’État : en 2013, le nombre de décisions favorables et défavorables est sensiblement le même, alors qu’en 2012, le nombre de décisions favorables était nettement supérieur. En ce qui concerne le Conseil d’État, l’objet des décisions défavorables est identifiable : il s’agit principalement d’annulations de sanctions prononcées par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire et de décisions défavorables émises par les instances des établissements d’enseignement supérieur sur des candidatures à des postes de professeur des universités.
En revanche, devant les tribunaux administratifs, la répartition des décisions rendues en fonction de leur sens est très comparable à celle enregistrée en 2012 et la proportion de décisions favorables reste significativement plus importante que celle des décisions défavorables (67 % contre 20 %).

   
 
Tableau 4 Sens des décisions rendues sur les recours traités en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
 
(1) Désistement, non-lieu,renvoi à une juridiction
   
 
Graphique 10 Sens des décisions rendues sur les recours traités en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
   
  condamnation pÉcuniaires prononcÉes en 2013
 

11 recours traités par la direction des affaires juridiques et jugés en 2013 ont donné lieu à condamnation pécuniaire de l’État pris en la personne du ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le montant total des condamnations pécuniaires a diminué de plus de la moitié par rapport à celui de l’année 2012, passant de 83 244 euros à 40 592 euros.

Outre la diminution globale du nombre de décisions rendues en 2013, la principale différence par rapport à l’année 2012 réside dans le fait qu’une seule décision a condamné le ministre chargé de l’enseignement supérieur au paiement de dommages et intérêts, à hauteur de 17 200 euros, alors que ce montant atteignait 56 444 euros l’année précédente. Dans la continuité d’une tendance constatée ces dernières années, la proportion des condamnations pécuniaires liées au paiement des frais irrépétibles en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative a augmenté, à tel point que son montant dépasse désormais celui des condamnations au paiement de dommages et intérêts et atteint plus de la moitié de la somme totale des condamnations pécuniaires, ce qui constitue une situation inédite par rapport aux années précédentes.

   
 
Graphique 11 Montant des condamnations pécuniaires prononcées contre l'État en 2013 (contentieux de la direction des affaires juridiques du ministère en matière d'enseignement supérieur)
 
 
 
 sÉlection de dÉcisions juridictionnelles marquantes

Le bilan de l’activité contentieuse est l’occasion de revenir sur certaines décisions rendues en 2013 par le Conseil Constitutionnel et les juridictions administratives en raison de l’intérêt qu’elles peuvent présenter.

Vie scolaire et étudiante
   Un étudiant en médecine n’ayant pu valider en France le cursus lui permettant de candidater au troisième cycle des études médicales peut se prévaloir à cet effet de la validation dans un État membre de l'Union européenne d’un cursus équivalent.
 

C.E., 23 janvier 2013, n° 353300 et 353350, aux tables du Recueil Lebon

  LIJ n° 176, juin 2013 (p.7-8)
   
 

Le Conseil d’État était amené à se prononcer sur la légalité de dispositions du décret n° 2011-954 du 10 août 2011 modifiant certaines dispositions relatives au troisième cycle des études médicales interdisant toute possibilité de se présenter aux épreuves donnant accès au troisième cycle des études médicales dès lors qu’ont été épuisées les possibilités d’être admis à suivre des études médicales en France. La mesure entendait répondre au constat que certains étudiants, privés de la possibilité de s’inscrire en première année de médecine (nul ne pouvant réglementairement prétendre à plus de deux inscriptions), accomplissaient leur premier et deuxième cycles des études médicales dans un État membre autre que la France avant de revenir en France pour se présenter aux épreuves classantes nationales en vue d’accéder au troisième cycle des études médicales.

Le Conseil d’État a annulé les dispositions en cause, considérant « que (…) [elles introduisent] une différence de traitement entre les étudiants qui ont accompli la totalité de leur formation dans [un État membre autre que la France], sans, le cas échéant, condition limitative en ce qui concerne les possibilités de redoublement, et ceux qui, ayant commencé leur formation en France et ayant épuisé les possibilités d’être admis en deuxième année, ont poursuivi leur formation et l’ont achevée dans l’un des ces États ; que cette différence de traitement n’est pas fondée sur la différence de situation existant entre ces étudiants au regard du niveau de diplôme exigé pour se présenter au troisième cycle d’études médicales, mais sur les conditions de déroulement du premier cycle de ces études ».

   
Personnels
  RECRUTEMENT
  Fonction publique
   Un candidat à un concours de recrutement à un emploi public doit remplir au moment de l’ouverture de ce concours toutes les conditions, notamment d’âge, auxquelles sa nomination est subordonnée.
 

C.E., 8 avril 2013, n° 340152, aux tables du Recueil Lebon

 

LIJ n° 176, juin 2013 (p. 8-9)

   
 

Lorsque l’administration constate qu’un candidat à un concours ne remplira pas toutes les conditions pour être nommé et titularisé dans le corps auquel le concours donne accès, elle se trouve en situation de compétence liée et doit refuser l’admission à concourir. Tel est notamment le cas s’il est constaté qu’à la date prévisible de sa titularisation, le candidat aura dépassé la limite d’âge du corps auquel il postule, compte tenu des reculs de limite d’âge auxquels il aura droit.

