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  ÉDITORIAL
 

 

2014 sera une année majeure pour la mise en œuvre du service public du numérique éducatif, aussi bien pour les services et établissements du ministère de l’éducation nationale que pour les établissements d’enseignement supérieur.

La Lettre d’information juridique n’est pas en reste puisque 2014 sera aussi l’année de sa dématérialisation.

Cette Lettre n° 181 est le dernier numéro « papier », mais il est doublé d’un numéro électronique « zéro ». La nouvelle maquette de la Lettre électronique propose un sommaire actif dont les liens renverront vers les textes hébergés sur une plate-forme dédiée à l’accueil et à l’archivage des numéros en ligne. Les abonnements et désabonnements se feront grâce à un formulaire d’inscription sur le site officiel ministériel education.gouv.fr. Sauf refus de leur part, les abonnés actuels verront leur abonnement en cours automatiquement reconduit en version électronique.

Afin de présenter à nos lecteurs des contenus enrichis et moins tributaires des fluctuations de l’actualité contentieuse, la périodicité de la Lettre est également modifiée puisqu’elle passera à un numéro tous les deux mois (janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre).

Le premier numéro 100 % électronique sera celui de mars 2014.

Toute l’équipe de rédaction de la Lettre d’information juridique est mobilisée pour que la dématérialisation ne sacrifie ni la qualité de la publication, ni le niveau d’exigence que nous nous efforçons d’atteindre pour son contenu.

En espérant que cette nouvelle formule satisfera nos lecteurs fidèles tout en attirant un nouveau lectorat, je souhaite à tous, au nom de la direction des affaires juridiques, une excellente année 2014.

 
Catherine Moreau       
 
  SOMMAIRE
 
 
  Jurisprudence
  Enseignement scolaire
  Premier degré
   Retrait d’emploi d’un poste de professeur des écoles – Classe unique – Fermeture d’école – Consultation
  C.A.A. Nancy, 13 juin 2013, M.et Mme X c/ Ministre de l’éducation nationale, n° 12NC01472
 
   Répartition des élèves dans les classes – Affectation des élèves dans les classes – Mesure d’ordre intérieur – Décision pouvant ou non faire l’objet d’un recours – Classes à horaires aménagés musicales (CHAM)
  T.A. Châlons-en-Champagne, 15 octobre 2013, n° 1101380
  Enseignement supérieur et recherche
  Vie de l’étudiant
   Droit communautaire – Aide d’entretien aux études
  C.J.U.E., 24 octobre 2013, n° C-220/12
  Examens et concours
  Organisation
   Fonctionnaires et agents publics – Concours de recrutement – Organisation – Jury – Collégialité – Groupes d’examinateurs – Péréquation des notes
  T.A. Montpellier, 15 novembre 2013, n° 1104993
  Personnels
  Questions communes
   Commissions administratives paritaires – Représentants du personnel – Suppléants
  C.E., 4 décembre 2013, n° 357335, aux tables du Recueil Lebon
 
   Personnels enseignants – Rémunération pour leur participation à des activités liées au fonctionnement de jurys d’examen et à des activités de recrutement d’agents publics relevant du service public de l’éducation – Non-cumul avec les heures supplémentaires d’enseignement annuelles
  C.E., 23 octobre 2013, Syndicat national des enseignements de second degré (SNES), n°s 360610 et 360828
 
   Frais de déplacement – Autorisation préalable du chef de service – Utilisation du véhicule personnel
  T.A. Lille, 1er octobre 2013, n° 1302310
 
   Fonctionnaires et agents publics – Calcul des droits à pension de retraite – Reprise d’ancienneté à la suite d’un reclassement dans un nouveau grade – Assimilation de l’ancienneté reprise à une occupation effective du nouveau grade ou échelon au sens de l’article L. 15 du C.P.C.M.R. – Absence
  C.E., 6 novembre 2013, Ministre de l’économie et des finances, n° 365278, aux tables du Recueil Lebon
 
   Agent non titulaire – Modification unilatérale du contrat – Rétroactivité
  T.A. Strasbourg, 3 octobre 2013, n° 1301359
 
   Vacations – Recrutement irrégulier – Limite d’âge – Enrichissement sans cause
  J.R.C.A.A. Versailles, 5 novembre 2013, n° 13VE00429
 
   Agent contractuel – Refus de renouvellement de contrat – Motif légitime (non) – Allocation chômage (non)
  T.A. Caen, 17 octobre 2013, n° 1300118
 
   Agent public – Protection fonctionnelle – Compétence en cas de pluralité de personnes publiques – Faute personnelle
  C.E., 5 avril 2013, n° 349115
   
  Questions propres aux personnels de l'enseignement universitaire
 
   Enseignants-chercheurs – Recrutement et gestion – Délégation de pouvoirs – Mesures de déconcentration
  C.E., 23 octobre 2013, n° 358363
  C.E., 23 octobre 2013, n° 358364
 
   Recrutement – Veto d’un directeur d’I.U.T. – Motifs étrangers à l’administration de l’I.U.T. – Motifs erronés – Annulation – Injonction – Réexamen
  C.E., 23 octobre 2013, n° 359919
 
   Procédure de recrutement – Avis du conseil d’administration – Motivation – Insuffisance – Réexamen
  C.E., 23 octobre 2013, n° 360084
  Responsabilité
  Questions générales
   Dénonciation de mauvais traitements ou de privations infligées à un mineur de quinze ans – Cellule de recueil des informations préoccupantes – Non-lieu – Faute du chef d’établissement – Responsabilité de l’État
  T.A. Montreuil, 1er octobre 2013, n° 1306058
 
   Agent contractuel – Non-renouvellement de contrat et mesure de licenciement – Illégalités fautives (oui) – Réparation (non)
  T.A. Paris, 31 octobre 2013, n° 1216884
  Construction et marchés
  Passation des marchés
   Procédure d’appel d’offres – Critères de notation et méthode d’évaluation des critères
  C.E., 25 mars 2013, n° 364951, aux tables du Recueil Lebon
 
  Consultations
  Enseignement supérieur
   Legs
  Lettre DAJ B1 n° 2013-292 du 13 novembre 2013
   
  Communication de documents
   Communication de documents administratifs – Remise de diplômes à un tiers
  Note DAJ A3 n° 13-0285 du 8 novembre 2013
   
   Duplicata de diplôme
  Consultation DAJ B1 n° 2013-304 du 2 décembre 2013
 
  Le point sur
   L'instruction d'un cas supposé de harcèlement sexuel
 
  Actualités
  Textes officiels
  Code du travail
   Protection des jeunes travailleurs – Réforme de la réglementation – Procédure de dérogation aux travaux réglementés pour les besoins de la formation professionnelle – Obligation de transmission d’informations individuelles
  Décret n° 2013-914 du 11 octobre 2013 relatif à la procédure de dérogation prévue à l'article L. 4153-9 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans
  Décret n° 2013-915 du 11 octobre 2013 relatif aux travaux interdits et réglementés pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans
  J.O.R.F. du 13 octobre 2013
  Circulaire interministérielle n° 11 du 23 octobre 2013 relative à la mise en œuvre des dérogations aux travaux réglementés pour les jeunes âgés de quinze ans au moins et de moins de dix-huit ans
  NOR : ETST1330265C – http://circulaire.legifrance.gouv.fr
 
  Jurisprudence
 

Enseignement scolaire

  Premier degrÉ
  Organisation de l’enseignement du premier degré
   Retrait d’emploi d’un poste de professeur des écoles – Classe unique – Fermeture d’école – Consultation
  C.A.A. Nancy, 13 juin 2013, M. et Mme X c/ Ministre de l’éducation nationale, n° 12NC01472
  Par un courrier du 6 mai 2011, une inspectrice d’académie avait informé le maire d’une commune de sa décision de procéder, à compter du 1er septembre 2011, à la suppression de l’emploi de professeur des écoles de la classe unique de sa commune (1).
  L’association «École et territoire » et M. et Mme X avaient présenté une requête devant le tribunal administratif de Besançon tendant à l’annulation de cette décision qui avait été rejetée par un jugement en date du 21 juin 2012, confirmé par la cour administrative d’appel de Nancy.
  La cour a d’abord écarté un moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de consultation du département sur les projets de création ou de suppression d'écoles, prévue à l’article D. 213-29 du code de l’éducation, au motif qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence de consultation ait eu une influence sur le sens de la décision prise par l’inspectrice d’académie ou qu’elle ait privé les requérants d’une quelconque garantie, dès lors qu’il n’est pas établi que la décision contestée s’accompagnera d’une modification substantielle en matière de transport, justifiant la consultation du département auquel incombe la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces transports ».
   
  Si, en vertu du premier alinéa de l’article L. 212-2 du code de l’éducation : « Toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique […] », les dispositions du deuxième alinéa prévoient que : « Toutefois, deux ou plusieurs communes peuvent se réunir pour l’établissement et l’entretien d’une école. Cette réunion est obligatoire lorsque, deux ou plusieurs localités étant distantes de moins de trois kilomètres, la population scolaire de l’une d’elles est inférieure régulièrement à quinze unités. »
   
  Le juge d’appel a considéré que « si les requérants soutiennent que l’effectif des élèves scolarisés dans l’école communale de [la commune concernée], qui était de dix élèves à la rentrée scolaire 2011, devait augmenter et passer de quinze à vingt élèves dans les deux prochaines années en raison de l’augmentation du nombre des habitants de la commune, liée à la création de deux lotissements, cette circonstance, à la supposer vérifiée, ne suffit pas à établir que l’administration aurait commis une erreur de fait dans l’appréciation des effectifs à la date à laquelle la décision en litige a été prise ».
   
  Il a par ailleurs rappelé « qu’il n’existe pas de seuil d’effectif d’élèves, légal ou réglementaire, plaçant l’inspecteur d’académie en situation de compétence liée pour procéder à la suppression d’un poste d’enseignant ; que les requérants n’établissent pas […], par les arguments qu’ils avancent et par la production d’un “barème départemental” à caractère purement indicatif, que l’administration aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation des effectifs en procédant à la fermeture de l’unique classe de la commune [en question] ».
   
  Le juge d’appel a, par la suite, considéré « que la décision de supprimer un poste d’enseignant dans une école est prise au regard de l’évolution des effectifs des classes concernées, et non en considération de la qualité des infrastructures de l’école, des modalités pratiques d’accueil des élèves, des conditions de transport scolaire et de restauration des enfants ; qu’ainsi, l’inspectrice d’académie n’avait pas à prendre ces éléments en considération dans la gestion des postes d’enseignant et du réseau scolaire du département ; que, d’autre part, les requérants n’établissent pas que la scolarisation des élèves dans les classes de l’école de [l’autre] commune […], distante de trois kilomètres seulement, serait de nature à nuire à la bonne scolarité des enfants ; qu’il s’ensuit que les moyens de la requête tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance de l’intérêt des enfants doivent être écartés ».
   
  N.B. : Si, par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Nancy confirme le caractère obligatoire de la consultation du département, prévue à l’article D. 213-29 du code de l’éducation, sur les projets de création ou de suppression d'écoles, elle écarte le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation de consultation en faisant application de la jurisprudence issue de la décision d’Assemblée du Conseil d’État du 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033 : elle juge qu’en l’espèce, l’absence de consultation du département auquel incombe la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires n’a pu avoir une influence sur le sens de la décision prise, du fait du faible impact en matière de transport scolaire de la décision de suppression de cette école.
  Il n’en reste pas moins que ce même vice de procédure pourrait justifier une annulation contentieuse si une mesure de suppression d’une école avait un impact plus important en matière de transport scolaire.
 
