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Bulletin Officiel 
de l'Education Nationale
 
 

N°31 du 30 juillet 

1998
www.education.gouv.fr/bo/1998/31/ensel.htm - vaguemestre@education.gouv.fr
 

ENSEIGNEMENTS
ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE

ÉDUCATION ARTISTIQUE
L'éducation artistique et culturelle de la maternelle à l'université
NOR : MENE9801826C
RLR : 501-6 ; 430-0
CIRCULAIRE N°98-153 DU 22-7-1998
MEN - DESCO A9
MCC


Texte adressé aux présidents d'université ; aux recteurs d'académie ; aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale ; aux directeurs régionaux des affaires culturelles


o Le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et le ministère de la culture et de la communication affirment ensemble l'enjeu majeur que constitue une véritable éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge, continue et cohérente tout au long de la scolarité et redisent ici leur volonté commune d'oeuvrer concrètement pour la démocratisation culturelle qu'ils considèrent comme l'une des missions fondamentales du service public d'éducation.

La collaboration instaurée par le protocole d'accord interministériel de 1983 a largement porté ses fruits : lancement d'ateliers de pratique artistique et de classes culturelles, introduction d'enseignements de théâtre, de cinéma et d'histoire des arts, jumelages entre établissements scolaires et culturels, création de centres de formation de musiciens intervenants. La loi de 1988, puis le deuxième protocole d'accord de 1993 ont confirmé cette volonté commune de faciliter le contact des élèves avec la création, de les sensibiliser au spectacle vivant et au patrimoine, de les familiariser avec les lieux culturels, de développer les pratiques amateurs.

Un certain nombre d'enseignants, en liaison avec des artistes, des créateurs et des professionnels de la culture inventent, chaque année, avec leurs élèves, d'autres manières d'accéder aux savoirs et à l'art.

Que ces pionniers soient ici pleinement remerciés pour leurs initiatives qui démontrent l'efficacité du partenariat entre enseignants et artistes ou professionnels de la culture. Il faut maintenant aller plus loin en multipliant et en diversifiant les collaborations entre les établissements placés respectivement sous la tutelle des deux ministères.

Les deux ministères souhaitent développer la dimension culturelle et artistique dans le parcours des jeunes de la maternelle à l'université, dans un souci de cohérence et de continuité. Une attention particulière sera portée aux actions en réseau, en zones d'éducation prioritaire et en lycée professionnel. Les deux ministères souhaitent également élargir et approfondir leur collaboration avec les collectivités territoriales particulièrement impliquées dans des politiques de développement de l'éducation artistique. Ils réaffirment leur volonté de former réellement au partenariat les enseignants, les chefs d'établissements et les professionnels de la culture associés aux projets d'éducation artistique.

Il ne s'agit pas ici d'ajouter de nouvelles procédures mais de définir quelques axes prioritaires de partenariat.

Les recteurs et les DRAC auront à coeur de développer les actions existantes et de décliner ces quelques axes selon la spécificité de chaque académie et région.

Les responsables de l'action culturelle des inspections académiques et des rectorats, les inspecteurs pédagogiques régionaux, les inspecteurs de l'éducation nationale et les conseilleurs pédagogiques, les présidents d'établissements d'enseignement supérieur, les conseillers des directions régionales des affaires culturelles assumeront tout particulièrement la responsabilité de cette relance de partenariat.

Développer la dimension culturelle de la maternelle à l'université

1 - Des politiques culturelles d'établissement

L'éducation artistique et culturelle varie beaucoup en temps et en qualité, d'une classe, d'une école, d'un établissement à l'autre. Il faut inciter à l'élaboration d'une véritable politique artistique et culturelle dans les projets d'école et d'établissement, et, notamment, demander à chaque école et établissement d'enseignement scolaire ou supérieur d'organiser, avec et pour les jeunes, au moins une fois par an, un temps fort de rencontre avec la création artistique et le patrimoine, en liaison avec les équipes et établissements culturels de leur environnement proche (compagnie dramatique ou chorégraphique, centre d'art contemporain, musée, orchestre ou ensemble instrumental, cinéma, bibliothèque,...).

Symétriquement, les équipements culturels inscriront dans leur projet scientifique et culturel ou dans leur charte de mission de service public les actions qu'ils veulent développer en direction des jeunes d'âge scolaire et universitaire.