C'est à ce dernier égard que se situe l'apport de la décision de Conseil d'État qui, après avoir rappelé « que, sauf disposition contraire, les candidats à un concours pour le recrutement à des emplois publics doivent remplir, au moment de l’ouverture de ce concours, toutes les conditions auxquelles leur nomination est subordonnée ; qu’en particulier, l’administration est tenue de refuser l’admission à concourir s’il apparaît que le candidat aura dépassé la limite d’âge le jour de sa titularisation dans le corps auquel le concours donne accès », a en effet jugé « que la détermination de la limite d’âge applicable au candidat doit tenir compte, y compris pour les candidats n’ayant pas la qualité d’agent public, des reculs de limite d’âge auxquels le candidat aura droit s’il est nommé et titularisé ».
   
  Enseignement supérieur
   La section compétente du Conseil national des universités agit en qualité de jury dans le cadre de la procédure de recrutement prévue au 3° de l’article 46 du décret du 6 juin 1984.
 

C.E.,28 novembre 2013, n° 360409

 

LIJ n° 182, mars 2014

   
 

Le Conseil d’État était saisi d’un litige relatif au concours de recrutement des professeurs des universités réservé aux maîtres de conférences prévu au 3° de l’article 46 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statuaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

Cette décision a été l’occasion pour le Conseil d’État de préciser la nature de l’avis émis, dans le cadre de cette procédure de recrutement, par la section compétente du Conseil national sur les candidatures au poste de professeur des universités proposées par le comité de sélection et transmises par l’établissement. À cet égard, il a considéré « que cet avis peut avoir pour effet de modifier l’ordre de la liste de classement des candidats établie par le comité de sélection ; qu’à l’issue de la procédure, le candidat le mieux classé dans l’ordre de la liste de classement proposée et bénéficiant d’un avis favorable est nommé ; que la section compétente du Conseil national des universités agit en qualité de jury de concours dans la procédure de recrutement décrite ; que, dès lors, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la (…) section compétente du Conseil national des universités ne pouvait légalement apprécier les mérites des candidats proposés au poste de professeur des universités ».
   
  Agents contractuels
   Transformation d’un contrat à durée déterminé en contrat à durée indéterminée à l’épreuve de la méthode du faisceau d’indices
 

T.A. Nantes, 12 mars 2013, n° 1208556, n° 1208668 et n° 1211336

 

LIJ n° 175, mai 2013 (p. 10-11)

   
 

Ce jugement a été l’occasion pour le tribunal administratif de Nantes de préciser le mode de raisonnement du juge administratif en cas de litige relatif à la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en vertu de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Précisément, le juge recherche, en recourant le cas échéant à la méthode du faisceau d’indices, si un agent a, en réalité, accompli la durée requise de services publics effectifs auprès d‘un même employeur.

Dans le cas d’espèce qui lui était soumis, le juge a considéré que « bien qu’ayant formellement signé treize contrats successifs la liant à trois employeurs différents, [la requérante] a été continûment employée sur le même emploi (...), situé dans les mêmes locaux (…), pour exercer des fonctions de même nature (…) sous l’autorité du même responsable hiérarchique (…) ; que [la requérante] a, dans ce cadre contractuel et au titre de fonctions et d’activités qui n’ont pas varié, toujours [perçu] des rémunérations de niveau équivalent (...) ». Le tribunal a retenu que deux de ses employeurs avaient agi pour le compte du troisième, « qui apparaît en conséquence comme l’unique et véritable employeur de la requérante ».
   
  EXERCICE DES FONCTIONS
   Les fonctions confiées à un agent doivent correspondre à celles que son grade lui donne vocation à exercer.
 

C.A.A. Nancy, 31 janvier 2013, n° 111NC01976

 

LIJ n° 174, avril 2013 (p. 8-10)

   
 

Amenée à se prononcer sur les modalités de l’affectation d’un attaché d’administration, la cour a jugé qu’en laissant l’intéressé « dans une situation de désœuvrement à la suite de son affectation dans un service ne lui conférant aucune tâche en rapport avec son grade et ses compétences », l’administration avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Ce faisant, la cour a fait application du principe selon lequel tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
   
   Les fonctions de maître de conférences sont compatibles avec un mandat parlementaire.
 

Cons. const., 19 décembre 2013, n° 2013-30 I

 

LIJ n° 182, mars 2014

   
 

Aux termes de l’article L.O. 142 du code électoral : « L’exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de député. Sont exceptés [de ces] dispositions (…) les professeurs qui, à la date de leur élection, étaient titulaires de chaires données sur présentation des corps où la vacance s’est produite ou chargés de directions de recherches (…). »

Le Conseil constitutionnel devait trancher la question inédite de savoir si les dispositions de cet article, qui autorisent les professeurs des universités à exercer un mandat de député, étaient également applicables aux maîtres de conférences.