 
NOTES
1. Contenu de la note de bas de page [retour]
 
   Répartition des élèves dans les classes – Affectation des élèves dans les classes – Mesure d’ordre intérieur – Décision pouvant ou non faire l’objet d’un recours – Classes à horaires aménagés musicales (CHAM)
  T.A. Châlons-en-Champagne, 15 octobre 2013, n° 1101380
   
  Le directeur d’une école élémentaire avait décidé, dans le cadre de l’élaboration du projet d’école pour l’année scolaire 2011-2012, de répartir les élèves inscrits dans des classes à horaires aménagés musicales dans les autres classes de l’école, alors qu’ils étaient auparavant regroupés dans une seule classe.
   
  Par une décision en date du 7 juin 2011, confirmée le 1er juillet 2011, l’inspectrice d’académie avait rejeté le recours hiérarchique exercé par la mère d’un élève inscrit en classe à horaires aménagés musicale. directeur d’une école élémentaire avait décidé, dans le cadre de l’élaboration du projet d’école pour l’année scolaire 2011-2012, de répartir les élèves inscrits dans des classes à horaires aménagés musicales dans les autres classes de l’école, alors qu’ils étaient auparavant regroupés dans une seule classe.
   
  L’association des parents d’élèves du conservatoire de la ville, ainsi que deux parents d’élèves avaient alors saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de la décision de répartition des élèves entre les classes.
   
  Les requérants soutenaient que cette décision ne pouvait pas être considérée comme une mesure d’ordre intérieur, dans la mesure où la mixité des classes imposée pouvait avoir une incidence directe sur la motivation des élèves à poursuivre leur cursus en classe à horaires aménagés musicale.
   
  Le tribunal administratif a rejeté la requête en estimant que la répartition des élèves entre les classes d’une école ne constituait pas une décision faisant grief.
   
  Après avoir rappelé les termes de l’article 2 du décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école les investissant de la compétence pour répartir les élèves entre les classes, le juge a considéré « que la répartition des élèves de la filière CHAM dans les classes de l’école élémentaire […] relève du pouvoir d’organisation du directeur d’école ; que cette répartition, qui ne modifie ni l’aménagement des horaires de la filière CHAM, ni le contenu des enseignements scolaires et de la formation musicale dispensés est sans incidence sur la scolarité des élèves inscrits en CHAM, ni sur leurs possibilités ultérieures d’orientation ; qu’ainsi, la décision contestée est une mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l’académie […] et tirée de ce que la décision attaquée n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir doit être accueillie ».
   
  N.B. : Cette décision constitue une illustration de la jurisprudence selon laquelle la décision d’affectation des élèves dans les classes d’un établissement scolaire relève des pouvoirs d’organisation du chef d’établissement et constitue, en l’occurrence, une mesure d’ordre intérieur qui, ne faisant pas grief, est insusceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir (cf. C.E. Section, 5 novembre 1982, n° 23394, Recueil Lebon, p. 374).
   
  Cette solution s’applique également à l’enseignement supérieur (sur la décision de mutation d’un étudiant d’un groupe de travaux dirigés à un autre, cf. C.E., 11 janvier 1967, n° 69909, tables du Recueil Lebon, p. 822). 
   
 

Enseignement supérieur et recherche

  VIE DE L'ÉTUDIANT
  Bourses et autres aides
   Droit communautaire – Aide d’entretien aux études
  C.J.U.E., 24 octobre 2013, n° C-220/12
   
  Dans le cadre d’un litige opposant un ressortissant allemand résidant en Turquie à la région de Hanovre, au sujet du refus d’une aide à la formation pour des études poursuivies aux Pays-Bas, une juridiction allemande avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle afin de savoir si la liberté de circulation et de séjour – conférée au citoyen de l’Union par les articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (T.F.U.E.) – s’opposait à une réglementation du droit national en vertu de laquelle un ressortissant allemand ayant son domicile permanent hors de l’Allemagne ne peut se voir attribuer une aide à la formation au titre de la fréquentation d’une institution de formation que si cette dernière est située dans l’État du domicile ou dans un État voisin de cet État, et si, de plus, des circonstances particulières du cas d’espèce justifiaient cette aide.
   
  La Cour a constaté que le droit allemand subordonnait, en principe, l’octroi d’une aide à la formation au titre d’études poursuivies dans un autre État membre à la condition unique d’avoir établi un domicile permanent sur le territoire national avant d’entamer des études à l’étranger.
   
  Le gouvernement allemand a fait valoir que la réglementation nationale pouvait être justifiée, notamment, par l’objectif visant à garantir un niveau minimum d’intégration entre le demandeur d’aide et l’État prestataire.
   
  La Cour a déjà constaté qu’une condition unique de domicile permanent risquait d’exclure du bénéfice de l’aide en question des étudiants qui, en dépit du fait qu’ils n’avaient pas résidé en Allemagne pendant une période ininterrompue de trois ans immédiatement avant d’entamer des études supérieures à l’étranger, possédaient néanmoins des liens qui les rattachaient suffisamment à la société allemande.
   
  Tel peut être le cas lorsque l’étudiant a la nationalité de l’État membre en cause et a été scolarisé dans celui-ci pendant une période significative ou en raison d’autres facteurs tels que, notamment, sa famille, son emploi, ses capacités linguistiques ou l’existence d’autres liens sociaux ou économiques.
   
  En ce qui concerne les ressortissants allemands qui ont leur domicile permanent à l’étranger, la réglementation nationale permet de financer des études en dehors de la République fédérale d’Allemagne uniquement dans l’État du domicile du demandeur ou dans un État voisin de celui-ci et seulement dans les cas où les demandeurs se trouvent dans l’impossibilité d’effectuer leurs études en Allemagne.
  La Cour a souligné qu’il apparaissait ainsi que l’application de cette dérogation ne dépendait en rien de l’existence de liens de rattachement entre le demandeur de l’aide et la société allemande. Elle ne saurait dès lors permettre de réaliser l’objectif d’intégration soutenu par le gouvernement allemand. « Dans ces circonstances, la condition de domicile permanent en cause au principal reste à la fois trop exclusive et trop aléatoire en privilégiant indûment un élément qui n’est pas nécessairement représentatif du degré d’intégration dans la société de l’État membre au moment de la demande de l’aide. »
   
  Eu égard à ce qui précède, la Cour a répondu que les articles 20 et 21 du T.F.U.E. « s’opposent à une réglementation d’un État membre […] qui subordonne, en principe, l’octroi d’une aide à la formation au titre d’études poursuivies dans un autre État membre à la condition unique d’avoir établi un domicile permanent, au sens de cette réglementation, sur le territoire national et qui, dans le cas où le demandeur est un ressortissant national qui n’aurait pas son domicile permanent sur ce territoire national, ne prévoit une aide à la formation à l’étranger que dans l’État du domicile du demandeur ou dans un État voisin de celui-ci et uniquement lorsque des circonstances particulières le justifient ». 
   
 

Examens et concours

  ORGANISATION
  Délibérations du jury
   Fonctionnaires et agents publics – Concours de recrutement – Organisation – Jury – Collégialité – Groupes d’examinateurs – Péréquation des notes
  T.A. Montpellier, 15 novembre 2013, n° 1104993
   
  Le requérant, non admis au certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître formateur (CAFIPEMF) au titre de la session 2011, demandait l’annulation de la décision d’ajournement prise le 30 mai 2011 par le recteur en excipant de l’illégalité de la délibération par laquelle le jury d’admission l’avait éliminé.
   
  Après avoir cité les termes du sixième alinéa de l’article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, qui disposent que : « Le jury peut, si nécessaire, et pour toute épreuve, se constituer en groupes d’examinateurs. Toutefois, afin d’assurer l’égalité de notation des candidats, le jury opère, s’il y a lieu, la péréquation des notes attribuées par chaque groupe d’examinateurs et procède à la délibération finale », le tribunal a relevé « qu’il ressort […] notamment du procès-verbal d’examen fourni par le requérant que ce dernier a obtenu des notes de 9/20 et 11/20 à ses deux épreuves orales ; que ce procès-verbal a été signé par les cinq membres de la commission ; que [le] président de cette commission a décidé, lors de la réunion du jury, de modifier les notes obtenues par M. X en les portant à 7/20 et 8/20, car il était en désaccord avec les autres membres de la commission sur la valeur de la prestation de l’intéressé ».
   
  Le tribunal a ensuite estimé « que si le jury peut opérer une péréquation des notes attribuées par chaque groupe d’examinateurs avant de procéder à la délibération finale, il ne peut modifier les notes attribuées par une commission à un seul candidat sans dénaturer le principe de collégialité d’un jury ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jury aurait commis une erreur de droit en attribuant au requérant une note fixée à un niveau plus bas que celle attribuée initialement par un groupe de correcteurs doit être retenu ».
   
  Il a, par suite, annulé la décision d’ajournement. 
   
 

Personnels

  QUESTIONS COMMUNES
  Organismes paritaires
   Commissions administratives paritaires – Représentants du personnel – Suppléants
  C.E., 4 décembre 2013, n° 357335, aux tables du Recueil Lebon
   
  La requérante demandait l’annulation d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui avait rejeté sa requête tendant à l’annulation d’un jugement du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande d’annulation d’une décision du ministre de l’éducation nationale l’ayant mise à la retraite d’office à titre de sanction. À l’appui de ses conclusions, elle faisait valoir une irrégularité de procédure lors du déroulement de la séance de la commission administrative paritaire des professeurs agrégés siégeant en formation disciplinaire, tenant à ce que des représentants suppléants de l’administration et du personnel avaient délibéré en même temps que les représentants titulaires qu’ils étaient appelés à remplacer.
   
  La cour administrative d’appel avait écarté ce moyen au motif « qu’un suppléant […] peut remplacer tout représentant titulaire absent ».
   
  Le Conseil d’État, après avoir rappelé les dispositions de l’article 5 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, ainsi que celles des articles 15, 21, 22 et 31 du même décret, a considéré que la cour administrative d’appel avait commis une erreur droit, au motif « qu’il résulte de ces dispositions que si tout représentant suppléant de l’administration a vocation à remplacer tout représentant titulaire de l’administration qui se trouve dans l’impossibilité de participer à une séance d’une commission administrative paritaire, notamment quand elle siège en conseil de discipline, un représentant suppléant du personnel, bien qu’il ne soit pas rattaché à un représentant titulaire donné, ne peut toutefois remplacer un représentant titulaire se trouvant dans l’impossibilité de siéger que s’il a été élu sur la même liste et au titre du même grade que ce dernier ».
   
  N.B. : En rappelant qu’un représentant suppléant de l’administration a vocation à remplacer tout représentant titulaire de l’administration, le Conseil d’État ne fait que confirmer sa jurisprudence constante sur ce point (cf. C.E., 8 juillet 2009, Syndicat national C. Justice et autres, n° 317423 et autres, aux tables du Recueil Lebon, p. 609 et 805).
   
  Par la présente décision, il précise en revanche cette jurisprudence pour les représentants suppléants du personnel. S’il confirme en effet qu’un représentant suppléant du personnel n’est pas rattaché à un représentant titulaire donné, il précise que ce principe s’entend sous la réserve que le représentant suppléant du personnel et le représentant titulaire qui se trouve dans l’impossibilité de siéger qu’il remplace ont été élus sur la même liste de candidats et au titre du même grade.
   