2 - La création d'espaces pour l'art et la culture dans les établissements scolaires et d'enseignement supérieur et d'espaces d'accueil des jeunes dans les équipements culturels

Dans les établissements scolaires et universitaires, les locaux adaptés aux enseignements et activités artistiques sont trop souvent absents. La pratique de la musique, des arts plastiques, du cinéma, du théâtre ou de la danse implique des espaces spécifiques dans la construction et l'aménagement desquels les collectivités territoriales s'impliquent fortement.

Il faut aller plus loin. Des expériences ont déjà été tentées avec succès de galeries d'art contemporain dans des lycées, de salles de spectacles ouvertes au grand public, ou d'espaces de rencontre avec l'œuvre d'art.

On réfléchira à des dispositifs permettant, au minimum, l'aménagement d'un espace polyvalent, au mieux, la mise en oeuvre d'un espace spécifique, complexe architectural autorisant plusieurs pratiques artistiques, espace modulable, servant à l'établissement d'accueil mais également ouvert au public à certaines heures et sous certaines conditions.

On pensera à aménager des lieux de répétition pour la musique ou le théâtre dans les maisons des lycéens, des étudiants, lieux de vie ou foyers. Parallèlement, on veillera à créer ou réaménager des lieux d'accueil pour les jeunes dans les structures culturelles (centres d'art contemporain, musées, théâtres...).

3 - Dans les établissements scolaires et dans les équipements culturels

Seront encouragées toutes les initiatives des collectivités territoriales et des équipes pédagogiques d'établissements qui permettront aux élèves volontaires de pratiquer collectivement les arts plastiques, la musique, le théâtre, la danse, le cinéma...(horaires adaptés, locaux de répétition insonorisés, prêt de matériel, accueil de professionnels intervenant à la demande) et de fréquenter les équipements culturels.

Sera également favorisé l'accueil d'artistes en résidence, désireux de conduire leur travail de création jusqu'aux phases techniques de réalisation, pour une année scolaire au moins, le temps que se nouent de réelles relations de dialogue et d'échange avec les élèves et les enseignants.

Les services culturels des établissements patrimoniaux, archives, monuments historiques, musées qui collaborent avec les enseignants, développeront leur action de sensibilisation au patrimoine en favorisant l'approche par les jeunes du document, de l'oeuvre, du monument, du site.

Les initiatives des conseils régionaux pour encourager les établissements à accueillir les élèves hors temps scolaire pour pratiquer des activités artistiques seront soutenues.

4 - Dans l'enseignement supérieur

La loi du 26 janvier 1984 a donné aux établissements d'enseignement supérieur des missions en matière de diffusion de la culture, qu'il s'agisse de favoriser l'innovation, la création individuelle et collective dans les domaines des arts, des lettres, des sciences et des technologies, ou de contribuer à la rencontre des différentes cultures.

Bon nombre d'universités et d'établissements d'enseignement supérieur se sont déjà dotés de services culturels. Ces pratiques artistiques et culturelles sont cependant trop rarement liées aux enseignements eux-mêmes.

Des moyens seront attribués, dans le cadre des contrats d'établissement, aux établissements qui définiront des politiques culturelles déterminées, impliquant l'ensemble de la communauté universitaire, en coopération avec les villes et les structures artistiques et culturelles locales , faisant des étudiants les acteurs réels de ces initiatives.

Les universités et les grandes écoles seront encouragées à prendre en compte des modules ou des options artistiques dans l'évaluation des étudiants de toutes disciplines.

Il pourra s'agir de soutenir des projets étudiants, des pratiques artistiques, intégrées aux formations, d'inciter les étudiants à fréquenter les équipements culturels de la commune ou les lieux culturels intégrés sur les campus (cartes tarifaires, etc.), d'aider l'université à s'impliquer dans des projets de création, ou de valoriser sa participation critique à des débats de société.

Des projets nouveaux

1 - L'éducation à l'image

Les jeunes qui sont de grands consommateurs d'images doivent recevoir une éducation à la lecture et l'analyse de celles-ci.

Cette éducation doit s'appuyer sur les formes connues des élèves et leur permettre d'adopter une démarche de choix et de réflexion esthétique.