Il a répondu par l’affirmative en jugeant que : « Les maîtres de conférences sont des enseignants-chercheurs titulaires comme les professeurs des universités et bénéficient des mêmes garanties d’indépendance que ces derniers ; (…) par suite, pour l’application des dispositions de l’article L.O. 142 du code électoral, il n’y a pas lieu de distinguer entre les maîtres de conférences et les professeurs des universités (…). »
   
  SANCTIONS DISCIPLINAIRES
   Contrôle normal de la proportionnalité de la sanction disciplinaire à la gravité de la faute
 

C.E., Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704, au Recueil Lebon

 

LIJ n° 180, décembre 2013 (p. 12-13)

   
 

Par cette décision d’Assemblée, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence sur le degré de contrôle exercé par le juge administratif lorsqu’il est amené à apprécier la proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent à la gravité de la faute qu’il a commise.

En effet, alors que le juge exerçait jusqu’alors un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (cf. C.E., Section, 9 mars 1978, n° 05911, au Recueil Lebon) consistant à vérifier que la sanction disciplinaire prononcée n’était pas « manifestement disproportionnée » aux faits reprochés (C.E., Section, 1er février 2006, n° 271676, au Recueil Lebon), il exerce désormais un contrôle normal – ou contrôle entier – sur la proportionnalité de la sanction à la gravité de la faute.

Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’ « il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ».
   
   La méconnaissance par le juge d’appel, saisi du seul recours de la personne sanctionné, du principe général du droit prohibant l’aggravation d’une sanction disciplinaire est d’ordre public.
 

C.E., 17 juillet 2013, n° 362481, au Recueil Lebon

 

LIJ n° 178, octobre 2013 (p. 20-21)

   
 

Un étudiant, exclu de tout établissement d’enseignement supérieur pendant cinq ans, s’était vu infliger, en appel, la sanction d’exclusion définitive.

Le Conseil d’État a rappelé « qu’il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu’une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d’appel saisi du seul recours de la personne frappée par la sanction ». Il a ajouté que cette règle « s’applique y compris dans le cas où le juge d'appel, après avoir annulé le jugement de première instance, se prononce par voie d’évocation ».

Le Conseil d’État a précisé que le juge disciplinaire d'appel qui méconnaissait cette règle ignorait l'étendue de sa compétence et que cette règle relevait, dès lors, de l'ordre public qu'il appartenait au juge de cassation de protéger, au besoin en relevant d'office sa méconnaissance.
   
  Conditions de régularité de la procédure suivie devant la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline
 

C.E., 4 décembre 2013, n° 357335, aux tables du Recueil Lebon
LIJ n° 181, janvier 2014

 

C.E., 11 décembre 2013, n° 366298, aux tables du Recueil Lebon
LIJ n° 184, juillet 2014

   
 

Le Conseil d’État a, par deux décisions rendues en décembre 2013, apporté d’utiles précisions sur les conditions dans lesquelles siège régulièrement une commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline.

Tout en confirmant sa jurisprudence selon laquelle un représentant suppléant de l’administration a vocation à remplacer tout représentant de l’administration au sein d’une commission administrative paritaire, le Conseil d’État a ajouté, par sa décision du 4 décembre 2013, que si un représentant du personnel suppléant n’était pas rattaché à un représentant du personnel titulaire donné, il ne pouvait toutefois valablement remplacer un représentant du personnel titulaire qu’à la condition d’avoir été élu sur la même liste et au titre du même grade que le membre titulaire empêché.

Par sa décision du 11 décembre 2013, le Conseil d’État a jugé que les membres suppléants du conseil de discipline qui remplaçaient les membres titulaires acquéraient voix délibérative et pouvaient, par conséquent, demander un vote à bulletin secret, alors même que les dispositions de l’article 32 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires n’offraient, littéralement, cette possibilité qu’aux seuls membres titulaires.

Le Conseil d’État a précisé également, par cette dernière décision, que le droit pour un agent faisant l’objet d’une procédure disciplinaire de présenter lui-même ou par l’intermédiaire de son défenseur d’ultimes observations avant que le conseil de discipline ne délibère, ainsi que le prévoit l’article 5 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État, n’impliquait pas que l’agent soit informé du fait que le conseil délibérerait immédiatement après ses dernières observations.
   
  ÉVICTION DU SERVICE
   Obligation pour l’administration de chercher à reclasser un agent contractuel à durée indéterminée préalablement à son licenciement
 

C.E., Section, 25 septembre 2013, n° 365139, au Recueil Lebon

  LIJ n° 178, octobre 2013 (page 15)
  C.E., 18 décembre 2013, n° 366369, aux tables du Recueil Lebon
LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Par ces deux avis, le Conseil d’État a dégagé un nouveau principe général du droit sur la question des conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut prononcer le licenciement d’un agent contractuel bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l‘emploi correspondant.