  Cette différence entre les représentants suppléants de l’administration et les représentants suppléants des personnels s’explique par leur mode de désignation. En effet, tandis que les représentants de l’administration sont nommés par l’autorité administrative, les représentants du personnel sont élus et, par conséquent, désignés selon des modalités spécifiques prévues aux articles 15, 21 et 22 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982, qui respectent à la fois l’ordre de présentation sur la liste des candidats et le grade au titre duquel ils sont candidats. 
   
  Traitement, rémunération et avantages en nature
   Personnels enseignants – Rémunération pour leur participation à des activités liées au fonctionnement de jurys d’examen et à des activités de recrutement d’agents publics relevant du service public de l’éducation – Non-cumul avec les heures supplémentaires d’enseignement annuelles
  C.E., 23 octobre 2013, Syndicat national des enseignements de second degré (SNES), n°s 360610 et 360828
   
  Le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) avait demandé au Conseil d’État d’annuler, d’une part, l'arrêté du 13 avril 2012 fixant la rémunération des intervenants participant à titre d'activité accessoire à des activités liées au fonctionnement de jurys d'examens conduisant à la délivrance de diplômes ou certificats relevant du ministre chargé de l'éducation nationale et, d’autre part, l'arrêté du 7 mai 2012 fixant la rémunération des intervenants participant, à titre d'activité accessoire, à des activités de recrutement d'agents publics relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, ces deux arrêtés ayant été pris en application de l’article 4 du décret n° 2010-235 du 5 mars 2010 relatif à la rémunération des agents publics participant, à titre d’activité accessoire, à des activités de formation et de recrutement.
   
  Après avoir rappelé que « selon l'article 5 de l'arrêté du 13 avril 2012 et l'article 8 de l'arrêté du 7 mai 2012, contestés par le requérant, les personnels enseignants, lorsqu'ils sont autorisés à s'absenter pour participer, respectivement, aux activités liées au fonctionnement de jurys d'examens conduisant à la délivrance de diplômes ou certificats relevant du ministre de l'éducation nationale ou aux activités de recrutement d'agents publics relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, ne peuvent en aucun cas, pour une même période, cumuler les indemnités spécifiques prévues par ces arrêtés avec les indemnités pour heures supplémentaires prévues à l'article 2 du décret [n° 50-1253] du 6 octobre 1950 », le Conseil d’État a jugé « qu'en énonçant que ceux des enseignants qui sont "autorisés à s'absenter" pour participer aux activités en cause - participation qui donne droit au bénéfice d'une indemnité spécifique - ne sauraient bénéficier des indemnités pour heures supplémentaires instituées par le décret du 6 octobre 1950 pour la période pendant laquelle ils sont autorisés à s'absenter et n'assurent pas leurs obligations d'enseignement, l'article 5 de l'arrêté du 13 avril 2012 et l'article 8 de l'arrêté du 7 mai 2012 se sont bornés à rappeler la règle posée par l'article 4 de ce décret sans y ajouter de condition nouvelle ni en restreindre le champ ».
   
  Le Conseil d’État a également retenu que « les dispositions contestées de l'article 5 de l'arrêté du 13 avril 2012 et de l'article 8 de l'arrêté du 7 mai 2012 ne présentent pas de caractère statutaire ; que, par suite, elles n'avaient pas à être soumises à ce titre, contrairement à ce que soutient le requérant, à l'avis du comité technique ministériel ». Il a ensuite relevé « que, dès lors qu’elles se bornent, ainsi qu’il a été dit, à rappeler une règle empêchant de cumuler deux indemnités pour la même activité, [elles] ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme contraires aux stipulations de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ».
   
  Enfin, le Conseil d’État a écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que « l'article 5 de l'arrêté du 13 avril 2012 et l'article 8 de l'arrêté du 7 mai 2012 seraient entachés d'erreur manifeste en tant qu'ils feraient une application incorrecte des dispositions de l'article 5 du décret du 5 mars 2010 qui prévoient que la rémunération pour activités accessoires de formation et de recrutement "est exclusive de toute autre rémunération au titre de la même activité" dès lors que […] les articles litigieux ne font pas application [des] dispositions [précitées du décret du 5 mars 2010] ». 
   
   Frais de déplacement – Autorisation préalable du chef de service – Utilisation du véhicule personnel
  T.A. Lille, 1er octobre 2013, n° 1302310
   
  Le requérant demandait au juge de condamner le recteur de l’académie de Lille au paiement de ses frais de déplacement sur la base d’indemnités kilométriques, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, en exécution d’un précédent jugement ayant condamné l’État à lui verser la somme correspondant au remboursement des frais de déplacement qu’il avait exposés au cours de l’année scolaire 2009-2010.
   
  Le tribunal a d’abord rappelé les dispositions des articles 3 et 10 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État. Si l’article 3 prévoit la possibilité, pour un agent, de prétendre à la prise en charge de ses frais de transport sur production des justificatifs de paiement auprès de l’ordonnateur, l’article 10 définit les conditions d’une telle prise en charge dans le cas de l’utilisation par l’agent de son véhicule personnel.
   
  Le tribunal a rejeté la requête au motif « qu’il ressort des pièces du dossier que pour effectuer son service, M. X n’a pas utilisé le train, mais sa voiture personnelle ; qu’à supposer même établie l’absence de transports en commun entre les deux communes dans lesquelles il a accompli son service, M. X ne justifie pas avoir obtenu l’autorisation préalable de son chef de service, requise par les dispositions précitées de l’article 10 du décret du 3 juillet 2006, ni même d’ailleurs avoir formulé une demande en ce sens ; qu’ainsi, M. X n’est pas fondé à soutenir que le recteur aurait dû procéder à l’indemnisation de ses frais de transport sur la base d’indemnités kilométriques ; que, par suite, et alors au surplus que M. X ne produit aucun justificatif des frais qu’il aurait exposés pour l’utilisation de son véhicule personnel, le recteur de l’académie de Lille, en prenant comme base de liquidation le tarif de transport public de voyageurs le moins onéreux, a fait une exacte application des dispositions précitées de l’article 10 du décret du 3 juillet 2006 ».
   
  N.B. : La possibilité prévue par les textes, pour un agent public, d’obtenir le remboursement des frais de transport qu’il a exposés en utilisant pour les besoins du service son véhicule personnel, sur la base d’indemnités kilométriques, est conditionnée par l’obtention de l’autorisation préalable de son chef de service d’utiliser ce véhicule (cf. C.A.A. Lyon, 15 mai 2000, n° 97LY02334).
   
  En outre, le requérant n’ayant pas produit les justificatifs des frais qu’il disait avoir exposés, il n’aurait pu prétendre à leur remboursement même s’il avait disposé d’une autorisation préalable de son chef de service. En effet, à défaut d’avoir conservé les factures liées aux déplacements effectués, notamment de péage ou de carburant, un agent ne peut obtenir un tel remboursement (cf. C.A.A. Lyon, 17 mai 2011, n° 09LY02869). 
   
  Pensions
   Fonctionnaires et agents publics – Calcul des droits à pension de retraite – Reprise d’ancienneté à la suite d’un reclassement dans un nouveau grade – Assimilation de l’ancienneté reprise à une occupation effective du nouveau grade ou échelon au sens de l’article L. 15 du C.P.C.M.R. – Absence
  C.E., 6 novembre 2013, Ministre de l’économie et des finances, n° 365278, aux tables du Recueil Lebon
   
  Le ministre de l’économie et des finances s’était pourvu en cassation contre un jugement du tribunal administratif de Montpellier annulant la décision par laquelle le ministre de l’intérieur avait rejeté la demande formée par un retraité de la fonction publique tendant à la révision de sa pension civile de retraite et enjoignant à l’administration de modifier les bases de la pension concédée en prenant en compte l’indice de rémunération qu’il détenait au 1er juillet 2011.
   
  À la suite de la suppression de l’échelon qu’il détenait et de son remplacement par le « premier échelon » d’un nouveau statut d’emploi, l’intéressé avait fait l’objet, le 1er juillet 2011, d’un reclassement au premier échelon de cet emploi avec une reprise intégrale des six mois d’ancienneté qu’il avait acquis dans son ancien emploi qui comprenait un échelon unique, puis avait été radié des cadres et admis à la retraite le 1er août 2011.
   
  Après avoir rappelé les termes du premier alinéa du I de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite (1)« Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu’il résulte de l’application de l’article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l’indice correspondant à l’emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l’emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d’une manière effective […]. » (Art. L. 15-I du C.P.C.M.R.), le Conseil d’État a posé le principe selon lequel « si le reclassement d’un fonctionnaire dans un nouveau grade ou échelon peut être assorti d’une reprise d’ancienneté visant à tenir compte de l’ancienneté acquise dans le grade ou l’échelon précédent, l’ancienneté ainsi reprise n’équivaut pas à une occupation effective du nouveau grade ou échelon au sens des dispositions […] de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite ».
   
  Il a, en conséquence, censuré l’erreur de droit qu’avait commise le tribunal administratif « en se fondant sur la reprise d’ancienneté dont avait bénéficié M. X lors de son reclassement dans le nouveau “premier échelon” de l’emploi de responsable d’unité locale de police pour juger que l’intéressé devait, en raison de la durée ainsi reprise, être regardé comme ayant effectivement détenu cet échelon depuis plus de six mois avant la date de son admission à la retraite, et en déduire que le montant de sa pension devait être calculé sur la base de l’indice afférent à [cet] échelon ».
   
  N.B. : Cette décision traduit le principe bien établi, en matière de pension de retraite des agents publics, selon lequel les émoluments de base servant au calcul du montant de la pension correspondent à ceux perçus au cours de la période de référence précédant la cessation des services au titre d’un emploi effectivement occupé.
   
  Il doit toutefois être souligné que dans l’hypothèse d’une reconstitution de carrière faisant suite à l’annulation contentieuse d’une radiation des cadres, l’administration doit déterminer les droits à pension sur la base de l’échelon résultant de cette reconstitution, et ce, en dépit du caractère fictif de cette dernière (cf. C.E., 9 novembre 1994, n° 120111, tables du Recueil Lebon, p. 1020, 1070-1071 et 1149). 
   
  Questions propres aux agents non titulaires
   Agent non titulaire – Modification unilatérale du contrat – Rétroactivité
  T.A. Strasbourg, 3 octobre 2013, n° 1301359
   
  La requérante demandait au juge d’annuler la décision, révélée par son bulletin de paye, par laquelle le proviseur du lycée dans lequel elle exerçait ses fonctions, établissement support d’un groupement d’établissements (GRETA), avait modifié unilatéralement son contrat de travail en portant sa quotité de travail de 60 % à 70,70 % du 1er septembre 2011 au 31 août 2012, ainsi que d’enjoindre au proviseur du lycée de rétablir ses heures supplémentaires dans le cadre d’une fiche de paye conforme au contrat signé.
   
  Le tribunal a annulé la décision litigieuse au motif « qu’aucune disposition législative ou règlementaire ne permet à l’administration de procéder d’office à l’augmentation de la quotité de service à temps incomplet d’un agent non titulaire de l’État et d’augmenter ou de diminuer sans son accord son salaire à due concurrence, qui plus est de manière rétroactive ».
   
  N.B. : La solution retenue est classique : la soumission des modifications du contrat de travail à l'accord des parties est un principe général du droit du travail, applicable aux agents publics non titulaires, reconnu de façon constante par le juge administratif (cf. C.E. Assemblée, 29 juin 2001, n° 222600, Recueil Lebon, p. 296-297).
   