Les deux ministères décident d'encourager :

- l'introduction, de l'école élémentaire à la sixième, d'une éducation progressive à la pratique et à l'analyse des principales formes d'images ;

- la poursuite de cette initiation dans le secondaire, en lien avec les enseignements (lettres, arts plastiques, histoire-géographie, langues...), sous la forme de parcours diversifiés.

2 - La musique à l'école élementaire

Les deux ministères souhaitent renforcer leur collaboration pour favoriser l'accès de tous les enfants à une pratique régulière et un enseignement musical de base et de qualité.

Les deux ministères décident de mettre en oeuvre un partenariat privilégié avec les collectivités territoriales, qui ont l'initiative et la responsabilité des établissements spécialisés de la musique, aux fins de constituer une véritable complémentarité entre écoles élémentaires et écoles de musique, dans le souci de démocratiser la formation musicale.

Ils envisagent, dès à présent, des complémentarités possibles entre les différentes compétences des instituteurs, professeurs des écoles, conseillers pédagogiques en éducation musicale, enseignants spécialisés des écoles de musique et conservatoires, et titulaires du DUMI (diplôme universitaire des musiciens intervenants).

Ils rappellent leur attachement au développement des chorales et des pratiques vocales. C'est pourquoi, ils organiseront conjointement des rencontres chorales au niveau académique et national.

3 - Les bibliothèques-médiathèques

Poursuivant l'objectif commun d'encourager chez les jeunes tout au long de leur scolarité une culture du livre, et par le livre, les deux ministères décident d'encourager la mise en réseau de l'ensemble des ressources de documentaires à travers un développement des BCD (bibliothèques centres documentaires), des CDI (centres de documentation et d'information) et BU (bibliothèques universitaires) en liaison étroite avec les bibliothèques médiathèques municipales et départementales.

Les emplois jeunes affectés à ces dispositifs seront préparés au métier d'animateur lecture par des formations organisées avec l'appui des IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres).

4 - La sensibilisation à l'espace construit

Les deux ministères souhaitent que soient abordées les notions liées à l'aménagement de l'espace et à la ville dans un souci de préparer le futur citoyen à ses responsabilités sur son cadre de vie.

L'architecture et le patrimoine, comme composantes de l'éducation artistique mais aussi comme apprentissage de la citoyenneté, prendront place progressivement tant dans le cursus scolaire que dans les activités culturelles.

5 - Le théâtre-scolaire

Les deux ministères souhaitent développer la pratique du théâtre amateur des jeunes. Ils mettront en place des rencontres académiques et nationales de théâtre-scolaire.

La formation, clé d'un développement cohérent et de qualité

Tout projet durable et de qualité suppose des acteurs compétents et motivés. Le partenariat implique l'affirmation d'une identité professionnelle claire de part et d'autre. La réussite de cette politique repose sur la formation initiale et continue des enseignants et des professionnels de l'art et de la culture, sur des formations conjointes d'enseignants et de professionnels de l'art et de la culture et sur l'information des personnels d'encadrement et de direction.

Il s'agit en particulier :

a - dans les IUFM

- de renforcer la dimension culturelle et artistique dans la formation des enseignants, quelle que soit la discipline, pour les inciter à utiliser les ressources de leur environnement et envisager des collaborations avec des professionnels de l'art et de la culture, dans un réel souci d'ouverture pédagogique, par exemple en introduisant des modules sur les projets culturels en partenariat dans le domaine du théâtre ou de la danse, ou des formations sur les auteurs contemporains de littérature de jeunesse, en liaison avec les professionnels concernés ;

- de développer les ateliers de pratique facultatifs, dans les divers domaines artistiques et culturels (théâtre, danse, audiovisuel, cinéma, musique, architecture...), pour les enseignants en formation initiale et en formation continue ;

- d'offrir des stages en entreprise culturelle (bibliothèque, théâtre, musée, centre d'art contemporain, cinéma...), pour les personnels en formation initiale ;

- d'organiser chaque année une manifestation (festival, rencontre, débat...) qui affirme leur rôle de pôles culturels, en liaison avec les équipes artistiques et culturelles de proximité.

b - dans les académies/régions

- d'assurer la formation continue des équipes responsables d'options obligatoires, facultatives ou d'ateliers de pratique artistique ;

- de développer les formations continues dans l'établissement ou la ZEP. en lien direct avec les actions mises en place ;

- d'inciter et d'aider les chefs d'établissement à bâtir le volet culturel des projets d'établissement et de conclure des conventions de partenariat ;

- de mettre en place des dispositifs d'évaluation de l'impact de ces enseignements et activités sur la réussite des élèves (réussite scolaire et réinvestissement dans les autres disciplines, épanouissement individuel et autonomie, insertion au sein de l'établissement et prise de responsabilités).