Au préalable, il a rappelé que, par les dispositions de l’article 3 de loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l’article 4 loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l’État soient, en principe, occupés par des fonctionnaires et qu’il n’a permis le recrutement d’agents contractuels, aussi bien à durée déterminée qu’indéterminée, qu’à titre dérogatoire et subsidiaire. Partant de ce principe, le Conseil d’État a considéré qu’un agent contractuel ne tient pas de son contrat le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté lorsque l’autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi.

Pour autant, il incombe à l’administration qui entend, pour ce dernier motif, écarter un agent recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée de chercher à le reclasser avant de prononcer son licenciement. En effet, pour le Conseil d’État, « il résulte (…) d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l'emploi correspondant, de chercher à reclasser l'intéressé ».

Enfin, le Conseil d’État a précisé que « dans l'attente des décrets prévus par l'article 49 de la loi [n° 2012-347] du 12 mars 2012, la mise en oeuvre de ce principe implique que l'administration, lorsqu'elle entend pourvoir par un fonctionnaire l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi. L'agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de l'État, des dispositions des titres XI et XII du décret [n° 86-83] du 17 janvier 1986, que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite. »

Le Conseil d’État, dans sa décision n° 366369, a fait application de ces principes dans le cas d’un licenciement prononcé dans le cadre d’une modification de l’organisation du service.
   
   Modalités d’indemnisation d’un agent irrégulièrement évincé du service
  C.E., Section, 6 décembre 2013, Commune d'Ajaccio,, n° 365155, au Recueil Lebon
  LIJ n° 183, mai 2014
   
 

Par cette décision, le Conseil d’État apporte des précisions sur les modalités d’indemnisation des préjudices subis par unun agent public du fait de son éviction illégale du service, dont il avait posé le principe en 1933 (C.E., Assemblée, 7 avril 1933, n° 04711, au Recueil Lebon).

 

Il redéfinit les contours des éléments à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité en retenant « qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement, ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ».
   
   Le délai de prévenance d’un mois que l’administration doit respecter, dans le cadre du non renouvellement d’un contrat à durée déterminée, s’entend de date à date.
  C.E., 5 juillet 2013, n° 353572, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 178, octobre 2013 (p. 14-15)
   
 

Cette décision a été l’occasion pour le Conseil d’État de se prononcer sur le sens des dispositions de l’article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’État, aux termes desquelles : « Lorsque l’agent non titulaire est recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d’être reconduit, l’administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard (…) au début du mois précédant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée supérieure ou égale à six mois et inférieure à deux ans (...). »


La question posée était de savoir si ces dispositions devaient être regardées comme imposant un délai de prévenance comprenant les jours du mois au cours duquel le contrat arrive à échéance auquel est ajouté le mois précédent (méthode de calcul par « mois calendaire ») ou un délai d’une période d’un mois de date à date dont le dernier jour correspond au terme de l’engagement (méthode de calcul par « mois glissant »).

 

Le Conseil d’État a retenu la méthode du mois glissant en jugeant qu’il résulte des dispositions de l’article 45 du décret du 17 janvier 1986 que la décision notifiant l'intention de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée susceptible d'être reconduit d'un agent non titulaire de l'État doit intervenir au moins un mois avant le terme du contrat.
   
  AVANCEMENT
   Conditions de validité d’un tableau d’avancement arrêté après le délai réglementaire
  C.E., 23 octobre 2013, n° 339260, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Le Conseil d’État confirme par cette décision que le respect du délai dans lequel doit être établi un tableau d’avancement, initial ou complémentaire, (aujourd’hui prévu par les dispositions de l’article 14 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’État) « n’est pas prescrit à peine de nullité ».

 

Il précise toutefois que, dans les cas où les tableaux d’avancement sont arrêtés après les dates prévues par les textes applicables, d’une part, l’ordre de succession entre le tableau initial et le tableau complémentaire doit être respecté et, d’autre part, les conditions statutaires d’avancement applicables sont celles en vigueur à la date à laquelle ces tableaux auraient dû être arrêtés.
   
  CONGÉ DE MALADIE
    Un agent peut être placé et maintenu d’office en congé de maladie, à titre conservatoire, dans l’attente de l’avis du comité médical sur la mise en congé de longue maladie.
 
      • C.E., 8 avril 2013, n° 341697, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 177, juillet-août-septembre 2013 (p. 11)
   
 

Appelé à se prononcer sur la légalité d’arrêtés rectoraux plaçant d’office un attaché d’administration en congé de maladie à titre conservatoire, puis le maintenant d’office en congé, le Conseil d’État a jugé que les dispositions combinées des articles 24 et 34 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 « ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonctionnaire et ne sauraient donc, par elles-mêmes, faire obstacle à ce qu'un fonctionnaire soit placé d'office dans cette position dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu'elle le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Ainsi, lorsque l'administration a engagé une procédure de mise en congé de longue maladie conformément à l'article 34 du décret du 14 mars 1986, elle peut, à titre conservatoire et dans l'attente de l'avis du comité médical sur la mise en congé de longue maladie, placer d'office l'agent concerné en congé lorsque sa maladie a été dûment constatée et le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. »

 

Il a précisé que la décision de placer, puis celle de maintenir d’office un agent en congé de maladie, à titre conservatoire, doivent chacune être précédées d’un avis médical.
   