  En revanche, il doit être souligné qu’alors même qu’un bulletin de paye ne constitue pas en lui-même une décision faisant grief susceptible de recours (cf. C.E., 19 mai 2003, n° 210096 ; C.A.A. Paris, 31 décembre 2001, n° 00PA01618) ni ne suffit, par ses seules mentions, à révéler l’existence d’une décision (C.E., 30 juillet 2003, n° 239922), le tribunal administratif de Strasbourg a néanmoins, en l’espèce, d’une part, relevé l’existence d’une décision et, d’autre part, reconnu l’intérêt à agir de la requérante en vue de la régularisation de ses fiches de paye en y inscrivant les heures supplémentaires dès lors que le défaut de cette inscription était susceptible de priver l’intéressée de ses droits à une allocation chômage complémentaire. 
   
   Vacations – Recrutement irrégulier – Limite d’âge – Enrichissement sans cause
  J.R.C.A.A. Versailles, 5 novembre 2013, n° 13VE00429
   
  M. X avait demandé à être recruté en qualité de vacataire chargé d’enseignement à l’unité de formation et de recherche de droit et de sciences politiques d’une université pour y assurer des enseignements lors de l’année universitaire 2011-2012. Ayant déposé à cette fin, le 2 novembre 2011, un dossier de candidature, l’intéressé avait été informé par les services de l’université concernée que sa demande était irrecevable au motif qu’il dépassait la limite d’âge imposée par l’article 3 du décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi de vacataires pour l’enseignement supérieur. Il avait toutefois été établi que l’intéressé avait assuré, au premier semestre de l’année universitaire considérée, du 10 octobre 2011 au 7 janvier 2012, des travaux dirigés d’introduction au droit privé. Celui-ci avait, dès lors, demandé le paiement des vacations ainsi effectuées.
   
  La cour administrative d’appel a considéré « que si l’université, qui n’a jamais procédé au versement des sommes sollicitées, fait valoir, à juste titre, que le recrutement de M. X, qui avait atteint la limite d’âge, est intervenu dans des conditions irrégulières, elle a retiré un profit du service accompli par l’intéressé ; que [celui-ci] peut donc prétendre, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, à être rémunéré de ses vacations ; que si l’université fait valoir également que le requérant a commis, en acceptant d’assurer des cours avant même que sa candidature au poste de chargé de travaux dirigés ait été formellement retenue, une imprudence de nature à atténuer sa propre responsabilité, elle a elle-même tiré profit de la disponibilité de l’intéressé, laquelle lui a permis d’assurer les enseignements de la rentrée universitaire dans des conditions normales pour la rentrée des étudiants ; qu’au demeurant, il ne résulte pas de l’instruction que d’autres candidats présentant les mêmes compétences se seraient présentés auprès de l’unité de formation et de recherche en droit pour y effectuer des travaux dirigés d’introduction au droit dans les conditions d’urgence auxquels le requérant s’est prêté ».
   
  Par ailleurs, sur la demande par laquelle le requérant demandait qu’il lui soit alloué une indemnité provisionnelle de 1000 euros au titre du retard abusif mis par l’université à lui régler les sommes qui lui étaient dues au titre de ses enseignements, la cour a jugé « que, toutefois, M. X, eu égard à ses fonctions d’enseignant en droit, ne pouvait ignorer les conditions irrégulières de son recrutement ; qu’à la date à laquelle il a présenté ses demandes de paiement, il était d’ailleurs parfaitement informé ; qu’il devait donc normalement s’attendre à ce que ces demandes ne fussent honorées qu’avec des retards et des difficultés, comme cela a été le cas en l’espèce ; que son droit à être indemnisé des troubles dans les conditions d’existence qui en ont résulté pour lui est, par suite, sérieusement contestable ».
   
  N.B. : La théorie de l’enrichissement sans cause, sur laquelle s’est fondé en l’espèce le juge pour faire droit à la demande du requérant tendant à obtenir le paiement d’heures de vacations effectuées au sein d‘une université alors même qu’il ne pouvait légalement être recruté à cet effet, est une construction prétorienne hissée au rang de principe général applicable même sans texte (cf. C.E. Section, 14 avril 1961, Ministre de la reconstruction et du logement c/ Société Sud-Aviation, n° 32468, Recueil Lebon, p. 236-237).
   
  Il s’agit d’une technique juridique permettant à une personne physique ou morale ayant subi un appauvrissement au profit d’une autre d’obtenir une compensation de cet appauvrissement. Elle présente un caractère subsidiaire, à savoir qu’elle ne peut être mise en œuvre que dans l’hypothèse où il n’est possible d’agir sur aucun autre fondement juridique (cf. C.E. Section, 18 juin 1976, Commune de Vaulx-en-Velin c/ Commune de Villeurbanne, n° 92181, Recueil Lebon, p. 318-319). 
   
   Agent contractuel – Refus de renouvellement de contrat – Motif légitime (non) – Allocation chômage (non)
  T.A. Caen, 17 octobre 2013, n° 1300118
   
  La requérante, recrutée en qualité d’assistante d’éducation sur la base d’un contrat à durée déterminée à temps incomplet, souhaitait, après deux renouvellements de son contrat ayant progressivement augmenté la durée hebdomadaire de travail jusqu’à douze heures trente, obtenir le renouvellement de son contrat sur la base d’un temps plein. L’administration ne lui ayant proposé, au terme de son contrat, le renouvellement de ce dernier que sur la base d’une durée hebdomadaire de quinze heures, l’intéressée avait décliné l’offre et avait sollicité le versement d’allocations pour perte d’emploi, lesquelles lui avaient été expressément refusées par une décision du recteur dont elle a vainement demandé l’annulation devant le tribunal administratif.
   
  Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 5421-1, L. 5422-1 et L. 5424-1 du code du travail, les stipulations des articles 1 et 2 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage, agréé par un arrêté du ministre chargé de l’emploi du 15 juin 2011, le tribunal a estimé « que la requérante ne conteste pas qu’il lui a été proposé un contrat de travail d’une quotité supérieure au précédent, mais qu’elle a refusé cette proposition ; que son souhait de se réorienter professionnellement ne constitue pas un motif légitime de refus de poursuite de la relation de travail engagée avec l’inspection d’académie ; que, par suite, Mme X ne peut être regardée, alors même que son contrat à durée déterminée a été mené à son terme, comme s’étant trouvée involontairement privée d’emploi au sens des dispositions précédemment rappelées ».
   
  N.B. : Après avoir jugé qu’un agent non titulaire ayant expressément décidé, à l’expiration de son contrat à durée déterminée, de ne pas souscrire le nouvel engagement qui lui était proposé ne peut être regardé comme étant involontairement privé d’emploi (cf. C.E., 2 juin 1995, n° 102491, tables du Recueil Lebon, p. 876 ; C.E., 27 juillet 2001, École centrale des arts et manufactures, n° 231577), le Conseil d’État a infléchi sa jurisprudence en précisant que l’agent non fonctionnaire de l’État et de ses établissements publics administratifs ayant droit à l’allocation d’assurance chômage visée par l’article L. 351-12 (devenu article L. 5424-1) du code du travail qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d’emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime, qui peut être lié notamment à des considérations d’ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle sans justification de l’employeur (C.E., 13 janvier 2003, Centre communal d’action sociale de Puyravault, n° 229251, tables du Recueil Lebon, p. 837 et 1020 et AJDA n° 22, 16 juin 2003, p. 1165-1167, au sujet du refus d’une proposition de renouvellement du contrat de travail pour seulement trois mois regardé comme légitime eu égard, notamment, à l’ancienneté de l’agent dans l’organisme et à l’absence de justification de l’employeur sur la réduction de la durée de son contrat de travail de douze mois à trois mois, qui n’était, certes, pas tenu de renouveler le contrat de l’intéressé pour la même durée). 
   
  Responsabilité civile et pénale des agents publics
   Agent public – Protection fonctionnelle – Compétence en cas de pluralité de personnes publiques – Faute personnelle
  C.E., 5 avril 2013, n° 349115
   
  Un maire, en qualité de président du centre communal d’action sociale (C.C.A.S.) de sa commune, avait fait l’objet d’une condamnation par un jugement du 25 novembre 2005 du tribunal correctionnel de Dunkerque pour avoir signé 25 attestations de bonne exécution de stages au profit d’employés de sa commune et du C.C.A.S., alors que ces agents n’avaient jamais suivi de telles formations, afin d’obtenir des subventions du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA).
   
  La commune avait refusé d’accorder au maire le bénéfice de la protection fonctionnelle, d’une part, parce que les faits commis dans le cadre de l’activité communale à l’origine des poursuites étaient de nature à constituer une faute personnelle et, d’autre part, parce que la commune n’était pas compétente pour accorder la protection fonctionnelle pour les faits commis dans le cadre de l’activité du C.C.A.S. en tant que personne morale distincte de la commune.
   
  Le maire demandait au Conseil d’État l’annulation de l’arrêt par lequel la cour administrative de Douai avait rejeté sa demande d’annulation du jugement du tribunal administratif de Lille rejetant sa requête tendant à faire prendre en charge par la commune en question les frais de justice et les sommes auxquelles il avait été condamné par le tribunal correctionnel de Dunkerque.
   
  Ce pourvoi a été rejeté par le Conseil d’État qui, dans sa décision du 5 avril 2013, a jugé « que, lorsqu’[un] agent public exerce simultanément des fonctions dans plusieurs collectivités publiques, la collectivité publique à laquelle il incombe d'assurer sa protection fonctionnelle est celle dans laquelle il exerce les fonctions au titre desquelles il a fait l'objet de condamnations civiles ou de poursuites pénales ; […] que […] la protection fonctionnelle de M. X à raison de faits commis en sa qualité de président du centre communal d'action sociale incombait, le cas échéant, au centre communal d'action sociale […] ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que les conclusions de M. X tendant à ce que la commune lui accorde sa protection fonctionnelle à raison de faits commis en sa qualité de président du centre communal d'action sociale étaient mal dirigées ne peut qu'être écarté ».
   
  S’agissant des faits commis en sa qualité de maire par le requérant, le Conseil d’État a jugé « que la cour administrative d'appel a relevé, en se référant notamment aux constatations de fait effectuées par le tribunal correctionnel, que M. X avait, en sa qualité de maire de la commune […], signé des attestations de bonne exécution, par des employés de la mairie, d'un stage de formation, alors qu'il ne pouvait pas ignorer qu'elles étaient fausses, et qu'il avait ainsi obtenu du CNASEA le versement de subventions à la commune ; qu'en en déduisant, d'une part, qu'eu égard à leur gravité, à leur caractère intentionnel et à la nature des fonctions exercées par M. X, ces agissements devaient être regardés comme constitutifs d'une faute personnelle, détachable de l'exercice des fonctions de maire, et, d'autre part, qu'aucune faute de service distincte n'avait conjugué ses effets avec ceux de la faute personnelle commise par M. X, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ces points, n'a ni dénaturé, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce, ni commis d'erreur de droit ».
   
  N.B. : Dans cette décision, le Conseil d’État juge qu’un agent public exerçant ses fonctions pour le compte de plusieurs personnes publiques doit adresser sa demande de protection fonctionnelle à la personne publique pour laquelle il a effectué la mission dans le cadre de laquelle il fait l’objet de poursuites.
   
  Il rappelle également que la circonstance que les faits à l’origine des poursuites ont été commis dans l’exercice des fonctions et avec les moyens du service ne suffit pas à conclure à l’existence d’une faute de service. En l’espèce, il retient au contraire une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions de maire, eu égard à la nature de telles fonctions et compte tenu de la gravité et du caractère intentionnel des agissements du maire.
   