Dans les lieux de formation des professionnels culturels (dans les conservatoires d'art dramatique ou de musique, dans les écoles d'art, dans des écoles d'architecture et à l'école du patrimoine), des modules de formation, visant à sensibiliser les futurs artistes, professionnels ou enseignants à développer des activités en direction de publics scolaires et universitaires, seront intégrés et inscrits dans les cursus. Les universités pourront apporter leur concours à cette formation.

c - dans les CFMI

- de développer une collaboration avec les IUFM aux fins de constituer un parcours de formation et de qualification complémentaires ;

- de concourir, au sein de l'université, au développement de politiques culturelles notamment dans le domaine musical ;

- de favoriser leur développement en centre de ressources et de propositions, notamment à l'égard des collectivités territoriales, en matière de projets associant l'enseignement musical et le milieu scolaire.

Organiser le dialogue entre les partenaires

On a pu mesurer l'efficacité de projets qui dépassent le cadre d'un établissement scolaire ou universitaire et permettent de concevoir une politique à l'échelon d'un quartier, d'une commune ou de tout un bassin de vie et de formation. Il faut inciter davantage les établissements scolaires à travailler en réseau et à contractualiser sur objectifs avec les collectivités territoriales et les structures culturelles, pour organiser durablement la rencontre des élèves et des enseignants avec les arts et la culture.

Les DRAC travaillent actuellement, en liaison avec les collectivités territoriales, à la présentation d'une offre culturelle structurée qui rende plus lisible les ressources artistiques et culturelles, les rapproche de ceux à qui elles sont destinées, de manière à faciliter l'élaboration de projets, à mutualiser les compétences et les moyens.

Il importe, dans un mouvement parallèle, d'aider à ce que s'élaborent dans les établissements scolaires, parfois à l'échelle d'un quartier, d'une ZEP, ou d'un bassin de formation, des demandes de qualité. Les deux ministères souhaitent instaurer un dialogue permanent dans le cadre de leur projet.

Les rectorats et les DRAC élaboreront un document recensant l'ensemble des ressources artistiques et culturelles de la région qui apportera toute information utile aux enseignants désireux de développer des actions dans le domaine culturel.

Dans les établissements scolaires, les équipes pédagogiques décideront, sur la base du volontariat, d'une personne ressource ou relais qui soit l'interlocuteur à la fois des enseignants et des partenaires et aide à monter des projets de qualité. Dans le premier degré, les équipes de circonscription travailleront avec les conseillers pédagogiques spécialisés à mettre en place des relais dans chaque école.

Mise en œuvre

Un groupe de pilotage interministériel pour l'éducation artistique et culturelle composé de représentants des deux ministères animera ce projet.

Des conférences annuellespour l'éducation artistique et culturelle se tiendront dans chaque région.

Le recteur et le DRAC réuniront chaque année une conférence régionale, pour, ensemble :

- dresser un état des lieux des ressources et dispositifs de l'académie ;

- arrêter des priorités en matière de public et d'aménagement du territoire, et coordonner les actions en partenariat ;

- susciter et développer des partenariats avec les collectivités territoriales ;

- mettre en place les formations nécessaires ;

- évaluer les actions mises en place.

Le recteur et la DRAC préciseront dans une convention les orientations communes ainsi définies et la transmettront pour information aux ministres, ainsi qu'à l'ensemble des établissements scolaires et d'enseignement supérieur et des institutions et équipements artistiques et culturels de leur région.

Ils sont conjointement chargés de prendre les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des orientations définies ci-dessus.

Le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie
Claude ALLÈGRE

La ministre de la culture
et de la communication
Catherine TRAUTMAN

La ministre déléguée chargée
de l'enseignement scolaire
Ségolène ROYAL