  TRAITEMENT ET RÉMUNÉRATION
   Retenues pour absence de service fait en cas de grève
 
  • C.E., 4 décembre 2013, n° 351229, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Le Conseil d’État, saisi d’un litige relatif à une retenue sur traitement opérée au titre d’une journée de grève, a rappelé sa jurisprudence selon laquelle « l’absence de service fait, due en particulier à la participation à une grève pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d’indivisibilité, c’est-à-dire au trentième de la rémunération mensuelle ; (...) en outre, eu égard au caractère mensuel et forfaitaire du traitement (…), le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève, en principe, à autant de trentièmes qu’il y a de journées où cette absence de service fait a été constatée, même si durant certaines de ces journées cet agent n’avait aucun service à accomplir ; (...) l’application des règles de décompte des retenues sur le traitement mensuel de l’agent en grève ne saurait porter atteinte à son droit au congé annuel lorsque cet agent a été, préalablement au dépôt d’un préavis de grève, autorisé par son chef de service à prendre ses congés au cours d’une période déterminée ».

 

En l’espèce, il a estimé qu’alors même que l’agent bénéficiait d’une journée de récupération accordée par son chef de service, l’administration avait pu légalement opérer une retenue sur traitement pour absence de service fait au titre de cette journée dès lors qu’il était constant que l’intéressé avait bien pris part au mouvement de grève. Ce faisant, le Conseil d’État a précisément distingué les régimes applicables en cas de grève aux journées de récupération et aux congés annuels.
   
  Établissements
  ÉTABLISSEMENTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
   Légalité de la création d’un établissement public de coopération scientifique
  C.E., 4 décembre 2013, n° 364207
  LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Le Conseil d’État était saisi d’un recours tendant à l’annulation du décret n° 2012-1111 du 1er octobre 2012 portant création de l’établissement public de coopération scientifique « Université Paris-Lumières ».


La requête a été jugée recevable, dans la mesure où « si l’article 117 de la loi [n° 2013-660] du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a eu pour effet de transformer, dès la publication de cette loi, les établissements de coopérations scientifique en communautés d’universités et établissements, cette modification, qui ne revêt aucun caractère rétroactif, n’a eu ni pour objet ni pour effet (…) de valider rétroactivement le décret attaqué ».


Par sa décision, le Conseil d’État a notamment été amené à résoudre des questions tenant à la régularité des conditions dans lesquelles le conseil d‘administration d’une des universités membres fondateurs avait adopté les statuts de l’établissement de coopération scientifique.


En raison de troubles à l’ordre public tenant à l’irruption de personnes opposées à la création de l’établissement, le président de séance avait dû suspendre la réunion, laquelle avait pu reprendre trois heures après dans un autre lieu. Le Conseil d’État a considéré que « dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le conseil d’administration aurait tenu (…) une nouvelle séance à laquelle les membres n’auraient pas été convoqués dans les formes et délais réglementaires ne peut qu’être écarté ».


Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé que l’absence de cinq des membres du conseil d’administration lors de la délibération, alors qu’ils étaient présents en début de séance, ne portait pas atteinte à la régularité de la composition du conseil d’administration dès lors que cette absence était de leur fait.

 

Enfin, il a jugé que les requérants n’étaient pas recevables à se prévaloir de l’illégalité de la participation au conseil d’administration d’une personnalité extérieure « dès lors que la délibération (…) l’ayant désigné en cette qualité, qui n’a pas un caractère réglementaire, est devenue définitive ». L’exception d’illégalité d’un acte non réglementaire n’est, en effet, recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle l’exception d’illégalité est invoquée, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État en 2013 (C.E., Section, avis, 30 décembre 2013, n° 367615, au Recueil Lebon, LIJ n° 184, juillet 2014).
   
  Laïcité
   Conformité à la Constitution du droit local en matière d’enseignement applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
  Cons. const., 21 février 2013, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité, n° 2012-297 QPC
  LIJ n° 175, mai 2013 (p. 16-17)
   
 

À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.), le Conseil constitutionnel a examiné la conformité au principe constitutionnel de laïcité de l’article 7 des articles organiques pour les cultes protestants de la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l’organisation des cultes, qui prévoit la prise en charge par l’État du traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.


Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé que la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle avait expressément maintenu en vigueur dans ces départements, à titre provisoire, l’ensemble de la législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses et que l’article 3 de l’ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle prévoyait que : « La législation en vigueur à la date du 16 juin 1940 est restée seule applicable et est provisoirement maintenue en vigueur. »


Il en a déduit que les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État n’ont pas été rendues applicables aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.


Dans sa décision Société Somodia du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel avait jugé « que (...) la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant qu’elles n’ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur ; qu’à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s’agit ; que ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles » (Cons. const., n° 2011-157 QPC).


Dans sa décision du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur constitutionnel avait entendu, lors de l’adoption des Constitutions de la IVe et de la Ve République, maintenir des dérogations au principe de laïcité sur une partie du territoire.