  Cette décision se situe dans le prolongement d’une décision du 23 décembre 2009 par laquelle le Conseil d’État avait jugé que des faits « étaient, de par leur gravité eu égard tant au caractère organisé et répété des manquements constatés qu’aux responsabilités exercées par M. X, constitutifs d’une faute personnelle détachable du service » (cf. C.E., 23 décembre 2009, n° 308160, tables du Recueil Lebon, p. 634).
   
  Dans cette même décision du 23 décembre 2009, le Conseil d’État retenait également que lorsqu’une décision de refus d’octroi de la protection fonctionnelle est fondée sur l’existence d’une faute personnelle détachable du service, cette motivation s’apprécie à la date à laquelle la décision a été prise et compte tenu des éléments dont disposait l’administration à cette date. 
   
  QUESTIONS PROPRES AUX PERSONNELS DE L'ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE
  Enseignants-chercheurs
   Enseignants-chercheurs – Recrutement et gestion – Délégation de pouvoirs – Mesures de déconcentration
  C.E., 23 octobre 2013, n° 358363
  C.E., 23 octobre 2013, n° 358364
   
  Aux termes de l'article L. 951-3 du code de l'éducation : « Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut déléguer par arrêté aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels titulaires, stagiaires et non titulaires de l'État qui relèvent de son autorité, dans la limite des emplois inscrits dans la loi de finances et attribués à l'établissement. Les compétences ainsi déléguées s’exercent au nom de l’État et leur exercice est soumis au contrôle financier. »
   
  En application de ces dispositions a été publié le décret n° 2012-195 du 7 février 2012 modifiant le décret n° 93-1335 du 20 décembre 1993 relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion concernant les professeurs des universités, les maîtres de conférences, les assistants de l’enseignement supérieur et le enseignants-chercheurs assimilés aux professeurs des universités et aux maîtres de conférences. L’article 2 de ce décret dispose que : « […] Ne peuvent faire l'objet de la délégation prévue à l'article L. 951-3 du code de l'éducation : 1° Les décisions relatives à la cessation de fonctions des professeurs des universités et des enseignants-chercheurs assimilés aux professeurs des universités, au sens du 1° de l'article 6 du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités ; […] 3° Les décisions relatives à la nomination en qualité de stagiaire et à la cessation de fonctions des maîtres de conférences et des enseignants-chercheurs assimilés aux maîtres de conférences, au sens du 1° de l'article 6 du décret du 16 janvier 1992 susvisé […]. »
   
  Le Conseil d’État a rejeté le recours dirigé contre ce décret du 7 février 2012 :
   
  « Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions, qui excluent des compétences déléguées les décisions relatives à la nomination comme stagiaires des maîtres de conférences, lesquelles continuent de relever de la seule compétence du ministre, sont sans influence sur la procédure de nomination des professeurs des universités nommés, en application des dispositions de l'article 50 du décret [n° 84-431] du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur, par décret du Président de la République ; que le moyen tiré de ce qu'une telle délégation de pouvoir créerait une inégalité de traitement injustifiée entre professeurs et maîtres de conférence n'est, par suite, pas fondé ; que, d'autre part, la circonstance que le second alinéa de l'article L. 951-3 du code de l'éducation dispose que "Les compétences ainsi déléguées s'exercent au nom de l'État et leur exercice est soumis au contrôle financier" n'a pas pour effet de faire obstacle à ce que soient déléguées aux présidents et directeurs d'établissements d'enseignement supérieur les compétences mentionnées par les dispositions attaquées, y compris celles relatives à la nomination de certains personnels, dès lors qu'elles continuent de s'exercer au nom de l'État ».
   
  Le Conseil d’État a également rejeté le recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche, pris en application de l’article L. 951-3 du code de l’éducation.
   
  Tout d’abord, il a considéré « que l'arrêté attaqué […] a pour objet de déléguer aux présidents et aux directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur les pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur en ce qui concerne le recrutement et la gestion des carrières des personnels enseignants appartenant aux corps des enseignants-chercheurs régis par le décret du 6 juin 1984 et aux autres personnels enseignants-chercheurs assimilés ; que ses dispositions, qui se bornent à procéder à la déconcentration autorisée par la loi, n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de dessaisir l'État de ses compétences au bénéfice d'une autre personne morale et de modifier le statut des enseignants-chercheurs, ni de porter atteinte au principe d'interdiction des nominations pour ordre ».
   
  Le Conseil d’État a ensuite jugé « qu'il résulte des dispositions […] de l'article L. 951-3 du code de l'éducation que le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement des personnels qui relèvent de son autorité ; que, dès lors, les requérants ne sauraient utilement soutenir que l'arrêté attaqué instaurerait illégalement une délégation totale des compétences du ministre en matière de recrutement et de gestion ».
   
  En outre, il a estimé « que les dispositions de l'arrêté attaqué fixent la liste des pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur qui, en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants, peuvent être délégués ; que, par suite, cet arrêté n'a ni pour objet, ni pour effet de déléguer des pouvoirs appartenant à des instances collégiales ou des juridictions disciplinaires ».
   
  Enfin, le Conseil d’État a précisé que « contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition de l'arrêté attaqué ne fait obstacle à ce que les actes pris en vertu de ces délégations de pouvoirs puissent faire l'objet d'un recours hiérarchique ».
   
  N.B. : Si la nomination des professeurs des universités n’est pas au nombre des décisions qui ne peuvent pas être déléguées qu’énumère l’article 2 du décret du 20 décembre 1993, c’est parce que cette nomination est prononcée non par le ministre, mais par le Président de la République. Le ministre ne peut pas déléguer une compétence qu’il ne détient pas.
   
  Sur la délégation des pouvoirs du ministre aux présidents et directeurs d’établissements public d’enseignement supérieur, le Conseil d’État a déjà jugé que cette déconcentration « n’a ni pour objet, ni pour effet de dessaisir l’État de ses compétences au bénéfice d’une autre personne morale, ni de créer une nouvelle catégorie de fonctionnaires qui ne serait pas régie par le statut général des fonctionnaires de l’État […] » (cf. C.E., 29 octobre 2012, n° 332157, LIJ n° 170, décembre 2012, p. 17-18).
   
  Cette déconcentration est une illustration du dualisme fonctionnel des chefs d’établissement, qui exercent des attributions au nom de leur établissement – au titre, pour les présidents d’université, de l’article L. 712-2 du code de l’éducation notamment – comme au nom de l’État, notamment pour la gestion des enseignants-chercheurs, par délégation du ministre. 
   Recrutement – Veto d’un directeur d’I.U.T. – Motifs étrangers à l’administration de l’I.U.T. – Motifs erronés – Annulation – Injonction – Réexamen
  C.E., 23 octobre 2013, n° 359919
   
  À l’issue de la procédure de recrutement d’un professeur des universités au sein d’un institut universitaire de technologie (I.U.T.), Mme X avait été classée en tête de la liste des candidats retenus par le comité de sélection. À la suite de cette proposition du comité de sélection, le conseil d’administration de l’établissement avait émis un avis favorable au recrutement de l’intéressée.
   
  Le directeur de l’I.U.T. avait toutefois rendu un avis défavorable à sa nomination au motif « que [son] profil […] concern[ait] la géométrie discrète et n’[avait] pas de rapport avec l’algorithmique parallèle et les problèmes combinatoires [et] qu’aucune des publications de Mme X ne concern[ait] ces deux domaines ».
   
  La requérante demandait au Conseil d’État d’annuler la décision du directeur de l’I.U.T. ayant émis un avis défavorable à sa candidature et d’enjoindre au président de l’université, dont dépendait l’I.U.T., de « transmettre [à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche] les délibérations du comité de sélection […] et du conseil d’administration […] en vue de sa nomination ou, subsidiairement, d’enjoindre au directeur de l’institut universitaire de technologie […] de statuer de nouveau sur le poste de professeur des universités [mis au recrutement] ».
   
  Le Conseil d’État a, dans un premier temps, rappelé « qu’en vertu de l’article L. 714-9 du code de l’éducation, aucune affectation ne peut être prononcée dans un institut faisant partie d’une université si le directeur de l’institut émet un avis défavorable ; que, toutefois, un tel avis ne saurait être fondé sur des motifs étrangers à l’administration de l’institut ».
   
  Le Conseil d’État a considéré « qu’il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de la liste de candidats retenus par le comité de sélection, ainsi que des attestations de professeurs des universités fournies par la requérante, d’une part, que ses recherches en géométrie discrète ont conduit la requérante à se spécialiser dans l’étude de certains problèmes combinatoires particulièrement présents dans la discipline informatique, d’autre part, que celle-ci a travaillé sur des questions d’algorithmique parallèle appliquées à l’informatique, au sujet desquelles elle a, d’ailleurs, publié plusieurs articles dans des revues spécialisées ».
   
  La décision du directeur de l’I.U.T. était dès lors viciée par des motifs erronés. Le Conseil d’État a ainsi fait droit à la requête en annulant la décision du directeur de l’I.U.T. portant avis défavorable au recrutement de l’intéressée.
   
  Le Conseil d’État a néanmoins précisé la portée d’une telle annulation qui « implique seulement que soit enjoint au directeur de l’institut universitaire de technologie […] de réexaminer la candidature de Mme X au poste en cause ».
   
  N.B. : L’avis défavorable du directeur d’un établissement supérieur au recrutement d’un enseignant-chercheur doit, à l’instar de l’avis défavorable émis par un conseil d’administration, se fonder sur des considérations relatives à l’administration et à la stratégie de l’établissement.
   
  Un avis défavorable rendu par un directeur est ainsi valablement motivé lorsqu’il « s’est fondé sur la circonstance que le profil de recherche retenu pour cet emploi n'avait pas permis, en raison d'une définition trop large, une bonne compréhension des priorités scientifiques du laboratoire, ni de déterminer celle des équipes qu'il convenait de renforcer par un tel recrutement » (cf. C.E., 5 décembre 2011, n° 333809, Recueil Lebon, p. 606-608). 
   
   Procédure de recrutement – Avis du conseil d’administration – Motivation – Insuffisance – Réexamen
  C.E., 23 octobre 2013, n° 360084
   
  Mme X, candidate à un poste de professeur des universités demandait, notamment, l’annulation de la délibération par laquelle le conseil d’administration de l’université avait rejeté sa candidature ainsi que les refus implicites opposés par le président de l’université et le ministre chargé de l’enseignement supérieur à ses recours administratifs, et le prononcé d’une injonction tendant à ce que le conseil d’administration statue à nouveau sur ce poste et à ce que le président d’université transmette sa candidature au ministre chargé de l’enseignement supérieur en vue de sa nomination.
   
  Le Conseil d’État a accueilli la demande d’annulation de la requérante dirigée contre la délibération du conseil d’administration, mais a rejeté celles dirigées contre les refus implicites du président de l’université et du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Il a partiellement fait droit à ses conclusions à fin d’injonction.
   
  Sur les conclusions à fin d’annulation, le Conseil d’État a d’abord rappelé « qu'en vertu des articles L. 952-6-1 du code de l'éducation et 9-2 du décret [n° 84-431] du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur, lorsqu'un emploi d'enseignant-chercheur est créé ou déclaré vacant, les candidatures des personnes dont la qualification est reconnue par l'instance nationale prévue à l'article L. 952-6 du même code sont soumises à l'examen d'un comité de sélection créé par une délibération du conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte aux représentants élus des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des personnels assimilés ; que le comité de sélection, qui agit en qualité de jury de concours, établit la liste des candidats qu'il retient et la transmet au conseil d'administration ; que le conseil d'administration prend ensuite, au vu de la délibération du comité de sélection, une délibération propre par laquelle il établit sa proposition ; qu'il résulte de ce qui a été jugé par le Conseil constitutionnel que, dans l'exercice de telles compétences, il incombe au conseil d'administration d'apprécier l'adéquation des candidatures à la stratégie de l'établissement, sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection ; qu'eu égard à la nature et aux attributions de cet organisme dans le cadre de la procédure de recrutement définie par le législateur, sa décision doit être motivée lorsqu'il ne reprend pas les propositions du comité de sélection ».
   