 

Il a considéré « qu’il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958, qui a repris la même disposition, qu’en proclamant que la France est une “République (…) laïque”, la Constitution n’a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l’organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte ; (...) [et] qu’il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de ce que l’article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l’organisation des cultes serait contraire au principe de laïcité doit être écarté ».
   
  Droit de la communication
   Caractère public ou non des propos publiés sur les réseaux sociaux en application des infractions à la loi sur la presse
  Cass., 10 avril 2013, Société Agence du Palais, n° 11-19530, au Bulletin
  LIJ n° 175, mai 2013
   
 

La Cour de cassation a considéré que des propos publiés sur des pages internet de réseaux sociaux à accès restreint ne peuvent constituer le délit d’« injure publique » réprimé aux articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Elle a jugé que, « après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X tant sur le site Facebook que sur le site M.S.N., lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d’intérêts ; qu’elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ».


Toutefois, des propos tenus sur de tels réseaux peuvent, le cas échéant, être qualifiés d’« injures non publiques », contravention réprimée à l’article R. 621 2 du code pénal.

 

Dès lors que l’accès à l’intranet des établissements scolaires et des services est restreint, les propos publiés par ce mode de diffusion ne peuvent recevoir la qualification du délit d’injures publiques. En revanche, les publications sur les sites internet ouverts à tous du ministère, des rectorats et des établissements scolaires ont une diffusion permettant une telle qualification.
   
  Procédure administrative
   La régularité d’une procédure de consultation s’apprécie au regard des textes en vigueur à la date à laquelle est prise la décision.
  C.E., 22 janvier 2013, Syndicat national C.G.T. des chancelleries et services judiciaires, n° 355511, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 173, mars 2013 (p. 11)
   
 

Par cette décision, le Conseil d’État a jugé que la régularité de la consultation d’un organisme devant être obligatoirement consulté avant de prendre un acte est appréciée par rapport aux textes en vigueur à la date d’édiction de cet acte et non à la date de la consultation.

 

Il en effet considéré « qu’en l’absence de dispositions contraires, la régularité de la procédure de consultation d’un organisme s’apprécie au regard des textes en vigueur à la date à laquelle intervient la décision devant être précédée de cette consultation, alors même que celle-ci a eu lieu avant l’entrée en vigueur de ces textes et selon les règles prévues par les dispositions antérieurement applicables ».
   
   Conséquences de la mise en œuvre d’une procédure de signalement à laquelle le parquet n’a pas donné suite
  T.A. Montreuil, 1er octobre 2013, n° 1306058
  LIJ n° 181, janvier 2014
   
 

La directrice d’une école avait informé la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) de la situation d’une élève scolarisée en classe de C.E.1 qui présentait des troubles du comportement pouvant apparaître comme consécutifs à un problème de maltraitance, après avoir recueilli les avis de la psychologue scolaire et de l’infirmière scolaire qui avaient préalablement reçu l’enfant en entretien.


À la suite de ce signalement, la mère de l’élève avait été placée en garde en vue. L’enquête diligentée par les services de police n’ayant pas permis de caractériser de mauvais traitements commis à l’encontre de l’enfant, le procureur de la République avait classé l’affaire sans suite.


Le tribunal administratif de Montreuil, par sa décision n° 1306058, n’a pas fait droit à la requête de cette mère d’élève qui demandait la condamnation de l’État à lui verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant selon elle de la faute commise par la directrice d’école en engageant cette procédure de signalement.


La saisine de la cellule de recueil des informations préoccupantes, instaurée par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, constitue en effet une obligation prévue à l’article 434-3 du code pénal. La chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu la responsabilité pénale d’un directeur de collège qui avait omis de dénoncer, alors qu’il en avait eu connaissance, des faits d’attentats à la pudeur commis sur une élève âgée de quatorze ans (cf. Cass. crim, 17 novembre 1993, n° 93-80466, au Bulletin).


Une « information préoccupante » doit être entendue comme un ensemble d’indications, y compris d’ordre médical, susceptibles de laisser craindre qu’un enfant se trouve en danger ou qu’il coure un risque.


Le tribunal administratif a jugé « que, (...) [en vertu de l'article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 434-3 du code pénal], il appartenait à la directrice de l’établissement, qui disposait d’informations présentant un degré suffisant de vraisemblance, de prendre toute mesure de précaution nécessaire pour préserver l’enfant d’un danger en procédant à un signalement auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) ; que, dans ces circonstances, alors même qu’un avis de classement établi le 19 février 2013 a été transmis à Mme X par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, pour des faits de mauvais traitements ou violences sur mineurs qui n’ont pu être établis, la directrice de l’école élémentaire (…) n’a pas commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’État ; que, par suite, les conclusions aux fins d’indemnité doivent être rejetées ».

 

Le jugement commenté confirme l’obligation, pour les directeurs d’école, de mettre en œuvre l’obligation de signalement en cas d’indices présentant un degré suffisant de vraisemblance en matière de mauvais traitements à enfant.
   