  Il a ensuite relevé « que Mme X s'est présentée au concours ouvert pour le recrutement du poste de professeur des universités en psychologie des apprentissages scolaires […] et a été retenue et classée en première position par le comité de sélection ; qu'après que le Conseil d'État statuant au contentieux eut, par sa décision du 14 octobre 2011, annulé la délibération du 1er juin 2010 par laquelle le conseil d'administration de l'université […] avait décidé de ne proposer au ministre aucun des candidats retenus par le comité de sélection, ce conseil d'administration a, lors de sa séance du 9 décembre 2011, décidé à nouveau de ne proposer aucun candidat au ministre au motif que les deux candidatures transmises par le comité de sélection, dont celle de Mme X, “n'ont pas un profil en adéquation avec le profil recherche du poste et avec la stratégie à ce jour de l'établissement en matière d'enseignement et de recherche” ».
   
  Puis, le Conseil d’État a souligné « qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports établis par les deux rapporteurs du comité de sélection chargés d'examiner la candidature de la requérante, que Mme X, d'une part, dispose d'une expérience d'enseignement de la psychologie scolaire, d'autre part, conduit des recherches dont le comité de sélection a constaté qu'elles "portent directement sur la problématique des apprentissages scolaires des élèves" ».
   
  Il a enfin considéré « qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à indiquer que les deux candidats retenus par le comité de sélection n'étaient pas en adéquation avec le profil du poste en psychologie des apprentissages scolaires sans préciser aucun des éléments justifiant cette appréciation, le conseil d'administration de l'université n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la requérante est fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée ».
   
  Sur les conclusions dirigées contre les refus implicites du président de l'université et du ministre de faire droit aux recours administratifs formés par la requérante, le Conseil d’État a jugé « que le président de l'université et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui n'exercent pas de pouvoir hiérarchique sur le conseil d'administration, ne pouvaient, en tout état de cause, faire droit aux demandes d'annulation de la délibération attaquée dont ils étaient saisis par la requérante ; que, n'étant pas saisis d'une proposition du conseil d'administration, ils ne pouvaient que s'abstenir de transmettre au Président de la République la candidature de l'intéressée ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ces décisions de refus implicites doivent être rejetées ».
   
  Enfin, sur les conclusions à fin d’injonction, le Conseil d’État a considéré « que l'annulation de la décision attaquée implique seulement la reprise des opérations du concours pour le poste de professeur des universités […] en psychologie des apprentissages scolaires ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au conseil d'administration de se prononcer à nouveau sur les candidatures retenues par le comité de sélection de ce poste dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ».
   
  N.B. : Dans cette décision, le Conseil d’État a commencé par rappeler, conformément à une jurisprudence désormais bien établie, l’office du conseil d’administration dans la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs prévue par les dispositions de l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-20/21 Q.P.C. du 6 août 2010 (cf. C.E., 15 décembre 2010, Syndicat national de l’enseignement supérieur-F.S.U. et autres, n° 316927, Recueil Lebon, p. 494-499).
   
  Dans le cadre de cette procédure, il appartient au conseil d’administration de motiver sa décision lorsqu’il ne reprend pas les propositions du comité de sélection et le juge est particulièrement attentif au caractère suffisant de sa motivation, qui ne peut valablement consister en la seule affirmation que le profil du candidat n’est pas en adéquation avec la stratégie de l’établissement sans préciser en quoi réside cette inadéquation.
   
  À cet égard, l’insuffisance de motivation de la délibération du conseil d’administration occasionne de fréquentes annulations, dont celle prononcée dans la présente affaire (cf. C.E., 5 novembre 2003, n° 244314, LIJ n° 82, février 2004, p. 15 ; C.E., 25 avril 2007, n° 290197, tables du Recueil Lebon, p. 646 et 1039, LIJ n° 117, juillet-août-septembre 2007, p. 26-27 ; C.E., 18 avril 2008, n° 307705 ; C.E., 24 octobre 2012, n° 354077, LIJ n° 170, décembre 2012, p. 16-17).
   
  Cette décision est également l’occasion de rappeler que les universités sont des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel qui jouissent, aux termes de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière, et que dans le cadre du pouvoir de tutelle que le ministre chargé de l’enseignement supérieur exerce sur elles, notamment par l’intermédiaire du recteur, chancelier des universités, en application des articles L. 719-7 et L. 719-8 du code de l’éducation, il ne dispose pas, sauf texte le prévoyant expressément, du pouvoir hiérarchique d’annuler ou de réformer leurs actes.
   
  Dans le cadre de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, cela implique que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut en aucun cas faire droit au recours administratif d’un candidat, dirigé contre l’avis d’une des instances de l’université (cf. C.E., 9 février 2011, n° 329584, tables du Recueil Lebon, p. 955, LIJ n° 154, avril 2011, p. 16-17, et C.E., 26 octobre 2011, n° 334084, tables du Recueil Lebon, p. 953, 955-956 et 970, LIJ n° 161, janvier 2012, p. 11).
   
  Par ailleurs, au sein des universités, le président et le conseil d’administration détiennent chacun des compétences spécifiques qui leur sont propres et le président d’université ne détient en aucun cas un pouvoir hiérarchique qui lui permettrait de revenir sur les actes du conseil d’administration.
   
  En ce qui concerne le pouvoir d’injonction du juge administratif, il convient de rappeler qu’il peut être exercé, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, selon deux modalités différentes. L’article L. 911-1 du code de justice administrative prévoit qu’il appartient au juge de prescrire à l’administration de prendre une mesure dans un sens déterminé, dès lors qu’il est saisi de conclusions en ce sens et que l’exécution de sa décision l’implique nécessairement. Dans les mêmes conditions, l’article L. 911-2 du code de justice administrative prévoit qu’il appartient au juge de prescrire à l’administration de prendre à nouveau une décision, dans un délai déterminé, après une nouvelle instruction.
   
  Dans le cadre de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, le Conseil d’État a toujours considéré, dans le cadre des litiges dont il a été saisi, que l’annulation du rejet d’une candidature par l’une des instances de l’université impliquait seulement pour cette instance de procéder à un nouvel examen de cette candidature, mais pas de prendre une décision dans un sens déterminé, que l’annulation ait été prononcée sur le fondement d’une erreur de droit (cf. C.E., 13 janvier 2010, n° 319245, C.E., 9 février 2011, précité, et C.E., 14 octobre 2011, n° 341103, tables du Recueil Lebon, p. 955) ou sur le fondement d’une appréciation erronée (C.E., 7 juillet 2004, n° 228025, et C.E., 27 juillet 2005, n° 274619). C’est le cas, a fortiori, lorsque, comme dans la présente affaire, l’annulation est prononcée pour insuffisance de motivation. 
   
 

Responsabilité

  QUESTIONS GÉNÉRALES
  Mise en cause de la responsabilité de l’administration
   Dénonciation de mauvais traitements ou de privations infligées à un mineur de quinze ans – Cellule de recueil des informations préoccupantes – Non-lieu – Faute du chef d’établissement – Responsabilité de l’État
  T.A. Montreuil, 1er octobre 2013, n° 1306058
   
  Une élève scolarisée en classe de C.E.1 présentait des troubles du comportement qui pouvaient apparaître comme consécutifs à un problème de maltraitance. La directrice de l’école, après avoir recueilli l’avis de la psychologue scolaire et de l’infirmière scolaire qui avaient préalablement reçu l’enfant en entretien, avait informé la cellule de recueil des informations préoccupantes.
   
  À la suite de ce signalement, la mère de l’élève avait été convoquée avec son conjoint et ses enfants au commissariat de police où elle avait été placée en garde en vue. L’enquête diligentée par les services de police n’ayant pas permis de caractériser de mauvais traitements commis à l’encontre de l’enfant, le procureur de la République avait classé l’affaire sans suite.
   
  Mme X demandait au tribunal administratif la condamnation de l’État à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la faute qu’aurait commise la directrice de l’école en mettant en œuvre une procédure de signalement auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes.
   
  Le tribunal administratif a rejeté sa requête.
   
  Après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 434-3 du code pénal, le tribunal administratif a jugé « que […] il appartenait à la directrice de l’établissement, qui disposait d’informations présentant un degré suffisant de vraisemblance, de prendre toute mesure de précaution nécessaire pour préserver l’enfant d’un danger en procédant à un signalement auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) ; que dans ces circonstances, alors même qu’un avis de classement établi le 19 février 2013 a été transmis à Mme X par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, pour des faits de mauvais traitements ou violences sur mineurs qui n’ont pu être établis, la directrice de l’école élémentaire […] n’a pas commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’État ; que par suite, les conclusions aux fins d’indemnité doivent être rejetées ».
   
  La requérante, dans ses écritures, soutenait également qu’elle avait eu à se plaindre des conditions de sa mise en garde à vue par les services de police. Le tribunal administratif a rappelé « que les conditions dans lesquelles la requérante […] a été entendue par un officier de police judiciaire et reconduite à son domicile sont sans influence sur la faute alléguée de la directrice de l’école où était scolarisée [l’élève] ; qu’en tout état de cause, les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents de l’État à l’occasion d’une opération de police ressortissent aux tribunaux de l’ordre judiciaire ».
   
  N.B. : La cellule de recueil des informations préoccupantes a été instituée par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Une « information préoccupante » doit être entendue comme un ensemble d’indications, y compris d’ordre médical, susceptibles de laisser craindre qu’un enfant se trouve en danger ou qu’il coure un risque.
   
  La saisine de la CRIP constitue une obligation légale, au sens de l’article 434-3 du code pénal et de la jurisprudence de la Cour de cassation. La chambre criminelle a, en effet, retenu la responsabilité pénale d’un directeur de collège qui avait omis de dénoncer, alors qu’il en avait eu connaissance, des faits d’attentats à la pudeur commis sur une élève âgée de quatorze ans (cf. Cass. crim, 17 novembre 1993, n° 93-80466, Bull. crim., n° 347, p. 873).
   
  Le jugement commenté confirme la nécessité, pour les directeurs d’école, de mettre en œuvre l’obligation de signalement qui s’impose à eux en cas d’indices présentant un degré suffisant de vraisemblance en matière de mauvais traitements. 
   
  Réparation du dommage
   Agent contractuel – Non-renouvellement de contrat et mesure de licenciement – Illégalités fautives (oui) – Réparation (non)
  T.A. Paris, 31 octobre 2013, n° 1216884
   
  Après avoir obtenu, par un premier jugement, l’annulation de la décision de non-renouvellement de son contrat d’engagement, ainsi que, par un second jugement, l’annulation de la mesure de licenciement dont il avait fait l’objet à la suite de sa réintégration, en exécution du premier jugement, le requérant, qui avait été employé dans le service informatique d’un rectorat d’académie, demandait au même tribunal la condamnation de l’État à l’indemniser en réparation des préjudices matériel, moral et financier subis du fait de ces évictions illégales.
   
  Le tribunal a rejeté sa demande au motif « que si le tribunal de céans a annulé, par jugement du 9 janvier 2008, la décision du rectorat de ne pas renouveler le contrat de travail de M. X, il a rejeté les prétentions indemnitaires du requérant au motif que son emploi ayant été supprimé, M. X aurait pu faire l’objet légalement d’une mesure de licenciement pour suppression de poste ; que ce jugement, qui n’a pas été frappé d’appel, est passé en force de chose jugée ; que, par ailleurs, dans le jugement du 15 décembre 2010, le tribunal administratif de Paris s’est fondé sur l’absence de saisine du comité technique paritaire pour considérer que le licenciement de M. X était illégal ; que cette faute, tirée d’un vice de forme, ne pouvait donner lieu à réparation que dans le cas où la décision de licenciement n’aurait pas été justifiée au fond ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction que la décision de mettre fin aux fonctions de M. X était justifiée par l’absence de besoin liée à la suppression de son poste ; que, dans ces conditions, malgré l’illégalité dont elles se trouvent entachées, les décisions d’éviction dont a fait l’objet M. X, qui étaient justifiées sur le fond, ne sont pas de nature à lui ouvrir droit à indemnité ». 
   
 

Construction et marchés

  PASSATION DES MARCHÉS
   Procédure d’appel d’offres – Critères de notation et méthode d’évaluation des critères
  C.E., 25 mars 2013, n° 364951, aux tables du Recueil Lebon
   
  L’office public de l’habitat des Ardennes avait lancé une procédure d’appel d’offres en vue de l’entretien de ses immeubles sous forme de marché à bons de commande. Un des candidats au lot « plomberie-chauffage-V.M.C. » dont l’offre avait été rejetée avait saisi le juge du référé précontractuel en estimant que le pouvoir adjudicateur avait manqué à ses obligations de publicité et de concurrence en ne précisant pas, dans les documents de consultation remis aux entreprises, que « le critère prix serait apprécié, à hauteur de 80 %, en fonction du montant total général porté au bordereau de prix unitaires remis aux candidats et, à hauteur de 20 %, en fonction du rabais consenti par les candidats sur le prix public des matériaux non identifiés dans le bordereau, lequel ferait ainsi l'objet d'une appréciation distincte de celle du montant total porté au bordereau des prix unitaires ».
   
  Par une ordonnance n° 1202125 du 21 décembre 2012, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette procédure de passation d’un marché au motif que le rabais demandé aux candidats sur les matériaux non identifiés dans le bordereau qui leur avait été remis constituait en lui-même un critère de prix et que le pouvoir adjudicateur avait donc mis en œuvre deux critères de prix, l’un pour les fournitures de matériaux et prestations figurant au bordereau de prix unitaires remis aux candidats, l’autre pour les matériaux ne figurant pas dans ce bordereau.
   
  Par décision du 25 mars 2013, le Conseil d’État a annulé cette ordonnance.
   
  Le Conseil d’État a considéré « que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public par un pouvoir adjudicateur […] est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères ; qu’il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats, ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ».
   
  La question de droit portait sur le fait de savoir si la distinction pour l’appréciation du critère du prix entre les matériaux identifiés et répertoriés à l’avance, dont le prix doit faire l’objet d’une offre par les candidats, et ceux qui ne figurent pas sur la liste du bordereau et doivent faire l’objet d’un rabais par rapport au prix public révélait l’existence de deux critères distincts relatifs au prix.
   
  Le Conseil d’État a estimé que cette présentation ne revenait pas à instaurer deux critères relatifs au prix, mais seulement à retenir deux éléments d’appréciation d’un seul critère de prix qui n’avaient pas à être communiqués aux candidats. Il a considéré « qu’en retenant ainsi l'existence d'un second critère de prix, alors que le rabais devant être proposé par les candidats sur les matériaux non prévus au bordereau de prix unitaires constituait, avec l'indication du montant total général porté à ce bordereau, l'un des deux éléments d'appréciation pour la notation d'un seul critère de prix, la pondération de ces deux éléments étant destinée à établir le prix de l'offre et ne manifestant pas l'intention du pouvoir adjudicateur d'accorder à l'un d'entre eux une importance particulière non liée à la part respective des matériaux et fournitures concernés dans l'ensemble des matériaux et fournitures nécessaires à l'exécution des prestations du marché, le juge des référés a commis une erreur de qualification juridique ».
   
  N.B. : Le Conseil d’État distingue dans sa jurisprudence les critères et sous-critères de sélection des offres, qui doivent être obligatoirement portés à la connaissance des candidats par le pouvoir adjudicateur (cf. C.E., 18 juin 2010, Commune de Saint-Pal-de-Mons, n° 337377, Recueil Lebon, p. 211-213), des méthodes de notation qui sont mises en œuvre par l’acheteur public pour évaluer les critères de sélection, lesquelles n’ont pas à être communiquées aux candidats (C.E., 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279, tables du Recueil Lebon, p. 848). 
 
 
  Consultations
  ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
   Legs
  Lettre DAJ B1 n° 2013-292 du 13 novembre 2013
   
  Un directeur d’établissement d’enseignement supérieur a souhaité connaître la procédure à suivre pour l’acceptation d’un legs.
   
  Son établissement avait été institué légataire universel par testament olographe en date du 10 novembre 1980, sous réserve d’un legs particulier et sous diverses conditions quant à son legs.
   
  S’agissant d’un legs grevé d’une condition relative à l’indivisibilité de la propriété pendant trente ans avec la possibilité de vendre le bien, la procédure à suivre pour accepter le legs est définie à l’article L. 1121-2 du code général de la propriété des personnes publiques (C.G.3P.), qui dispose que : « Les établissements publics de l’État acceptent et refusent librement les dons et legs qui leur sont faits sans charges, conditions ni affectation immobilière. Lorsque ces dons ou legs sont grevés de charges, de conditions ou d’affectation immobilière, l’acceptation ou le refus est autorisé par arrêté du ou des ministres de tutelle de l’établissement public. »
   
  Ainsi, s’agissant des legs grevés de charges, de conditions ou d’affectation immobilière, une autorisation ministérielle est nécessaire pour les accepter.
   
  Le conseil d’administration n’est donc pas compétent, dans ce cas, pour accepter le legs.
   
  Les dispositions du décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil ne sont pas applicables au cas d’espèce.
   
  Enfin, en application des dispositions des articles R. 1121-4 et R. 1121-2 du C.G.3P., il appartient au notaire dépositaire du testament d’adresser au préfet du département du lieu d’ouverture de la succession, déterminé par le dernier domicile du défunt, conformément à l’article 720 du code civil, la copie intégrale du testament.  
   
  COMMUNICATION DE DOCUMENTS
   Communication de documents administratifs – Remise de diplômes à un tiers
  Note DAJ A3 n° 13-0285 du 8 novembre 2013
   
  La direction des affaires juridiques a été interrogée sur les modalités de remise de diplômes à des tiers. Il s’agissait, d’une part, de faire un point sur la réglementation en la matière et, d’autre part, de préciser les formalités à respecter.
   
  L’article 6-II de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal réserve le droit à communication de documents administratifs contenant certaines données personnelles aux seules personnes intéressées.
   
  En l’occurrence, il s’agit des documents :
  – « dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;
  portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;
  faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».
   
  Dans son avis n° 20060579 du 2 février 2006, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) range les diplômes obtenus par une personne dans la catégorie des documents couverts par le secret de la vie privée au sens de cet article de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978. Ils ne sont donc communicables qu’aux seuls intéressés.
   
  Toutefois, la remise à des tiers de documents se rapportant à d’autres personnes et répondant aux critères posés par l’article 6-II précité est possible, à condition de produire un mandat exprès de la personne intéressée.
   
  Ainsi, en matière de documents relatifs à la scolarité des élèves majeurs, dans un avis du 19 avril 2007 (Président de l'université de Pau et des pays de l'Adour, n° 20071643) : « La commission rappelle qu’aux termes du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée, parmi lesquels figure un certificat de scolarité ou toute autre attestation se rapportant à la scolarité d’une personne, ne sont communicables qu’aux intéressés, […], sauf [si les tiers] peuvent produire un mandat. »
   
  La solution dégagée par la CADA dans cet avis peut être étendue à la situation dans laquelle un tiers expressément mandaté à cette fin par le titulaire du diplôme vient retirer le diplôme en lieu et place du titulaire et en son nom.
   
  Il apparaît donc que la remise d’un diplôme à un mandataire désigné, porteur d’une procuration, peut être envisagée sous réserve de respecter un certain formalisme afin d’encadrer la procédure de délivrance du document (élaboration d’un formulaire-type de procuration par l’autorité administrative, présentation d’une pièce d’identité pour le mandataire, d’une photocopie de la pièce d’identité du diplômé).
   
  S’agissant des documents relatifs à la scolarité des élèves mineurs, une décision du Conseil d’État désigne le représentant légal de l’enfant comme seule personne autorisée « sur le fondement de l’article 6 bis de la loi du 17 juillet 1978, [à] recevoir communication des documents nominatifs concernant le mineur en cause » (cf. C.E., 31 juillet 1996, n° 163602). À ce titre, la production d’un justificatif d’identité de la part du représentant légal est suffisante.  
   
   Duplicata de diplôme
  Consultation DAJ B1 n° 2013-304 du 2 décembre 2013
   
  Les services d’un rectorat ont demandé à la direction des affaires juridiques de leur préciser les cas dans lesquels un duplicata de diplôme peut être délivré, un établissement d’enseignement supérieur ayant envisagé d’adopter un tarif applicable aux personnes demandant un duplicata.
   
  Deux textes régissent en effet ce cas de figure. Il s’agit des circulaires n° 2006-202 du 8 décembre 2006, relative aux modalités d’élaboration et de délivrance des diplômes dans les cadre du dispositif L.M.D., et n° 2012- 0015 du 22 août 2012, spécifique de la réédition des diplômes en cas de modification de l’état civil.
   
  La première énonce que : « Toute personne peut demander que soit établi un duplicata de son diplôme si le document original a été détruit, perdu ou volé. » Elle précise également que : « Seuls le ou les établissements qui ont délivré le diplôme original sont habilités à remettre un duplicata qui est établi sur l’imprimé officiel dans les mêmes formes que l’original et affecté d’un nouveau numéro. »
   
  Par ailleurs, la circulaire du 22 août 2012 précise les modalités de réédition d’un diplôme en cas de changement d’état civil. Elle énonce qu’en vertu de l’article 100 du code civil, qui dispose que : « Toute rectification judiciaire ou administrative d’un acte ou jugement relatif à l’état civil est opposable à tous », toute personne qui a bénéficié d’un tel changement d’état civil « peut demander la délivrance d’un diplôme conforme à son nouvel état civil ». La circulaire indique en effet que la délivrance d’un diplôme est attachée à la personne et non à son état civil.
   
  Les règles de délivrance d’un duplicata de diplôme sont les mêmes pour tous ces cas de figure. Les deux circulaires soulignent que la mention « Duplicata » apparaît sur le diplôme réédité.
   
  En revanche, il n’est pas prévu d’autres cas de délivrance de duplicata de diplôme, y compris moyennant le versement d’une somme d’argent.
   
  La délibération du conseil d’administration de l’établissement de l’académie concernée, fixant un tarif pour l’obtention d’un duplicata en dehors des cas prévus ci-dessus, apparaît comme entachée d’irrégularité et doit donc être retirée.  
 
   
 
  Le point sur
   
   L'instruction d'un cas supposé de harcèlement sexuel
   
  Lorsque survient un cas supposé de harcèlement sexuel au sein d’un service, il incombe à l’administration de mettre en œuvre les moyens appropriés permettant, d’une part, de mettre fin à cette situation et, d’autre part, de prouver que l’administration a agi avec diligence pour protéger l’agent harcelé et faire cesser le harcèlement.
   