  Procédure contentieuse
   La remise en main propre d’une décision mentionnant les voies et délais de recours vaut notification de la décision.
  C.E., 25 mars 2013, n° 352586, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 175, mai 2013
   
 

La notification d'une décisions procède généralement d’une lettre recommandée avec accusé de réception, mais peut également être faite par voie d’huissier ou encore par une remise en main propre.

 

Par sa décision du 25 mars 2013, le Conseil d’État apporte des précisions à ce dernier égard en retenant que si le destinataire refuse d’apposer sa signature lors de la remise en main propre d’une décision administrative mentionnant les voies et délais de recours et que ce refus de signer est indiqué sur le document qui lui est présenté, la notification est réputée faite à la date de ce refus de signature, la mention du refus de signer de l’agent faisant foi jusqu’à preuve contraire. Le délai de recours contentieux court à compter de cette notification.
   
   La Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de l’ensemble des litiges concernant le recrutement et la discipline des fonctionnaires nommés par décret du président de la République.
  C.E., Section, 21 juin 2013, n° 354299, au Recueil Lebon
  C.E., Section, 21 juin 2013, n° 349730, au Recueil Lebon
  LIJ n° 179, novembre 2013 (p. 12-13)
   
 

Par ces deux décisions, le Conseil d’État a précisé la portée des dispositions de l’article R. 311-1 du code de justice administrative qui lui donne compétence en premier et dernier ressort pour connaître des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du président de la République.

En effet, saisi d’une requête indemnitaire tendant à obtenir la réparation de préjudices qui auraient résulté de la délibération d’un conseil d’administration ayant rejeté une candidature à un poste de professeur des universités, le Conseil d’État, par sa décision n° 354299, a jugé que ces dispositions du code de justice administrative s’entendent comme lui conférant une compétence de premier et dernier ressort, « qu’il s’agisse des litiges relatifs aux décisions des autorités administratives prises en matière de recrutement et de discipline, ou des litiges indemnitaires relatifs à la réparation du préjudice que ces décisions auraient causé ».

 

En outre, par sa décision n° 349730, le Conseil d’État a précisé, s'agissant du recrutement des agents publics nommés par décret du président de la République, que « lorsqu’un concours de recrutement ou une procédure de sélection commande l’accès, fût-ce au terme d’une période de formation, à un corps de fonctionnaires nommés par décret du président de la République, un litige relatif soit à un refus d’admission à concourir, soit aux résultats du concours ou de la sélection  ressortit à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'État ».
   
   Un contentieux indemnitaire formé devant le juge administratif est irrecevable lorsque, à la date à laquelle le juge statue, le requérant s'est borné à l'informer qu'il avait saisi l'administration d'une demande, mais qu'aucune décision de l'administration, ni explicite ni implicite, n'est encore née.
  C.E., 4 décembre 2013, n° 354386, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Cette décision apporte des précisions sur la recevabilité d’un recours subordonné à une demande indemnitaire préalable adressée à l’administration lorsque le requérant adresse, postérieurement à l’introduction d’un recours indemnitaire, une demande en ce sens auprès de l’administration.

 

Le Conseil d’État, dans la droite ligne du considérant de principe qu’il avait dégagé en 2008 (C.E., 11 avril 2008, Établissement français du sang, n° 281374, au Recueil Lebon), a considéré « qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce, quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ».

Puis il a jugé « qu'en revanche, une telle fin de non-recevoir peut être opposée lorsque, à la date à laquelle le juge statue, le requérant s'est borné à l'informer qu'il avait saisi l'administration d'une demande, mais qu'aucune décision de l'administration, ni explicite ni implicite, n'est encore née ».
   
   Une circonstance de droit nouvelle exprimée par une jurisprudence nouvelle conduit le juge à soumettre aux parties cette circonstance alors que l’instruction était close.
  C.E., Section, 19 avril 2013, Chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême, n° 340093, au Recueil Lebon
  C.E., 22 mai 2013, n° 350551, aux tables du Recueil Lebon
  LIJ n° 182, mars 2014
   
 

Par ces deux décisions, le Conseil d’État a été amené à préciser, eu égard au respect du principe du contradictoire, les obligations du juge lorsqu’intervient une évolution de la jurisprudence le conduisant à régler un litige sur un terrain dont n’ont pas débattu les parties.


Dans sa décision n° 340093, le Conseil d’État devait se prononcer sur l’incidence, en termes de procédure, de l’intervention après la clôture de l’instruction et avant l’audience, d’une décision juridictionnelle marquante au point d’orienter la solution du litige.

Il a tout d’abord jugé qu’en situant le litige sur le terrain juridiquement approprié, en application des règles issues d'une décision du Conseil d'État statuant au contentieux postérieure à la date de la clôture de l'instruction, alors que les parties avaient exclusivement débattu, compte tenu des règles applicables avant cette décision, sur un autre terrain juridique, le juge se borne à exercer son office et ne soulève pas un moyen d'ordre public qu'il devrait communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Il a ensuite précisé que le juge ne peut, eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, régler l'affaire sur un terrain dont les parties n'ont pas débattu sans avoir mis celles-ci à même de présenter leurs observations sur ce point. Il lui incombe alors à cette fin soit de rouvrir l'instruction, en invitant les parties à s'exprimer sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil d'État, soit de juger, par un arrêt avant-dire droit, qu'elle entend régler le litige, compte-tenu de cette décision, sur le terrain [juridiquement approprié en demandant en conséquence aux parties de formuler leurs observations sur ce terrain.