  La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a complété le code pénal par un article 222-33 qui rétablit le délit de harcèlement sexuel et en donne une nouvelle définition. Le harcèlement sexuel est défini par cet article comme suit :
   
  « I. Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante hostile ou offensante.
   
  II. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
   
  III. Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
   
  Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis :
  1° par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
  2° sur un mineur de quinze ans ;
  3° sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
  4° sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
  5° par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. »
   
  Les articles I et II de l’article 222-33 du code pénal donnent une double définition du harcèlement sexuel, selon qu’il s’agit de faits répétés ou d’un acte unique qui est assimilé au harcèlement sexuel. Par ailleurs, la circulaire du 7 août 2012 du Garde des Sceaux, ministre de la justice, présente aux juridictions de l’ordre judiciaire les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi du 6 août 2012 relatives, notamment, à la définition du harcèlement sexuel.
   
  En ce qui concerne le harcèlement sexuel exigeant des actes répétés, il suppose tout d’abord des comportements de toute nature (propos, gestes, envois ou remises de courriers ou d’objets, attitudes) qui ont une connotation sexuelle et qui sont imposés à la victime de manière répétée.
   
  Le non-consentement de la victime, qui est un des éléments constitutifs du délit, suppose des actes imposés par leur auteur et non désirés par la victime : il peut résulter du contexte dans lequel les faits ont été commis.
   
  Quant à la condition de répétition des actes, elle exige simplement que les faits aient été commis au moins à deux reprises, sans qu’un délai minimum sépare les actes commis.
   
  Enfin, ces comportements ne doivent pas nécessairement avoir un caractère explicitement et directement sexuel.
   
  Pour être punissables, les comportements doivent soit porter atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créer à l’encontre de la victime une situation intimidante, hostile ou offensante.
   
  Dans la première hypothèse, les propos ou comportements sont ouvertement sexistes, grivois ou obscènes.
   
  Dans la seconde hypothèse, même si le comportement ne porte pas atteinte à la dignité, il a pour conséquence de rendre insupportables les conditions de vie et de travail de la victime.
   
  S’agissant du harcèlement sexuel résultant de la commission d’un acte unique, il suppose l’exercice d’une pression grave sur la victime, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle en contrepartie d’un avantage recherché par cette dernière, comme l’obtention d’un emploi ou d’une augmentation.
   
  Cette nouvelle définition a été reprise dans l’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires.
   
  Cet article précise que : « Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire : 1° parce qu'il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel […] ; 2° parce qu'il a formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ; 3° ou bien parce qu'il a témoigné de tels faits ou qu’il les a relatés […]. »
   
  Enfin, l’article 6 ter précise que : « Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel […]. »
   
  Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l’article 11 de la même loi du 13 juillet 1983, aux termes duquel : « […] La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté […]. »
   
  Il en résulte que lorsqu’un agent estime qu’il fait l’objet d’un harcèlement sexuel, il lui appartient tout d’abord d’informer son supérieur hiérarchique et de lui présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, étayés par des éléments précis et des témoignages circonstanciés.
   
  La victime doit consigner par écrit le compte rendu précis et détaillé des faits constitutifs, à ses yeux, du harcèlement. Elle peut également fournir à l’administration les courriels sur lesquels elle fonde son accusation et demander, le cas échéant, un relevé de ses communications téléphoniques, qui peuvent suffire à constituer des éléments de preuve.
   
  À défaut de l’existence de ces éléments matériels constituant des débuts de preuve, la victime peut faire état de témoignages de collègues ayant pu entendre des propos ou relever un comportement pouvant laisser penser qu’existe un harcèlement sexuel à son égard, ou solliciter de ses collègues des attestations si besoin est. En revanche, il n’est pas nécessaire de recourir à une surveillance du téléphone ou de l’ordinateur du coupable présumé, les conversations téléphoniques et courriels pouvant être surveillés au point d’arrivée de leur destinataire.
   
  Il appartient à l’administration, dès lors que les plaintes présentent un caractère de vraisemblance et sont étayées par des éléments suffisamment précis et circonstanciés, de mettre en œuvre toute mesure de nature à établir la réalité du harcèlement et de le faire cesser, sous peine d’engager sa responsabilité (cf. T.A. Grenoble, 19 novembre 2011, n° 0704171, à propos d’agissements constitutifs de harcèlement moral).
   
  Il peut ainsi être opportun de diligenter une enquête administrative permettant de rassembler, le cas échéant, des éléments objectifs constitutifs de preuve et, dans tous les cas, il convient d’organiser un temps de dialogue et d’échange avec les personnes concernées.
   
  Sur le plan disciplinaire et indépendamment des suites qui auront ou non été données sur le plan pénal, une procédure disciplinaire devra être engagée à l’encontre de l’agent auteur d’actes de harcèlement sexuel, dans le respect du principe du contradictoire (cf. C.A.A. Paris, 10 novembre 2011, n° 10PA05005 ; C.A.A. Nantes, 11 juillet 2013, n° 11NT03230 ; C.E., 20 avril 2005, Société Senior et compagnie, n° 254066, tables du Recueil Lebon, p. 706 et 1123 ; C.E., 12 octobre 2006, n° 286728).
   
  En tout état de cause, dans l’hypothèse où il est décidé d’engager des poursuites disciplinaires, il n’est pas nécessaire au regard de l’article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État d’attendre la décision du juge pénal. C’est cependant préférable lorsqu’il existe un doute sur la réalité des faits et sur la culpabilité de leur auteur. Il convient à cet égard de rappeler que la matérialité des faits constatée par le juge pénal s’impose à l’administration, qui devra par conséquent réexaminer la situation de l’intéressé en cas d’inexistence matérielle des faits.
   
  Enfin, si les faits sont susceptibles de constituer le délit de harcèlement sexuel, l’administration doit transmettre au procureur de la République tous les éléments en sa possession relatifs au harcèlement sexuel présumé, sachant que, même en cas de non-lieu, l’administration n’engage pas sa responsabilité (cf. C.A.A. Douai, 21 octobre 2010, n° 09DA00278).
   
  En effet, l’article 40 du code de procédure pénale fait obligation à toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et autres documents qui y sont relatifs.
   
  Dans ce dernier cas, la protection fonctionnelle accordée au titre de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et à la demande de l’agent victime (cf. C.A.A. Nancy, 25 janvier 2007, n° 05NC00043) peut conduire à prendre en charge les honoraires de l’avocat chargé de la défense de cet agent et les honoraires d’un psychothérapeute, si nécessaire.  
   
  Claudette Berland       
   
   
 
  Actualités
   
  Textes officiels
  Code du travail
   Protection des jeunes travailleurs – Réforme de la réglementation – Procédure de dérogation aux travaux réglementés pour les besoins de la formation professionnelle – Obligation de transmission d’informations individuelles
  Décret n° 2013-914 du 11 octobre 2013 relatif à la procédure de dérogation prévue à l'article L. 4153-9 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans
  Décret n° 2013-915 du 11 octobre 2013 relatif aux travaux interdits et réglementés pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans
  J.O.R.F. du 13 octobre 2013
  Circulaire interministérielle n° 11 du 23 octobre 2013 relative à la mise en œuvre des dérogations aux travaux réglementés pour les jeunes âgés de quinze ans au moins et de moins de dix-huit ans
  NOR : ETST1330265C – http://circulaire.legifrance.gouv.fr
 
  La réglementation relative à la protection des jeunes travailleurs a été réformée par les décrets n°s 2013-914 et 2013-915 du 11 octobre 2013, qui ont modifié les dispositions du chapitre III du titre V du livre premier de la quatrième partie du code du travail. Cette réforme s’inscrit dans le cadre de la transposition de la directive n° 94/33/C.E. relative à la protection des jeunes au travail, adoptée le 22 juin 1994. La circulaire interministérielle du 23 octobre 2013 précise les modalités de mise en œuvre de cette réforme.
   
  Afin de garantir la santé et la sécurité des jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans, il est interdit de les affecter à certaines catégories de travaux particulièrement dangereux, en application de l’article L. 4153-8 du code du travail. Néanmoins, des dérogations à cette interdiction sont prévues, sous certaines conditions, pour les besoins de la formation professionnelle des jeunes âgés d’au moins quinze ans, en application de l’article L. 4153-9 du code du travail.
   
  Le décret n° 2013-915 du 11 octobre 2013 relatif aux travaux interdits et réglementés pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans a modifié la liste des travaux interdits aux jeunes travailleurs (art. D. 4153-15 à D. 4153-37 du code du travail), afin de l’actualiser au regard des installations, des équipements de travail et des produits dangereux. L’annexe n° 1 de la circulaire interministérielle du 23 octobre 2013 présente cette liste de façon détaillée, en quatorze fiches, en classant les travaux interdits et réglementés par catégories cohérentes d’exposition à différents risques professionnels (travaux au contact d’animaux, travaux en milieu confiné…).
   
  Le décret n° 2013-914 du 11 octobre 2013 relatif à la procédure de dérogation prévue à l’article L. 4153-9 pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans a, d’une part, élargi le champ d’application de la procédure de dérogation aux travaux réglementés pour les besoins de la formation professionnelle aux jeunes en contrats de professionnalisation, aux jeunes accueillis dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi qu’aux jeunes accueillis dans les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse (art. R. 4153-39).
   
  D’autre part, le décret n° 2013-914 a simplifié la procédure de dérogation, tant pour les demandeurs que pour les services d’inspection du travail, en passant d’une logique individuelle au regard d’un élève donné à une logique collective, par lieu de formation, et pluriannuelle (art. R. 4153-40). Auparavant, une dérogation devait être demandée chaque année à l’inspection du travail, par le chef d’établissement ou l’employeur privé, pour chaque jeune en formation professionnelle. Désormais, la demande de dérogation concerne le lieu de formation et non plus chaque jeune. Elle doit être demandée, par le chef d’établissement et l’employeur concernés, pour leurs lieux de formation respectifs, auprès de l’inspection du travail, qui la délivre pour une durée de trois ans et non plus d’une seule année.
   
  Les informations qui doivent être fournies à l’appui de la demande de dérogation sont globalement celles qui étaient jusqu’à présent demandées pour chaque jeune : le secteur d’activité de l’entreprise, les travaux pour lesquels l’autorisation de déroger est sollicitée, les lieux de formation, les équipements de travail et les personnes compétentes pour encadrer le jeune au cours de sa formation professionnelle (art. R. 4153-41). Comme précédemment, l’inspecteur du travail territorialement compétent a deux mois pour se prononcer sur la demande de dérogation. À l’issue de ce délai de deux mois, le silence gardé par l’inspecteur du travail vaut autorisation.
   
  Enfin, avant d’affecter physiquement un jeune à des travaux réglementés, l’employeur ou le chef d’établissement doit transmettre des informations individuelles propres à ce jeune à l’inspecteur du travail. Un avis médical préalable est requis. Cette obligation de transmission d’informations individuelles vient compléter la procédure d’autorisation de dérogation accordée pour ce qui est du lieu de formation, décrite ci-dessus.
   
   
   
 

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  • Ont participé à ce numéro : Claire Balaresque, Cédric Benoit, Claudette Berland, Émilie Blancher, Lionel Blaudeau, Karima Bougrine, Frédéric Bruand, Philippe Dhennin, Céline Duwoye, Vanessa Fleury, Stéphanie Frain, Marie-Astrid Gauthier, Florence Gayet, Fabrice Gibelin, Julien Hée, Valérie Labsy, Francine Leroyer-Gravet, Marianne Parent, Virginie Riedinger, Virginie Simon, Julie Tison, Guillaume Thobaty, Véronique Varoqueaux

  • N° ISSN : 1265-6739
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