Dans sa décision n° 350551, le Conseil d’État devait se prononcer sur l’incidence, en termes de procédure, de l’intervention juste avant la clôture de l’instruction d’une jurisprudence nouvelle dont le requérant avait invoqué le bénéfice par un mémoire produit alors que l’instruction était close. Considérant qu’une telle jurisprudence devait être regardée comme une circonstance de droit nouvelle, le Conseil d’État a retenu qu’il résulte des dispositions des articles R. 613-1, R. 613-3 et R. 613-4 du code de justice administrative que « lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance, ainsi que de le viser dans sa décision ; que, s'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ».
   
   Portée de la communication par le rapporteur public du sens de ses conclusions
  C.E., Section, 21 juin 2013, Communauté d'agglomération du pays de Martigues, n° 352427, au Recueil Lebon
   
 

L’apport de cette décision est de préciser la portée des articles R. 711-3 et R. 712-1 du code de justice administrative qui prévoient que les parties doivent être mises en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens des conclusions du rapporteur public.


Ainsi, « la communication aux parties du sens des conclusions (…) a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; (...) en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; (...) cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ».


Le Conseil d’État ajoute qu’« il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; [mais que]  la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ».


Enfin, il termine en indiquant que « le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement ».

 

Par ailleurs, cette décision est l’occasion pour le Conseil d’État de rappeler le rôle du rapporteur public, « qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient  [et qui] prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ». Ces conclusions, qui peuvent d’ailleurs ne pas être écrites et qui n’ont pas à faire l’objet d’une communication préalable aux parties, « permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué ».
   
   Formalisation des critères d’opérance respectifs de l’exception d’illégalité et de l’annulation par voie de conséquence
 

C.E., Assemblée, 23 décembre 2013, Société Métropole Télévision (M6), n° 363978, au Recueil Lebon
C.E., Section, avis, 30 décembre 2013, n° 367615, au Recueil Lebon
LIJ n° 184, juillet 2014

   
 

Par cette décision d’Assemblée et cet avis, le Conseil d’État a clarifié la portée des mécanismes de l’exception d’illégalité et de l’annulation par voie de conséquence qui, s’ils procèdent d’une inspiration commune tirée de ce que, dans les deux cas, l’illégalité d’un acte administratif est déduite de celle d’un autre acte auquel il est uni, se situent toutefois sur des champs distincts.


Concernant l’exception d’illégalité, le Conseil d’État, confirmant le considérant de principe qu’il avait dégagé en 2011 (C.E., Section, 11 juillet 2011, Société d'équipement du département de Maine-et-Loire, n° 320735, au Recueil Lebon), a rappelé que « l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière a été prise pour l’application du premier acte ou s’il en constitue la base légale ». Il a également rappelé que l’exception d’illégalité d’un acte réglementaire peut être formée à toute époque, même après l’expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, alors que, s’agissant d’un acte non réglementaire, elle n’est recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle l’exception d’illégalité est invoquée.


Concernant l’annulation par voie de conséquence, le Conseil d’État lui reconnaît un champ plus large. En effet, il a estimé « qu’en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont, en l'espèce, intervenues en raison de l'acte annulé  ; qu'il en va ainsi notamment [et donc pas seulement] des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale », à savoir les deux hypothèses dans lesquelles l’exception d’illégalité peut fonctionner.

 

Il a ajouté qu’« il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ».
   
 
 
 

Les articles dans ce numéro ne peuvent être reproduits, même partiellement, sans autorisation préalable.

En cas de reproduction autorisée, ladite reproduction devra mentionner la source et l'auteur.

   
 
  • Rédaction LIJ :
  • Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Secrétariat général - Direction des affaires juridiques
  • 99 rue de Grenelle - 75357 Paris 07 S.P. - Tél. : 01 55 55 05 37 / Fax : 01 55 55 19 20
  • Directrice de la publication : Catherine Moreau
  • Rédacteurs en chefs et adjoints : Marie-Cécile Laguette, Thierry Reynaud, Fabienne Thibau-Lévêque, Michel Delpech
    Responsable de la coordination éditoriale : Julius Coiffait
    Secrétaire de rédaction : Anne Vanaret
  • Ont participé à ce numéro : Cédric Benoit, Karima Bougrine, Philippe Dhennin, Julien Hée, Michel Léandri, Marianne Parent, Virginie Riedinger, Thomas Shaerer, Guillaume Thobaty

  • N° ISSN : 1265-6739
Haut de page
© 2014 Ministère de l'éducation nationale - Tous droits réservés - Mentions légales
 
Cliquer pour afficher l'image à taille réelle